202chastanier - Académie du Gaullisme

 Président-fondateur
Jacques Dauer

Académie du Gaullisme
La Lettre du 18 JUIN Vingt-cinquième année – n° 202 – janvier 2018
"Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde."
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202chastanier

par Pierre CHASTANIER
2017 : L’ANNÉE MACRON !

En ce début d’année, je termine cette mes interrogations concernant l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron et la manière dont les Français ont finalement accepté ce « hold-up » magnifiquement réussi d’un candidat qui n’avait pas quarante ans lors de son élection et dont plusieurs d’entre vous ont parfois estimé que je lui reprochais trop son jeune âge.
C’est vrai que me souvenant de l’état d’esprit que j’avais à quarante ans, après un parcours différent (ingénieur + médecin) mais de difficulté comparable au sien (sciences Po + ENA) et surtout en pensant à toutes les erreurs que j’avais pu commettre par manque d’expérience à cet âge et à tout ce que j’ai pu apprendre depuis, je reste convaincu que même s’il réagit vite et si la fonction lui permet d’être entouré de nombreux conseillers, les dérapages sont possibles et potentiellement dangereux.
C’est vrai qu’il vaut mieux un président jeune et intelligent qu’un vieil imbécile mais on a vu par exemple chez Valéry Giscard d’Estaing, tout aussi brillant (X + ENA) ou chez Jacques Chirac (sciences Po + ENA)  les erreurs que la jeunesse faisait commettre lorsque ils furent confrontés, Giscard en 81, Chirac en 88, à un vieux renard, François Mitterrand, autrement plus rusé qu’eux.
Qui sait si un autre jeune loup, Laurent Wauquiez (ENM + ENA) ne tombera pas en 2022 dans le même panneau contre un Emmanuel Macron dont le cuir se sera vite tanné ! J’ai souvent comparé la vie au devenir d’une bille d’acier qu’on lance en haut d’un panneau de bois planté de clous qui, au hasard des chocs, peut ressortir en bas à des points totalement inattendus.
Un jour, en 2002, Emmanuel Macron qui a tout juste vingt-cinq ans rencontre au cours de son stage ENA en préfecture de l’Oise, Henry Hermand, polytechnicien qui a fait fortune dans l’immobilier commercial, âgé alors de quatre-vingts ans. Des liens communs avec Paul Ricœur les rapprochent et très vite Hermand devient son « mentor » et l’aide financièrement pour qu’il s’installe à Paris.
Après s’être enflammé dans sa jeunesse pour Pierre Mendès France, Hermand, pygmalion à la bourse bien remplie, avait déjà aidé financièrement et conseillé Michel Rocard puis participé à la fondation du « think tank » socialiste Terra Nova.
En 2015, déçu par François Hollande, il mettra ses réseaux et sa fortune au service de l'ex-ministre de l’Économie dont il ne tarit pas d’éloges même s’il n’hésite jamais à le recadrer « Il perd parfois son temps, c'est un peu ridicule ».
Il prête ses locaux parisiens à « En Marche ! », le conseille sur ses grandes orientations, incite toutes ses relations d'affaires à l’aider en s’inspirant de la campagne d'Obama.
Sa mort rapide libèrera finalement le jeune président d’un conseiller exigeant à qui il devait tout.
Grâce à lui toutefois s’agglutineront rapidement d’autres soutiens qui n’aiment pas la lumière, Jacques Attali,  qui l’a repéré quand il sortait de l'ENA, tout en estimant qu’il « incarnait le vide », mais qui lui ouvrira tout de même son vaste carnet d’adresses, Pierre Bergé, mitterrandien de la première heure, Xavier Niel, dont on admire le succès industriel en oubliant son passé moins glorieux, Alain Minc qui voit en lui « le seul candidat authentiquement européen », Jean Pisani-Ferry, Gérard Collomb et bien d’autres qui au cours des Primaires viendront au secours de la victoire.
Une destinée est faite de la rencontre d’un caractère et de circonstances, ai-je déjà écrit il y a quelques mois. Le caractère il a démontré qu’il l’avait, les circonstances elles n’avaient ni la gloire de celles de De Gaulle, ni la longue patience de celles de Mitterrand mais même réduites à la rencontre d’un mécène elles ont été au rendez-vous !
Depuis sept mois, le nouveau président est en place. Je soulignais hier qu’il apprenait vite de ses erreurs et qu’il n’avait guère d’opposition.
Assuré d’une majorité parlementaire qui lui doit tout comme lui doivent tout, les membres du Gouvernement, il peut diriger sans contrainte avec sa petite équipe élyséenne, rare dans sa communication, parfois cru dans ses propos, incarnant une nouvelle génération politique au détriment des deux anciens grands partis qui ont véritablement « dégagé ».  
En fait après cinquante années d’alternance DroiteGauche, le système politique français a littéralement explosé.
Ni droite-ni gauche, Emmanuel Macron, pourtant héritier de la gauche mais président des riches, avatar d’une social-démocratie devenue sociallibéralisme, a su habilement surfer sur ce désamour des Français pour leur classe politique, « profession la plus honnie avec celle de journaliste » pour incarner un populisme libéral jupitérien alliant la sacralisation de la monarchie républicaine, l’engagement européen, la démarche managériale du banquier s’attaquant avec vigueur à la réforme de la France que ni l’agitation sarkozienne, ni l’immobilisme hollandais n’avait pu mettre en œuvre !  
L’impuissance des deux grandes formations traditionnelle avait, comme jamais, nourri les extrêmes, Front National et Front de Gauche devenu France Insoumise, mais il restait de la place pour une démarche plus consensuelle, plus centrale (la France aime être diriger au centre sinon par le Centre) qui l’emporta, de justesse cependant, grâce aux erreurs magistrales de François Fillon, ouvrant la voie aux « progressistes réformateurs » et amenant une majorité centrale « et de gauche et de droite » réformatrice et pro-européenne aux législatives de juin.
Emmanuel Macron est clairement un libéral mais ayant vite pris goût au pouvoir où visiblement il se complet avec délectation, il faut s’attendre à une forme de libéralisme étatique pragmatique qui veut surtout des résultats, qui très certainement repoussera aux calendes grecques certaines propositions de campagne allant dans le sens d’une démocratie plus participative et qui n’hésitera pas (réforme du Code du Travail, réforme des Retraites) à passer en force chaque fois que cela lui apparaîtra nécessaire.
Mais la France ne se résumant pas à ses catégories les plus aisées, les plus diplômées, qui voient en lui un des leurs, il faudra s’il veut durer qu’il réponde désormais aux aspirations de protection,  de justice sociale, d’égalité qu’expriment les catégories les plus populaires s’il veut devenir « un grand Président ».

© 05.01.2018

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