Par Paul KLOBOUKOFF,
Européennes 2019 en France : lecture entre les lignes
Quelques points importants à souligner, d’abord
Le rebond de la participation est une surprise et un évènement majeur des
élections européennes de mai 2019. En France, son taux est remonté du niveau
très bas de 42,43% en 2014 à 50,12%. La hausse est assez générale dans l’UE, où
le taux a atteint 50,95%. Comme aux élections précédentes, il varie beaucoup
d’un pays à l’autre, et reste nettement plus faible dans 9 pays de l’Est, inférieur
à 30% dans 4 d’entre eux. Ce sont des signes de désintérêt et/ou de non
adhésion à l’UE qui ne trompent pas et que l’on ne regarde pas assez. Parmi les
explications du rebond de l’intérêt des Européens pour ces élections, après des
années de recul, figure en bonne place, à mon avis, le sentiment assez
largement partagé que des changements assez profonds s’imposent et que,
maintenant, il n’est pas illusoire de vouloir faire bouger les lignes. L’espoir
aurait repris le pas sur la résignation. Pour combien de temps et pour quels
changements ?
En France, la liste du Rassemblement national
(RN) est arrivée en tête, avec 23,31% des suffrages exprimés, devant la liste
macroniste, à 22,41%. A peu de choses près, ces résultats étaient inscrits dans
les sondages. Derrière, les scores sont inattendus : - divine surprise
pour Europe Ecologie conduite par Yannick Jadot, à 13,47% ; - immenses
déconvenues pour l’Union Droite-Centre, à 8,48%, La France Insoumise, à 6,31%,
Envie d’Europe (Socialistes), à 6,19%, ainsi que pour celles qui n’ont pu
atteindre le seuil fatidique de 5%, à commencer par Debout la France, à 3,51%,
la Liste Citoyenne de Benoit Hamon et Les Centristes (UDI) de Jean-Christophe
Lagarde.
Mais, dans le nouveau monde au moins autant que
dans l’ancien, l’essentiel n’est pas les résultats. Ce sont leur interprétation
et leur « présentation » au public qui priment et doivent s’imprimer
dans les esprits. A en croire les médias et les « communicants » de
LREM, Emmanuel Macron sortirait presque grandi de ces élections en ne les
perdant que d’un poil. Il aurait même fait reculer son adversaire désignée,
Marine Le Pen, dont le score est inférieur aux 24,86% des européennes de 2014
[mais dont le nombre de voix est monté de 4,71 millions (Mi) à 5,28 Mi]. De plus,
en siphonnant un grand nombre des électeurs des Républicains, il aurait anéanti
ce parti, désormais condamné à la disparition. Pendant ce temps, les grands
perdants vont à Canossa et s’humilient de leurs défaites. Ils s’épanchent sur
leurs erreurs et leurs « carences ». Ils recherchent sur les plateaux
de télé les ressorts de possibles rebonds dans d’hypothétiques changements de
lignes, pour plus d’ouverture, de rassemblement. Ils mettent en cause leurs
organisations et/ou leurs états-majors, avec des relents de rivalités internes
et de querelles d’egos. C’est consternant, et ce défaitisme fait le lit des
« extrêmes », le RN et le camp macroniste. Ces « perdants »
ne semblent pas entièrement conscients que leur principal et premier obstacle
devant la recomposition du paysage politique et la reconstruction de leurs
partis est le chef du parti au pouvoir.
Pour se remonter le moral et
les bretelles, ils pourraient constater, et ne pas taire aux citoyens, que cet
adversaire commun a aussi subi une cuisante défaite. Son électorat s’est
notablement rétréci. Il apparait comme un tigre en papier ou un
colosse aux pieds d’argile plus que comme le grand parti « solidement et
durablement implanté » en France « après seulement deux ans de
gouvernance ».
Des 24,01% de suffrages recueillis au 1er
tour des présidentielles de 2017, Macron et ses partisans sont descendus à
22,41% le 26 mai 2019. Au 1er tour des législatives de juin 2017,
les partis LREM et Modem avaient obtenu 32,33% des voix. Le 26 mai 2019, le
score de l’association LREM + Modem + Agir est de 22,41%. Soit une baisse de – 10%.
L’implication de Macron et du gouvernement dans
la campagne, que la majorité des Français réprouvent, n’a pas suffi. La liste
Loiseau a été « sauvée » de la débâcle principalement parce qu’une
forte proportion de personnes âgées ont voté pour elle. D’après les sondages,
l’électorat de Macron compterait maintenant 47% d’électeurs de 65 ans et plus, contre 24% seulement au 1er
tour de la présidentielle. Le mouvement attire peu les travailleurs et les
électeurs plus jeunes. Pourtant, il se prétend « progressiste » et
critique les conservateurs.
Des transfuges de droite l’ont rejoint. Des
déperditions l’ont diminué au bénéfice des Verts de Yannick Jadot, d’un côté,
et de la liste socialiste, de l’autre. L’électorat macroniste a beaucoup
changé. Il n’est plus « de gauche et de droite », mais surtout de
droite. Il se révèle très instable, voire volatile. Cela se comprend. Macron
était un ministre socialiste de François Hollande. Au début, LREM était
considéré comme de centre-gauche. Elle ne l’est plus. Elle est carrément de
droite et rêve de phagocyter Les Républicains. Comme son patron, c’est un
mutant, un caméléon.
Au plan des idées, en deux ans, LREM n’a pas
vraiment montré d’identité propre et de « ligne politique » claire et
affirmée. C’est le parti d’un homme, qui le dirige d’une main de fer et est le
seul à l’incarner. C’est un avantage en termes de communication, de partage des
mêmes « éléments de langage ». Mais, la dépendance d’un seul homme
est aussi une fragilité… que ses partisans ont failli éprouver le 26 mai.
Le retour des retraités vers Macron le 26 mai
n’est pas une condamnation des nationalistes ou une réponse à ses appels à plus
de multilatéralisme et de souveraineté de l’UE. Plus prosaïquement, c’est un
résultat payant des concessions (aux gilets jaunes) sur l’indexation des
pensions et le remboursement de la hausse de la CSG à une partie des retraités,
ainsi que des promesses d’extension à tous de la réduction puis de la suppression
de la taxe d’habitation (reportée à 2022). Peut-être que des seniors ont
également eu du mal à se reconnaître dans la jeunesse des têtes de listes de
certains partis et ont trouvé plus « rassurante » une tête de liste
de 55 ans. Les menaces du « chaos » si Macron était défait ont sans
doute aussi fait partie des « arguments » décisifs… le temps d’une
élection. Qu’en sera-t-il de la réforme des retraites, et qui défendra avec
conviction et succès les retraités actuels et futurs ?
Les votes des retraités et des
autres personnes d’au moins 65 ans ont été déterminants et le seront plus
encore dans l’avenir. D’après les données de l’INSEE, sur les 67 millions (Mi)
d’habitants de la France, les 65 ans et plus sont 13,4 Mi, soit 20% de la population. En avril 2017,
12,8 Mi étaient inscrits sur les listes électorales, représentant 25,2% de la totalité des 47,1 Mi
d’inscrits. Les sondages indiquent que les deux tiers d’entre eux ont voté le
26 mai et, finalement, ont constitué 33,2%
du nombre total des votants.
Ce pourcentage va continuer à augmenter
rapidement. D’après les projections de population de l’INSEE, dès 2040, pour
une population totale de 72,5 Mi, la France comptera 18,9 Mi de personnes de 65
ans et plus, soit + 41% de plus
qu’aujourd’hui. D’ici 4 quinquennats, si les comportements en matière de
participation ne changent pas, les votes des retraités et des autres électeurs
de 65 ans et plus risquent fort d’être majoritaires. On se préoccupe beaucoup
de la parité femmes – hommes. Mais combien de seniors siègent à l’Assemblée
nationale ?
Ces points étant soulignés, le présent article
est centré sur les deux premiers partis de France, leurs résultats, au niveau
des territoires, en particulier, et leurs électorats, c'est-à-dire sur des
caractéristiques qui les différencient et les opposent… qui peuvent aussi
conduire à s’interroger sur ce qui définit un parti présumé
« progressiste » et un autre qualifié « d’extrême droite ».
Des précisions et des
éclaircissements complémentaires
Une
défaite indiscutable et une politique désavouée par les Français
Dans le « duel » qui a opposé Marine
Le Pen et son parti, le RN, à Emmanuel Macron et son parti LREM + Modem + Agir,
la liste RN a obtenu 0,9 % de plus de voix que sa concurrente. « Une
victoire sans KO » a-t-on pu lire, et des scores proches, conformes aux
prévisions. Le RN aura 22 des 79 sièges français au Parlement européen (PE)
alors que la liste macroniste en aura 21.
Au niveau du PE, qui compte 751 sièges avant Brexit et en comptera
705 après Brexit, l’impact « numérique » des scores des deux
adversaires est marginal. Nous le savions depuis plusieurs mois.
Pour les deux camps, l’enjeu des européennes
était franco-français au premier chef (pour les autres partis également) et
européen essentiellement par ricochet. « Vainqueur », Macron, isolé,
pouvait espérer retrouver un peu de considération de la part de ses pairs de
l’UE. « Vaincu », il perdrait d’autant plus de crédibilité auprès
d’eux qu’il a fait de cette élection une affaire personnelle et gouvernementale.
Une erreur de taille, qui a « aggravé son cas ». Et la montée de la participation à 50,1%, un
peu au-dessus des petits 48,5% du 1er tour des législatives de 2017,
rend sa défaite encore plus indiscutable et sa « légitimité » plus
vacillante.
C’est, d’ailleurs, l’opinion
de la majorité des Français, selon une étude d’Odoxa-Dentsu Consulting (1). 63%
des Français considèrent que c’est un échec personnel pour Macron. Pour 71%,
« il a eu tort, car il n’est pas
censé prendre parti ». « Le chef de l’Etat a eu tort de
s’investir lors de la fin de la campagne pour « critiquer le Rassemblement national » et inciter les
électeurs à voter » afin de faire barrage « aux populistes ».
La grande majorité des sondés
considèrent que Macron sort affaibli de cette élection. C’est même l’avis des
deux tiers des partisans de La République en marche (LREM).
Selon 58% des sondés, le chef de l’Etat doit
procéder à un remaniement ministériel. 49% souhaitent le départ d’Edouard
Philippe de Matignon. Pour 72%, le président doit surtout changer de politique.
Comme il n’en a pas du tout l’intention, « l’Acte II » de son mandat
risque de ne pas être paisible.
Un
électorat macroniste rétréci
Concernant le duel Macron / Le Pen, on peut observer qu’au 1er
tour des présidentielles de 2017, Macron avait recueilli 24,01% des suffrages
exprimés et Le Pen 21,30%. Par rapport à ces scores, le 26 mai 2019, Macron a
perdu - 1,60%
et Le Pen
a gagné +
1,61%.
Au 1er tour des législatives de juin
2017, les partis macronistes LREM et Modem avaient obtenu 32,33% des suffrages
exprimés (28,21% + 4,12%). Le 26 mai 2019, le score de l’association LREM + Modem + Agir
est de 22,41% des suffrages. Le noyau des partisans de Macron s’est donc
contracté de –
10%. De
son côté, par rapport aux 13,20% des suffrages exprimés obtenus au 1er
tour des législatives en juin 2017, le RN a amélioré son score de + 10%.
Nos médias grand public
omettent d’attirer l’attention sur cet affaiblissement
substantiel de la Macronie... qui
permet au Rassemblement National de se présenter comme le premier parti de
France, sans conteste.
Pour masquer la défaite de
l’exécutif et de ses alliés, macronistes et médias mettent en exergue
l’effondrement des autres partis, Les Républicains, La France insoumise, les
autres partis de gauche, Debout la France… et montent en épingle la victoire de
Yannik Jadot. Comme si ces résultats étaient des succès attribuables à leur
mouvement.
Un électorat macroniste instable, typiquement de
droite
Ils se flattent d’avoir copieusement siphonné l’électorat des
Républicains. Cela ne semble pas faux d’après les sondages effectués pendant le
scrutin. Celui d’Ifop-Fiducial (2) a estimé que 27% des électeurs de François
Fillon en 2017 ont (auraient) voté pour Macron ce 26 mai. Ils ne se vantent pas
de ce que 27% des électeurs de Macron en 2017 ont (auraient) voté pour Les
Verts (20%) et les Socialistes (7%) le 26 mai. Se jugeant trahis, des électeurs
de gauche et des écologistes sont revenus à des listes de leurs
« familles » d’origine. Toujours d’après ce sondage, parmi les
électeurs de Macron en avril 2017, seulement 60% ont voté pour sa liste le 26 mai. Les déperditions ont été
importantes et le mouvement macronien n’est pas stabilisé. Volatile, son électorat
n’est pas « de gauche et de droite », ni même « centriste », il
s’est déporté à droite de notre échiquier politique.
Instabilité
gouvernementale et monopole du pouvoir au sommet
L’instabilité règne aussi au
niveau de l’exécutif. 12 ministres ont quitté le gouvernement au cours des 22
premiers mois d’exercice du nouveau pouvoir. C’est un record ! Parmi elles
figurent les « prestigieuses prises de guerre » qui ont apporté de la
crédibilité à LREM et ont aidé Macron à se faire élire : les 3 ministres
d’Etat, Nicolas Hulot (transition écologique), Gérard Collomb (Intérieur) et
François Bayrou (Justice), ainsi que Sylvie Goulard (ministre des Armées),
Françoise Nyssen (ministre de la Culture) et Marielle de Sarnez (Affaires
européennes).
Des turbulences ont aussi
secoué et vidé de puissants membres du cabinet de l’Elysée et de
« conseillers » au service du chef de l’Etat. Les
« affaires » (Benalla, notamment), toujours en instance, ont semé le
trouble et la discorde dans sa garde rapprochée, ainsi que le doute dans
l’esprit de nombreux Français.
Après deux ans de gouvernance et, après avoir
observé l’implication de son chef dans la campagne des européennes, notamment,
les citoyens prennent conscience de ce que La République en Marche n’a pas
vraiment d’identité, de personnalité. LREM est avant tout et presque seulement
Emmanuel Macron, avec le culte de la personnalité qui l’entoure et s’emploie à
magnifier sa personne. Le vide s’est fait autour (en dessous) de lui au
gouvernement. Sans ténors qui pourraient lui « résister » ou lui
faire de l’ombre. Son exercice volontairement solitaire du pouvoir est
évidemment contraire à l’idée qu’on peut avoir de la démocratie. Ce sont des
faiblesses qui brident et qui fragilisent un mouvement dont le destin, la
réussite ou la survie, ne tient qu’à un homme.
Les
séniors ont sauvé la Macronie de la débâcle électorale
Au 1er tour des présidentielles de
2017, 24% des électeurs de Macron avaient 65 ans et plus (3). Le 26 mai,
les électeurs macronistes sont en grande partie âgés et inactifs. 47% ont 65 ans ou plus en France
métropolitaine, d’après une étude de l’Ifop Fiducial du 26 mai comportant une
enquête auprès de 3 018 personnes inscrites sur une liste électorale (2). Avec
les autres inactifs, ils représentent 54% de son électorat. Des proportions
aussi élevées sont des spécificités des partis « conservateurs » UDI
et LR. Aussi, parmi les « fillonistes » que les macronistes ont
siphonnés se trouvent de nombreux retraités. De son côté, la
« dédiabolisation » aidant, l’électorat de la liste RN compte
davantage de séniors qu’auparavant, mais il n’y en a que 27% de 65 ans ou plus.
L’électorat de Macron ne comprend que 10,9% de jeunes de moins de 35 ans.
Celui du RN en comprend 12,8%. Dans celui d’Europe Ecologie, il y en a 21,1%.
La Macronie a perdu des électrices. Malgré
l’activisme effervescent de la ministre Marlène Schiappa. En mai 2019, son électorat est masculin à 55% et
féminin à 45%, contre 52% et 48% au 1er tour des présidentielles.
L’électorat du RN est encore plus masculin avec 62% contre 38%. Au contraire,
celui des Verts comprend 60% de femmes.
Une
opposition droite - gauche ou riches et aisés contre modestes et pauvres
L’électorat macronien
n’est pas, non plus, celui des « travailleurs », qu’il a essayé de
séduire, apparemment en vain. Confirmations de son orientation droitière et
bourgeoise, les 46% d’actifs de son électorat sont pour 8% des dirigeants
d’entreprises et pour 38% seulement des salariés ; 56% de ses électeurs
ont un niveau d’éducation d’au moins bac + 2 ans. A contrario, l’électorat
du RN comprend 52% de salariés et 8% de chômeurs, ainsi que 46% de
personnes dont le niveau d’instruction est inférieur au bac. Il comprend aussi
25% d’électeurs de classe moyenne inférieure, 21% de catégorie modeste et 18%
de pauvres. La confrontation entre la Macronie et le RN ressemble donc à une
opposition droite contre gauche et/ou riches et aisés contre plus modestes et
pauvres.
Des
confirmations de ces spécificités
En d’autres termes, le sondage
d’Harris interactive du 26 mai corrobore les observations précédentes (4).
32,3% de l’ensemble des
votants de 65 ans et plus ont choisi la liste de Macron. Cela a été
aussi le cas de 24,1% des votants, contre 20,4% des votantes, ainsi que de
25,2% des votants de catégories aisées, pour seulement 13,1% de ceux des
catégories populaires.
20,6% des votants de 65 ans et
plus ont opté pour la liste RN. Cela a été aussi le cas de 25,9% des
votants et de 22% des votantes, ainsi que de 32,1% des votants des catégories
populaires, contre 18,4% de ceux des catégories aisées.
22,1% des votants de moins de 18 à 24 ans et
16,4% de ceux de 25 à34 ans ont choisi la liste Europe Ecologie.
Des
électorats ruraux et urbains différenciés
La moitié de l’électorat
macroniste réside dans de grandes agglomérations, 19% dans celle de Paris,
et plus de 31% dans d’autres unités urbaines de plus de 100 000 habitants.
29% sont des citadins d’unités plus petites, et près de 21% vivent dans des
communes rurales. 46% habitent des villes-centres ou des banlieues au niveau de
vie supérieur. Aussi, des « mauvaises langues » ont pu réduire
l’électorat de Macron à « des élites urbaines et des bobos des grandes
villes ».
Presque le tiers de l’électorat
du RN vit dans des communes rurales, et seulement 12% environ dans
l’agglomération parisienne. Ce sont des différences substantielles avec
l’électorat macroniste. 57% habitent dans des unités urbaines plus ou moins
peuplées. Moins de 40% résident dans des villes-centres ou des banlieues au
niveau de vie supérieur.
Un territoire national coupé en deux, partagé
entre LREM et le RN
Les cartes et les statistiques établies montrent que sur tout le
territoire national la liste arrivée en tête est la plupart du temps
celle du mouvement macroniste ou celle du RN. C’est le cas au niveau des
départements, qu’ils se partagent à eux seuls, et à ceux des communes et des
villes, où ils laissent peu de 1ères places aux autres listes.
La liste macroniste de Nathalie Loiseau a pris
la première place dans 30 des 96 départements de la France métropolitaine.
Outremer, elle n’a été première que dans 1 département sur les 5, la
Martinique, et dans 2 des 6 autres territoires ou collectivités, Wallis et
Futuna et la Polynésie française. Dans l’hexagone, ses principaux pôles
d’attraction sont le Grand ouest, l’Ile-de-France et la région lyonnaise. Son électorat,
en grande partie de « catégorie aisée » abonde dans les grandes
villes. La liste est arrivée en tête dans 15 des 20 villes les plus peuplées du
pays. Par contre, elle n’est première que dans le quart de la totalité des 970
villes (et arrondissements de Paris, Lyon et Marseille) de plus de 10 000
habitants que Fig Data (5) a examinés. Ses
scores sont plus faibles dans les villes de moindre importance, surtout lorsque
les niveaux de vie y sont peu élevés, ainsi que dans les zones rurales.
L’emprise territoriale du RN
s’est étendue. La liste du RN est arrivée en tête dans 66 des 96 départements
de la métropole (Corse incluse) et, Outremer, dans 4 des 5 départements ainsi
que dans 4 des 6 autres territoires ou collectivités. Le RN domine dans le
quart nord-est de la France (son score y a été supérieur ou égal à 35% dans 4
départements), dans le sud-est, ainsi que dans de nombreux départements du
centre, ruraux et/ou relativement peu peuplés. Il a pris la tête dans 73% des
communes de moins de 3 500 habitants. Il a aussi été premier dans presque
la moitié (44,5%) des villes et arrondissements de plus de 10 000
habitants, que Fig Data (5) a passés au crible.
De son étude, ressort aussi une forte corrélation entre le niveau de vie des
populations et leur vote. « Plus la commune est riche, plus le vote RN est
faible ». Souvent, quand la commune
est pauvre, « populaire », le score du RN est fort. Sur les 100
villes les moins riches, 85 ont placé en tête la liste de Jordan Bardella. Dans
la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, véritable « bastion » du RN, sa
liste est même arrivée en tête dans des villes aux niveaux de vie aisés et dans
les deux métropoles Nice et Toulon. Parmi les 20 plus grandes villes de France,
c’est aussi le cas à Reims, au Havre (fief d’Edouard Philippe) et à Nîmes. Dans
l’ensemble, les votes recueillis par le RN sont en grande partie ceux d’un
électorat « populaire ». Le RN est bien le premier parti populaire de
France.
Rattrapages aux municipales 2020 ?
Ces derniers résultats ont
été scrutés avec attention par les partis politiques car les municipales de
mars 2020 sont déjà dans leurs collimateurs. Il ne s’agira pas d’une seule
élection à un tour avec une liste unique pour chaque parti. Macron cherchera
sans doute encore à jouer un rôle d’animateur en vue, de figure de proue de son
mouvement. Mais, les problématiques, les enjeux et les adversaires ne seront
pas les mêmes partout. Contrairement aux européennes, les personnalités
des candidats, les « performances » des sortants, ainsi que les
implantations des partis et les alliances locales compteront beaucoup. Les
perdants d’aujourd’hui ont une bonne occasion de se « reconstruire »
et de montrer un autre visage politique de la France. Encore faut-il qu’ils ne
tardent pas à retrouver des convictions et de la détermination, à rassembler et
à retourner au combat. Les résultats seront déterminants aussi pour la
composition du prochain Sénat. Et, représentant indispensable des territoires,
il est actuellement le dernier rempart protecteur de la pluralité politique et
de la démocratie. Les municipales seront donc vitales.Sources et références
(1) Européennes : un échec personnel pour Macron pour près de deux
Français sur trois
actu.orange.fr/europeennes-2019/ europeennes-un… le 27 mai 2019
(2) Européennes 2019 : profil des électeurs et clés du scrutin Ifop-Fiducial pour Paris-Match et Sud
Radio 27 mai 2019
(3) Le 1er tour de l’élection présidentielle 2017 Harris interactive le 27 avril 2017
(4) Vote aux élections européennes du 26/05/2019 Harris Interactive le 27 mai 2019
(5)
Population et richesse de la commune, deux facteurs explicatifs du vote RN
lefigaro.fr/fig-data/elections-européennes-villes… Le 29 mai 2019
© 07.06.2019