membre honoraire du Parlement, maire de Maisons-Laffitte, président du Cercle Nation et République
RÉFORME DE LA SNCF : rapport Spinetta, analyse critique
Le rapport de Jean-Cyril Spinetta intitulé « L’avenir du transport ferroviaire » comporte une somme d’informations sur la SNCF qui éclaire le passé sans illuminer pour autant l’avenir. Personne ne peut croire que ses recommandations soient orientées : Honni soit qui mal y pense !
Le constat
- la gouvernance et les financements restent opaques (p.7) ;
- le transport ferroviaire est écologique, un voyageur en TGV émet 50 fois moins de C02 par km qu’en voiture (p.16) ;
- le réseau est en mauvais état en raison d’un sous-investissement massif depuis 1970, les investissements ont été arbitrés en faveur du TG.V (p.18) ;
- un coût annuel de 10,5 + 3,2 milliards d’euros pour la collectivité et le système demeure déficitaire de 3 milliards d’euros par an (p.23) ;
- 45 milliards d’euros de dette fin 2016 (p.27) - succès des Trains Express Régionaux + 50 % de trafic depuis 1997 pour 4 milliards de charges d’exploitation dont 3 de subvention, 1 seulement de recettes commerciales (p.30) ;
- l’usager du Transilien ne paye que 25 % de son pass navigo (p.31).
À l’évidence, le transport ferroviaire est massivement subventionné pour des raisons sociales. La gouvernance s’est compliquée en application des directives européennes qui veulent mettre fin au monopole en établissant une séparation entre le réseau-infrastructure et le transport des voyageurs ou du fret afin d’ouvrir le marché ferroviaire à la concurrence (réforme de 2014).
- Selon les termes mêmes du rapport, les petites lignes peu utilisées, héritées d’un temps révolu (p.48) aggravent le déficit, leur coût serait de 1,7 milliard d’euros par an pour 2 % de voyageurs (p.51).
Personne ne peut donc prétendre que la SNCF se porte bien. Des mesures de redressement sont nécessaires, même si l’entreprise a dégagé un résultat net récurrent en 2017 de 679 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 33,5 milliards d’euros, selon les déclarations du Président G. Pépy.
L’ouverture à la concurrence est-elle pour autant une réelle opportunité pour le système ferroviaire ?
C’est l’objectif du 4ème paquet ferroviaire voulu par la directive européenne qui précise la fin du monopole de la SNCF et de manière progressive, de de 2019 au 25 décembre 2023..
La lecture du rapport ne peut que susciter doutes et interrogations.
La séparation de la gestion du réseau et du transport nécessite une multitude d’opérations que le rapport décrit :
- transfert des personnels dont les modalités sont complexes et seraient coûteuses. Relevons que focaliser l’attention de l’opinion publique sur le statut des cheminots est non seulement une faute politique dans la conjoncture sociale mais la suppression de leur statut n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Ce statut a d’ailleurs été largement réformé à plusieurs reprises, il n’est plus exorbitant du droit commun, à quelques exceptions près ;
- le transfert des matériels roulants ;
- la question de la billetterie et la distribution ;
Les conséquences prévisibles
L’ouverture à la concurrence ressemble fort à la mise en place d’une gigantesque usine à gaz dont les coûts d’exploitation sont loin d’être identifiés et appréciés et dont les effets en termes d’aménagement du territoire doivent être sérieusement pris en compte.
La réalité est simple, l’ouverture à la concurrence va entraîner de nombreux coûts supplémentaires et surtout exiger la rémunération substantielle des adjudicataires des appels d’offres qui l’exigeront logiquement alors qu’ils devront investir fortement.
Qui va payer ? la réponse est simple, l’utilisateur, pardon le client, vous, moi !
L’ouverture à la concurrence va entraîner une augmentation forte des tarifs.
Rappelons qu’à Londres les sujets de sa Majesté payent trois fois plus qu’à Paris pour leur transport de banlieue. De plus, l’ouverture à la concurrence va entraîner la balkanisation du réseau ferroviaire et une rupture totale d’égalité : Paris/Lyon, un tarif par Km, Paris/Bordeaux, un autre tarif par Km, dès lors que ces lignes sont confiées à des sociétés différentes, ce sera le retour à une situation d’avant-guerre.
L’ouverture à la concurrence répond à une vision du « tout concurrence » de l’économie qui peut répondre aux besoins du trafic aérien ou du réseau téléphonique. Elle est tout simplement inadaptée au trafic ferroviaire, les expériences étrangères le prouvent même si certaines privatisations ont été réussies, d’autres ont provoqué la colère de nombreux usagers, en Angleterre notamment.
L’immobilisme n’est certes pas la solution mais le big bang par ordonnance risque fort de se terminer en boomerang pour le gouvernement et les usagers