Il aura fallu quarante-cinq ans pour que
nos dirigeants, et les dirigeants européens,
amènent leur peuple respectif à
un repli nationaliste.
Faute d’avoir poursuivie l’idée du Général
de Gaulle d’une Europe des Nations qui
aurait aboutie à terme, quand les habitants
de chaque pays auraient été habitués à
travailler ensemble, sous les mêmes règles
et les mêmes législations, à une Europe
unie, puissante et indépendante de toutes
pressions nord-américaines, la tentation du
repli sur soi a pris le dessus. Autriche,
Bulgarie, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne,
Slovaquie, la liste s’allonge !
Les dirigeants français, si prompts depuis
Pompidou à dénoncer les colonialismes
d’où qu’ils viennent sont peu empressés de
dénoncer le colonialisme exercé par le
« grand allié » d’outre-Atlantique.
TAFTA/TTIP, accord sur le nucléaire avec
l’Iran, droits de douane... et l’Europe reste
muette, inféodée aux diktats états-uniens.
Le président Trump a au moins le mérite de
faire comprendre aux ressortissants des
divers pays européens que les rodomontades
et autres gesticulations de leurs
dirigeants n’avaient guère d’influence sur
lui. Je décide, vous pliez, sinon je vous
exécute !
En ce qui concerne la France, l’on peut
d’ailleurs se demander si tout cela n’est pas
qu’un jeu de rôle tant nos dirigeants depuis
Jospin et sa certitude de « l’impuissance du
politique face aux intérêts économiques »
n’ont cessé de baisser les bras.
L’ont-ils fait par idéologie, conviction ou
plus simplement incapacité à trouver la
solution ?
En ce qui concerne le président Macron, il
ne fait aucun doute que ce qui l’anime est
l’ultralibéralisme et la financiarisation de
l’économie Qu’importe soit le prix à payer
pour les Français qui n’ont pas capacité à
organiser leur évasion fiscale !
Faut-il s’étonner de ce retour à grande
échelle du nationalisme quand on voit le
peu de solidarité envers l’Italie sur qui,
parce que géographiquement la plus
proche, pèse le poids d’une immigration
déclenchée pour des raisons mercantiles et
hégémoniques et devenue incontrôlée et
incontrôlable ?
Le mal est profond. Depuis Valéry Giscard
d’Estaing, cette « construction » européenne
n’a réellement poursuivie qu’un seul but :
établir une vaste zone de libres-échanges et
de libre circulation des capitaux On y a
rajouté la libre circulation des hommes
pour mieux peser sur les salariés des États
où existe une véritable politique sociale,
ennemie jurée de l’ultra-capitalisme.
Jamais, ô grand jamais on a cherché à faire
que les peuples européens se connaissent
(Erasmus mis à part pour une minorité). On
nous abreuve de films américains, de
chansons américaines, d’informations
ayant trait sur ce qui se passe aux ÉtatsUnis,
de faits-divers américains. Qu’une
vache mette bas un veau à six pattes aux
fins fonds du Middle-West, que tel ou tel
sénateur américain soutienne la vente libre
d’armes à feu, et cela fait la une.
Par
contre, que le Gouvernement espagnol soit
renversé, que la politique menée par les
dirigeants Hongrois et/ou Polonais soit
inquiétante, que ces derniers préfèrent
acheter de l’armement américain plutôt
qu’européen et demande à Trump d’installer
de nouvelles bases sous le nez de
Poutine, cela n’intéresse guère nos médias
et nos représentants politiques. Tout cela
ne mérite pas qu’on s’y attarde et il ne faut
surtout pas en informer de Peuple !
Nous ne connaissons pas nos voisins. Nous
ne connaissons pas leur culture. Nous ne
connaissons pas leurs us et coutumes. Ce
que nous connaissons d’eux n’a strictement
aucun intérêt. Que tel pays fabrique de
grosses berlines, que le club de foot de tel
autre ait le meilleur joueur du monde, que
le mariage d’un prince soit l’événement de
l’année, etc. n’apprend pas à se comprendre
et à travailler ensemble.
On ne marie pas les peuples malgré eux.
Partager des cultures ne se décrète pas.
Faire des solos lyriques n’apprend pas à
chanter ensemble.
Partager un avenir commun, c’est se
retrouver dans les aspirations de tous et
avoir envie de les vivre ensemble. Ce n’est
pas en nivelant par le bas, en délocalisant
une usine dans un pays de la zone UE, en
baissant les salaires et en réduisant les
avantages sociaux afin qu’ils soient
« concurrentiels », que l’on y arrivera.
La vieille antienne, l’Europe, c’est plus de
soixante-dix ans de paix ne suffit plus. Les
générations se sont succédées et ce qui
pouvait être un moteur pour les grandspères,
voire les pères, ne l’est plus pour les
enfants et petits-enfants à qui l’on a
enseigné que la réussite matérielle
aboutissait au « vrai bonheur » et qu’elle ne
pouvait être que personnelle et très
accessoirement collective. Tous pour moi,
moi pour moi !
Contrairement à ce que l’on entend ici ou
là, l’Europe n’est pas décadente, elle n’a
pas fini de transmettre. Il est encore temps
que son passé éclaire son présent pour
préparer son avenir. Il n’est pas trop tard.
Il faut ré-enchanter le rêve européen en
commençant par le début... c’est-à-dire en
développant l’Europe des Nations.
La France dans tout ça ? Elle doit à
nouveau s’affranchir de la tutelle
américaine, entraîner les autres pays
derrière elle, être un nouveau moteur
pour une nouvelle Europe, se doter de
dirigeants qui ne soient pas pétris de leurs
certitudes, inféodés au grand capital et qui
sachent qu’en toutes circonstances l’intérêt
général doit passer avant l’intérêt
particulier.