Participation, participation… et encore participation
par Paul KLOBOUKOFF,
En résumé
La participation a été une « idée centrale de la pensée gaullienne ». Dès 1941, De Gaulle a voulu ouvrir une « troisième voie » entre le capitalisme et le communisme en associant le capital et le travail dans les entreprises. Soutenue du bout des lèvres par la « famille » se réclamant du Général, elle s’est imposée comme une évidence au fil des décennies. Aujourd’hui, avec l’Allemagne (chacune avec ses spécificités), la France est à l’avant-garde parmi les pays d’Europe en matière de participation financière, de participation aux processus décisionnels et de négociation en termes de dialogue social. Une marge de progression de l’actionnariat salarié, une pièce maîtresse pour le Général, demeure. En effet, si la France compte 3 millions (Mi) de salariés actionnaires, soit 42% des salariés actionnaires d’Europe, et si 74% des entreprises cotées y ont recours, c’est le cas de 4% des PME seulement. Les procédures sont trop complexes et les coûts des opérations sont trop élevés pour les petites structures. Si l’on désire accélérer la progression de l’actionnariat salarié, il faut moins d’hésitations, plus de constance et de détermination.
Féministe avant l’heure, le 21 avril 1944, dans le cadre du Gouvernement provisoire d’Alger, le Général De Gaulle a octroyé par ordonnance le droit de vote aux femmes françaises, leur donnant la possibilité de participer à la vie politique de la France. Elles en ont fait usage pour la première fois aux élections municipales d’avril 1945.
Parce que les citoyens se détournent (ou sont écartés) de la vie politique, le présent article insiste sur la nécessité de faire revivre la participation des Français à la détermination de leur destin et de celui de la Nation, de redresser ce qui survit de la Vème République, très abimée en ce début du siècle et qui semble à bout de souffle.
Depuis trois quinquennats, la participation aux élections intérieures baisse significativement. Même aux élections présidentielles, elle n’a pas atteint 78% en 2017 alors qu’elle approchait 84% en 2007. Aux législatives, c’est la cata ! De 60% en 2007, elle est tombée en 2017 à 48,70% au 1er tour et à 42,54% au second. Les chutes ont été sévères aussi aux municipales de 2020, 33,28% au 1er tour, et aux régionales de juin 2021, 33,28% au 1er tour. Ces dernières chutes ont sans doute été accentuées par les menaces que faisait peser le Covid 19 sur les bureaux de vote. C’est un mauvais présage pour les élections de 2022, car avec Omicron la situation n’est pas plus rassurante.
La participation est un indicateur de l’intérêt des citoyens pour la politique, ainsi que de la légitimité des élus à leurs yeux. Beaucoup d’électeurs n’ont plus confiance dans les politiciens, surtout dans ceux qui gouvernent, ne trouvent pas chaussures à leurs pieds et pensent que voter est inutile. En fait, nous vivons un malentendu.
La Constitution et les règles de la Vème République avaient été taillées sur mesure pour le Général, un « géant ». Après son départ, pendant plus de 30 ans, la menace d’une sanction par les urnes a pesé sur le président au cours de son mandat septennal en cas de défaillances graves de la gouvernance du pays. Aussi, bien que réélus, Mitterrand et Chirac ont eu à vivre des cohabitations et à partager le pouvoir avec des opposants. Ce garde-fou a disparu lors du passage au quinquennat avec un calendrier électoral revisité offrant au président l’impunité politique pendant tout son mandat et l’absence de contrepouvoirs… au détriment de la démocratie. La Vème République a été dénaturée.
Chacun à son tour MM Sarkozy, Hollande et Macron ont montré quels excès la concentration des pouvoirs entre leurs mains et cette impunité peuvent autoriser. Le dernier a poussé le bouchon le plus loin. « Jupiter » autoproclamé, il pratique sans retenue sa « verticalité » du pouvoir présidentiel. Pour près de la moitié des Français interrogés, la dégradation démocratique s’est amplifiée sous son mandat.
24% des suffrages exprimés au 1er tour des présidentielles et une « victoire » sur Marine Le Pen au second, non sans l’aide d’un « front républicain » hésitant, ont ouvert les portes de l’Elysée à Emmanuel Macron en 2017. 19% des votes des inscrits aux législatives, délaissées par plus de la moitié des électeurs, ont permis à son parti et à ses alliés d’occuper 60,7% des sièges de l’AN. Une nouvelle « majorité présidentielle » lui a ainsi donné un pouvoir absolu pour 5 ans. Aux yeux de nombreux Français de telles lettres de noblesse ne légitiment pas un pouvoir excessif, la représentativité de l’AN est contestable… et ces défauts du système doivent être corrigés.
Pour améliorer la représentativité de l’AN, le candidat Macron avait promis une réforme de la Constitution incluant l’introduction d’une « dose de proportionnelle » aux élections législatives. Cette promesse a été « oubliée ». Il est malsain que la question reste sans réponse un quinquennat de plus. Elle décrédibilise le système politique.
Considérant que les citoyens étaient surreprésentés à l’AN et les collectivités locales au Sénat, Macron s’était aussi engagé à réduire les effectifs de ces deux assemblées. Sans donner d’explications, il n’a pas tenu sa promesse.
Un des enjeux majeurs des prochaines élections sera de relever la participation électorale. Pour cela, les concurrents et leurs partis devront être crédibles. Stop aux promesses démagogiques illusoires, aux « beaux discours » lestés de « pédagogie » ! Place à des choix clairs sur les sujets majeurs et à des projets de qualité finançables malgré la situation désastreuse des finances publiques et de la dette. Réparer les dégâts sociétaux, sociaux, économiques et financiers du quinquennat qui s’achève sera une exigence incontournable, avec la nécessaire participation de tous.
Les Français voudraient davantage de « participation citoyenne » dans le processus de décision politique. Ils préconisent le recours aux référendums nationaux et locaux ainsi que l’adaptation de la prise de décision locale à la spécificité des territoires. Ils réclament aussi plus de décentralisation en rebours de la recentralisation bureaucratique opérée via la fiscalité locale et renforcée par Macron avec la suppression de la taxe d’habitation.
Ces demandes rejoignent celles des associations des maires (AMF) et des départements (ADF) qui dénoncent une « recentralisation rampante » et veulent davantage de compétences et d’autonomie, financière, notamment.
Les candidats ne devront pas esquiver ce sujet devenu brûlant depuis 2017.
Moins d’emprise de l’UE, plus de souveraineté de la France !
La progression de la participation aux élections européennes, de 40,8% en juin 2009 à 50,1% à celles de mai 2019, traduit l’intérêt que les citoyens portent au destin de la France en Europe. Au référendum de 2005, ils avaient résolument refusé une constitution consacrant la souveraineté de l’UE et la vassalisation promise à la France. Dix ans plus tard une enquête avait confirmé ce choix. Aujourd’hui, un élan « nationaliste » parcourt l’Union face aux poussées intégrationnistes dont Macron s’est fait le fer de lance. La plupart des partis critiquent l’UE, au moins pour son irrespect outrancier du principe de subsidiarité. Mais leurs positions sont souvent floues. S’ils ne veulent pas perdre des points, les candidats feront bien d’exprimer clairement leurs propositions sur cette question qui sera encore une fois au cœur des élections de 2022.
Le long chemin de la participation au sein des entreprises
« La participation, idée centrale de la pensée gaullienne »
Sous ce titre, la Fondation Charles De Gaulle a consacré en octobre 2017 un article (1) soulignant que la participation revient comme un leitmotiv dans les discours et les écrits du général De Gaulle dès 1941, et notamment lors du discours du 25 novembre à Oxford où il s’était exprimé sur les enjeux de l’après-guerre.
Très attaché à la résolution du problème de la lutte des classes, il a entrouvert « une troisième voie » entre le capitalisme et le communisme dont la participation au sein des entreprises était un élément de premier plan.
L’idée a été soutenue un temps par des « Gaullistes de gauche » avant d’être enterrée après l’échec au référendum de 1969. Depuis, si la participation a été périodiquement évoquée, elle a été portée sans grande conviction par la « famille » se réclamant du Général. S’imposant comme une évidence, elle a toutefois progressivement fait son chemin, s’est élargie et étoffée. Aujourd’hui, avec l’Allemagne (chacune avec ses spécificités), la France est à l’avant-garde parmi les pays d’Europe.
Le triptyque de la participation des travailleurs au sein des entreprises
En 2016, après une analyse approfondie effectuée à la demande du Groupe Up, le Centre de réflexion (« think tank ») européen indépendant POUR LA SOLIDARITE - PLS a donné une description intéressante (et d’actualité) de la participation des travailleurs au sein des entreprises (2). Celle-ci repose sur trois piliers : - la participation financière ; - la participation aux processus décisionnels ; - la négociation en terme de dialogue social.
A la différence de l’intéressement qui donne lieu à des versements de primes aux salariés en fonction des performances de l’entreprise, la participation financière vise à associer les salariés à la croissance et aux résultats de l’entreprise durablement à l’aide d’un mécanisme de redistribution des bénéfices de l’entreprise aux salariés. Aujourd’hui, elle est obligatoire dans les entreprises de 50 salariés ou plus. Le salarié reçoit une prime dont le montant est fixé par l’accord de participation de l’entreprise. Il peut en demander le placement au plan d’épargne de l’entreprise (PEE). Elle est alors bloquée pour 5 ans. L’épargne salariale permet de faire entrer les salariés au capital de leur entreprise. C’est le cas aussi d’opérations d’augmentation du capital ou de cessions de titres réservées aux salariés, ainsi que des plans d’attribution gratuite d’actions (PAGA). Ainsi, la participation financière contribue à la progression de l’actionnariat salarié… que recherchait le Général De Gaulle.
La participation aux processus décisionnels s’exerce par la participation aux Conseils d’administration, la disposition de droits de véto ainsi que des pouvoirs étendus des comités d’entreprise (CE). Initialement institués pour toutes les entreprises de 50 salariés et plus par l’ordonnance du 22 février 1945 puis par la loi du 16 mai 1946, les CE ont cédé leur place aux Comités sociaux et économiques (CSE) entre 2018 et 2020.
La négociation en termes de dialogue social s’exerce au sein de l’entreprise, entre plusieurs entreprises, ainsi qu’aux niveaux des branches et de l’Etat… sous le regard intéressé de l’UE. Les Français sont peu syndiqués, mais quasiment tous les salariés sont couverts par une convention collective.
En matière de participation aux décisions et de dialogue social, les modèles français et allemand sont des références. Le dialogue social, notamment au niveau des branches et avec l’Etat, pourrait cependant être moins compliqué et gagner en efficacité avec des syndicats plus représentatifs des travailleurs, surtout dans le secteur privé.
En ce qui concerne participation financière, il reste une importante marge de progression de l’actionnariat salarié.
Simplifier les procédures pour développer davantage l’actionnariat salarié
D’après le Baromètre 2021 de l’actionnariat salarié d’Amundi ESR (3), la France compte plus de 3 millions (Mi) de salariés actionnaires, soit 42% des salariés actionnaires d’Europe. Pas de cocorico, cependant ! Ces chiffres montrent surtout que l’actionnariat salarié est une des spécificités de notre modèle et qu’il est très peu prisé en Europe. En France, 3 Mi d’actionnaires de leur entreprise parmi les 19,7 Mi de salariés du secteur privé au 4ème trimestre 2019, c’est un bon début, mais il est possible de faire mieux. En effet, d’après les chiffres figurant dans un article très récent de latribune.fr intitulé « Actionnariat salarié : à quand le tour des PME et des ETI ? (4), si 74% des entreprises cotées y ont recours, c’est le cas de 4% des PME seulement. Une raison de cette faiblesse est le dispositif juridiquement complexe, qui passe par l’épargne salariale, notamment, permettant de réaliser les opérations et le coût de sa mise en place pour les petites structures.
La simplification du processus et la réduction de ce coût sont donc à mettre à l’ordre du jour des projets de réformes à initier. Un autre frein serait l’insuffisante incitation fiscale ouverte aux entreprises volontaires. La loi PACTE promulguée en mai 2019 visait [à côté des privatisations d’ADP, de la Française des jeux et d’Engie] à renforcer la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie et l’activité des entreprises. Elle a « encouragé » l’abondement unilatéral de l’entreprise par l’abaissement du forfait social de 20% à la charge des employeurs et par l’augmentation du niveau de la décote lors des opérations relatives à l’actionnariat salarié.
La LDF 2021 est allée un peu plus loin avec la suppression du forfait social sur l’aide financière de l’employeur pour les PME et les ETI de moins de 5 000 salariés lors de telles [rares] opérations. Mais l’application de cette disposition devait prendre fin en décembre 2022 [« un délai trop court pour que les PME s’approprient le dispositif »]. Cette disposition n’a pas été « pérennisée » dans la LDF 2022… alors que la LDF 2021 l’avait déjà fait en faveur de l’intéressement. Si l’on désire accélérer la progression de l’actionnariat salarié, il faut moins d’hésitations, plus de constance et de détermination.
Relever la participation aux choix politiques majeurs
Déjà très affaiblie, la participation aux élections menace de tomber plus bas en 2022
Dans mon article « Au-delà des Régionales 2021 » de la Lettre de septembre 2021 figurait le tableau suivant montrant la désaffection croissante de notre population pour les élections intérieures françaises. La participation est en baisse même pour les élections « reines », les présidentielles. On peut s’attendre à ce que l’abstention poursuive sa montée aux élections de 2022. Il est aussi possible que les craintes provoquées par la « circulation » du Covid 19 attisées par l’alarmisme ambiant éloignent des urnes un surcroît d’électeurs.
De plus en plus de citoyens pensent que voter est inutile. Ils ont perdu confiance en les dirigeants politiques, surtout en ceux régnant au sommet de l’Etat. Déçus, beaucoup estiment qu’ils ne sont « pas à la hauteur ».
Une Vème République taillée sur mesure pour le Général, dénaturée avec le quinquennat
Il est vrai qu’au plan institutionnel, les Français vivent un malentendu. La Constitution et les règles de fonctionnement de la Vème République, « une monarchie républicaine », avaient été taillées sur mesure pour le général De Gaulle. Un géant, un homme providentiel arrivé au pouvoir dans des circonstances exceptionnelles. Même si François Mitterrand a été réélu pour 7 ans en 1988, et Jacques Chirac « prolongé » de 5 ans en 2002, ces deux présidents n’étaient pas de la même trempe. Tous deux ont eu à vivre des « cohabitations » et à partager le pouvoir avec l’opposition lorsque les électeurs ont été trop mécontents de leurs gouvernances. De Gaulle n’aurait pas « cohabité ». Mais la sanction des urnes en cours de mandat présidentiel était un utile garde-fou de la Vème République permettant de remettre la gouvernance du pays plus en harmonie avec la volonté du peuple.
A l’approche de l’an 2000, les leçons des deux dernières décennies ont poussé à juger que deux septennats consécutifs avec un même monarque, c’était trop. Limiter à un septennat [unique] la durée du mandat présidentiel eut été une bonne solution permettant à l’heureux élu de se consacrer pleinement à l’exercice de ses prenantes fonctions sans se préoccuper constamment de sa réélection. Hélas, il a été préféré passer à un quinquennat renouvelable une fois… en fixant la date des élections législatives juste après les présidentielles afin de garantir au nouvel élu une « majorité présidentielle » à l’Assemblée nationale (AN)… pour la durée de son mandat. Pas de garde-fou, pas de sanction possible de la politique gouvernementale pendant 5 ans, donc, et absence de contrepouvoirs. Or, il ne peut y avoir de véritable démocratie sans contrepouvoirs politiques.
La dégradation démocratique s’est amplifiée sous Macron
Chacun à sa manière, MM Sarkozy, Hollande et Macron ont montré aux citoyens quels excès la concentration des pouvoirs entre leurs mains et cette « impunité » peuvent autoriser. Le dernier a poussé le bouchon le plus loin. « Jupiter » autoproclamé, du haut de l’Olympe, il pratique sans retenue sa « verticalité » du pouvoir présidentiel. Accusé d’autoritarisme quasiment depuis son élection, il avait déclaré en mars 2018 « J’assume les choix qui sont faits et je hais l’exercice consistant à expliquer les leviers d’une décision » (5). Des opposants et des observateurs ont osé parler de « dictature ». Des défenseurs du macronisme leur ont aussitôt rétorqué que « la France n’est pas la Corée du Nord ». Pour eux, il serait possible d’aller très loin sans frôler l’abus de pouvoir. D’autres se sont accordés pour qualifier notre régime de démocrature. Nuance peu flatteuse !
Pour 48% des personnes interrogées en décembre dans le cadre de l’étude IFOP / Décider ensemble, la dégradation démocratique s’est amplifiée sous le mandat d’Emmanuel Macron (6). Les Français veulent des solutions plus participatives pour « rompre avec la verticalité du pouvoir macronien ».
La légitimité d’un pouvoir excessif remise en cause
Pour beaucoup de citoyens, cette pratique du pouvoir teintée de mépris est d’autant plus inacceptable que la « légitimité » du président et la représentativité de sa « majorité présidentielle » ne brillent pas au firmament. Au 1er tour des présidentielles de 2017, le candidat Macron avait recueilli 24,01% des suffrages exprimés, soit 18,19% des votes des inscrits. Depuis, vu les résultats de son parti aux « élections intermédiaires », il ne semble pas que ce « socle » se soit élargi. Quant à la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale (AN) issue des législatives de 2017, elle a été entachée par une abstention record de 51,30% au 1er tour et de 57,36% au second tour. LREM et Modem ont obtenu 350 sièges, soit 60,66% des 577 sièges de l’AN, avec les votes au second tour de 49,12% des suffrages exprimés, soit 18,88% des voix des inscrits.
A l’opposé, avec 13,20% des suffrages exprimés au 1er tour et 8,75% au 2ème, le Front national avait obtenu 8 sièges, soit 1,39% des sièges de l’AN.
Des défaillances du système reconnues, mais des promesses de réformes oubliées
Notre système, favorable à l’émergence et au maintien de majorités parlementaires, « quoi qu’il en coûte », est responsable de ce type d’anomalies ou d’injustices, et fait depuis longtemps l’objet de critiques. Le candidat Macron lui-même avait promis une réforme constitutionnelle incluant l’introduction d’une « dose de proportionnelle » aux élections législatives pour rendre l’AN plus représentative. Cette promesse a été « oubliée », malgré l’insistance verbale de la « prise de guerre » François Bayrou, si décisif dans l’élection de Macron. Il me semble malsain que la question reste sans réponse un quinquennat de plus. Elle décrédibilise le système politique.
Candidat, Macron estimait aussi que les citoyens avaient trop de représentants à l’AN et que les collectivités locales en avaient trop au Sénat. Il s’était engagé à réduire les effectifs de ces deux assemblées. Cet allègement procurera de substantielles économies, a-t-on entendu. Bien moins que si on taillait dans notre opulent mille-feuilles administratif, toutefois. Mais, Jupiter n’est pas Hercule ! Et même pour tailler dans les effectifs des parlementaires, ceux de LREM en premier lieu, il n’a pas assez de forces. Alors, les engagements pris sont passés aux oubliettes.
La très faible participation électorale est un désaveu du système et de ses principaux acteurs politiques. Un des enjeux majeurs des prochaines élections sera de la relever. Pour cela, il est indispensable que les concurrents et leurs partis retrouvent de la crédibilité. Les promesses démagogiques non tenues qui ont fleuri depuis cinq ans et les mauvais résultats de la gouvernance ont fait chuter la confiance. Les discours et la « pédagogie », dont nous avons été abreuvés, doivent laisser la place à des choix clairs sur les sujets majeurs et à des projets de qualité dont le financement pourra être assuré malgré la situation désastreuse des finances publiques ainsi que les publiques et privées. Réparer les dégâts sociétaux, sociaux, économiques et financiers du quinquennat qui s’achève sera une exigence incontournable, avec la nécessaire participation de tous.
Participation citoyenne et décentralisation des décisions politiques
84% des personnes interrogées lors de l’étude de l’IFOP précitée (6) pensent que les citoyens devraient prendre une part plus importante dans le processus de décision politique. Pour solutions, nombre d’entre elles préconisent : - l’enseignement sur la démocratie et la participation citoyenne ; - le recours aux référendums nationaux et locaux ; - l’adaptation de la prise de décision locale à la spécificité des territoires.
Elles expriment une forte demande de plus de décentralisation des décisions et de l’engagement civique, en rebours du centralisme bureaucratique et de la recentralisation politique opérée depuis une vingtaine d’années via la fiscalité des collectivités locales. Avec la suppression de la taxe d’habitation, Macron en a renforcé le cours.
Les demandes et les propositions indiquées sont au diapason de celles de l’Association des maires de France (AMF) et de l’Association des départements de France (ADF), qui dénoncent une « recentralisation rampante » et veulent obtenir davantage de compétences et d’autonomie, financière, en particulier. « Les départements souhaitent tirer les leçons de tout ce que nous avons vécu (crise sanitaire et gilets jaunes) pour faire en sorte qu’on agisse mieux ».
Partant du constat « qu’il y a un désespoir chez beaucoup de Français qui ne croient plus en l’action publique, y compris locale… », 4 500 conseillers départementaux des 102 départements membres de l’ADF ont été mobilisés afin de débattre avec tous les Français dans les cantons (7). Les 102 propositions issues de ces consultations ont été présentées lors des Assises de l’ADF tenues à Bourg-en-Bresse du 1er au 3 décembre. Elles seront transmises aux candidats aux élections présidentielles de 2022.
La campagne sera inévitablement marquée par l’affrontement entre les tenants du monopole des pouvoirs au sommet de l’Etat et les défenseurs de la décentralisation ainsi que de la participation effective des citoyens et de leurs représentants régionaux et locaux aux décisions politiques, économiques, sanitaires et sociales. Les candidats ne devraient pas rester silencieux sur ce sujet déterminant. Ce sera l’un des critères de choix des électeurs.
Moins d’emprise de l’UE, plus de souveraineté de la France
« Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe ? ». A cette question posée lors du référendum du 29 mai 2005, 54,68% des électeurs avaient répondu NON. Pour ce choix déterminant, la participation avait été de 69,34%.
La volonté du peuple a été bafouée. Le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 par Nicolas Sarkozy et adopté en 2009 a repris en grande partie le projet rejeté en 2005. « Ratifier Lisbonne, une forfaiture », a été une opinion largement partagée.
Le référendum et cette « forfaiture » ont durablement réveillé l’intérêt des citoyens pour les questions européennes et pour la défense de la souveraineté nationale contre l’emprise croissante de la bureaucratie de Bruxelles sur la gouvernance de la France.
Les élections européennes ont été les seules élections qui ont vu la participation augmenter (voir le tableau). Aujourd’hui, la guerre est déclarée entre Macron, porte drapeau et fervent promoteur de l’intégration et de la « souveraineté européenne », avec ses partisans, et le Rassemblement national (RN) et une partie de la droite, qualifiée de souverainiste, de nationaliste… qui refusent que la France perde son rang de nation et devienne une province ou un gouvernorat de l’UE.
En fait, quasiment tous les partis sont critiques à l’égard de l’UE, au moins pour son irrespect outrancier du principe de subsidiarité, mais à des degrés divers. Et, les postions de la plupart, à gauche comme à droite, ne sont pas explicites. Plus de clarté de la part des candidats et de leurs soutiens est nécessaire sur ce sujet majeur. Sans aller jusqu’à parler « d’autodétermination », la participation de la France et des Français à la détermination de leur propre destin est en jeu.
*Paul KLOBOUKOFF Académie du Gaullisme
Sources et références
(1) La participation, idée centrale de la pensée gaullienne charles-de-gaulle.org/wp-content/uploads/2017/10/La-participation…
(2) La participation des travailleurs au sein des entreprises socioeco.org/docs/ed-2016-participation-des-travailleurs.pdf
(3) Baromètre 2021 de l’actionnariat salarié by Amundi ESR Les grandes tendances juin 2021
(4) Actionnariat salarié : à quand le tour des PME et des ETI ? latribune.fr/opinions/tribunes/actionnariat-sal… LE 28/10/2021
(5) Macron assume « totalement » la « verticalité » du pouvoir présidentiel lefigaro.fr/le-scan/2018/04/27/25001/20180427/ARTFIG00298-macron-assume…
(6) Sondage : 54% des Français estiment que la démocratie fonctionne mal contrepoints.org/2021/12/08/416490-sondage-54-des-francais…
(7) 2022 les départements présenteront les propositions pour que la France fonctionne mieux weka.fr/actualite/article/2022-les-departements… le 06/10/2021
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