22 mars : grève de la SNCF. Une date qui nous en rappelle une autre, celle du mouvement lancé à Nanterre le 22 mars 1968 par l’ineffable Daniel Cohn-Bendit. Il y a tout juste cinquante ans ! Il parait que les Français sont favorables à la suppression du statut des cheminots. Pas étonnant au pays de l’Égalité qui refuse de voir d’autres inégalités infiniment plus choquantes et qui en veut à la SNCF (et à ses innombrables retards) qui les considère comme de simples « usagers » et non comme des « clients ».
Ce n’est pourtant pas le malheur des uns qui fera le bonheur des autres même si, « fake news » à l’appui, on continue à diffuser des informations obsolètes comme la fameuse « prime de charbon » disparue en 1974 ou la « prime pour l’absence de prime pour les cheminots sédentaires » qui n’a jamais existée ! Les problèmes que connait la SNCF à l’heure de l’ouverture à la concurrence, sont d’une bien plus ample nature que celle sur laquelle cherche à nous focaliser le Gouvernement : le statut des cheminots ! Endettement massif, gestion de lignes n’ayant plus aucune rentabilité, concurrence tarifaire des avions « low cost », sécurité du réseau insuffisamment entretenu, s’opposent à d’autres considérations qui doivent aussi être prises en compte : continuité des moyens de communication pour tout le territoire, tarifs adaptés aux différents publics, souplesse des transports par car, nouveaux modes de circulation comme le covoiturage… Pour prendre en compte toutes ces données et proposer une véritable politique des transports il faut ouvrir un débat éclairé qui ne se résume pas à des propos de « Café du Commerce ». Un exemple : nous regrettons tous bien sûr de voir nos routes encombrées de poids lourds de plus en plus gros et de plus en plus nombreux.
Mais la vraie question n’est-elle pas : Pourquoi le transport routier gagne-t-il du terrain alors que le transport ferroviaire est en perte de vitesse ? La différence de salaires entre les routiers des différents pays de l’Union européenne fait des ravages sur les routes. Avec la pratique du « cabotage » qui autorise un camion à circuler d’un pays européen à un autre de nombreuses sociétés françaises ont mis la clé sous la porte, ou se sont délocalisées dans les pays où les salaires sont bas (Roumanie, Slovaquie, Pologne…). Les véhicules utilitaires légers (VUL) traversent toute l’Union européenne, quasiment sans contrôles et rendent le transport routier infiniment plus compétitif que le train. On fait voyager de moins en moins de matières premières et de plus en plus de produits finis, avec des origines et des destinations multiples et les opérateurs routiers, contrairement au secteur des chemins de fer, ont su prendre en compte à temps cette nouvelle dimension.
Il est difficile de faire mieux que la flexibilité des camions face à des trajets en train chers et peu sûrs quant au délai de délivrance de la marchandise. De plus, la taxe sur les poids lourds qui devait contribuer à un report de la route vers le rail et l’eau, en finançant la modernisation des transports ferroviaires et fluviaux a été abolie par Ségolène Royal sous la pression populaire et il faudrait aujourd’hui investir des milliards que nous n’avons pas pour augmenter la vitesse des trains, améliorer les technologies, consacrer une partie du réseau aux trains de marchandises. Ce ne sera sûrement pas pour demain ! Certes, il faut désenclaver le territoire et proposer aux Français des solutions acceptables pour circuler dans nos provinces. Les cars en sont une d’autant que leur taille peut être adaptée à l’importance statistique du trafic.
Le financement du covoiturage pourrait en être une autre. À partir de plateformes de rencontre dans chaque village, la délivrance de tickets de transport subventionnés achetables sur Internet par les « voiturés » favoriserait ce mode économique de déplacement. De même la création de parkings de dissuasion à l’entrée des grandes villes accompagnée d’un péage pour les non-résidents dont seraient exonérées les voitures transportant trois passagers et plus et d’un développement des transports en commun désengorgerait significativement nos agglomérations.
Le développement de pistes cyclables plus sûres et d’aires de stationnement plus nombreuses assorti d’une identification par carte des conducteurs en vue de diminuer les dégradations apporterait aussi une certaine contribution aux déplacements. Enfin, demain la voiture autonome qui permettra de travailler pendant les trajets et supprimera les conduites dangereuses facilitera aussi la fluidité du trafic. Des trains donc, OUI mais pas n’importe où, pas à n’importe quel prix, et si possible dans une concertation sérieuse entre État, Régions, SNCF et cheminots et non un affrontement monté en épingle par les uns et par les autres !