LE PROTESTANTISME EN FRANCE, EN EUROPE ET AUX ÉTATS-UNIS
Par Christine Alfarge
Qui peut comprendre la religion protestante s’il ne connaît pas l’histoire ?
Comment aborder le sujet, existe-t-il un homme politique protestant en France ? En réalité, plusieurs parmi eux ont promu un certain nombre de réformes. Frédéric Casadesus nous dit : « Il faut poser la question de l’archétype, l’homme politique est assez banal, à la source l’image est extrêmement négative, la même haine qu’à l’égard des juifs, ce protestant proche des caractéristiques juives, justifiant des persécutions ».
La Fédération protestante de France.
Les protestants ont fêté les 500 ans de la Réforme. Que s’est-il passé le 31 octobre 1517 ? En affichant ses 95 thèses contre les indulgences sur la porte de l’église du château allemand de Wittenberg, Martin Luther jetait les bases d’une nouvelle religion chrétienne, le protestantisme.
Absolutisme et liberté d’entreprendre.
Frédéric Casadesus rappelle cependant que « Les protestants étaient partisans de l’absolutisme, les protestants français étaient attachés à l’absolutisme parce qu’ils étaient nobles et que la monarchie pouvait protéger les deux à la fois, l’Etat redonnant un statut, une protection de liberté de conscience ».
« Dire le protestant entrepreneur, c’est un pléonasme » pour Frédéric Casadesus. Alors que dans un premier temps l’économie de marché fut réfutée par le clergé catholique, communautés anglo-saxonnes et protestantes intégrèrent le facteur religieux au modèle économique lui permettant d’accepter les actes de commerce.
Protestant et politique, les deux ne se confondent pas.
Deuxième élément sur une supposée rigueur, versant le plus exact, ajoute Frédéric Casadesus : « Si vous rencontrez des hommes politiques protestants, une certaine vérité existe mais à toute règle il y a une exception par exemple le président Gaston Doumergue. D’autres hommes politiques protestants au service de l’Etat, avec des limites, ont fait preuve de rigueur parce qu’ils ne sont pas des aventuriers mais au contraire discrets ».
Le paradoxe par excellence, Lionel Jospin, quand toute sa façon est protestante notamment son geste du 21 avril 2002 lorsqu’il assume l’échec de la campagne. Pour Frédéric Casadesus : « De toutes les qualités, il y a aussi le péché d’orgueil car les protestants ont une tendance à penser qu’ils ne sont pas mal mais il ne faut pas trop le dire ».
Rôle du protestantisme dans la vie politique française depuis cinquante ans.
Frédéric Casadesus pense que « Sans doute avec le judaïsme, le protestantisme a fait comprendre que la France n’était pas un seul bloc, assumant sa diversité, contribuant à une république une et indivisible, une certaine philosophie avec laquelle les juifs de France et les protestants ont été les premiers partisans de la république et un soutien indéfectible à la loi de 1905 ».
Les protestants ont établi un dialogue rude mais le protestant politique a contribué au dialogue pacifiste et calme entre 1981 et 1986, l’âge d’or du protestantisme en France, notamment à travers la personnalité de Michel Rocard. Le dialogue a sans aucun doute contribué aussi à ce que la vie politique ne soit pas un affrontement permanent. Les protestants votent comme l’ensemble des Français.
La compatibilité avec le gaullisme.
A son époque, le général de Gaulle avait d’ailleurs choisi comme ministre des affaires étrangères un protestant, le fidèle Maurice Couve de Murville, qui mettra en œuvre la politique étrangère gaullienne de la France en 1958 et cela durant une dizaine d’années. Il sera son dernier Premier ministre de 1968 à 1969.
Fondateur du journal « Réforme » dont le premier numéro sortira en avril 1945, le pasteur Finet destinera ce journal protestant à traduire les évènements du monde à la lumière de l’Evangile, jusqu’en août 1970. Dans un éditorial du 9 mai 1959, intitulé « Un an après », il montrera sa satisfaction de voir le général de Gaulle revenu au pouvoir. Gaulliste et protestant, il était très attaché à l’Etat, alors que la conception horizontale du pouvoir politique chez les évangéliques, leur goût de la collégialité, les éloignent du gaullisme traditionnel.
Frédéric Casadesus s’interroge « Est-ce que le président Macron est protestant ou les protestants se reconnaissent dans le président Macron ? Un grand nombre de ses propositions sont partagées et vécues comme telles ».
La question initiale, les évangéliques sont-ils d’origine américaine ?
Les racines des évangéliques remontent au début du protestantisme, au XVIème siècle. Ils partagent toujours les valeurs fondamentales des réformateurs (Martin Luther et Jean Calvin…). Ils reconnaissent ce qui a été revendiqué dès la Réforme, à savoir la séparation des Eglises et de l’Etat. Ils sont désignés sous l’appellation de « protestants évangéliques » en distinction avec les Eglises protestantes dites historiques comme les Eglises réformées ou luthériennes.
Le mouvement évangélique est apparu sur le continent européen, en Suisse, en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Angleterre avant même la naissance des Etats-Unis. Il y a cependant une spécificité protestante, pourquoi les évangéliques ont pris racine ailleurs qu’en Europe et sont revenus ? Selon le philosophe Olivier Abel plus proche de la Bible que les protestants évangéliques : « Dans son essai « Le Nouveau Pouvoir » Régis Debray a raison d’alerter contre l’essor d’un néo-protestantisme mondialisé, mais a tort de réduire la religion protestante à une idéologie morale de la transparence absolue. Régis Debray a fait un travail passionnant sur ce qu’il estime être l’accélération de l’américanisation de la vieille Europe et la France en particulier, mettant le néo-protestantisme comme faisant partie de la civilisation américaine, étant le seul à cocher les cases de la postmodernité : le marché, la pluralité, la primauté du son, la place des femmes et celle faite aux rescapés. C’est une religion portative, légère, qui correspond à l’augmentation mondiale des populations déplacées, déracinées et précaires. Pour ce qui concerne la France, Régis Debray pointe à juste titre l’écart entre le vieux protestantisme huguenot classique lié à Gutenberg et à la galaxie de l’écriture et le néo-protestantisme pentecôtiste des megachurches, de l’Internet et des nouvelles formes de communautés ».
Selon Sébastien Fath « Les évangéliques sont aujourd’hui plus bourgeois grâce à l’amélioration de leur niveau de vie ce qui pourrait créer des tensions à l’intérieur même de la fédération protestante de France ». Ce sociologue des religions a pu observer les églises d’immigration en France, aujourd’hui huit protestants sur dix sont afro-antillais en Ile de France.
« Si le mouvement évangélique prend de l’importance, c’est parce que l’émotion prend le dessus, la moindre étincelle provoque une émotion. Le protestant place la ferveur collective au centre de la pratique religieuse. Si vous passez à proximité d’une église évangélique, vous pourrez écouter des conseils sur la question du comportement, le protestantisme vous apparaîtra charmant », s’exprime Frédéric Casadesus.Il ajoute : « Chez les nouveaux protestants, les évangéliques ne sont pas plus compréhensibles mais plus compatibles ».
L’Europe a été créée par des prêtres, une démocratie chrétienne et germanique. Le protestantisme se définit comme une église de la nation. Les catholiques sont affiliés à Rome tandis que les protestants se sentent associés à leur pays.
Le sentiment religieux s’individualise, le politique et le temporel se séparent, le relativisme se développe. Bien que les transformations sociales et économiques soient très importantes il n’y a pas d’émergence de nouvelles formes religieuses.
Dans un monde globalisé, on peut dire qu’il y a une nécessité d’un avènement, l’espérance d’un avènement de confiance tant attendu pour lequel les religions les plus anciennes encore aujourd’hui peuvent se rejoindre dans la spiritualité du message divin et le bonheur de l’âme.