Un « réarmement démographique » sans conviction P. KLOBOUKOFF - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
Président Jacques Myard
Secrétaire générale Christine ALFARGE
Président-fondateur Jacques DAUER
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Un « réarmement démographique » sans conviction







par Paul KLOBOUKOFF,
 
Question préliminaire hors sujet
 
Charles de Gaulle, fondateur de la Cinquième République, et Michel Debré, père de la Constitution résiliante et accommodante de 1958, pouvaient-ils imaginer que 66 ans plus tard, à la suite de camouflets aux élections européennes, puis législatives, un président impopulaire sans majorité parlementaire, même relative, et à la tête d’un gouvernement « démissionnaire », ferait des pieds et des mains pour conserver le pouvoir… qu’il a déjà perdu, en réalité. Médiocrité et déchéance ?
Des constats démographiques alarmants
 
Emmanuel Macron a raison de s’inquiéter de la baisse de la natalité en France. Mais son réveil est tardif. D’après des données récentes de l’Ined (1), la chute du nombre annuel des naissances est vertigineuse. De 781 167 en 2014, il est tombé à 730 242 en 2017... Puis, à 640 000 en 2023.
 
Pendant ce temps, d’après les statistiques fournies par l’Insee (2), le nombre annuel de décès est monté de 559 293 en 2014 à 606 274 en 2017, puis à 631 000 en 2023
 
L’excédent démographique annuel (Naissances - Décès), s’est ainsi replié de + 221 874 personnes en 2014 à + 123 968 en 2017. En 2023, il est réduit à la portion congrue de + 9 000 personnes. Cela signifie aussi que notre croissance démographique est entièrement tributaire de l’immigration.
 
Il est inutile de tenter d’expliquer la baisse des naissances par le recul du nombre d’unions légales : mariages + PACS. Selon l’Insee (3), celui-ci est monté de 299 695 en 1999 (année de la création du PACS) à un pic de 457 201 en 2010. Après un repli prononcé lors de la pandémie du Covid, jusqu’à 328 475 en 2020, il est remonté à 451 537 en 2022.
 
Autre observation : dans le prolongement de la tendance passée, au cours des dix ans de 2012 à 2022, l’âge moyen des mariés a augmenté de plus de 3 ans, passant de 34 ans à 37,3 ans pour les femmes, et de 36,7 ans à 39,8 ans pour les hommes. Ce vieillissement est défavorable à la fécondité, qui diminue avec l’âge.
 
En 1982, la population de la France était de 55,573 Mi personnes et le nombre de naissances vivantes de 823 240, soit de 1,48% de la population. En 2002, pour une population de 61,385 Mi personnes, ce taux était descendu à 1,29%. En 2022, pour une pop de 67,926 Mi personnes, il était de 1,08% (4).
Fécondité en baisse : la croissance économique plus en cause que la pollution
 
En 2017, l’utilisation du glyphosate et des autres herbicides de synthèse avait été interdite dans l’UE. Cette interdiction a été levée pour 10 ans en novembre 2023. Après 50 000 tonnes en 2020, les ventes étaient encore de 45 000 t en 2021.
 
Cependant, contrairement à des explications prisées chez les écologistes, perturbateurs endocriniens incontestés, les polluants (pesticides, polluants environnementaux, plastifiants, médicaments…) ne seraient pas la première cause de la baisse de la fécondité dans nos pays développés. Celle-ci serait principalement due à la croissance économique (5).
 
Revenus et garde des enfants influent sur la natalité
 
« Baisse de la natalité : « Il est important de comprendre pourquoi les personnes renoncent à avoir des enfants » a affiché le site du Sénat en janvier 2024 (6).  L’explication avancée peut paraître surprenante : « On observe que les femmes qui gagnent le revenu médian ont moins d’enfants que celles qui ont un revenu élevé et celles qui ont un revenu plus faible ». Les premières auraient des difficultés à concilier vie de famille et travail. 20% d’entre elles seraient sans enfant. Ce serait seulement le cas de 10% pour les femmes plus riches, qui auraient les moyens de payer la garde de leurs enfants, et de celles plus pauvres, qui, ne travaillant pas, pourraient garder leurs enfants elles mêmes.
 
Cela n’exclut pas l’incertitude des femmes sur leur situation économique et leur souci d’avoir un emploi stable et un logement avant d’enfanter.
 
« Fertilité masculine : Y a-t-il péril en la demeure ? »
 
En avril 2023, l’Inserm a rapporté que selon une méta-analyse américaine et israélienne réalisée en 2022 (7), la concentration moyenne de gamètes dans le sperme des hommes a été divisée par 2 en 45 ans. De 101 Mi de spermatozoïdes par ml de sperme en 1977, elle est tombée à 49 Mi en 2022.
 
Les raisons exactes n’en ont pas été déterminées. On peut soupçonner les impacts du stress, de la sédentarité, des comportements alimentaires favorisant l’obésité, ainsi que ceux de la pollution chimique et physique. En l’absence de connaissances plus complètes, l’identification des remèdes appropriés n’a pas abouti.
 
Recul de la natalité et inscription du droit à l’IVG dans la Constitution
 
Pour que le « renouvellement des générations » soit assuré, il faut que l’indice conjoncturel de fécondité soit d’au moins 2,1 enfants par femme (EPF) en moyenne. En France, les données de l’Ined (8) montrent que cet indice a reculé de 2,03 EPF en 2010 à 1,79 en 2022, puis à 1,68 EPF en 2023. C’est un indicateur sans équivoque de notre déclin démographique. Consolons nous (?), la France détient le record des pays de l’UE à 27, dont le score global n’a été que de 1,46 EPF en 2022.
 
Jusque là, ce déclin avait peu inquiété le président, dont une préoccupation majeure a été de protéger la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Une liberté que rien ne semblait menacer, et tandis qu‘après un petit recul en 2020-2021 (pendant la pandémie du Covid) le nombre d’IVG en France avait repris sa progression. De 217 793 en 2017, il est monté à 241 796 IVG en 2022, « gagnant » ainsi + 11% en 5 ans (9).
 
Après un vote au Parlement, la protection du droit à l’IVG a été inscrite dans la Constitution le 8 mars 2024. Son article 34 stipule désormais : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».
 
Le site du gouvernement relatif à « L’IVG dans la Constitution » (10) précise : « Cette liberté bénéficie à toute personne ayant débuté une grossesse, sans considération tenant à l’état civil, à l’âge, la nationalité et la situation au regard du séjour en France ».
 
Non sans une apparente fierté, il est ajouté : « Par ce texte, la France devient le premier pays au monde à reconnaître dans sa Constitution la liberté de recourir à l’avortement, qui relève de la seule appréciation des femmes ». Cocorico !
 
En 2023, l’Ined avait donné des informations sur l’évolution du recours à l’IVG en France (11). Non, ce ne sont pas les plus jeunes femmes qui sont en tête des avortements. Si les IVG sont concentrées entre 20 et 34 ans, le taux de recours le plus fréquent se situe ente 25 et 29 ans.
 
Comment le président Macron entend procéder au réarmement démographique :
A ses yeux, cela passe par : - l’instauration, fin 2025, d’un congé de naissance « plus court et mieux rémunéré »… « Trois mois pour les mères, trois mois pour les pères, cumulables durant la première année de l’enfant, et indemnisés à hauteur de 50% du plafond de la Sécurité sociale (1 900 euros) » ; - la systématisation de bilans de fertilité. « Par exemple, autour de la vingtaine, un « check-up fertilité » permettra d’établir un bilan complet, spermogramme, réserve ovarienne… » ; - des campagnes en faveur de « l’autoconservation d’ovocytes pour les femmes qui souhaitent avoir des enfants plus tard » ; - un programme de recherche sur l’infertilité.
 
Pour nombre de féministes, les mots utilisés par le président le 16 janvier fleuraient bon « la dystopie ». Et des réactions de mécontentement assez violentes ont été enregistrées, comme l’a rapporté Ouest-France (12). Des associations y ont vu une tentative de contrôler le corps des femmes. « Laissez nos utérus en paix », « malaise », « injonction nataliste », a-ton pu lire.
 
Pour justifier le choix des mots qu’il avait utilisés, le président a expliqué que « C’est pour dire que la force d’une nation réside aussi dans sa capacité à générer une natalité dynamique ». Il s’est aussi dit interpellé par l’écart entre le taux de fécondité (1,8) et celui du désir d’enfant (2,3). « Il y a donc de nombreux couples qui souhaitent devenir parents et ne réalisent pas ce souhait. Il ne faut pas culpabiliser celles qui ne veulent pas avoir d’enfants, mais il ne faut pas que la mauvaise organisation de notre société empêche des femmes, des familles d’en avoir si elles le souhaitent », a-t-il énoncé.
 
Quant au fond, les résultats n’ont pas été probants dans les pays qui ont entrepris des politiques similaires de stimulation démographique.
 
Des projections mondiales à l’horizon 2 100 très pessimistes
La Fondation Bill & Melinda Gates a financé une projection démographique à l’horizon 2100 au niveau mondial (13). Selon celle-ci, « La baisse spectaculaire des taux de natalité va transformer la planète d’ici à 2100 ». Pas un continent ne pourra assurer le renouvellement des générations avec un indice de fécondité au moins égal à 2,1 enfants par femme (EPF).
 
. Suivant les tendances en cours : - en 2050, le monde passera sous les 2,1 EPF. La France sera alors à 1,56 EPF ; - en 2100, l’ensemble des pays riches sera à 1,37 EPF et la France à 1,43 EPF.
 
.. Avec l’application de politiques de redressement démographique, les taux de natalité pourraient être : - en 2050, de 1,62 EPF pour les pays riches, et de 1,76% pour la France ; en 2100, de 1,56 pour les pays riches, et de 1,63 pour la France. Sur tous les continents, le renouvellement démographique ne sera plus qu’un lointain souvenir.
 
A quoi ressemblera la population mondiale d’ici à 2100
Un rapport récent de l’ONU, « World population prospects », rappelle (14) que la population mondiale a augmenté de 2,5 milliards (Mds) de personnes en 1950 à 4,4 Mds en 1980, et à 6,1 Mds en 2000, pour atteindre 8,2 Mds en 2024. Pour sa part, le taux de fécondité mondial a chuté de 3,3 EPF en 1990 à 2,3 EPF en 2024.
 
Ralentie, la progression de la population mondiale devrait se poursuivre jusqu’en 2080. Elle toucherait alors un plafond, à environ 10,3 Mds de personnes, selon un scénario médian la situant entre 8,2 et 12,7 Mds. En 2100, elle serait d’environ 10,2 Mds de personnes.
 
Les impacts de la dénatalité sur nos perspectives démographiques
Selon l’Insee, au 1er janvier 2024, la population de la France était de 68,373 millions (Mi) d’habitants (h), contre 57, 996 au 1er janvier 1990. Elle s’est accrue d’un peu plus de + 10 Mi d’habitants en 34 ans.
L’avenir sera très différent. En 2021, l’Ined avait effectué des projections édifiantes à l’horizon 2070 (15). Elles montraient qu’une érosion prononcée de la croissance démographique était désormais devant nous… malgré les renforts apportés par l’Immigration. De 67,407 Mi h en 2021, notre population se hisserait à 68,554 Mi h en 2030, toucherait un plafond de 69,224 Mi h en 2040, descendrait ensuite paresseusement pour se situer à  68,103 Mi h en 2070, c'est-à-dire un peu au dessous de son niveau actuel.
La poursuite du vieillissement de la population sera l’autre principale caractéristique de l’évolution attendue. Toujours d’après l’Ined : - en 2021, les moins de 20 ans constituaient 23,3% de la population, les 20 à 74 ans, 67,2%, et les 75 ans et plus, 9,5% ; - en 2070, ces chiffres seraient respectivement de 20,2%, 62% et 17,8%.
Le vieillissement et le recul de la part des personnes « en âge de travailler » rendront plus difficile encore le financement des retraites… ainsi que des autres dépenses sociales.  De quoi donner plus de cheveux blancs aux futurs gouvernants !
 
Paul KLOBOUKOFF  Académie du Gaullisme  le 20 août 2024
NB  Je remercie Katherine KLOBOUKOFF pour sa précieuse collaboration.

Sources et références
(1) Naissances totales par sexe  ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/France/naissance-fecondite/naissances-sexe/  décembre 2023
(2) Décès et taux de mortalité Données annuelles de 1982 à 2023  insee.fr/fr/statistiques/2383440#tableau-figure1 2024
(3) Les mariages en 2022 et 2023 insee.fr/fr/statistiques/7929432 le 12/03/2024
(4) Bilan démographique 2023  Composantes de la croissance démographique, France insee.fr/statistiques/77461547sommaire=7746197
(5) Pollution et fécondité lemonde.fr/blog/expertiseclinique/2022/10/21/pollution-et-fecondite/
(6) « Baisse de la natalité : « Il est important de comprendre pourquoi les personnes renoncent à avoir des enfants »  publicsenat.fr/actualites/societe/baisse-de-la-natalite-il-est-important… le 16/01/2024   
(7) Fertilité masculine : Y a-t-il péril en la demeure ? inserm.fr/actualite/fertilite-masculine-y… /  le 28/04/2023
(8) Indicateur conjoncturel de fécondité ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/europe-pays-developpes/indicateurs-fecondite màj juillet 2024
(9) Accès à l’IVG : dans la pratique, des obstacles perdurent en France lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/28/acces-a-l-ivg- dans- pratique…  
(10) L’IVG dans la Constitution ivg.gouv.fr/livg-dans-la-constitution  le 31/07/2024
(11) Comment évolue le recours à l’IVG en France - Ined ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/focus/comment-evolue…  2023
(12) « Réarmement démographique » : les propos d’Emmanuel Macron suscitent la colère des féministes  ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/rearmement… le 18/01/2024
(13) Démographie : cette prévision qui ne va pas plaire à Emmanuel Macron et son réarmement huffingtonpost.fr/science/article/démocratie-cette-prevision… rearment_231505.html   le 21/03/2024
(14) A quoi ressemblera la population mondiale d’ici à 2100 selon l’ONU BFMTV.com/societe/a-quoi-ressemblera-la population…    le 21/07/2024
(15) Projections de population de 2021 à 2070. Scénario central ined.fr/r/tout-savoir-population/chiffres/France   màj décembre 2021

© 01.09.2024

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