Geneviève De Gaulle Christine Alfarge - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
Président Jacques Myard
Secrétaire générale Christine ALFARGE
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      Geneviève De Gaulle, la résistance au cœur !
(1920 – 2002)

 
Evoquer Geneviève De Gaulle, c’est d’abord un travail de mémoire sur les heures les plus sombres de notre histoire, des heures qu’elle a cruellement vécu à titre personnel, entrant comme Germaine Tillion et Pierre Brossolette, dans le réseau du musée de l'Homme, vite anéanti par la Gestapo. Ayant pu échapper à la rafle, elle reprend des études à la Sorbonne en se liant avec un groupe d’étudiants qui édite depuis juillet 1941 un journal clandestin, Défense de la France, animé par Philippe Viannay, dont elle devient membre du comité directeur, signant son premier article « Gallia ». Le 20 juillet 1943, Geneviève se rend pour relever son courrier, dans une boîte aux lettres, dans une librairie située 68, rue Bonaparte, qui servait à tout le mouvement. Hélas, elle est prise dans un piège organisé par le gestapiste français Pierre Bonny. Elle est arrêtée et déportée à Ravensbrück.
Pendant plus d’un an, elle connaît, aux côtés de Germaine Tillion, la condition des déportés, l’humiliation de la servitude, l’épreuve de l’enfermement, de la misère et des privations. Libérée, rien ne s’efface, tout revient à la surface.
Désormais, son regard se tourne vers les plus démunis.
« L’espérance se conquiert. On ne va vers l’espérance qu’à travers la vérité au prix de grands efforts et d’une longue patience. Pour rencontrer l’espérance il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore… » en lisant ces mots de Bernanos, Geneviève De Gaulle se demandait : « Mais les familles du camp, celles de Noisy, sont-elles au bout de la nuit ? « Quelle conception avons-nous des êtres humains ? Se résigner à ce qu’ils n’aient pas les mêmes droits que nous, c’est remettre en cause les choix déjà faits. Alors que vaut notre engagement dans la   Résistance ? »
Le courage, au cœur de la famille De Gaulle.
En 1940, Geneviève de Gaulle, nièce du général qui appelle à la résistance, fait le même choix que son oncle, le général De Gaulle. Elle est repliée en Bretagne au mois de juin avec sa grand-mère, la mère du rebelle de Londres, au moment où commencent à arriver les premiers soldats allemands. Un prêtre vient dire aux réfugiés qu'un général s’adresse aux Français pour résister face à l'occupant. La grand-mère de Geneviève le tire par la manche et lui dit d'une voix exaltée : « C'est mon fils, monsieur le curé, c'est mon fils !»
Le « camp de la misère ».
« Refuser l’humiliation de la misère comme le refus de la défaite, rappeler à temps et à contretemps la dignité de chaque être humain, je ne vois pas d’autre   manière d’être gaulliste. » écrira Geneviève De Gaulle, se souvenant non sans émotion que d’Irlande, son oncle Charles de Gaulle lui avait écrit : « Tu fus, au moment le plus grave, et avec quel courage et quelles souffrances, un des meilleurs de mes « compagnons ». Tu n’as jamais, depuis, cessé de l’être. » La voie est tracée pour celle qui a toujours combattu.
Geneviève De Gaulle écrira dans son livre « les secrets de l’espérance » : « il n’y a de vrais droits que si tous les partagent…J’ai pu m’en entretenir avec mon oncle Charles. Son discours du 25 novembre 1941 à l’université d’Oxford a été une admirable expression de notre combat d’alors, et le reste aujourd’hui. Il disait ceci : Rien ne garantira la paix, rien ne sauvera l’ordre du monde, si le parti de la libération, au milieu de l’évolution imposée aux sociétés par le progrès mécanique moderne, ne parvient pas à construire un ordre tel que la liberté, la sécurité, la dignité de chacun y soient exaltées et garanties, au point de lui paraître plus désirables que n’importe quel avantage offert par son effacement. »
S’occupant d'abord d'une association de déportés, c’est en 1958, alors qu'elle est au cabinet du ministre André Malraux, qu’elle fait la connaissance d'un ancien communiste devenu prêtre, le père Joseph Wresinski, fondateur de l'organisation Aide à toute détresse qui prendra
le nom d’ATD-Quart monde. Elle constate que la condition des exclus ressemble sur de nombreux points à celle des déportés de Ravensbrück. Dès lors, sa vie est dédiée à la défense des plus pauvres, ce « camp de la misère », qui ne cessera de hanter son humanité.
 Se demander inlassablement ce qu’il advient du plus exclu.
La pauvreté n’est pas qu’une question d’argent, elle engendre la maltraitance sociale, les privations matérielles et de droits agissant sur la santé physique et morale, les peurs, les souffrances et l’isolement. Au regard de la pauvreté, l’idée essentielle est de garantir l’accès de tous aux droits de tous en se demandant ce qu’il advient du plus exclu. Il faut construire ensemble, les personnes démunies ont perdu confiance, elles doutent de l’égale dignité d’êtres humains lorsqu’on les expulse sans pouvoir être relogées, lorsqu’on leur retire leurs enfants, sans leur avoir apporté une aide pour les élever elles-mêmes, lorsque l’ouverture d’un droit s’immisce en contrôle de la vie privée, lorsqu’on les enferme dans des emplois précaires ne leur permettant pas de vivre décemment, de faire des projets d’avenir. Changer le regard des autres, se reconstruire, la question du logement, du travail, de la santé et de l’éducation est primordiale.
« Que devons- nous faire pour que les droits fondamentaux soient effectivement reconnus ? Les plus démunis doivent être assurés que notre pays se remettra sans cesse en question tant qu’ils ne seront pas effectifs pour tous. Des politiques globales doivent être mises en place, les lois doivent se préoccuper de l’ensemble. » selon Geneviève De Gaulle. La pauvreté, la richesse et la justice sociale sont intimement liées, elles conditionnent l’accès à tous les besoins que l’on soit riche ou pauvre. Depuis des siècles, riches et pauvres s’opposent, l’évolution de notre société s’est forgée sur la lutte des classes. Cependant, le principe de justice sociale sur la redistribution des richesses n’est pas une idée nouvelle, c’est le programme d’actions du Conseil national de la Résistance auquel nous devons les plus grandes avancées sociales.
« Liberté, Egalité, Fraternité », notre devise républicaine instaurée par les lois ne suffit plus à faire le bonheur de l’homme ou du citoyen selon la pensée de Jean-Jacques Rousseau. Est-ce normal qu’une extrême pauvreté entraîne la privation d’une partie des citoyens à l’accès à des biens de consommation élémentaires ? A cet égard, l’association ATD Quart monde tente de comprendre et faire connaître le point de vue des personnes et des populations en situation de grande pauvreté sur les réalités qu’elles vivent. Joseph Wresinski, fondateur du Mouvement des Droits de l’homme ATD Quart Monde, a défini ainsi « La pauvreté est l’absence d’une ou plusieurs des   sécurités permettant aux personnes et familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux ».
Une volonté hors norme.
Nommée au Conseil économique et social, Geneviève De Gaulle se bat pendant dix ans pour faire adopter une loi d'orientation qui coordonne la lutte contre la misère. En 1998, c'est une femme passionnée, à la volonté hors norme qui présente à l'Assemblée ce texte. La misère n'a pas disparu pour autant mais la loi aide à la contenir du mieux possible. Sa parenté avec le Général lui ouvre les portes des ministères. Elle s'appuie sur ses relations pour promouvoir ATD-Quart monde, qui vient en aide à des milliers de gens abandonnés de la France des Trente Glorieuses. Elle présidera l’association de 1964 à 1998. « Sous votre impulsion, cette grande querelle serait dans la logique du gaullisme. » dira-t-elle au général De Gaulle. « Tu sais, répondra-t-il à sa nièce, que je connais et que j’approuve ton engagement aux côtés de monsieur l’abbé Wresinski. J’ai toujours en mémoire ce que tu m’as confié dès ton retour de ton expérience de la déportation. La reconnaissance de la valeur et de la dignité de chaque personne, comme de chaque peuple, n’a jamais cessé d’inspirer mon action. »
« L'espoir né au cœur de la nuit de Ravensbrück n'est pas resté vain, c’est l’essentiel à ne jamais oublier, une marque indélébile dans l’esprit de chacun de nous. »

*Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.

© 01.10.2021

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