212 alfarge - Académie du Gaullisme

La Lettre du 18 JUIN Vingt- sixième année – n° 212 – décembre 2018
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212 alfarge

par Christine ALFARGE
Dîner-débat du 14 novembre 2018
Présidé par Monsieur Jacques MYARD
La défense nationale
« S’il faut que la France ait une épée, il faut que ce soit la sienne »
(Charles de Gaulle)
« On a voulu créer un bloc, sortir de l’idéologie européenne en créant des coopérations mais la libre circulation pose problème tant sur les capitaux que les personnes. On danse sur un volcan financier, nous sommes à la veille d’une crise systémique, une nouvelle donne est difficile mais on ne peut pas continuer comme ça », d’emblée Jacques Myard évoque une Europe qui ne marche pas parce qu’elle se construit sans les nations.
L’Europe des nations, une évidence.
Il faut créer l’Europe des réalités, celle pour laquelle le Général de Gaulle n’a cessé de se battre toute sa vie pour la mener à terme, les traités de paix n’étant jamais une garantie au regard des velléités et des ambitions hégémoniques des Etats. Jacques Myard nous dit : « le président de la république Emmanuel Macron rêve d’un romantisme européen dans une gouvernance en panne où l’Europe n’a pas de politique industrielle, de contrôle de la finance internationale, un principe de subsidiarité à retrouver. Nous sommes dans l’ère des puissances relatives où il y a un besoin de coopérations ».
Qu’est-ce que la politique étrangère ?
C’est d’abord réaffirmer la voix de la France mais pour être une grande nation, la fierté d’être français doit renaître dans notre pays. Le sentiment d’appartenance est primordial pour préserver la nation si on veut préserver la souveraineté. Seule une France retrouvant confiance en elle-même pourra jouer un rôle déterminant à la construction d’une Europe fondée sur des projets et sur les nations.
En septembre 1961,contre toute supranationalité, le Général de Gaulle présentait son projet sur la construction européenne : « Assurer la coopération régulière des Etats de l’Europe occidentale, c’est ce que la France considère comme souhaitable, possible et pratique, dans les domaines politique, économique, culturel et dans celui de la défense…Cela comporte un concert organisé, régulier de gouvernements responsables et le travail d’organismes spécialisés dans chacun des domaines communs et subordonnés aux gouvernements… ».
La géographie prime.
La France a des intérêts propres et des intérêts communs pour vivre en paix. Ce n’est pas le repli sur soi mais la liberté de décisions dans le concert des nations. Selon Jacques Myard : « au niveau interétatique, des coalitions se forment en fonction des intérêts. Des puissances relatives créent un équilibre, si un Etat est atteint de démesure, les autres se coalisent contre lui, la Chine très surveillée l’illustre parfaitement. Le système actuel est un autobloquant naturel, pendant ces dernières années, s’est développé un monde de courants transfrontaliers (ONG, Islam), une communication instantanée sur toute la planète. Il y a tout un monde qui échappe aux contrôles des Etats ».
Est-ce un monde sans pilote ?
« Pas tout à fait, selon Jacques Myard, les Etats-Unis ont mis en place les lois extraterritoriales ». Il ajoute : « Concernant les relations transnationales, nous avons la capacité d’entraîner les autres, ce n’est pas ce qui se passe maintenant mais on peut y arriver avec la volonté politique, soixante-six millions d’habitants, la volonté d’exister, un projet politique pour nous faire entendre ».
Il n’y a aucune corrélation entre la puissance et la taille.
Pour que la France rayonne, elle doit rester une grande puissance politique et faire entendre sa voix dans les affaires du monde. Il est indispensable que pour assurer les besoins vitaux de la nation, une politique de défense soit en appui à la politique étrangère du pays afin de renforcer sa vision stratégique, son action diplomatique.  
Peut-on avoir une défense européenne ?
Au regard de l’histoire, rappelons-nous qu’après son départ en 1946, le Général de Gaulle interviendra dès 1951contre le projet de Communauté européenne de défense (la CED). Il n’acceptait pas le principe de l’abandon de l’autonomie de la défense de la France au bénéfice de quiconque. C’est donc à son retour en 1958 que le Général de Gaulle décida de tout mettre en œuvre pour doter la France de l’arme qui déciderait de la guerre ou de la paix. Lors d’une allocution prononcée le 3 novembre 1959 à l’Ecole militaire devant les membres de l’Institut des hautes études de défense nationale, le Général de Gaulle s’exprimait : « il faut que la défense de la France soit française ». Toute la politique de défense nationale du général en découlera pendant ses années aux responsabilités alors que certains milieux civils et militaires souhaitaient ardemment une défense intégrée au niveau européen. Il affirmera : « le système de l’intégration a vécu » et
annoncera dans la foulée ce même 3 novembre, la constitution d’une force de frappe atomique française, dite « de dissuasion ».
Le 13 février 1960, la première bombe atomique française explose au Sahara, cet évènement changera complètement la politique de défense de la France devenant intouchable. Il ne serait plus question à l’avenir de faire la guerre force contre force en Europe, la bataille de chars lourds ne serait plus envisagée, personne ne prendrait le risque de représailles nucléaires sur son propre territoire.
Aujourd’hui, s’inscrivant dans la continuité de la pensée gaulliste, Jacques Myard affirme : « Il n’y a pas de défense européenne, nous sommes les seuls à avoir une capacité autonome et des partenaires qui ne pensent pas comme nous, la France doit garder son autonomie de décision ». Il précise : « On peut avoir des appuis extérieurs tel le Brésil par exemple ou d’autres qui ne sont pas des européens. Concernant les coopérations, la panoplie est énorme, nos choix peuvent être européens ou pas ».
Si nous demeurons une hyper puissance culturelle, nous devons aussi retrouver une politique industrielle en France et en Europe. Selon Jacques Myard : « il y a trois zones de puissance, Europe, Afrique, Proche et Moyen-Orient où nous sommes une puissance. Il faut du multilatéralisme, nous dit-on, mais il faut être capable du bilatéralisme. Regarder le monde tel qu’il est, c’est défendre nos intérêts, personne d’autre ne le fera ».
Quoiqu’il en soit, les décisions du Général de Gaulle en matière militaire ont permis à la France de retrouver sa liberté en matière de défense. Vis-à-vis de l’OTAN, sa position fut toujours claire lorsqu’il déclara le 11 avril 1961 qu’un changement dans l’organisation de l’Alliance atlantique était indispensable dans ses aspects militaires.
Le Général de Gaulle affirmait avec force et détermination « le droit et le devoir des puissances européennes continentales d’avoir une défense nationale qui leur soit propre. Un grand Etat ne pouvait confier son destin à un autre Etat ».

© 17.12.2018
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