Stop à la désinformation au service de la Macronie
par Paul KLOBOUKOFF,
Le présent
article a pour objet d’apporter des éclaircissements sur deux désinformations
très à la mode. La première est celle de l’existence d’une majorité présidentielle à l’Assemblée
nationale.
La seconde consiste
à encenser le président Emmanuel Macron pour sa prouesse en matière de
réduction du chômage. Or, celle-ci ne l’avait pas attendu pour amorcer sa
descente à partir de 2015. De plus, la forte progression de l’emploi de 2017 à
2021, très supérieure à la croissance du PIB (il faut le souligner), a aussi
profité des dispositions du gouvernement
Fillon entrées en vigueur en mai et en août 2008 favorisant respectivement le
développement des services à la personne et la création ainsi que la gestion
des autoentreprises. Nous verrons aussi que la réduction du chômage a également
été engendrée par un ensemble de facteurs peu glorieux pour le héros couronné
de lauriers.
1. Minorité, et
non Majorité présidentielle !
Il ne se passe
pas une journée sans que la plupart des médias, lèches culte patentés, ne
qualifient pas les élus de la Macronie à l’Assemblée nationale de
« majorité présidentielle ». Leur intention est claire : tenter
de légitimer le pouvoir en place impopulaire qui, en réalité, est minoritaire à
l’AN et plus encore au Sénat… et dont les actes et décisions sont de plus en
plus vivement contestés.
Sur les 577
sièges de l’AN (dont 4 sont actuellement vacants ou non pourvus), 250 sièges
peuvent, à la limite, être considérés comme occupés par des soutiens de la
Macronie si l’on pense que lors des scrutins à venir les 51 voix du Modem (de
François Bayrou) et les 29 voix d’Horizon (d’Edouard Philippe) s’ajouteront systématiquement
aux 170 voix de Renaissance (d’Emmanuel Macron). Même dans ce cas, la coalition restera
minoritaire avec 43,3% du total de l’AN.
C’est pourquoi, en ce moment, des
voix de Républicains sont indispensables à la « majorité
présidentielle » pour qu’elle puisse être réellement majoritaire à l’AN et
puisse faire adopter son projet de réforme des retraites, rejeté par une grande
majorité des Français,.
Au Sénat,
occupant 145 des 348 sièges, les Républicains tiennent le haut du pavé. Avec le
Groupe Union Centriste (UDI -UC), qui en compte 57, ils forment une solide
majorité sénatoriale. Pour sa part, représentée par le Rassemblement des
démocrates progressistes et indépendants présidé par François Patriat, la
Macronie est réduite à la portion congrue. Elle ne détient que 24 sièges, soit
un peu moins de 7% des sièges du Sénat.
Les sénateurs
sont élus pour une durée de 6 ans et sont renouvelés pour moitié tous les 3
ans. Le prochain renouvellement aura lieu en septembre 2023. Si le climat
politique ne change pas radicalement (en sa faveur), la Macronie peut-elle
espérer grossir ses rangs au Sénat ?
2. La baisse du chômage ne doit
rien à Emmanuel Macron
Défaillance de la
politique démographique et conséquences
Les infos présentées dans le
tableau 1 ci-dessous permettent de constater l’échec de la politique démographique (ou l’absence coupable d’une
telle politique). Il se lit dans la quasi
stagnation de la population non immigrée, qui a cru de moins de + 1% de 2014 à 2021, ainsi que
dans la très faible augmentation de
la population totale, de + 3% en
9 ans, de 2014 à 2023… obtenue seulement grâce
à la croissance de la population immigrée, qui a atteint + 15,5% de 2014 à 2021.
Tableau 1 : Croissance
démographique, activité, chômage
En millionsUne des conséquences en est la progression très ralentie de la
population active, attribuable aux seuls immigrés, tandis que le nombre de
non immigrés actifs a été le même en 2021 qu’en 2014.
A ces faiblesses s’ajoute l’évolution défavorable du taux d’activité
(rapport entre la population active - en emploi ou au chômage - et la
population de 15 ans et +), qui a baissé légèrement chez les non immigrés,
tandis qu’il a augmenté notablement chez les immigrés hors UE.
Le taux de chômage n’a pas attendu Macron
pour baisser. Il était monté à 10,4%
en 2015. Il a alors amorcé une descente qui s’est prolongée jusqu’à
fin 2022. En 2017, ce taux avait déjà reculé à 9,4%. Au 4ème trimestre 2022, il était compté à 7,2%. Là encore, la réduction du taux de
chômage des immigrés hors UE de 21% en 2017 à 15,7% en 2021 a apporté une
contribution majeure à la baisse du taux de chômage d’ensemble.
Avant de
tresser une couronne de lauriers à notre actuel président pour ses prouesses en
matière de réduction du chômage, ces éléments méritent d’être pris en considération.
Il est également utile de regarder les impacts sur l’emploi et ses composantes
des politiques suivies… avant 2017 et depuis.
Plus d’emplois, industrie
en berne, tertiaire marchand dynamique
Chute de la productivité, désindustrialisation et tertiarisation marchande
En quatre ans, de 2017 à 2021, la
progression du PIB de la France a été limitée à + 2% (3). Particularité de cette
période macronienne, la croissance de l’emploi total, + 6,5%, a été très supérieure à celle du PIB. La productivité
de l’emploi a ainsi sévèrement baissé.
Depuis
longtemps déjà, pâturage et labourage ne sont plus les deux mamelles qui
alimentent notre pays. Les chiffres de l’emploi par secteurs le montrent. Avec
cruauté.
La
désindustrialisation s’est poursuivie avec persévérance. En 2021, seulement 11,3% des emplois étaient industriels… contre 11,7% en 2017 et
12,2% en 2014.
Sous le regard satisfait de nos Hautes
Autorités, le secteur tertiaire marchand
a prospéré par beau temps comme contre vents et marées. L’emploi y a cru de + 9,5% de 2017 à 2021 et
de + 15,1% de 2014 à 2021 pour
atteindre 14,891 Mi et procurer alors à lui seul la moitié de l’ensemble des
emplois. Nous verrons quelques ressorts de ce « dynamisme ».
L’emploi non marchand, en grande partie public, reste important,
mais à peu augmenté en 7 ans. C’est pourquoi sa part de l’emploi total a reculé
de 31,8% en 2014 à 30,1% en 2021. Nous nous souvenons que la Santé a été une
des souffre-douleur de la « maîtrise des dépenses publiques » et de
la rentabilisation des actes médicaux depuis des années.
Plus de tertiaire avec une large panoplie de services à la personne
« aidés »
Selon la
version en vigueur depuis le 1er mai 2008 de l’article D 7231-1 du
Code du travail (4), « les services à la personne portent sur les activités suivantes :
1- la garde d’enfants ;
2- l’assistance aux personnes
âgées, aux personnes handicapées et aux autres personnes qui ont besoin d’une
aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à leur mobilité dans
l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile ;
3-
les services aux personnes à leur domicile relatifs aux tâches
ménagères ou familiales. » .
Les activités de services à la
personne (SAP) sont soumises à agrément
par l’Autorité compétente. Leur spectre est très large, puisqu’elles
comprennent 26 activités exercées à domicile (5).
« Aidées », leurs prestations
ouvrent des droits à des crédits d’impôts, à une TVA réduite et à des
exonérations ou des abattements de cotisations patronales.
Ces avantages fiscaux et sociaux
rendent très attrayants les SAP éligibles. Aussi, une proportion importante des
ménages (12,6% en 2017), et sans doute davantage aujourd’hui, utilise des
services à la personne à domicile.
Des voies d’accès
différenciées aux SAP et des données incomplètes
Les ménages peuvent recourir aux
SAP en tant que particuliers employeurs, soit directement, soit
via un organisme mandataire, qui s’occupe de la gestion des SAP
concernés. Ils peuvent aussi faire appel à un organisme prestataire (cas
le plus fréquent) employeur de l’intervenant au domicile. La base de données
publique NOVA ne contient pas de statistiques sur les activités des particuliers
employeurs directs. Elle suit celles des organismes prestataires et des
organismes mandataires (5).
Le nombre
d’organismes publics et d’entreprises privées actifs était de 35 279 en 2021, contre
30 209 en janvier 2018, soit en progression de + 16,8% en un peu plus de 3
ans.
Les nombre
d’heures rémunérées des organismes prestataires et mandataires sont très
variables d’un mois à l’autre. Dans le tableau 2 figurent les chiffres des mois
de juin en mode prestataire et en mode mandataire, qui illustrent l’importance
prise par les SAP pour les ménages. En juin 2021, ils sont respectivement de
31,679 Mi et de 3,268 Mi. Sur l’ensemble de l’année 2021, ils atteignent
près de 380 Mi en mode prestataire
et de 47 Mi en mode prestataire.
Le
vieillissement de la population ne contribuera sans doute pas à réduire le
recours à ces services.
Bond de l’emploi
non salarié et envolée de l’autoentreprise
Recherche du salut dans la création de son propre emploi
Largement majoritaire, l’emploi
salarié a progressé de + 5,4% de
2017 à 2021 et de + 8% en 7 ans, de 2014 à 2021. Cette
« performance » est en grande partie due au secteur tertiaire
marchand (STM), dont les taux de progression correspondants ont été de + 7,7% et + 13,8%.
Cela n’a pas suffi pour
satisfaire les besoins en emplois exprimés. Aussi, comme dans les cas de
disette, l’emploi non salarié (ENS) a bondi, « gagnant » + 15,8% de 2017 à 2021. Pendant
ces 4 ans, le nombre d’ENS, plus ou
moins précaires, a été majoré de +
353 000 pour atteindre 3,282 Mi et
représenter 11% de l’emploi total en 2021, contre 10,1% en 2017. Cette hausse
de + 353 000 emplois peut être rapprochée de la réduction du nombre des
chômeurs, de - 442 000, figurant dans les statistiques de l’Insee.
L’autoentreprise au
secours de l’emploi
Le statut d’autoentrepreneur (AE)
a été créé en août 2008 sous le gouvernement Fillon, avec les maîtres mots simplicité et accessibilité pour la
création de l’entreprise et sa gestion.
Les autoentrepreneurs agréés bénéficient des régimes fiscal et social avantageux
de la micro entreprise. Le statut est ouvert aux artisans, aux commerçants et
aux professions libérales. La condition d’accès est la réalisation d’un chiffre
d’affaires (CA) annuel ne dépassant pas le plafond de 188 700 € pour
la vente de marchandises et de 77 700 € pour les prestations de services.
Afin de favoriser la pluriactivité, la mixité des activités commerciales et de
services est possible, à condition de respecter le plafond de 188 700 €
pour l’ensemble des activités et de celui de 77 700 pour les seuls services. Des seuils de
franchise de TVA sont aussi fixés : - à 91 500 € pour les achats -
reventes ainsi que pour les prestations d’hébergement ; - à
36 800 € pour les autres prestations de services et les activités
libérales (6).
Tableau 2 : croissance du PIB et
des différentes catégories d’emplois
Emplois :
données en millions (Mi)
Le statut
d’autoentrepreneur a vite connu un vif succès. Au 2ème trimestre
2022, 2,5 Mi d’AE administrativement actifs
étaient enregistrés et 1,3 Mi d’AE économiquement
actifs étaient décomptés… soit de l’ordre de 2 fois plus qu’en 2017. En 5 ans, le CA des AE a progressé de près
de + 50%. Compte-tenu de la petite dimension des entreprises, ce CA reste
modeste : 6,39 Mi € au 2ème trimestre 2022. « Parmi les 38
catégories d’activités répertoriées par l’Urssaf, moins de la moitié dégage un
CA supérieur ou égal au SMIC » a fait observer la Fédération
des autoentrepreneurs le 8 février 2023 (8).
Il importe
d’être conscient de ces tristes réalités, pauvreté et précarité, pour apprécier
correctement les « progrès fabuleux » en matière d’emploi et de
réduction du chômage sous Macron. Stop à
la désinformation, SVP.
*Paul KLOBOUKOFF Académie du Gaullisme Le 26
février 2023
Sources et
références :
(1)
Tableau de bord de l’économie française, éd. 2022
(2) Ministère de l’Intérieur :
l’essentiel de l’immigration, Enquête emploi de l’Insee, années 2014 à 2021
(3) World Economic Outlook data base October 2022
(4) L’article D7231-1 du code du
travail legifrance.gouv.fr/codes/aticle_lc/LEGIART000006904693/2008-05-01
(5) Services à la personne (SAP) poem.travail-emploi.gouv.fr/synthese/services-a-la-personne-sap le 30/09/2022
+ Services à la personne - SAP servicesalapersonne.gouv.fr/donnees-et-etudes/chiffres-cles le 16/02/2023
(6) Emploi salarié et non salarié par
activité, données annuelles de 1989 à 2021 : Insee, enquête emploi insee.fr/fr/statistiques/2424696 le 26/01/2023
(7) Les plafonds de chiffres
d’affaires en 2023 portail-autoentrepreneurs.fr/academie/statut-autoentrepreneur/plafond-chiffre-daffaires le 19/01/2023
(8) Les autoentrepreneurs fin juin
2022 Stat’ur n° 357 du 27/01/2023 urssaf.org/accueil/statistiques/nos-etudes-et-analyses/travailleurs-independants/nationale/2023/auto-entrepreneurs…
+ Baromètre URSSAF : près de 2 millions
d’autoentrepreneurs en France federation-auto-entrepreneurs.fr/actualite/baromètre-urssaf… le 27/07/2021
+ Autoentreprise : un régime en pleine
croissance federation-auto-entrepreneurs.fr/actualite/autoentreprise-un-regime… le 08/02/2023
© 01.03.2023