En France, de son administration tatillonne aux réglementations millimétrées, du corporatisme en tout genre à l’individualisme intégriste, de la complexification exponentielle à la peur du changement, le système actuel d’organisation de notre société est chaque jour inexorablement plus complexe. C’est pourquoi, bien que de nombreuses réformes soient indispensables dans tous les domaines, chacune est à priori juste inacceptable. Même quand elles n’ont pas vingt ans de retard elles suscitent une violente révolte d’opposition, légitime ou pas, mais toujours politique parce que l’opposition doit tout le temps être contre une réforme proposée par la majorité en place, sinon elle n’existe pas. De plus, quand on y ajoute le corporatisme primaire, les intérêts catégoriels et les luttes d’influences de tout poil, chaque réforme d’envergure est « injouable ». C’est pourquoi elles sont toutes réduites à de ridicules rustines afin de déranger le moins possible ou alors aux bénéfices invisibles d’oligarchies financières parce que sur dix ans. Puis le pouvoir en place refile le paquet de patates chaudes aux suivants, avec toutes les patates froides qui n’ont pas été abordées. Pendant ce spectacle affligeant qui fait la « une » en boucle pour le plus grand délice de ceux qui ne recherchent que les « buzz » pour « capter » l’attention des usagers quelques instants, le va et vient du balancier électoral épuisé continu à désespérer l’opinion qui voit son pays sombrer, même si les dernières élections présidentielles de 2017 ont implosé ce balancier, ce qui creuse encore plus l’abime entre le pouvoir et le peuple. Beaucoup abandonnent, d’autres veulent partir ailleurs mais la tendance générale qui se cristallise est que chacun ne s’occupe plus que de son seul intérêt personnel.
Il semble donc que le problème soit mal posé, si tant est que quelqu’un cherche à le poser car notre élite semble plus motivée à cultiver la peur en faisant croire que tout va aller mieux mais sans ne rien vouloir changer sinon de tout privatiser. Comme il est formellement interdit de désespérer, soyons audacieux, prenons de la hauteur vers le global et osons voir les choses autrement : imaginons l’organisation de notre société comme une énorme table de mixage d’une régie avec des élus « éclairés » et investit pour l’intérêt général et celui de l’Homme avant tout. Donc une réforme correspondrait à vouloir bouger un curseur. Aussi, ceux qui sont tout près de celui-ci doivent être bougés pour s’équilibrer, ainsi que tous les autres plus éloignés mais dans une moindre mesure, ou pas, selon le sujet. Ceci est valable également pour chaque catégorie de famille de curseurs entre-elles, etc. À partir de ce constat, effectivement, aucune réforme n’est possible puisque les conséquences du nombre de curseurs à bouger sont juste ingérables. Il nous faut donc envisager la future « table de mixage » de demain, dans chaque famille et catégorie – institutionnelle, éducatif, administratif, défense, règlementaire, juridique, sécurité, etc… ainsi que dans sa transversalité afin qu’elle soit totalement harmonieuse, en prenant en compte tout ce qui nous a amené à ces déséquilibres permanents tout en portant la vision de notre société d’ici vingt, cinquante à cent ans. À ce jour, les outils informatiques de prospective permettent de raisonnablement envisager cette approche, surtout avec la puissance des moteurs d’intelligence artificielle. Mais c’est juste une question de volonté politique : plaire ou conduire ? Une fois cette nouvelle table élaborée, puis validée par un référendum national, un compte à rebours est enclenché vers une date fixée, comme pour le passage à l’Euro, pour passer à la nouvelle table de mixage un beau matin de printemps. « Ils ne savaient pas que c’était impossible, une France responsable et avisée l’a fait ! »