208 chastanier - Académie du Gaullisme

La Lettre du 18 JUIN Vingt- sixième année – n° 208 – juin 2018
                                   Dîners-débats de l’Académie du Gaullisme
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208 chastanier

par Pierre CHASTANIER
LE RENOUVEAU GAULLISTE

Les propositions que nous propose Pierre Chastanier dans son dernier ouvrage, Le Renouveau gaulliste, méritent d’être soumises à la réflexion et à l’analyse de tous les lecteurs de La lettre du 18 Juin. Nombreux sont ceux qui se retrouveront dans ces écrits et partageront le même souhait de voir renaître une « certaine idée de la France ». N’hésitez pas à faire part de vos remarques à l’auteur. (La publication s’étendra sur plusieurs numéros.)


Les chapitres suivants seront abordés :
1. La France dans l’histoire du monde.                      13. Mais alors comment faire ?
2. Français d’hier et d’aujourd’hui.                           14. Remettre la France au travail.
3. La société française.                                             15. Réformer l’Education.
4. Nos religions et nos coutumes.                               16. Refondre la fiscalité.
5. Notre économie et notre mode de vie.                   17. Fonder une nouvelle solidarité.
6. Le triomphe de l’ultra capitalisme.                        18. Réformer les Institutions.
7. Le mouvement social-libéral                                  19. Redonner vie aux territoires.
8. La participation dans l’entreprise.                          20. S’ouvrir au monde.
9. De Gaulle cryptocommuniste ou visionnaire ?          21. Guider l’Europe.
10. La trahison des Clercs.                                         22. Soutenir l’ONU.
11. Un nouvel appel ?                                                 23. Vivre ensemble.
12. Un renouveau gaulliste est-il possible ?                 24. En Route ?
                                                                     
Avant-Propos
Ils sont nombreux, aujourd’hui, ceux qui se réfèrent au Gaullisme, attribuant au Général toutes les vertus qu’ils lui contestaient hier ! « Dix ans ça suffit ! » hurlaient les étudiants de Mai 68. « La participation : un projet irréalisable qu’il faut torpiller » tonnait Pompidou en s’opposant violemment à Capitant et en enterrant le les Ordonnances de 1967 ! La réforme du Sénat et la Régionalisation, faux alibi plus présentable que la défense d’intérêts économiques particuliers, allait faire lancer son fameux « Oui Mais ! » à Valéry Giscard d’Estaing qui contribuera grandement en influençant le vote des modérés au départ du Président le 29 avril 1969. O tempora o mores ! L’homme du 18 Juin se méfiait des Partis qui étymologiquement séparent. Or, les dernières élections présidentielle et législatives de 2017 ont bousculé le jeu politique traditionnel et le « dégagisme » a renvoyé dans leurs foyers de nombreux parlementaires qui n’avaient pas tous démérité.
 
LR et PS, trop longtemps enfermés dans des conceptions idéologiques dépassées, FN et FI poursuivant des utopies incompatibles, ont laissé le champ libre à une bulle hétérogène « En Marche » qui a rempli d’un coup l’espace libéré. Mais comme on l’a souvent dit la roche tarpéienne n’est jamais bien loin du Capitole et l’avenir de ce nouveau mouvement s’il reprenait les habitudes d’un vieux parti ne serait pas sans inquiéter. Alors ? Le raz-de-marée du 18 Juin 2017 ressemble-t-il à un nouvel appel gaulliste ? Avant de répondre, craignons que, fédéraliste européen, le nouveau Président récuse trop l’idée de Nation, que mondialiste, il protège insuffisamment les salariés français, que solidaire de puissants intérêts capitalistiques, il ait tendance à mener sa politique « à la corbeille ». Rappelons-nous que le dernier « tsunami » législatif a eu lieu en 1993 avant l’élection de Jacques Chirac de 95. 472 Députés RPR et UDF et Divers Droite envahirent le Palais Bourbon mais deux ans plus tard, fin 1995, les grèves contre la politique des retraites d’Alain Juppé et pour la défense de la Sécurité Sociale allaient précipiter la France dans la rue et la dissolution de l’Assemblée amena en 1997 le gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin. Demain, les anciens partis, aujourd’hui au creux de la vague, vont essayer de se reconstituer. Pourtant en leur sein les différences idéologiques persistantes et l’absence de vrai dialogue gêneront sans doute leur renouveau. C’est donc loin d’eux que les hommes et les femmes de bonne volonté devront une fois encore, provoquer le sursaut salvateur dont le Pays a besoin pour retrouver l’Unité. Abattant les cloisons mentales qui les séparent malgré leurs pancartes partisanes ils répondront encore plus largement qu’ « En Marche » à l’appel éternel des Peuples qui ne veulent pas mourir. C’est à ce « Renouveau Gaulliste » « Et de Droite, Et de Gauche » de l’ensemble du peuple français que je vais essayer de vous convier au fil de ces pages.

1. - La France dans l’histoire du monde
« Tout homme a deux patries, la sienne et puis la France », disait Thomas Jefferson au lendemain de la bataille de Yorktown (Oct. 1781) qui vit la capitulation du Général anglais Lord Charles Cornwallis devant Washington appuyé par Rochambeau et l’amiral de Grasse, reconnaissant ainsi que sans l’aide de la France, la rébellion des « Treize Colonies » contre la GrandeBretagne aurait échoué et que les Etats-Unis d’Amérique n’auraient pas existé ! La France en vingt siècles s’est constamment inscrite dans l’histoire du monde, des 50 Chefs gaulois crucifiés à Lutèce au Mont des Martyrs (Montmartre) aux troupes d’intervention au Sahel qui luttent aujourd’hui contre l’Islamisme radical qui envahit l’Afrique. Être Français, c’est trouver sa place dans un monde de géants et en éprouver une légitime fierté, que cette place succède à une longue généalogie celte ou franque ou tout simplement à une arrivée récente de ses aïeuls sur le sol de la Patrie, puisque la loi du «jus soli» à la différence de nos voisins germains, règne sur le territoire de la Gaule. Je me suis toujours taillé un certain succès devant des jeunes « beurs » en leur expliquant que l’inculture faisait passer pour une insulte le terme de « bougnoule » alors qu’il était tout à la gloire de ces Musulmans, soldats de l’Empire, qui au cours de la 1ère guerre mondiale se firent décimer dans les tranchées sans le soutien du fameux « quart de gnole » que distribuait largement à ceux qui allaient « monter » à l’assaut, le sergent de service. Eux s’en moquaient, refusant sa drogue au nom de leurs pratiques religieuses, en le traitant de «Père la Gnole» « Abou (père) Gnoule » (avec l’accent) ! Français de souche (sous-chiens, comme osait nous qualifier une jeune constantinoise, Houria Bouteldja, porte-parole en France, des « Indigènes de la République », distillant un discours fondé sur « la rancœur et la haine ») ou Français récents, partageant ce « Droit du Sol » qui nous gouverne depuis la Révolution Française (et même avant), nous sommes les héritiers naturels de cette longue chaîne humaine qui nous oblige, dans l’amour de la Patrie et le respect de l’admirable devise de la République:
« Liberté, Egalité, Fraternité ».
Quand j’entends chanter « La Marseillaise » je regrette qu’on n’ait pas expliqué aux enfants des écoles que ce chant martial ne signifiait pas que « le sang de nos ennemis devait abreuver nos sillons » mais tout au contraire que notre sang, « le sang du peuple, le sang impur, par rapport au sang pur aristocratique, sang bleu de ceux qui, sous la monarchie, combattaient pour le Roi » devait lui aussi se sacrifier pour la Patrie ! Nos petites querelles politiciennes, nos égoïsmes exacerbés, nos peurs de l’avenir, notre perte de confiance dans la France doivent retrouver leur juste place devant cette immense épopée dont nous sommes les fils et les continuateurs. Noblesse oblige ! Ressaisissons-nous ! De la 1ère à la centième génération, être Français est un grand privilège. À nous de nous en montrer dignes !

2. - Français d’hier et d’aujourd’hui
Nous venons de voir que la France ne devait faire aucune distinction, quelle que soit leur religion ou leur couleur de peau, entre ceux qui étaient nés sur son sol ou dans ses colonies. Mais pour que la famille d’un migrant s’épanouisse avec le maximum de chances dans son nouveau pays, il faut qu’une politique d’intégration et même d’assimilation digne de ce nom soit entreprise par les responsables nationaux. De Julio Mazarini, devenu Jules Mazarin, à Manuel Valls on peut voir qu’hier comme aujourd’hui, même né ailleurs et devenu Français par naturalisation, on peut atteindre les plus hautes destinées (en l’occurrence devenir Premier Ministre). La France va donc au-delà du « jus soli » puisque contrairement à nos amis américains, rien n’empêche à un Français naturalisé, né à l’étranger, d’accéder à la magistrature suprême ! Les fils de ceux qui, arrivés d’Afrique du Nord, dans l’appel d’air des trente glorieuses qui vit des hordes de salariés mal payés, recrutés par nos entrepreneurs, peupler les bidons-ville de Nanterre pour participer à la reconstruction de la France n’ont pas souvent bénéficié des conditions d’accueil qui en auraient fait des Français fiers de l’être.

Certes, parmi eux, de grandes disparités existent. Certains ont acquis des positions enviables, se sont illustrés par de hauts diplômes et par des fonctions enrichissantes. D’autres au contraire ont végété dans des banlieues où très vite se sont installées des zones de nondroit, terrains de chasse des dealers en tous genres et des trafiquants de drogue. Ils sont tous Français et doivent bénéficier des droits qui s’y rattachent, même si certains, parmi eux, ne se reconnaissent que bien peu de devoirs. Leurs parents, pourtant chassés d’Afrique le plus souvent par la misère, leur ont généralement présenté le pays d’origine comme un « pays de cocagne » et lorsqu’ils s’y rendent pour les vacances ils sont parfois rejetés par les populations locales qui ne comprennent pas leur arrogance et les traitent de « Gaulois » ! Pas de délit de faciès ! Tous Français, tous avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, tous avec la même sollicitude de l’Etat pour donner à chacun selon ses besoins et récompenser chacun selon ses mérites. Telle doit être l’attitude de la France envers ceux qui veulent vivre sur son sol dans le respect des lois. Car, malgré de grandes erreurs, la France, succédant aux colonisateurs turc et arabe venu quelques siècles plus tôt, n’a pas commis de crime contre l’humanité en débarquant en Algérie. Dans la logique de l’époque elle combattait les « barbaresques » écumant la Méditerranée depuis des siècles. Mais, contrairement à Lyautey au Maroc, elle n’a pas toujours su s’adapter aux populations locales et bien que l’Emir Abd-El-Kader, libéré par Louis Napoléon Bonaparte, ait terminé sa vie honoré de tous, elle a laissé s’établir des régimes ségrégationnistes qui ont trop duré et qui ont ruiné l’effort civilisationnel de quelques-uns.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, des esprits éclairés ont compris qu’une évolution citoyenne était indispensable. Mais seuls, vis-à-vis de « quelques » colons avides, proches du pouvoir de l’époque, ils n’ont pu imposer le Collège unique et répondre à temps aux aspirations légitimes d’un peuple qui, vivant l’apartheid, se battit, à bon droit, pour son indépendance. Nous avons aujourd’hui une dette humaine envers notre ex-empire et si, comme disait Michel Rocard, nous ne pouvons accueillir chez nous « toute la misère du monde », la France doit, plus que tout autre, prendre sa part au développement de la francophonie, ce « Far South » qui nous lie avec le passé et qui prépare à notre jeunesse, pour peu qu’elle en prenne conscience à temps, un brillant avenir !
3. - La société française
Depuis 68, les choses ont bien changé. Emboîtant le pas à ses étudiants, la société française alanguie dans sa tradition contrastée, à la fois catholique et laïque, son prolétariat docile malgré les secousses du Front populaire et de la guerre, sa population jusque-là principalement rurale, a brutalement « pris la parole ». Les hiérarchies ont été bousculées, le pouvoir a chancelé, la jeunesse s’est réveillée. Les chocs pétroliers qui ont suivi calmèrent quelque peu les ardeurs juvéniles mais jusqu’aux années 80, la croissance resta active et, bon an mal an, la prospérité économique sous la houlette de Raymond Barre redonna confiance. La France transformait et fabriquait encore ! Mais, après les débuts difficiles de l’ère mitterrandienne, un chômage de masse s’est progressivement abattu sur le pays et, depuis 1983, il n’est jamais retombé au-dessous du seuil des 7 %. La libération sexuelle liée à l’utilisation de la pilule et à la loi Veil sur l’avortement a profondément bouleversé les mœurs malgré, après 81, l’apparition du Sida.

La cellule familiale nucléaire, base depuis des siècles de notre société, a beaucoup évolué, augmentation du nombre des divorces, mariages plus tardifs, PACS, LGBT et leurs fiertés, mariages gays, PMA, GPA des mères porteuses, ont profondément modifié ses assises, même si beaucoup (91 % des Français) et en particulier les militants de « Sens commun » ou de « La Manif pour tous » privilégient encore la famille traditionnelle non pas comme le lieu de partage des valeurs mais plutôt comme le lieu privilégié des solidarités. Malheureusement les temps devenus difficiles ont favorisé l’individualisme. A la solidarité nationale succède le chacun pour soi.

Il est vrai que la mondialisation sauvage et son cortège de pertes d’emplois, conséquence d’un ultra capitalisme triomphant n’encourage guère à l’altruisme. Un système social nouveau s’est dangereusement mis en place. On s’est progressivement orienté vers un transfert de charges où l’assistanat social a remplacé le travail : « On te paie pour que tu te taises » ! Dans les familles pauvres (8.600.000 personnes soit 14 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté s’établissant à 740 € par mois), résidents des zones dévastées par le chômage, familles rurales, immigrés concentrés dans les zones urbaines, l’espoir a trop souvent disparu et il est grand temps de réagir. Le système éducatif est à revoir de la Maternelle à l’Université en passant par l’enseignement professionnel si mal traité. Tout doit être consolidé pour ne plus laisser 150.000 jeunes sortir chaque année de la scolarité obligatoire sans diplôme et sans une bonne maîtrise des savoirs fondamentaux. Il faut d’urgence les former aux métiers non délocalisables pour lesquels au pays des 6 millions de chômeurs les offres d’emploi ne trouvent pas toujours preneurs. Il faut aussi dynamiser notre enseignement supérieur et notre recherche pour préparer notre société aux défis de l’avenir.

Une nouvelle démocratie, plus participative, fondée sur le dialogue, doit profondément modifier les rapports entre Français, au sein d’une Europe revisitée qui n’accepte plus le dumping intra-communautaire ou extérieur, qui protège ses ressortissants tout en s’ouvrant sur le monde et qui rétablisse une solidarité nationale (santé, sécurité d’emploi, retraites) basée sur les possibilités effectives de chacun. C’est au sein de cette société réinventée que peut se cimenter, à nouveau, l’indispensable « vivre-ensemble » qui fonde les Nations.

© 10.06.2018
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