Effondrement du PIB en 2020 P. Kloboukoff - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
Président Jacques Myard
Secrétaire générale Christine ALFARGE
Aller au contenu
         
Effondrement du PIB de - 8,3% en 2020. Et maintenant ?
         
       
  
       
Avant propos
 
Principale source ici, les comptes trimestriels publiés par l’Insee le 29 janvier 2021  (1) donnent aussi des évaluations pour l’année 2020 entière. Elles portent en grande partie sur les évolutions des productions et des valeurs ajoutées (VA) des branches. D’après ces comptes, le PIB de la France, somme des VA, de la TVA et des droits de douane, a reculé de - 8,3% en volume en 2020… et se situe - 5,2% au dessous du niveau de 2017. A prix courants, en 2019, la somme des VA était de 2 157,1 Mds €, et le PIB, de 2 427 Mds € (2). En 2020, le PIB s’établirait à 2 275,7 Mds €.  
L’exécutif avait tablé sur une baisse du PIB en volume qualifiée de « prudente » de - 11%, hypothèse sur laquelle il a basé la 3ème et 4ème lois de finances rectificatives (LDFR) 2020 du 30 juillet puis du 30 novembre 2020. - 8,3%, c’est mieux ou « moins pire ». Mais, cet écart souligne avant tout la « fragilité » de prévisions faites dans la panique (ou l’urgence sanitaire), au doigt mouillé dans un vent tourbillonnant. Surtout si l’on se souvient que les prévisions avaient été de - 1% dans la 1ère LDFR 2020 du 23 mars, puis de - 8% dans la 2ème LDFR 2020 du 25 avril.
L’estimation du 29 janvier n’est pas à l’abri de changements ultérieurs, et ceci dès le 26 février, date annoncée par l’Insee d’une nouvelle publication, plus complète et détaillée. Pour 2021, les prévisions, dont celle d’une croissance du PIB de + 6%, sur laquelle est basée la LDF 2021 du 29 décembre 2020, ne sont pas plus assurées que les précédentes. Les mutations et les parcours du (ou des) virus sont très déroutants. Les avancées de la vaccination le sont aussi. Les décisions relatives aux confinements, au couvre-feu, au chômage partiel, aux fermetures des écoles, de restaurants, de commerces, aux contrôles des déplacements… restent très aléatoires.
Vu les discontinuités des évolutions dues aux impacts de la pandémie et des réponses inhabituelles apportées, l’Insee a adapté ses méthodes d’évaluation en 2020. Des explications « embarrassées » destinées à des initiés, surtout sur les Services non marchands, ont accompagné les publications des derniers comptes trimestriels.
 
    En résumé
En attendant des informations plus complètes, d’origine comptable notamment, une lecture arithmétique des évolutions économiques publiées le 29 janvier permet de faire de premiers constats.
Ce sont des entreprises non financières (ENF) des branches non agricoles qui ont le plus souffert de la « crise du coronavirus ». Si l’on retire de celles-ci les Services immobiliers, dont l’activité principale est la location, qui n’est pas, à proprement parler, créatrice de valeur, la VA des branches non agricoles principales motrices de notre économie était de 1 280,4 Mds € en 2019 et représentait 59,4% de la VA totale de l’économie (et 52,8% du PIB). Elle a régressé d’un peu plus de - 12% en volume en 2020 (3). C’est aux entreprises de toutes tailles de ces branches motrices durement touchées, qu’il convient en priorité de redonner de l’oxygène et de la vigueur.
La désindustrialisation s’est accélérée. La VA de l’industrie a reculé de - 11,3% en volume,  celle de la branche Matériels de transports a baissé de - 27,8%, celle des Biens d’équipement, de - 11,6%, et celle des Autres branches industrielles, de - 10,1%. La crise sanitaire a ouvert les yeux sur la dépendance de l’étranger en médicaments, en respirateurs artificiels, en équipements et fournitures. La pénurie de semi-conducteurs a aussi freiné la production automobile. Relocaliser et se renforcer en nouvelles technologies est maintenant jugé  indispensable.
La VA de la Construction a perdu - 14%.
Dans les Services marchands, la VA de la branche Hébergement - Restauration a chuté de - 28,9%, celle des Transports, de - 17,9%, celle des Services aux entreprises, de - 9,8%, et celle des Services aux ménages, de - 24,7%.
Si la chute du PIB ne dépasse pas - 8,3% en 2020, c’est que d’autres branches ont joué le rôle d’amortisseurs.
Dans les branches marchandes, les baisses des VA ont été de - 2,3% pour l’Agriculture, de - 5,1% pour les Services financiers, et de - 0,5%  pour les Services immobiliers. En 2019, la somme des VA de ces branches était de 403,3 Mds €, soit 18,7% de la VA totale. Elle n’a diminué que de - 1,7% en 2020.
Pour sa part, la VA des Services non marchands (administration générale, éducation, santé…), en grande partie fournis gratuitement par les Administrations publiques, atteignait 473,4 Mds € en 2019, soit 21,9% de la VA totale. L’Insee a évalué à - 4% la baisse de la VA de ces Services en 2020.
La VA de ces amortisseurs marchands et non marchands s’élevait à 876,7 Mds € et constituait 40,6 % de la VA totale (et 36,1% du PIB) en 2019.  En volume, elle n’a perdu que - 3% en 2020.
En conséquence, dans la VA totale des branches, la part de la VA des amortisseurs est montée à 43% en 2020, tandis que celle des branches motrices s’est repliée à  57%. Ce n’est évidemment pas bon pour l’économie de la France.
La VA industrielle en volume n’a plus représenté que 13% de la VA totale des branches. Et l’aggravation du déficit du commerce extérieur en  produits manufacturés a provoqué, à elle seule, une baisse de - 1,4% du PIB.
 
Vu les niveaux du déficit public et de la dette publique, à l’exception de la Branché santé, il ne semble pas que l’on doive s’attendre à un rebond vigoureux des activités des Services non marchands en 2021. Rien ne laisse présager que les Services immobiliers (locations) et les Services financiers pourraient connaître des croissances hors normes.
 
La prévision actuelle d’un rebond du PIB de l’ordre de + 6% en 2021 semble donc devoir reposer sur une croissance plus forte des branches motrices, sans doute d’au moins + 8% à + 9%. Elles ne pourront pas compter sur la générosité du Plan de relance de 100 Mds €, qui ne mobilisera que de l’ordre du tiers de ce « pactole » en 2021 et qui, dans son partage entre divers objectifs et de nombreux « bénéficiaires », ne leur a pas réservé la part du lion. Je l’avais expliqué dans mon article d’octobre 2020 intitulé « Pauvre plan de relance ? » (4).
Les privations de liberté et la peur, assidument entretenue, n’ont pas prouvé leur efficacité.  La propagation de variants plus difficiles à juguler, les péripéties vaccinales ainsi que les restrictions aux activités et aux déplacements qui n’en finissent pas, laminent les espoirs de « rebonds » vigoureux des activités les plus durement touchées.
 
Des évolutions très différenciées entre les branches
Une production agricole indifférente à la pandémie ?
Apparemment plus dépendante des aléas climatiques que des perturbations liées à la pandémie du coronavirus, la production de la branche Agriculture (agriculture, élevage, forêt, pêche) a baissé de - 2,8% en 2020. Sa VA, s’était élevée à 38,7 Mds € en 2019.  En volume, elle a reculé  de - 2,3%, c'est-à-dire nettement moins que la plupart des autres branches. A sa modeste dimension, elle a été un des « amortisseurs » de la chute du PIB en 2020.
 
Désindustrialisation accélérée en 2020
Décidément, le quinquennat Macron est néfaste à notre économie « productive ». Après une quasi-stagnation en 2018 (+ 0,4%) et en 2019 (- 0,2%), la production industrielle a perdu - 12,0% en 2020. Cette dernière année, la valeur ajoutée (VA) industrielle a diminué de - 11,2% en volume et a représenté 13% de la somme des VA des branches. Il ne semble pas que le télétravail, tant loué au début, puis décrié à la longue, ait réveillé durablement la productivité.
Cette chute brutale est  due essentiellement à celle des industries manufacturières, dont la production à baissé de - 13,1% en 2020 et la VA de - 12%.
Les activités liées aux transports et déplacements ont été les plus sévèrement touchées en 2020. La VA de la branche raffinage (et cokéfaction) a perdu - 32,3% et celle de la branche Matériels de transport (automobile, ferroviaire, aérien…), - 27,8%. La VA « créée » par cette dernière branche, aux multiples « fleurons » qui polarisent les regards, n’était déjà que de 34 Mds € en 2019, soit 1,6% de la VA totale des branches (2). Elle est passée à 1,2% en 2020.  


La VA des entreprises produisant des biens d’équipement a cédé - 11,6%, et celle des autres industries (textiles, cuirs, habillement, bois, papiers et cartons, produits chimiques,…), - 10,1%.
Malgré les obstacles, la consommation et la production alimentaires ont été moins affectées. La VA des industries agro-alimentaires a baissé de - 4,5% en 2020… après avoir reculé de - 3,5% en 2018 et de - 2,6% en 2019, il est vrai. Les causes des difficultés de cette branche nourricière ne sont donc pas seulement conjoncturelles et covidiennes.
Autres activités vitales, qui ne font pas partie des industries manufacturières, les productions et les fournitures d’électricité, de gaz, d’eau, ainsi que le traitement des déchets ont vu leur VA décroître de - 7,8% en 2020.
En fait, ce sont les baisses moins prononcées des consommations de ces produits dont il est le plus difficile de se passer qui ont « limité » l’ampleur de la chute de la VA industrielle à - 11,2%.
La consommation finale en produits manufacturés n’a baissé que de - 3,6%, celle des ménages perdant - 5,5% et celle des administrations publiques augmentant de + 6,5% en réponse aux urgences sanitaires. Les importations de produits manufacturés  n’ont diminué que de - 9,9%.  L’impact de la pandémie (combiné avec une compétitivité insuffisante) a été plus fort sur les exportations, qui ont perdu - 15,9%. En volume, le déficit commercial s’est ainsi creusé, de - 26,5 Mds € entre 2019 et 2020…  provoquant, à lui seul, une baisse du PIB de - 1,4%.
Recul de - 13% à - 14% de la Construction
 
La production de la branche Construction a baissé de - 14,1% entre 2019 et 2020 et la VA a perdu - 13,2%. A la fois cause et conséquence du recul des activités, l’investissement (Formation brute de capital fixe - FBCF) en bâtiments et travaux publics a diminué de - 14,7%, et d’autant pour celui des seules entreprises.
Des impacts de la pandémie différenciés dans le vaste Tertiaire marchand.
 
En 2019, la VA du Tertiaire principalement marchand atteignait 1 229,3 Mds €, soit 57% de la VA totale des branches. Elle a baissé en volume de - 9% en 2020.
Les branches qui ont le plus souffert sont l’Hébergement-restauration, les Services aux ménages et les Transports, dont les VA ont chuté respectivement de  - 28,9%, - 24,2% et - 17,3%. Viennent ensuite les Commerces et les Services aux entreprises, dont les VA ont décliné de - 10% approximativement.


Les activités des Services financiers et d’assurance ont été moins perturbées. Leur VA a reculé de - 5,1%.
Les Services d’information et communication, qui comprennent les éditions littéraires, musicales et de logiciels, l’audiovisuel, les télécoms, les services informatiques et les activités liées à Internet, ont aussi supporté la crise mieux que les autres. Leur VA a diminué de - 3,8%.
Les composantes principales des produits des Services immobiliers sont les loyers. Ceux-ci comprennent les loyers « réels » versés aux bailleurs par les locataires et les loyers « imputés » (ou fictifs) que les propriétaires de leur logement sont censés se verser à eux-mêmes… et dont le montant total est de beaucoup supérieur à celui des loyers réels. Pour l’année 2019, la VA de ces services a été évaluée à 277,6 Mds €, soit à 12,9% de la VA totale des branches. Malgré la pandémie, il n’y avait pas de raison particulière pouvant justifier une baisse de ces activités de location. Assez logiquement, la diminution de la VA a été limitée à - 0,5% en 2020. Une conséquence « collatérale » en est que le poids de cette branche très particulière est maintenant de 14% de la VA totale.  
 
Un Tertiaire principalement non marchand toujours plus lourd
 
Les services non marchands, ou « services administrés », sont des services fournis gratuitement ou à des prix « économiquement non significatifs », dans les domaines de l’administration (yc. ceux relevant des « missions régaliennes » de l’Etat), de l’éducation, de la santé et de l’action sociale.
En 2019, la VA de cette branche a été de 473,4 Mds €, soit 21,9% de la VA totale. En volume, cette VA  a diminué de - 4% en 2020. Sa part dans la VA totale a ainsi continué à s’alourdir, atteignant maintenant les 23%.
 
Paul KLOBOUKOFF                                                                   Académie du Gaullisme                                                        le 23 février 2021
 
Sources et références
(1) Le PIB se replie au quatrième trimestre (-1,3%), marqué par le deuxième confinement ; sur l’année 2020, il recule de 8,3%     Comptes nationaux trimestriels - première estimation (PIB) - quatrième trimestre 2020 [Données]     insee.fr/fr/statistiques/5018361    le 29/01/2021
(2) Branches d’activités - Les comptes de la Nation en 2019 I Insee    insee.fr/fr/statistiques/4506481?sommaire=4494218    le 29/05/2020
(3) Données des comptes annuels 2019 de l’Insee, comptes trimestriels du 29/01/2021 et calculs de l’auteur.
(4) Pauvre plan de relance ?      Lettre du 18 juin N° 229 du mois d’octobre 2020
(5) Crise sanitaire dans l’aérien : Air France, Airbus et ADP suppriment…    leparisien.fr/economie/crise-sanitaire…    le 18/02/2021
(6) Tourisme : le secteur de l’hôtellerie a connu ses pires résultats…     mieux-vivre-votreargent.fr/vie-pratique/2021/01/19/tourisme…
(7 Restauration : une année 2020 marquée par une chute importante du chiffre…     journaldeleconomie/restauration-une…    le 10/02/2021

© 01.02.2021

Retourner au contenu