Les accords de défense franco-britanniques et le Brexit Jean Menu - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
Président Jacques Myard
Secrétaire générale Christine ALFARGE
Aller au contenu
Les accords de défense franco-britanniques et le Brexit
Quelques rappels succincts
Le 2 novembre 2010, lors du sommet franco-britannique qui s’est tenu à Londres, le Premier Ministre britannique David Cameron et le Président français Nicolas Sarkozy ont signé les accords de Lancaster House portant sur une coopération en matière de défense et de sécurité.
En plus de la mise en commun des compétences dans le domaine des simulations nécessaires au développement des futures têtes nucléaires, les deux puissances en soulignant les similitudes de leurs capacités militaires dans le domaine des forces conventionnelles, ajoutaient une volonté clairement affichée de partager, mettre en commun et déployer ensemble, des moyens de combat dans des opérations menées sous les auspices des Nations unies,
Il s’agissait, entre autres, de mettre sur pied une force commune interarmées de projection du niveau d’une brigade forte de 5000 hommes, non permanente, capable d’être déployée et de mener des opérations de guerre de haute intensité sur des théâtres d’opérations. Il était précisé que le déploiement et l’emploi « demeuraient à tout moment une compétence nationale » et que tout engagement était subordonné à une entente commune sur les buts finaux et les règles d’engagement.
En particulier, il était décidé de partager et de mettre en commun des matériels, des équipements et des services dans le domaine aérien. Dans cet esprit, il devait être étudié la possibilité d’utiliser les capacités excédentaires dans le ravitaillement en vol et le transport aérien et de bâtir un plan de soutien commun et de formation pour les avions de transport A400M.
La relation militaire franco-britannique à l’épreuve du Brexit
Avec le départ du Royaume-Uni, au grand dam des eurolâtres qui considèrent que l’Europe n’est pas un ensemble de Nations mais un super État à part entière voire un empire qu’on ne quitte pas impunément, l'Union européenne perd une grande puissance économique, mais aussi militaire puisque le Royaume-Uni possède, comme la France, l'arme nucléaire, des forces conventionnelles projetables et un siège au conseil de sécurité de l'ONU.
Quelles vont être les conséquences du Brexit pour les Français liés aux Britanniques par ces accords de défense bilatéraux ?
Pour l’instant, malgré les difficultés que provoquera sans doute le Brexit dans cette relation bilatérale, Londres et Paris assurent que le traité de Lancaster House, restera la pierre angulaire d'une étroite coopération militaire. En effet, le 2 novembre dernier, la ministre des Armées, Florence Parly, et son homologue britannique, Ben Wallace, dans une déclaration commune célébrant le bilan et l’anniversaire des deux traités, se sont félicités de ce partenariat puissant et profond. Dans l'immédiat, le Brexit ne changera donc rien, au nom d'un pragmatisme et d’un réalisme partagés des deux côtés de la Manche.
Les années qui viennent auront encore besoin de cette entente et d’une coopération de défense. Il en va des intérêts stratégiques et de la place dans le monde de chacun des deux pays. En 2021, le prochain sommet franco-britannique devrait définir de futurs projets structurants, peut-être sous la forme d’un « Lancaster, House saison 2 ».
Exercice aérien franco-britannique
Pour bien montrer leur volonté de poursuivre une entente et une coopération plus que jamais essentielles, la France, membre de l’Union européenne, et le Royaume-Uni qui vient d’en sortir, ont participé à un raid aérien « Shaheen »de haute intensité.
Le 6 janvier 2021, la Royal Air Force et l’Armée de l’Air et de l’Espace française, sous le Commandement de la Défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) situé à Paris Balard, ont conduit cet exercice depuis la métropole jusqu’à Djibouti où sont stationnées des Forces françaises sur une base navale et une base aérienne présente sur l’aéroport international.
C’est ainsi que deux Mirage 2000D de la 3e escadre de chasse ayant décollé de Nancy et deux Mirage 2000-5 de Luxeuil, accompagnés de deux A330 MRTT (Multi Role Tanker Transport) de ravitaillement en vol de la Royal Air force, ont conjointement participé à ce raid aérien qui devait rallier la corne de l’Afrique où une opposition air/air et air/sol simulée les attendait à leur arrivée. Cette mission parfaitement réussie de près de 6h15 de vol après avoir parcouru 6 000 kilomètres a nécessité au total quatre ravitaillements en vol avant de réaliser un tir fictif de missile de croisière sur un objectif.
Cet entraînement bilatéral a contribué à améliorer l’interopérabilité entre les deux armées de l’Air dans le cadre de la « Combined Joint Expeditionary Force » (CJEF) franco-britannique, déclarée totalement opérationnelle en 2020 en plein Brexit.
Préalablement, le 15 décembre 2020, la France, de son côté, avait mené seule, l’opération Minotaure faisant une démonstration de projection de puissance de ses Forces aériennes stratégiques. Cinq Rafale de l’armée de l’Air et de l’Espace, participant à la dissuasion nucléaire, accompagnés d’avions ravitailleurs A330 MRTT Phénix identiques à ceux des Britanniques et d’un E3F de détection et de contrôle aéroportés, ont mené avec succès un raid aérien de plus de 10 heures de vol en parcourant 8000 kilomètres, depuis la métropole vers la base aérienne de Djibouti avec une simulation d’un tir de missile nucléaire air sol moyenne portée (ASMP).
Ces deux missions, représentatives d’un conflit de haute intensité, démontrent les capacités de l’armée de l’Air et de l’Espace, à agir loin, vite et fort, soit en totale autonomie soit en coopération avec la Grande Bretagne, tout en s’appuyant sur les renseignements fournis par le premier exemplaire du satellite CSO (composante spatiale optique) de renseignement de nouvelle génération, en orbite depuis deux ans, gagnant en agilité et permettant davantage de prises de vue avec une résolution inégalée en Europe. La constellation finale comportant trois satellites devrait être complètement déployée en principe cette année. La transition de cette génération a d’ores et déjà débutée puisque le satellite Hélios après 25 ans de services arrivera en fin de vie en 2022.
Politiquement, ces exercices sont des messages très clairs adressés aux eurobéats estimant qu’aucun avenir n’est possible en dehors de l’Union Européenne qui préfère confier sa défense à l’OTAN. La France et la Grande Bretagne, malgré le Brexit, ont réaffirmé leur volonté de poursuivre leur coopération dans le domaine militaire et plus largement dans celui de la Défense, confirmant ainsi que la Grande Bretagne restait dans l’Europe tout en retrouvant sa pleine souveraineté.
         
*Jean Menu Général de l’Armée de l’air Jean Menu (2 S)   Par deux fois :  
                                                                                                                                                                                                                      Ancien Chef du cabinet militaire du ¨Premier Ministre   ».
       

© 01.03.2021

Retourner au contenu