kloboukoff 213 - Académie du Gaullisme

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kloboukoff 213

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par Paul KLOBOUKOFF
Sombre bilan économique 2018 et tristes perspectives 2019
 
En résumé
 
Malgré l’importance de leurs enjeux, il ne s’agit pas ici de disserter sur la « crise des gilets jaunes » et/ou de spéculer sur ses suites politiques et institutionnelles jusqu’aux européennes de mai, voire aux élections municipales de 2020. Le gouvernement et les médias grand public (MGP) audiovisuels mobilisent et polarisent l’attention de façon assez « insistante » sur ces sujets ainsi que sur le « grand débat » [fortuitement ?], omettant de traiter du bilan économique et financier de la gouvernance macronienne. Et pour cause ! Pendant l’année 2018, la croissance du PIB n’aurait pas atteint + 1%, tandis que la dette publique a augmenté de + 126,5 milliards d’euros (Mds €) et monté à2 345 Mds € à la fin de l’année, soit presque la valeur du PIB de 2018. Cela vaut bien la peine d’en parler !
 
Dès le début de 2018, les choix macroniens ont cassé la dynamique de croissance qui avait été retrouvée à l’automne 2016 et avait permis au PIB de progresser à un rythme soutenu jusqu’à fin 2017. Cette « cassure » s’est traduite par une croissance en 2018 nettement inférieure aux prévisions (hasardeuses) du programme de stabilité 2018-2022 présenté par le gouvernement à la Commission de Bruxelles en avril 2018 et par le non respect des engagements alors pris en matière de déficit et, plus encore, d’endettement public. Les créations d’emploi ont aussi été très décevantes et le chômage n’a quasiment pas reculé. « Le pouvoir d’achat » en a forcément pâti. Les gilets jaunes ne sont les seuls à le déplorer.
 
Bien sur, dans les « timides » explications du « ralentissement » de notre croissance, de « bonnes » causes sont mises en avant : la guerre commerciale déclenchée par Trump contre la Chine et le reste de la planète, l’évolution trop peu favorable de la croissance mondiale, de celle de la zone euro, ainsi que les pertes imputées aux manifs des gilets jaunes. Ces « explications » sont difficilement chiffrables et ne peuvent cacher que la cause majeure du « décrochage » de la croissance en France est la politique économique et sociale défaillante de l’exécutif.
 
A la fin de l’année 2018, l’acquis de croissance pour 2019 est faible et on peut s’attendre à une hausse du PIB entre 2018 et 2019 limitée à + 1,3%, voire un peu moins. Or, la Loi de finances pour 2019 arrêtée à fin décembre repose sur l’hypothèse d’une progression de + 1,7% et affiche une prévision du déficit budgétaire de 3,2% du PIB, qui en réalité semble devoir être plus proche de 3,5%. A quoi joue et qu’espère l’exécutif ? En outre, l’espoir de voir le montant de dette publique cesser de gonfler au cours de l’année 2019 est plus que ténu..
 
L’optimisme (de façade ?) des gouvernants pour 2019 contraste avec des perspectives plutôt tristes, l’inquiétude qui domine et le manque de confiance qui se lit sur tous les fronts. Les annonces de rebond vigoureux du pouvoir d’achat, consécutives notamment aux « 10 milliards » généreusement accordés en décembre par le monarque (« des miettes », selon des intéressés) apparaissent peu crédibles.
 
Les dépenses de consommation des ménages ne « soutiennent » pas la croissance. Après avoir augmenté (en volume) de + 1,1% en 2017, elles ne croitraient que de + 0,8% en 2018 et « rebondiraient » en 2019 avec une hausse de + 1,4%, consécutivement aux mesures décidées par le chef d’Etat… dont les MGP audiovisuels nous rebattent inlassablement les oreilles. Les conjoncturistes et les autres pronostiqueurs s’interrogent sur les raisons de cette faiblesse des dépenses de consommation en se référant à la croissance du pouvoir d’achat (PA), pourtant bien modeste. Elle ne dépasserait pas + 1,4% (pour l’ensemble de la population, et + 0,8% par tête) en 2017 puis en 2018. Une augmentation très inégalement répartie, les « ultra-riches » en étant les grands gagnants, et les retraités des classes moyennes, les grands perdants. Une augmentation du PA qui est aussi un leurre parce qu’elle ne tient pas compte de la perte de valeur réelle du patrimoine financier des ménages, et en particulier des dépôts bancaires, non rémunérés ou rémunérés bien en dessous du taux de l’inflation, qui est repartie en 2017. Cette perte est loin d’être négligeable. Si les Autorités font mine de l’ignorer, refusant de renoncer à la politique de répression de l’épargne, les gilets jaunes et les victimes de cette double peine n’en sont pas totalement inconscients. Il est donc nécessaire d’en dire quelques mots, ainsi que du pouvoir d’achat, un concept complexe souvent dévoyé et/ou ou mal traité.
 
La dynamique de croissance cassée par les « réformes »
 
Après une longue torpeur, de façon presque inaperçue, la France a retrouvé une dynamique de croissance à l’automne 2016. Le Produit intérieur brut (PIB) a « bondi » de + 0,6% au quatrième trimestre et la « courbe du chômage » a enfin commencé à « s’inverser »… sous la présidence de François Hollande. Sur la lancée, défiant les mornes prévisions des oracles (INSEE, Banque de France, OCDE, FMI…), le PIB a ensuite progressé de + 0,8%, + 0,6%, + 0,6%, puis de + 0,7% au cours des quatre trimestres de 2017. En juin 2018, après plusieurs révisions à la hausse, les comptes de la nation ont ainsi pu faire (tardivement) état d’un taux annuel de croissance inespéré de + 2,3% entre 2016 et 2017. A fin 2017, « l’acquis de croissance » pour l’année 2018 était évalué à plus de + 1%... et, comptant sur le prolongement des tendances, l’INSEE prévoyait un taux de croissance de l’ordre de + 2% entre 2017 et 2018.
 
Un fastueux présent, le retour d’une croissance vigoureuse, avait ainsi été offert par François à son dévoué et fidèle collaborateur Emmanuel, devenu président en mai 2017. Un cadeau d’autant plus appréciable que, suivant la croissance, les rentrées fiscales battaient des records dès le début de 2018, tandis qu’aussitôt au pouvoir, Macron s’était employé à remplir les goussets des plus riches et à chambouler le système des prélèvements obligatoires, à surtaxer les retraités, les classes moyennes et l’immobilier, à mettre sous séquestre les ressources des collectivités locales… sans indiquer et, apparemment, sans savoir précisément où tout cela conduirait et ce que cela impliquerait.
 
En mars 2018, l’Institut a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour le début de l’année 2018, s’attendant à une consommation « en demi-teinte », consécutive au choc fiscal (hausses de la CSG, des taxes sur les carburants et le tabac), au gel des retraites et des salaires dans la fonction publique, notamment. L’exécutif n’a pas entendu ces « réserves » (et celles des autres oracles), sans doute persuadé de l’efficacité de ses réformes et autres mesures.
 
Le 11 avril, le Conseil des ministres a décidé de présenter à la Commission européenne un « programme de stabilité » basé sur des perspectives de croissance plus fortes que celles de la loi de finances pour 2018 promulguée en décembre 2017 (qui étaient de + 1,7%) et une trajectoire des finances publiques 2018-2022 revigorée. Les prévisions y étaient de + 2% en 2018 et de + 1,9% en 2019, puis encore de + 1,7% par an de 2020 à 2022. Des prévisions que le gouvernement a qualifiées de « prudentes » !
 
Le secteur marchand était supposé créer 250 000 postes en 2018 et encore 225 000 en 2019 (contre 240 000 en 2017). L’emploi total devait progresser de + 1 % en 2018, de + 0,8% en 2019 et en 2020, puis de + 0,6% les années suivantes. Quant au chômage ? Je n’ai pas trouvé d’objectif chiffré dans les 82 pages du programme de stabilité. L’exécutif s’y est engagé à réduire la dépense publique totale de 56,5% du PIB en 2017 à 56% en 2018, 54,9 % en 2019 pour descendre à 51,7% en 2022. Il prévoyait d’abaisser le taux des prélèvements obligatoires (nets des crédits d’impôts) de 45,4% du PIB en 2017 à 45% en 2018, à 44,0% en 2019, puis à le garder à 44,3% de 2020 à 2022. Il n’était donc pas dans ses intentions de relâcher de sitôt la pression fiscale.
 
Ainsi, le déficit public devait être ramené de 2,6% du PIB en 2017 à 2,3% en 2018, puis 2,4% en 2019, avant de baisser significativement en 2020 et de se résorber en fin de quinquennat. Autre promesse : la baisse du ratio dette publique/PIB, de 97% en 2017 à 96,4% en 2018, 96,2% en 2019, puis à 94,7% en 2020 et à 89,2% en 2022.
 
J’avais déjà exposé ces éléments du programme de stabilité dans mon article de la Lettre de septembre 2018 intitulé « Pourquoi tant de reculs, d’improvisations et de cafouillages ». J’y reviens car les objectifs fixés dans ce programme doivent normalement servir de références à la Commission de l’UE pour juger des performances de la gouvernance de la France. C’est aussi à leur aune que nous pouvons apprécier les résultats observés et/ou attendus à fin 2018.
 
En décembre 2018, les comptes nationaux trimestriels montrent une rupture depuis le début de 2018 et une croissance en berne toute l’année. En effet, le taux de progression du PIB a chuté à + 0,2% au 1ertrimestre, + 0,2% au second et + 0,3% au 3ème trimestre. L’INSEE a aussi annoncé une prévision de + 0,2% pour le 4ème trimestre… en tenant compte d’un possible impact macroéconomique de - 0,1% de la « crise des gilets jaunes ». Dans ces conditions, le taux de croissance annuel entre 2017 et 2018 ne serait que de + 1,5%, contre les + 2% avancés en avril. Un taux de + 1,5% obtenu grâce à la croissance déjà acquise à la fin de 2017. Tandis que pendant les douze mois de 2018, la croissance se limiterait à + 0,9%, au total.
 
D’après l’INSEE, les créations d’emploi dans le secteur marchand ne seraient que de 107 000 durant l’année 2018. Nous sommes très loin des 250 000 prévues en avril et des 322 000 de 2017. Aussi, le taux de chômage (au sens du BIT), qui était de 8,9% au 4ème trimestre 2017, n’a pas baissé, et est de 9,1% au 4ème trimestre 2018.
 
Indicateur de notre compétitivité, le déficit des échanges extérieurs de la France augmenterait de 0,57% du PIB en 2017 à 0,92% du PIB en 2018, selon les prévisions datant d’octobre du FMI. L’absence d’une véritable stratégie industrielle, le soutien financier apporté sans contreparties aux grandes entreprises, de plus en plus transnationales, ainsi que la surévaluation de l’euro pour l’économie française, ne sont pas étrangers à cette faiblesse structurelle.
 
Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019 présenté en septembre 2018, les hausses des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires inscrits pour l’année 2018 sont de près de 20 milliards € supérieurs à ceux de 2017. Et le déficit public est chiffré à 2,6% du PIB. Mais, pas mal de changements sont intervenus en fin d’année notamment avec le ralentissement plus fort que prévu de la croissance et les gilets jaunes. Aussi, le 17 décembre, l’Assemblée nationale a porté le déficit prévu à 2,7% du PIB (1)… contre 2,3% annoncés à Bruxelles en avril.
 
Le dérapage de la dette publique est très préoccupant, sinon dramatique. Son montant brut s’élevait à 2 218,4 Mds € à fin 2017 et représentait 96,8% du PIB. A la fin du 3ème trimestre 2018, il était monté à 99,3% du PIB. Au 28 décembre, à 11 h, la dette publique brute avait encore augmenté et atteignait les 2 344,9 Mds €… soit 99,5% du montant du PIB 2018 (2 356,3 Mds €) affiché par le FMI en octobre. Il faudra attendre le printemps prochain pour que les comptes nationaux annuels de l’INSEE fournissent des évaluations plus précises et fiables du montant du PIB, ainsi que de ceux des dépenses publiques, des prélèvements obligatoires et du déficit. En attendant, au 7 janvier 2019 à 11 h, le compteur de la dette (dettepublique.fr) indique un montant de 2 347,2 Mds € et souligne que ce montant augmente inlassablement de 2 665 € par seconde.
 
Ainsi, au cours de l’année 2018, la dette publique a cru de + 126,5 Mds €. Cela équivaut à près de 5,4% du montant du PIB de 2018. Enorme ! Ceci pour aider à financer une croissance que n’atteindrait pas + 1% au cours de l’année 2018. Décidément, la faible croissance macronienne coûte très cher à la France.
 
Des perspectives 2019 poussives habitées par la méfiance
 
« L’Insee table sur une croissance poussive en 2019Economie » avait titré l’Usine Nouvelle le 19 décembre (2), rappelant des prévisions récentes de l’Institut qui misait, avec les précautions d’usage, sur une progression du PIB de + 0,4% au 1er trimestre 2019, de + 0,3% au 2ème trimestre et un acquis de croissance de + 1% à l’été 2019. Un acquis modeste dû à la faiblesse de la croissance au cours de l’année 2018, nous l’avons vu. Aussi, même si le PIB croissait de + 0,4% au 3ème et au 4ème trimestre 2019, le taux annuel de croissance entre 2018 et 2019 ne serait que de + 1,3%, d’après le chef du service de conjoncture de l’INSEE. Ce calcul prend en compte les dernières mesures annoncées en faveur du pouvoir d’achat (hausse de la prime d’activité, baisse de la CSG pour les retraités aux revenus modestes, défiscalisation des heures supplémentaires), dont « on » attend une augmentation de + 0,5% du revenu disponible des ménages. La question principale serait donc de savoir si ce supplément de revenu va être dépensé pour la consommation ou s’il va grossir l’épargne, le moral des ménages étant au plus bas. L’investissement des entreprises continuerait à augmenter, mais à un rythme en baisse, + 0,6% par trimestre d’ici l’été. La balance du commerce extérieur serait encore déficitaire. Au premier semestre, la production industrielle stagnerait et les entreprises ne créeraient que 64 000 emplois, malgré la transformation du CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi) en baisse des cotisations patronales.
 
Pourtant (n’écoutant que ses « certitudes » ?), le gouvernement a fait adopter une loi de finances (LDF) pour l’année 2019 (promulguée le 28 décembre 2018) basée sur une prévision de croissance de + 1,7% entre 2018 et 2019. Réaliste, sincère ? La LDF prévoit de « ramener » le déficit public à 3,2% du PIB, de limiter la dépense publique à 54%, « contre 54,6% en 2018 » et le taux des prélèvements obligatoires à 44,2%, « contre 45% en 2018 » (3).
 
Pourtant, on avait pu lire le 16 décembre sur lefigaro.fr (4) ces propos du nouveau président de l’AN, Richard Ferrand : « Nous assumons d’avoir un déficit plus élevé que prévu – sans doute à 3,4% du PIB ». «  Il s’agit d’un pic conjoncturel, non d’une trajectoire structurelle. La transformation du CICE en baisse des charges pérenne représente un effort exceptionnel estimé à 0,9%. Nous serons donc à 2,5% en 2020 ».
 
L’article du 21 décembre, « L’économie française donne des signes de faiblesse », sur finance.orange.fr (1), a souligné le doute qui pèse sur les prévisions budgétaires et le déficit de 3,2% du PIB... que Pierre Moscovici, Commissaire européen a jugé « pas irréaliste » et « limité et acceptable ». [Ouf !]. Pour sa part, comme d’autres économistes, Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Ostrum Asset Management, a estimé que le déficit sera proche de 3,5% du PIB… et que le taux de croissance ne sera pas de + 1,7%, mais de + 1,2%. On peut craindre qu’il n’ait pas tort. Il a ajouté : «  En 2017, l’amélioration budgétaire était liée purement et simplement à la croissance. Sur 2018-2019, on voit que la politique économique en tant que telle ne permet pas l’amélioration des finances publiques ». C’est gentiment dit, mais c’est loin d’être son seul défaut.
 
Les hausses du pouvoir d’achat annoncées: des leurres pour gogos ?
 
D’après les comptes nationaux publiés en juin 2018, le pouvoir d’achat (PA) des ménages n’a progressé entre 2016 à 2017 que de + 1,3%, malgré la forte augmentation en valeur du Revenu disponible brut, + 2,6%... parce la hausse des prix à la consommation des ménages (de l’énergie, en particulier) a atteint globalement + 1,3%.
 
En décembre 2018, l’accroissement du PA en 2017 figurant dans les tableaux est de + 1,4% et l’estimation pour 2018 est aussi de + 1,4%. Cette dernière est justifiée par une baisse du PA de - 0,4% au 1er trimestre, suivie de hausses de + 0,8% au 2ème trimestre et de + 0,4% au 3ème, et couronnée par une prévision de hausse de + 1,3% au 4ème … qui demande à être vérifiée lorsque des données observées plus complètes seront disponibles. Pour 2019, optimiste, l’INSEE s’attendrait à une hausse plus forte. Il affiche des progressions de + 1,4% à chacun des 2 premiers trimestres, et un acquis de + 2% au milieu de l’année.
 
Les gains de PA ci-dessus dépendent (beaucoup sur longue période) de la croissance de l’économie. Aussi, la rupture de la croissance en 2018 a inévitablement impacté à la baisse la progression du PA des ménages. De combien ? Sans doute de quelques dixièmes de point.
 
Ces gains sont ceux pour l’ensemble de la population de la France. Celle-ci augmente de l’ordre de + 0,6% chaque année. Aussi, pour une hausse globale de + 1,4%, l’augmentation du PA par tête est de l’ordre de + 0,8% seulement. A noter qu’au PA par tête, les statisticiens, plus raffinés, préfèrent le concept de PA par unité de consommation, qui tient compte, à sa façon, de la composition des ménages. Les différences entre les évolutions d’une année à l’autre de ces deux unités de mesure sont minimes.
 
 
D’après les comptes nationaux, en 2017, le Revenu disponible brut (RDB) était de 1 389 Mds € et avait servi à financer 1191 Mds de dépenses de consommation individuelle, 198 Mds € de FBCF (investissement logement) et permis de dégager une épargne de 117 Mds €.
 
Aussi, une hausse du pouvoir d’achat de + 1,4 %, c’est aussi une majoration du RDB d’à peu près + 19 Mds € en 2017 et + 20 Mds € en 2018. Deux chiffres à retenir.

Pouvoir d’achat : un concept complexe affiné par les comptables nationaux
Défini par l’Insee, « le pouvoir d’achat correspond au volume de biens et services qu’un revenu permet d’acheter. L’évolution du pouvoir d’achat des ménages est calculée en retranchant au taux de croissance du revenu disponible brut le taux de croissance du déflateur [indice des prix] de la dépense de consommation finale en comptabilité nationale.
Le revenu disponible brut (RDB) des ménages « comprend l’ensemble des revenus d’activité (rémunérations salariales y compris cotisations légalement à la charge des employeurs, revenu mixte des non salariés), des revenus de la propriété (intérêts, dividendes, revenus d’assurance-vie…) et des revenus fonciers (y compris les revenus locatifs imputés aux ménages propriétaires des logements qu’ils occupent [loyers fictifs]. On y ajoute principalement les prestations sociales en espèces reçues par les ménages et on retranche les cotisations sociales et les impôts versés [pas les taxes foncières, l’ISF (puis l’IFI)...] ».

Lorsque sont affichés des gains de pouvoir d’achat issus de « comptes trimestriels », on peut donc subodorer qu’il s’agit d’estimations de nature (et de fiabilité) très différente de celles résultant des travaux approfondis d’élaboration des comptes annuels définitifs… assez tardives. Méfiance, donc. Surtout si les auteurs sont des politiciens + ou - amateurs.

+ Attention : l’INSEE calcule aussi un pouvoir d’achat du revenu disponible brut ajusté (RDBA). Ce RDBA s’obtient en ajoutant au RDB précédent la valeur des transferts sociaux en nature reçus diminuée de la valeur de ceux payés. Et dans les documents, il n’est pas toujours précisé de quel PA il s’agit.


Les transferts sociaux en nature nets en 2017 étant chiffrés à 401,8 Mds €, le RDB ajusté se monte à 1 790,8 Mds €. 1,4% de hausse de PA de ce revenu, c’est aussi + 25 Mds € de revenus supplémentaires pour les ménages. D’où l’importance d’être précis sur le RDB et le pouvoir d’achat dont on fait état.
Il est tout autant nécessaire d’être attentif à l’indice des prix que l’on utilise pour mesurer l’érosion monétaire du Revenu disponible brut. En voici les raisons :


Evaluation des gains de pouvoir d’achat : Attention au mauvais usage de l’IPC
L’indice des prix à utiliser pour calculer l’évolution du pouvoir d’achat est celui de la consommation finale des ménages fourni par les comptes nationaux. Son champ est plus large, notamment pour le logement, que celui de l’Indice des prix à la consommation (IPC) publié chaque mois par l’Insee, et la méthodologie suivie diffère pour des produits spécifiques, tels l’assurance dommage.
En outre, l’évolution de l’IPC d’un mois à un autre, par exemple de mi-2016 (juin) à mi-2017 (+ 0,66%) ou bien de fin 2016 (décembre) à fin 2017 (+ 1,09%) n’est pas forcément une bonne « approximation » de l’évolution moyenne des prix entre 2016 et 2017.
Ainsi, les comptes nationaux font état d’une hausse moyenne des prix à la consommation de + 1,4% entre 2016 et 2017… nettement supérieure aux deux évolutions précédentes de l’IPC.


Je fais un reproche important au concept du pouvoir d’achat du RDB. Il ne prend pas en compte les pertes (ou les gains) du patrimoine financier des ménages, que l’Observatoire de l’épargne réglementée de la Banque de France suit attentivement. Selon son rapport sur l’exercice 2017, le montant de l’encours du numéraire et des dépôts à vue, non rémunérés, est de 539,6 Mds €. Celui des dépôts bancaires rémunérés est de 969,3 Mds €. Ensemble, c’est un « pactole » de 1 489 Mds € qui a perdu de sa valeur en 2017, en 2018, et qui continuera à se dévaloriser au moins jusqu’à 2020 si la politique punitive, répressive, de rémunération de l’épargne ne change pas.
A elle seule, l’épargne réglementée s’élève à 733,1 Mds €. En son sein, les encours des Livrets A (55 millions de personnes en détiennent) et les LDDS, Livrets de développement durable et solidaire (près de 35% des ménages en détiennent) représentent, additionnés, 360,6 Mds €. Ils sont rémunérés à 0,75% par an depuis 2015, et ce sera jusqu’à 2020. L’encours des comptes d’épargne logement (CEL), rémunérés à 0,5% depuis 2016, s’est réduit à peau de chagrin. Les 236,4 Mds € des comptes à terme et des Livrets ordinaires sont rémunérés par des queues de cerises. Seuls les 270,1 Mds d’encours des PEL enregistrent un rendement moyen de presque 2,7% car les PEL souscrits jusqu’à 2015, lorsque le taux contractuel était supérieur ou égal à 2,5%, dominent largement. Le taux des PEL a été ramené à 1% depuis août 2016.
En janvier 2019, d’après les calculs de la Banque de France, le taux moyen de rémunération des encours des dépôts bancaires des ménages a été de 0,89% de septembre à novembre 2018. Celui du numéraire (et des « bas de laine » qui dorment sous les matelas) étant nul, on peut considérer que le taux moyen de rémunération des 1 489 Mds € ci-dessus est voisin de 0,8%. Selon les comptes nationaux, le prix moyen de la consommation des ménages ayant augmenté de + 1,4 %, ce magot a été dévalorisé de – 0, 5 à – 0,6%, soit de - 7,5 Mds € à - 9 Mds €… et le pouvoir d’achat des ménages a été amputé d’autant. Nette de cette amputation, la hausse du PA a donc été inférieure à + 0,9%. C’est très faible au regard d’une croissance du PIB de + 2,3%. Cela permet aussi de mieux comprendre pourquoi la consommation des ménages a si peu progressé en 2017 et en 2018. Beaucoup de ménages ont « économisé » et tenté de préserver, de maintenir,  la valeur réelle de leur épargne.
Je ne compte pas les pertes en capital « potentielles » enregistrées par les ménages « citoyens » qui se sont aventurés sur les marchés des actions et auxquels on reproche souvent de toucher des dividendes fabuleux. Du 11 mai 2017 au 30 décembre 2018, le CAC 40 est tombé de 5 406 points à 4 731 points, perdant 11,4% , et le SBF 120, couvrant 3 fois plus de sociétés, a chuté de 4 283 points le 9 mai 2017 à 3 756 points le 30 décembre 2018, soit de 12,3%. Sur un encours d’actions cotées des ménages en 2017 de près de 280 Mds €, une baisse de l’ordre de 12% représente encore une perte « potentielle » de l’ordre de 33 Mds € en 20 mois… soit de l’ordre de – 2,4% de pouvoir d’achat du Revenu disponible brut. Je cite ces chiffres ici également parce que c’est un témoignage de la méfiance des « investisseurs » envers les performances de « nos » entreprises, envers les perspectives de croissance et, sans doute aussi, envers la politique économique et financière de l’exécutif. Quant aux premiers de cordée si généreusement traités, ils ne semblent pas s’être précipités pour acheter des actions françaises.
Pénaliser l’épargne des ménages pour les pousser à consommer (et fournir de l’argent à vil prix aux banques) s’est donc avéré être et reste une erreur de stratégie. Surtout associée au blocage des salaires dans la fonction publique ainsi que des pensions des retraités, dont nombre ont aussi eu à souffrir de la hausse de la CSG, sans compensation. A cet égard, pendant que la réforme des retraitesest supposée être à l’étude et faire l’objet de « concertations », on peut observer que cette « réforme » est mise en pratique depuis plus de deux ans et que son premier objectif est d’abaisser le niveau des pensions de façon à réduire leur « coût » global. Double peine, la pénalisation de l’épargne vient interdire aux retraités et ceux qui approchent de l’âge de la retraite de recourir à la solution de sauvetage que constitue pour eux la « capitalisation » spontanée et individuelle. C’est une erreur de politique économique et sociale de plus, car, inévitablement, l’abaissement recherché des pensions ne pourra pas se passer de plus de capitalisation. Il vaudrait mieux le reconnaître, reconsidérer la question et « réformer » en conséquence.
Des ultra-riches grands gagnants et de très nombreux perdants
Dès le PLF 2019 connu, en septembre, de nombreux articles ont traité des impacts à en attendre sur les pouvoirs d’achat, alliant des exemples de cas particuliers ou portant sur des groupes sociaux. Le flot s’est tari après l’annonce de « l’effort » de 10 Mds € de Macron en réponse aux revendications des gilets jaunes en décembre. Peut-être en raison du flou de certaines mesures et des « hésitations » qui persistent… avant le « grand débat ».
L’institut des politiques publiques a réalisé une étude minutieuse des conséquences des décisions budgétaires 2018 et 2019 sur les budgets des ménages. L’article « Qui sont les gagnants et les perdants de la politique fiscale 2018 et 2019 de Macron ? » sur leblogpatrimoine.com le 12 octobre (5) en présente d’intéressants extraits. Sur les deux années, les retraités sont « les grands perdants de la politique du gouvernement MACRON ! ».
. Seuls deux petits groupes de retraités verraient leur revenu disponible par unité de consommation(RDPUC) augmenter : - au bas de l’échelle des revenus, pour le quart des retraités les plus « riches » parmi les 10% les plus pauvres, l’amélioration serait de + 1,5% à + 2,2% ; - les 1% des plus riches, qui « gagneraient » jusqu’à plus de 5,5%, en moyenne. Presque tous les autres retraités verraient leur RDPUC raboté : de - 1% environ pour ceux des classes moyennes et de - 3% pour les 20% qui ne bénéficient pas de la baisse (suppression partielle) de la taxe d’habitation (TH). La non revalorisation des pensions serait la principale responsable de cette détérioration.
. Par contre, « les actifs profitent de la suppression des cotisations sociales maladie et chômage ». Le cinquième des actifs, ceux du bas de l’échelle des revenus « gagneraient » très peu ou auraient de légères pertes. Environ la moitié des actifs, pour la plupart des classes moyennes, auraient des gains de l’ordre de + 2% (en moyenne). Ces gains seraient limités à + 0,5% pour un cinquième des actifs, des « riches », dont les TH ne baisseraient pas en 2019. Les 1% des ultra-riches verraient leur revenu disponible par UC grimper de + 6% (toujours en moyenne).
. Qu’il s’agisse des retraités ou des actifs : - les ménages les plus modestes sont touchés par la non revalorisation ou la baisse (APL) de certaines aides sociales ; - les plus riches, et surtout ceux détenteurs des gros patrimoines financiers sont les grands bénéficiaires des réformes, avec la « transformation » de l’ISF en IFI et la création de la flat tax de 30% sur les revenus financiers. Inutile de le rappeler aux gilets jaunes… et à bien d’autres.
Sur contrepoints.org, l’article du 23 décembre «  « 10 milliards de cadeaux » : la com du Père Noël Macron » de Rémy Prud’homme (6), dégonfle la baudruche qui a pu leurrer pas mal d’honnêtes gens en leur faisant croire que le pouvoir d’achat des plus pauvres serait augmenté d’autant. Faux ! Ce sera de beaucoup moins. Démonstration :
. Effectivement l’augmentation de 2,5 Mds € de la prime d’activité (et non de + 100 € du SMIC) va majorer le pouvoir d’achat (PA) des plus pauvres. Pas seulement des « smicards ».
. Sur les 2,5 Mds d’allègements de charges sur les heures supplémentaires, 1,2 Md correspond à des charges sociales et 1,3 Md correspond à de l’impôt sur le revenu. Un impôt que ne paient pas les travailleurs pauvres (plus de la moitié des Français ne le paient pas). Seuls les contribuables imposés à l’IR bénéficieront de cette « défiscalisation ».
. L’abandon de la hausse de la CSG pour les retraités des ménages dont le revenu est bas, dont le « coût » est chiffré à 1,5 Md €, ainsi que celui des hausses de taxes sur les carburants initialement prévues, au « coût » estimé à 3,5 Mds € ramènent aux niveaux de la fiscalité de 2017. Ce sont des décisions de ne pas majorer de + 5 Mds les impôts des ménages, et non pas de les baisser de - 5 Mds. Ils n’entraînent aucune augmentation de pouvoir d’achat.
Finalement, l’impact des « 10 Mds » sur le pouvoir d’achat serait limité à – 5 Mds €, dont 3,8 Mds € pour les travailleurs pauvres. Des « miettes » du gâteau de plus de 1 000 Mds annuels de prélèvements obligatoires !
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En ce début d’année, et tandis que le « grand débat » attend la « lettre de cadrage » de Macron, l’exécutif et des partisans de LaREM entretiennent leurs certitudes sur « le cap à suivre » et ne veulent pas en dévier. Tout à leurs manœuvres pour tirer le meilleur parti de ce « grand débat » (défouloir ?), ils oublient complètement de se préoccuper de la croissance autrement qu’avec des petits calculs sur ce que pourraient procurer en terme de fractions de points de PIB et de pouvoir d’achat des petites « concessions »… qui éviteraient surtout de revenir en arrière sur la suppression de l’ISF, sur l’institution du prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus financiers et sur la baisse des impôts sur les sociétés, sur la revalorisation effective du SMIC, sur celles des pensions… quitte à se parjurer sur la promesse de supprimer la taxe d’habitation d’ici 2021 pour les 20% les « plus aisés » en la jetant en pâture à ceux qui réclament plus de justice fiscale. C’est, en effet, une magouille de plus que mijote l’exécutif, que Bruno Lemaire a dévoilée « officiellement » le 7 janvier (7) et que le président a confirmée. Encore faudrait-il que le Conseil constitutionnel n’y voie pas de discrimination non conforme à la Constitution. Tristes sires, en vérité ! Triste France des pauvres et des classes moyennes, travailleurs et retraités.

Sources et références :
(d1) L’économie française donne des signes de faiblesse finance.orange.fr/actualite-eco/article/l-economie… le 21/12/2018
(p1) L’Insee table sur une croissance poussive en 2019 – Economie usinenouvelle.com/editorial/l-insee… le 19/12/2018
(l1) Loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion…
(f1) Un déficit dans doute supérieur à 3,4% du PIB en 2019 lefigaro.fr/flash-eco/2018/12/16/97002…
(bp1) Qui sont les gagnants et les perdants de la politique fiscale 2018 et 2019 de Macron ? leblogpatrimoine.com/impot/pouvoir-d-achat… le 12/10/2018
(bp2) « 10 milliards de cadeaux » : la com’ du Père Noël Macron contrepoints.org/2018/12/23/333169-10-milliards…
(th1) VIDEO. La suppression de la taxe d’habitation pour tous remise en cause ? actu.orange.fr/politique/video-la-suppression… le 07/01/2019


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