Dans mon dernier article intitulé « Pourquoi tant de reculs, d’improvisations et de cafouillages », j’avais évoqué l’impréparation de la réforme, les ambiguïtés et les contradictions dans les promesses de la campagne présidentielle, dans les annonces distillées par les ministres, par le hautcommissaire Jean-Paul Delevoye (JPD), chargé de la préparation de la réforme, ainsi que dans les infos qui filtrent des « concertations » avec les partenaires sociaux. L’exécutif voulait faire voter un projet de loi à l’été 2019. Cette échéance est en train de glisser vers la fin de 2019 (ou + si difficultés), pour une entrée en vigueur de la réforme « complète » projetée en 2025… de manière à permettre à toutes les caisses de retraite (42 régimes de base et davantage de régimes complémentaires) de « faire la transition ». Uniformiser ces régimes, qui comportent de nombreuses différences [pas totalement injustifiées], pour plus de clarté et de justice, et les fondre dans un système par répartition « universel » de « retraite à points » a été le triple objectif majeur mis en avant et médiatisé. Avec le principe : « pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous », sans préciser que, dans l’esprit des réformateurs, il s’agit d’un euro cotisé non par le seul salarié, mais par le salarié et son employeur.
Sans mettre en question explicitement des spécificités de régimes tels ceux des fonctionnaires de l’État et les régimes spéciaux. En jurant « Nous ne toucherons pas à l’âge de la retraite » [mais en parlant d’âge pivot de 63 ans et de décote], « ni au niveau des pensions » [en taxant plus les retraités et en ne revalorisant pas les pensions alors que les prix s’envolent]. En lançant des déclarations équivoques ou mystérieuses telles « On ne fait pas aujourd’hui une réforme sur les retraites existantes » et, à propos des actifs « ils auront dix ans pour s’y habituer » [??]. C’est le brouillard épais. La plupart des citoyens s’inquiètent et sont pessimistes sur leur avenir. Ils craignent pour la santé et les niveaux de vie des retraités.
Une vaste enquête « Parlons retraite », réalisée sous l’égide de la CFDT (1) indique que 91 % des actifs s’attendent à voir leur niveau de vie baisser une fois à la retraite, et que 70 % des retraités ont constaté cette baisse. Il se trouve qu’en même temps « 84 % des Français ne font pas confiance à Emmanuel Macron pour redresser leur pouvoir d’achat » d’ici la fin du quinquennat, selon les résultats d’un sondage publié par le JDD ce 28 octobre (2). 72 % trouvent que leur pouvoir d’achat a déjà baissé depuis l’arrivée de Macron au pouvoir. Avançant masqué, l’exécutif a omis de rendre publiques ses intentions sur le choix crucial entre : un système à minima, avec de faibles cotisations et une faible solidarité entre les cotisants, et une solution très solidaire, avec des cotisations élevées, pour assurer un bon taux de remplacement des salaires à la retraite.
Il semble que l’exécutif ait choisi cette deuxième option. Car, d’après une interview de JPD en juin, le système à point s’appliquerait jusqu’à un plafond de ressources de 10 000 € par mois. Les cotisations au régime général (universel) tripleraient alors par rapport au système actuel, puisque le régime général de la Sécu impose aux salariés de cotiser seulement jusqu’à un plafond de 3 311 € bruts par mois. Au-delà, le plafond de l’AGIRC est fixé à 26 500 € bruts mensuels. Dans la pratique, le nouveau régime général prélèverait des cotisations « monopolistiques » sur 97 % des salariés contre 75 % aujourd’hui (3). Il dépossèderait de la majorité de leurs cotisants les actuels régimes complémentaires, AGIRC-ARRCO, en tête… et limiterait l’accès à des complémentaires aux seuls très hauts revenus. Contrepoints attire donc aussi l’attention sur des dispositions du droit communautaire et de la jurisprudence. Dans la pratique, un gouvernement « ne peut porter l’effort de solidarité au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer des prestations minimales à chacun ».
Pour s’en assurer, la Cour de Luxembourg vérifie que le système obligatoire n’empêche pas l’existence d’un marché complémentaire ». Ce garde-fou pourrait contraindre Macron à une certaine « modération » concernant l’emprise du système universel. Le Gouvernement et les médias grand public se sont bien gardés d’informer la population sur les contenus des rapports consistants du Conseil d’orientation des retraites, de novembre 2017 et de juin 2018 (4), sur la situation et les perspectives de notre système de retraite, qui comportent des projections jusqu’à l’horizon 2070, élaborées en collaboration avec l’INSEE et d’autres organismes publics.
Le Gouvernement et les médias grand public se sont bien gardés d’informer la population sur les contenus des rapports consistants du Conseil d’orientation des retraites, de novembre 2017 et de juin 2018 (4), sur la situation et les perspectives de notre système de retraite, qui comportent des projections jusqu’à l’horizon 2070, élaborées en collaboration avec l’INSEE et d’autres organismes publics.
Ces projections prolongent les tendances observées et, à législation inchangée, sont conservatrices dans les hypothèses sur lesquelles elles reposent. Deux d’entre elles sont particulièrement déterminantes et correspondent à des choix politiques lourds : 1° Dans la projection, les pensions sont revalorisées à hauteur de la hausse des prix (inflation), c’est dire de + 0 % par an à prix constants. Aussi, l’augmentation à prix constants attendue du niveau moyen des pensions ne proviendra que de la poursuite de « l’effet de noria », c'est-à-dire du « remplacement des anciennes générations de retraités par de nouveaux retraités aux pensions en moyennes plus élevées » ; 2° Le revenu moyen d’activité (des personnes en emploi), est indexé sur le gain de productivité dans l‘économie. Et le COR a chiffré quatre scénarios correspondant à des gains annuels de productivité de 1 %, 1,3 %, 1,5 % et 1,8 %. À ces différents taux sont associés des taux de croissance du PIB et de la masse des revenus d’activité qui tiennent compte d’une progression prévue de la population active, qui serait de + 0,2 % par an entre 2020 et 2040, puis de 0,1 %.
À partir de 2022, le taux de chômage supposé est de 7 % (objectif fixé par Macron pour 2022). Quel que soit le taux de croissance, donc. C’est une hypothèse lourde, mais qui aurait un impact limité sur les résultats des projections.
Des résultats des projections, et notamment à un horizon de 25 ans, en 2043, méritent de retenir l’attention.
Le rapport entre le nombre de cotisants et celui des retraités de droit direct va continuer à se dégrader, tombant de 1,7 en 2017 à un peu plus de 1,4 en 2043, puis sous 1,3 en 2070.
L’âge moyen de départ à la retraite, de 61,8 ans en 2017, s’approcherait des 64 ans dès le début des années 2040… malgré le maintien supposé de l’âge légal à 62 ans.
Le rapport entre la pension moyenne et le revenu moyen d’activité se détériorera. De 51,2 % en 2017, il va descendre à environ 49 % en 2022-2023. Ensuite, suivant les scénarios, ce rapport se situerait entre 44 % et 39 % en 2043 (soit – 14 % à – 24 % depuis 2017), puis entre 40 % à 30 % en 2070. Sacrée dégringolade !
Quant au rapport entre le niveau de vie des retraités et celui de l’ensemble de la population, selon les scénarios, il s’établirait entre 86 % et 94 % en 2043 et entre 77 % et 89 % en 2070… contre 105,6 % en 2015. Pour bien apprécier la signification du NDV des retraités et cette baisse bien en dessous de celui de l’ensemble de la population, il faut savoir que dans la population totale de la France de 66,9 Mi habitants en 2016, 17,2 Mi étaient à la retraite, et sur les 49,7 Mi de non retraités, près de la moitié étaient inactifs … et sans revenus d’activité.
Nous pouvons observer aussi que la dépense moyenne pour 1 retraité (pension) rapportée au PIB a baissé de – 26 % entre 2002 et 2016. D’après les projections, elle baisserait encore de – 37 % à – 44 % de 2016 au milieu des années 2060 dans les scénario à1,5 % et à 1,8 %.Le retraité moyen coûte donc de moins en moins cher à l’économie nationale… jusqu’où est-il justifié, solidaire, de poursuivre dans cette voie ?
Le solde financier de l’ensemble des régimes du système de retraite (SR) est proche de l’équilibre en 2017. Dans l’avenir, le système de retraite resterait durablement déficitaire. En 2022, il le serait de – 0,2 % du PIB. Le déficit s’aggraverait jusqu‘en 2028, atteignant alors entre – 0,4 % et – 0,7 % du PIB. Ensuite, il ne reviendrait à l’équilibre qu’en 2036 suivant l’hypothèse de croissance la plus optimiste, et en 2043 dans le scénario encore relativement optimiste à 1,5 %. Dans les 2 autres scénarios, le SR connaîtrait un besoin de financement chaque année jusqu’en 2070.
En 2017, 1 % du PIB c’est environ 23 Mds €. Aussi, les déficits globaux annuels projetés pour les 15 à 20 ans à venir (au moins) n’apparaissent pas colossaux. Cependant leur cumul peut être assez considérable… et menace gravement les réserves constituées par les régimes de retraite. Un magot « alléchant », évalué à 128,9 Mds € à fin 2016 dans les régimes par répartition. Ce n’est pas énorme pour garantir la pérennité des régimes. Et, selon les prévisions, celui du FFR va déjà être sérieusement entamé d’ici 2025. Attention à l’usage d’expédients… que pourrait faciliter le regroupement des régimes en un seul, « universel ».
Ces projections mettent en évidence le fort risque de détérioration des retraites, ainsi que des revenus et des pouvoirs d’achat des retraités actuels et futurs. En faisant évoluer les pensions au seul rythme de l’inflation, elles les tiennent à l’écart du partage des fruits de la croissance. De plus, on est en droit de douter du respect par les gouvernants d’une telle « hypothèse », puisque depuis plusieurs années elle n’est pas respectée. En outre, revaloriser les retraites en fonction de l’indice des prix à la consommation de l’INSEE ne garantit pas le maintien effectif de leur pouvoir d’achat. A juste titre, « Un économiste, Philippe Herlin, dénonce le « grand mensonge » du calcul du pouvoir d’achat », sur lefigaro.fr/economie en octobre (5). Il reproche à l’indice des prix qui sert de référence de sous-estimer « de façon criante » la part des dépenses pour le logement dans le budget des ménages. Il critique aussi la façon dont est traité « l’effet qualité », qui conduit à réduire indûment des hausses de prix lors de l’introduction de nouveaux produits sur le marché. C’est, d’ailleurs ce qui est expliqué pour les médicaments dans l’Éclairage sur les prix de la santé dans la présentation des comptes de la santé de 2016 : « Lors de l’apparition d’une nouvelle spécialité, l’intégralité de la hausse de prix est comptabilisée comme une amélioration de la qualité, donc une hausse en volume, en l’absence d’une méthodologie permettant de distinguer l’effet qualité de la pure hausse de prix (6). On minore donc les hausses de prix… et on augmente celles en volume ». Et cette sous-évaluation porte sur de nombreux autres produits, « technologiques », alimentaires… Selon l’économiste, « ces méthodes ont été mises en place car beaucoup de minima sociaux sont indexés sur la hausse des prix (salaire minimum, retraites) : c’est un vrai enjeu budgétaire pour l’État ».
Aux défenseurs des retraités et des autres consommateurs, il est donc fortement recommandé d’être vigilants, d’approfondir la question et de faire pression sur les gouvernants pour obtenir des revalorisations honnêtes.
En fait, nombre des retraités et de ceux qui approchent de la retraite sont déjà condamnés à épargner toujours plus pour assurer « leurs vieux jours ». Et les perspectives ne sont de nature à les en décourager. Au contraire. Alors, pourquoi exclure d’emblée la retraite par capitalisation et les mesures qui pourraient les aider à épargner, à épaissir leur « matelas de sécurité » ? Encore faudrait-il, en même temps, que nos dirigeants et ceux de l’UE songent à ne plus maintenir les taux de rémunération de l’épargne très bas, scandaleusement en dessous du taux de l’inflation.
La suite de mon article s’adresse à ceux qui veulent en savoir un peu plus, sans avoir à se pencher sur les volumineux documents du COR et rechercher des infos que nos médias rechignent à diffuser largement .
La majorité des Français craignent pour leur retraite
La CFDT a organisé une très vaste enquête « Parlons retraites » entre le 12 juin et le 29 août 2018 (1). Plus de 120 000 personnes de toutes catégories sociales et professionnelles ont été interrogées et 14 millions de réponses recueillies ont été analysées par une équipe de chercheurs en sciences sociales.
7 personnes sur 10 craignent la retraite : 13 % des répondants ont peur lorsqu’ils pensent à la retraite et 56 % sont inquiets. La crainte du manque d’argent et de la maladie. Sombre perspective pour nombre des 57 % des répondants qui estiment que la retraite est « enfin la vraie vie », comme pour les 37 % qui la voient plutôt comme « la fin de la vie ». Quoi qu’il en soit, près des 3/4 des sondés trouvent » important de choisir le moment de leur départ à la retraite ».
Le système de retraite (SR) par répartition est apprécié par 75 % des répondants, qui sont « fiers de payer la retraite de leurs ainés ». Cependant, 74 % le trouvent injuste. Et, à échéance de 20 ans, « 56 % prédisent qu’il sera moins avantageux, quand 37 % projettent qu’il aura disparu »… soulignant l’importance de vérifier la viabilité du système par répartition et de ne pas exclure l’examen d’alternatives.
91 % des actifs s’attendent à voir leur niveau de vie baisser une fois à la retraite. 70 % des retraités ont constaté cette baisse. Les craintes sont plus fortes chez les personnes seules. Et « 65 % des répondants ont peur d’être pauvres quand ils seront vieux ». Le logement est considéré comme primordial, avec la hantise de ne pouvoir payer son loyer ou de rembourser son crédit immobilier. 26 % des actifs pensent qu’ils ne pourront pas rester dans leur logement actuel. 26% des actifs pensent aussi qu’ils ne seront « pas capables d’assurer leurs dépenses courantes ».
Le SR est complexe. 25% des répondants affirment bien le connaître, 56% le comprendre plus ou moins, et 19% ne rien y comprendre. Avec l’âge et à l’approche de la retraite, ils s’y intéressent davantage et connaissent mieux leurs droits. A 54 ans, la majorité des répondants « ont une idée de combien ils gagneront à la retraite ».
35 %¨des répondants souhaitent un SR avec des règles uniformes pour tous. 58% préfèrent un système avec des règles communes et des règles spécifiques aux métiers… et seulement 7 % veulent le maintien de règles spécifiques selon les employeurs. C’est une façon de dire que le maintien des « spécificités » des régimes « spéciaux », dont ceux des fonctionnaires, n’est pas justifié pour la grande majorité des Français.
83 % des répondants pensent que le montant des pensions devrait être complètement proportionnel aux cotisations que chacun a versées. 53 % souhaitent un minimum et un plafond.
Les points que j’ai résumés ici ne représentent qu’une partie des résultats de cette enquête, très bienvenue. Ces résultats doivent être examinés attentivement par les citoyens et leurs représentants, politiques et syndicaux.
L’avenir des retraites dans les projections du COR à l’horizon 2070
En juin 2018, le COR a produit un rapport annuel détaillé (184 pages) comportant des projections d’indicateurs clés du Système de retraites (SR) et de leurs principaux déterminants. Le contenu d’un tel document, « basique », ne devrait pas être « ignoré » par les aspirants réformateurs et les interlocuteurs avec lesquels ils « négocient ». Les retraités actuels et futurs, ainsi que les cotisants et les contribuables qui contribuent au financement du SR, devraient en être honnêtement informés. Il pourrait utilement servir de référence et de point de départ aux réflexions et aux propositions sur les réformes. Car il offre un cadre global d’approche et met en lumière des situations et des évolutions futures en fonction desquelles devraient être définis les objectifs majeurs des réformes. Une telle vision d’ensemble manque cruellement pour guider le processus en cours, qui se concentre prioritairement sur des aspects « organisationnels » (tels le « système à points », par exemple) sans référence à des résultats (ou objectifs) qui seraient attendus, notamment en matière de pérennité (équilibre à long terme) du système, d’amélioration ou de détérioration du sort des retraités, de partage entre les agents du financement des retraites… La démarche actuelle place la charrue devant les bœufs. Elle est porteuse d’errements, d’incompréhensions et de conflits.
Des signaux démographiques alarmants
Le COR s’est appuyé sur les projections de population à l’horizon 2070 de l’INSEE réalisées en 2016 (7). Celles ici montrent une progression de la population totale de la France de 65,78 millions (Mi) de personnes au 1er janvier 2013, à 67,82 Mi en 2020, à 72, 45 Mi en 2040 et 76,45 Mi en 2070… le fait le plus marquant étant que l’augmentation de la population (+10,7 Mi d’habitants) provient essentiellement de celle de la population des personnes de 65 ans et plus (+ 10,4 Mi) et, parmi elles, de celle des 75 ans et plus (+ 7,8 Mi) qui seront deux fois plus nombreuses qu’en 2013. En 2040, déjà, la France comptera 18,9 Mi de personnes 65 ans et plus, soit 26,1% de sa population.
Le COR a rappelé que ces projections « tendancielles » reposaient sur les hypothèses :
- d’une fécondité stable, de 1,95 enfant par femme sur toute la période de projection ;
- d’une espérance de vie à 60 ans montant chez les femmes de 27,5 ans en 2016 à 33,6 ans en 2070, et chez les hommes, de 23,1 ans à 31 ans ;
- d’un solde migratoire stable de + 70 000 personnes par an d’ici 2070.
Le vieillissement de la population causera une importante détérioration des ratios démographiques.
Dans le scénario central des projections 20132070 actualisées de l’INSEE :
- le ratio Population de 20 à 64 ans / population des 65 ans et plus était supérieur à 4 en 1990 ; il est descendu à 2,9 en 2017 et passera en dessous de 2 en 2043 pour approcher 1,8 en 2070 ;
- même évolution pour le ratio des 20 à 59 ans / les 60 ans et plus, qui, descendu de 2,8 en 1990 à 1,95 en 2017 baissera à près de 1,4 en 2043.
Le COR a également utilisé les projections de la population active à l’horizon 2070 de l’INSEE réalisées en 2017 (8), qui montrent que dans l’avenir, nettement plus de personnes de 55 ans à 64 ans seront en activité.
Parmi les personnes de 55 à 59 ans : 75 % des femmes seront « actives » en 2043, contre 71% en 2018 (et un peu plus 40% en 1990) ; chez les hommes, le taux atteint de 78% ne devrait plus progresser.
Le taux moyen d’activité des personnes de 60 à 64 ans va beaucoup plus augmenter jusqu’à la fin des années 2030. Chez les femmes, il montera d’environ 38% en 2018 à 60% en 2043 avant de se stabiliser. Chez les hommes, la hausse sera encore plus forte. De 38% en 2018, le taux d’activité montera à près de 67 % en 2043.
Ainsi, en 2043, 6 femmes sur 10 seront en emploi ou chercheront du travail. Chez les hommes, 2 sur 3 seront dans cette situation. L’INSEE nous rappelle que femmes et hommes de 60 à 64 ans en activité étaient à peine plus de 10 % en 2000. Il faut s’en souvenir lorsqu’il est question d’évolution du niveau de vie des seniors.
Les scénarios des projections du COR, productivité du travail et croissance
Le COR a décliné ses projections selon quatre scénarios contrastés de gains annuels de productivité du travail à long terme (scénario 1 %, scénario 1,3 %, scénario 1,5 % et scénario 1,8 %), tous associés au même taux de chômage de 7 %.
La productivité du travail (PRT) a un impact fort sur la situation financière du système des retraites, nettement plus que le chômage. Cependant, deux variantes étudiées, celle d’un taux de chômage de 4,5 % avec le scénario 1,8 %, le plus « optimiste », et un taux de 10 % avec le scénario « pessimiste » à 1 %, montrent des écarts (par rapport à ceux avec le taux de 7 %) substantiels en termes d’emplois, de + ou – 700 000 en 2030 et + ou - 900 000 en 2070. Par contre les impacts sur le PIB ne seraient que de 2 à 3 % à ces échéances.
Entre 2018 et 2022, conformément au décret n° 2014-694 de juin 2014, les projections reposent sur les hypothèses du Programme de Stabilité d’avril 2018 présenté à la Commission européenne. Les taux de croissance effective du PIB y sont de 2 %¨en 2018 [nous en sommes loin actuellement], 1,9 % en 2019 et 1,7 % les trois années suivantes.
D’après les données et les graphiques du rapport, la hausse de la productivité horaire du travail a été en moyenne de 1,5 % du début des années 1990 jusqu’à l’avant-crise de 2008, puis, après les années de crise, de 1 % en moyenne de 2011 à 2017. De 2018 à 2022, elle se rapprocherait de 1,2 % par an.
Après 2022, la productivité du travail a son propre parcours dans chaque scénario. Elle y varie d’année en année, avant de se stabiliser à partir de 2032… au taux de 1 % dans le scénario à 1 %, à 1,3 % dans celui à 1,3 %, à 1,5 % et à 1,8 %.
Quant à la croissance du PIB, le COR indique (ou stipule) qu’à long terme, elle est « égale au produit de la croissance de l’emploi total par celle de la productivité du travail par tête, elle même égale à celle de la productivité horaire, en l’absence de modification du temps de travail ».
Or l’augmentation projetée de la population active (égale à celle de la population employée lorsque le taux de chômage ne varie pas) a été fixée à 0,2 % par an entre 2021 et 2040, puis à 0,1 % par an jusqu’à 2070.
Aussi, à partir des années 2040, le taux de croissance du PIB sera de + 0,1 % supérieur à celui « stabilisé » de la croissance de la productivité du travail dans chaque scénario, c'est-à-dire, respectivement, de 1,1 %, de 1,4 %, de 1,6 % et de 1,9 %.
Mais, pour le commun des mortels, ce qui arrivera dans les 25 ans à venir compte davantage ! Notre législation recommande d’ailleurs de veiller particulièrement à l’équilibre du système de retraite à cet horizon.
De 2021 à 2030, les croissances annuelles moyennes du PIB vont de 1,3 % à 1,6 % suivant les scénarios. Les écarts se creusent de 2030 à 2040, les croissances annuelles allant de 1,2 % à 2,0 %.
+ Un lot d’hypothèses « simplificatrices » pour projeter les revenus d’activités
Les cotisations retraites sont assises sur les rémunérations, ou « revenus d’activités », qui déterminent les ressources du système de retraites. Le COR admet que : - l’évolution de la productivité
horaire du travail détermine celle des rémunérations d’activités (RAct) - à condition que la durée du travail soit stable et que le partage de la valeur ajoutée (mesurée par le PIB) entre la rémunération du travail et celle du capital, en particulier, soit stable aussi.
Dans ces conditions (retenues par le COR), le volume de travail peut évoluer comme le nombre de personnes en emploi.
Encore faut-il porter une attention particulière aux rémunérations des fonctionnaires, à l’évolution des effectifs de la fonction publique et au partage de la masse salariale entre secteurs public et privé, notamment en raison du fort différentiel entre les taux de cotisations patronales entre les deux secteurs. Ici, les principales hypothèses sont :
- une progression ralentie du traitement indiciaire des fonctionnaires et une évolution des salaires des fonctionnaires inférieure à celle du salaire moyen dans l’économie (SMPT) de 2018 à 2022. A partir de 2023, le traitement moyen des fonctionnaires évolue comme le SMPT. « Cette hypothèse conventionnelle [hardie !] a l’avantage de la simplicité et de ne pas induire d’effet de structure entre secteurs public et privé après l’horizon de court terme », note le COR ;
- les réductions annoncées de 120 000 agents publics entre 2018 et 2022, puis, à partir de 2023, la stabilité des effectifs de la fonction publique d’État (FPE) et de légères progressions de ceux de la FP hospitalière et de la FP territoriale. Des hypothèses plutôt « conservatrices », donc, qui n’auront pas l’heur de plaire à tous ;
- la stabilité de la part des primes dans la rémunération moyenne des fonctionnaires [une hypothèse simplificatrice non conforme aux évolutions passées].
Une analyse des structures de financement des régimes de retraite
En 2017, les dépenses des régimes de retraite ont été de 316 Mds € et les recettes, de 315 Mds €. Le financement a été assuré : - pour 80 % (255 Mds €) par les cotisations sociales (y compris 39 Mds de cotisations employeur de l’État au régime de la FPE) ; - pour 11 % (36 Mds) d’impôts et taxes affectés (ITAF) ; - pour 2 % par l’État, essentiellement en subventions d’équilibre à des régimes spéciaux ; - pour 5 % par des transferts venant de l’assurance chômage et de la branche famille de la Sécu ; - pour 1 % par des produits de gestion ; - et pour 2 % d’endettement et de recours aux réserves pour financer le besoin de financement .
Les contributions ont varié dans le temps. De 2004 à 2012, la part des cotisations (employeurs et salariés) a baissé de 81 % à 75 %, avant de remonter à 80 % en 2017. La part des ITAF est montée brusquement de 7 % à 10 % de 2004 à 2006 et a fluctué entre 1 % et 12 % entre 2011 et 2017. La part des transferts s’est réduite de 8 % en 2004 et 2005 à 5 % pendant les 12 années suivantes. Le besoin de financement, de 2 % en 2006 et 2007, est ensuite monté à 5 % en moyenne de 2008 à 2012 (avec la crise), puis est redescendu entre 3 % et 2 % depuis.
Ces structures de financement varient aussi suivant les régimes. Le COR présente un tableau des structures de financement des 16 principaux régimes de retraite en 2017. Nous y voyons des régimes abondés : - en presque totalité par les seules cotisations, ceux de la Fonction publique (99 % pour la FPE et 97 % pour la CNRACL), la CNAVPL complémentaire (99 %) ; - en grande partie par les cotisations, l’AGIRC-ARRCO (86 %), l’IRCANTEC (84 %), la RSI complémentaire (84 %). Le régime le plus lourd, la CNAV, avec 128,2 Mds de prestations, est financé à 64 % par les cotisations, 14 % par le FSV (fonds de solidarité vieillesse), 12 % par les ITAF et 9 % par des transferts.
Au contraire, les régimes de la SNCF, de la RATP, des Industries métallurgiques, minières et gazières (CNIEG) ne sont financées respectivement qu’à 36 %, 41 % et 44 % par les cotisations. Pour la SNCF et la RATP, des subventions d’équilibre font le reste. La CNIEG reçoit 18 % d’ITAF et 34 %de subventions. Quant à la Caisse des mines, elle ne vit quasiment que de subsides : 82 % de subventions et 16 % de compensations démographiques.
De leur côté les retraites de base de la NSA (nonsalariés agricoles) sont financées à hauteur de 15 % par des cotisations, 37 % par des ITAF, 38 % par des compensations démographiques, par le FSV, des transferts… et la NSA enregistre un « besoin de financement » (BF) de 2 %. La NSA complémentaire, malgré un apport d’ITAF de 15 %, affiche un BF de 36 %.
Les projections du COR ne portent pas sur les régimes pris individuellement. Il m’a, cependant paru utile d’évoquer cet état des lieux au moment où il est fortement question de fondre ces différents régimes en un seul, universel, et, ce faisant, de redistribuer les charges entre leurs cotisants, l’État et les autres participants au financement. Une redistribution que redoutent les acteurs du secteur privé, sans doute à juste cause.
Les « rémunérations super-brutes » pour jauger les contributions… et projeter
Pour comparer les efforts contributifs dans les différents régimes, le COR estime le recours aux taux
de cotisation légaux peu pertinent. Il préfère se référer aux rémunérations super-brutes, égales à la totalité des revenus bruts augmentés des charges sociales patronales. Avantage : « Cette première étape d’harmonisation [en vue de la réforme ?] réduit les écarts de taux de cotisation ». Illustration : le taux de cotisation « apparent » (légal) est de 22,7 % en 2016 pour les salariés du secteur privé ; pour les fonctionnaires civils de l’État, il est de 73,1 % ; l’écart est de 50,4 %. Avec les rémunérations super-brutes (RSB), le « taux de cotisation normalisé » des salariés du privé est de 15,4 % ; celui des fonctionnaires, primes (non soumises à cotisation) incluses dans le RSB, est de 38,3% et l’écart est réduit à 22,9 %.
Pour l’ensemble des régimes, ce taux de cotisation normalisé est de 18,2 %. Le COR a aussi calculé des taux « normalisés » de prélèvement d’équilibre des régimes, qui vont de 8,9 % pour les professions libérales à 104 % pour les non-salariés agricoles, en passant notamment par 21,7 % pour les salariés du secteur privé et 36,5 % pour les fonctionnaires civils d’État. En 2016, ce taux d’équilibre est de 23,1 % pour l’ensemble des régimes. Un écart global important avec le taux observé, très différencié d’un régime à un autre.
Les déterminants de l’équilibre financier du système de retraite
Pour que le SR soit équilibré chaque année, la masse de ses ressources doit égaler celle de ses dépenses, c’est à dire la masse des prestations qu’il verse. La masse des ressources étant égale au nombre de cotisants x Taux moyen de prélèvement pour financer les retraites x Revenu d’activité moyen, d’un côté, et la masse des prestations étant égale au nombre de retraités x Pension moyenne, de l’autre, l’égalité nécessaire à l’équilibre s’écrit :
Nombre de cotisants x Taux de prélèvement x RAct moyen = Nombre de retraités x Pension moyenne
Cette égalité peut aussi s’écrire sous la forme :
(Nombre de cotisants / nombre de retraités) x Taux de prélèvement = Pension moyenne / Revenu d’activité moyen
Cette deuxième formulation met en relief trois « déterminants » de la situation financière du SR :
- le rapport entre le nombre des cotisants et celui des retraités, qui dépend de la démographie, des comportements d’activité et du taux de chômage (cf. ci-dessus), ainsi que des règles du SR qui influent sur l’âge de départ à la retraite ;
- le niveau moyen des pensions de l’ensemble des retraités rapporté au niveau moyen de l’ensemble des personnes en emploi, qui dépend de facteurs économiques (dont la productivité du travail), ainsi que des décisions et règles qui déterminent les montants des pensions et leurs revalorisations ;
- le taux de prélèvement global (niveau des prélèvements / masse des revenus d’activité), qui dépend des règles déterminant les cotisations et les autres prélèvements.
Le rapport entre le nombre de cotisants et de retraités poursuivra sa chute
D’après les projections de l’INSEE, avec la baisse supposée du taux de chômage jusqu’à 7 % et le recul de l’âge de la retraite, le nombre de cotisants monterait de 27,9 Mi en 2017 à 29,5 Mi en 2032. Après, la hausse, serait portée principalement par celle de la population active, et le nombre des cotisants irait vers les 30,7 Mi, seulement, en 2070…
L’augmentation du nombre de retraités sera plus rapide, surtout au cours des 20 ans à venir, jusque vers 2035-2040. De 16 Mi en 2017, le nombre de retraités de droit direct monterait à 24,3 Mi en 2070 dans tous les scénarios.
En conséquence, le rapport nombre de cotisants / nombre de retraités de droit direct tomberait de 1,7 en 2017 à un peu plus de 1,4 dans 25 ans, en 2043, puis sous 1,3 % en 2070.
Il est à noter que cette sévère détérioration interviendrait malgré l’allongement des durées d’activité des seniors de 55 à 64 ans (déjà relatées) et du recul de l’âge moyen conjoncturel de départ à la retraite de 61,8 ans en 2017 pour approcher les 64 ans dès le début des années 2040… avec le maintien supposé de l’âge légal à 62 ans.
L’écart entre le revenu moyen d’activité et la pension moyenne va se creuser
Les réformes engagées depuis 20 ans et la politique de « modération » des retraites (indexation sur la hausse des prix, puis quasi blocages ces dernières années et encore aujourd’hui) ont creusé les écarts entre les progressions des niveaux des pensions et de ceux des revenus d’activités, avec des « effets cumulatifs » d’année en année. C’est bien ce que vise et met en œuvre la politique du président Macron. Et les résultats sont en voie de dépasser ses espérances.
Les projections du COR prolongent cette évolution.
« Ces effets arriveraient à maturité au cours des années 2050 et la baisse de la pension moyenne relative (PMR) serait plus modérée à compter de cette date ». Les graphiques du COR montrent, en effet, qu’à court terme, la PMR, qui est de 51,2 % en 2017, va descendre à environ 49 % en 2022-2023. En un quinquennat, la pension moyenne (PM) rapportée au revenu moyen d’activité (RMA) va perdre plus de – 4 %.
Ensuite, dans le scénario à 1 %, le plus pessimiste pour la croissance du PIB, la PMR descendrait jusqu’à 44 % en 2043 (ce qui correspond à une perte de – 14 % depuis 2017) puis se dirigerait vers les 40 % en 2070.
Dans le scénario à 1,8 %, le plus optimiste pour le PIB, la PMR passerait sous les 39 % dès 2043 (accusant une perte de – 24 % depuis 2017), et filerait sous les 33 % en 2070.
Dans les scénarios « centraux » à 1,5 % et à 1,3 %, la PMR descendrait entre 41 % et 42 % en 2043 (perte de – 18 % à – 20 % depuis 2017) et entre 35 et 37 % en 2070 (perte de – 28 % à – 32 % depuis 2017).
Le COR considère qu’il n’y aurait pas d’appauvrissement en termes réels des futures générations de retraités [indexation des pensions sur l’inflation] et que, grâce à l’effet de noria, le niveau moyen des retraites croîtrait, mais moins que celui des revenus d’activités. En fait, en termes réels, la croissance moyenne des pensions des personnes à la retraite serait nulle, alors que les revenus d’activité, y compris celui des fonctionnaires, profiteraient des gains de productivité et de la croissance du PIB. N’est-ce pas dire que les retraités seraient exclus du partage des fruits de la croissance ?
Plus d’équité entre les femmes et les hommes ?
Dans la prolongation des tendances, le montant moyen des pensions (y compris majorations et réversions) parmi les femmes retraitées de droit direct va continuer à se rapprocher de celui des hommes retraités de droit direct. Un graphique montre que de 77 % en 2017 le rapport entre femmes et hommes devrait atteindre 90 % en 2043, puis plafonner près de 91% de l’approche des années 2050 jusqu’au milieu des années 2060.
« Des dépenses de retraite maîtrisées », dans les projections
Le COR résume ainsi l’évolution projetée des dépenses de retraite rapportées au PIB (« mesure de la part de la richesse nationale consacrée aux retraites »): diminution significative dans 3 scénarios sur 4, et légère hausse dans le 4e.
En 2002, les dépenses de retraite représentaient 11,7 % du PIB. Elles ont augmenté depuis, principalement en raison de l’augmentation du nombre des retraités, d’une part, et du coup de froid porté au PIB par la crise financière et économique de 2007-2008, d’autre part. Elles ont représenté 13,8 % du PIB en 2017.
De 2017 à 2022, les dépenses de retraite (DR) devraient baisser de 13,8 % à 13,5 % du PIB. Puis, ce ratio devrait remonter jusqu’en 2027-2028 dans les 4 scénarios. Ensuite, les scénarios se différencient davantage.
Le scénario à 1 % (croissance faible), montre le ratio DR/PIB qui monte et dépasse un peu 14 % au début des années 2030, et se stabilise jusqu’au milieu des années 2060.
Dans les 3 autres scénarios, le ratio DR/PIB diminue, plus ou moins rapidement.
Dans le scénario à 1,3 %, Il repasse sous les 13,5 % en 2043 pour se rapprocher des 13,1 % 20 ans plus tard.
Dans le scénario à 1,5 %, il descend à 13,1 % en 2043, puis se dirige vers les 12,5 % dans les années 2060.
Dans le scénario à 1,8 %, il est voisin de 12,5 % en 2043 et va vers les 11,6 %, au plus bas, au milieu des années 2060… c’est-à-dire à un niveau proche de celui de 2002.
La population des retraités de droit direct était de 10 Mi en 2002, 16 Mi en 2016 et elle serait de l’ordre de 24 Mi (9) au milieu des années 2060. Cela nous permet d’observer que la dépense pour 1 retraité rapportée au PIB a baissé en moyenne de – 26 % entre 2002 et 2016, puis baisserait encore de – 37 % de 2016 au milieu des années 60 dans le scénario à 1,5%... et de – 44 % dans le scénario à 1,8 %. Contrairement à ce que l’on peut lire et entendre, le retraité moyen coûte donc de moins en moins cher à l’économie nationale.
Les ressources du système de retraite augmenteraient un peu moins que le PIB
Depuis 2002, les ressources du SR ont beaucoup cru et ont atteint 315 Mds € en 2017, soit 13,8 % du PIB, principalement en raison des hausses des taux légaux des cotisations dans les régimes de base et complémentaires, ainsi que des apports « de nouvelles ressources fiscales à la CNAV, au FSV [fonds de solidarité vieillesse] et à certains régimes spéciaux ». Des hausses sont déjà actées pour les années à venir. Notamment celle du taux de cotisation pour un salarié du secteur privé (CNAV + ARRCO) à partir de 2019, rappelle le COR.
La projection reposant sur l’hypothèse d’une législation inchangée, « les taux de cotisation se stabiliseraient au-delà des premières années de projection. « Pour autant », le taux global de prélèvement baisserait et le montant des ressources descendrait à 13,5 % du PIB en 2024. Ce ratio continuerait ensuite à diminuer lentement, passerait à peine au-dessus de 13 % en 2043. En 2070, il serait de 12,7 % dans le scénario 1 %, et de 12,9 % dans le scénario à 1,8 % :
Le taux de prélèvement global sur les revenus d’activité, d’environ 31 % en 2017, baisserait lentement jusqu’à 29 % dans 50 ans. La raison majeure en serait la réduction, dans la masse totale des rémunérations, du poids de celles des régimes qui ont les taux de cotisation les plus élevés, tels les régimes de la Fonction publique. Ainsi, la part de l’assiette FP dans le total des revenus bruts d’activité, de 11 % en 2017, descendrait à 9,6 % en 2022 (réduction des effectifs promise par Macron et « modération » des salaires), avoisinerait 9,1% en 2043 et finirait à 9 % en 2070.
Le COR rappelle que le taux de cotisation total est de : 27,5 % dans le privé (16,3 % pour l’employeur et 11,2 % pour le salarié), 84,84 % dans la FPE (74,28 % pour l’employeur et 10,56 % pour le salarié) et de 41,21 % pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers affiliés à la CNRACL (30,65 % pour l’employeur et 10,56 % pour le salarié).
Les prévisions montrent un système de retraite durablement déficitaire
Le solde financier de l’ensemble des régimes du SR dépassait 0,4 % du PIB en 2002. Avec la crise, il a chuté brutalement et est descendu à – 0,7 % du PIB en 2010. Il s’est ensuite « ressaisi » et est remonté jusqu’à un niveau proche de l’équilibre en 2017. Non sans efforts supplémentaires demandés aux cotisants et aux retraités. Cette évolution a été proche de celles des régimes de base et complémentaires des salariés du secteur privé, ceux de la Fonction publique et des non-salariés s’écartant très peu de l’équilibre pendant cette période.
En 2022, le solde financier (SF) reculerait à – 0,2 % du PIB. Dans les 4 scénarios il continuerait de se dégrader jusqu‘en 2028. Il serait alors proche de – 0,4 % du PIB dans le scénario à 1,8 % et de – 0,7 % du PIB dans le scénario à 1 %.
Ensuite, les scénarios sont plus contrastés.
Dans le scénario à 1 %, la chute se poursuivrait jusqu’en 2070, passant par – 1 % du PIB en 2043.
Dans le scénario à 1,3 %, un léger redressement interviendrait à l’approche des années 2040, mais en 2043, le solde serait de l’ordre de – 0,4 % du PIB. Il ne remonterait pas au-delà de – 0,2% du PIB au début des années 2060.
Dans le scénario à 1,3 %, un léger redressement interviendrait à l’approche des années 2040, mais en 2043, le solde serait de l’ordre de – 0,4 % du PIB. Il ne remonterait pas au-delà de – 0,2% du PIB au début des années 2060.
Dans le scénario à 1,5 %, le SF remonterait à partir de 2028 pour revenir à l’équilibre du SR en 2043 et monter jusqu’à 0,3% du PIB une vingtaine d’années plus tard.
Dans le scénario le plus optimiste, à 1,8 %, l’équilibre du SR serait retrouvé d’ici 18 ans, en 2036. Il serait ensuite excédentaire, de près de 0,6 % en 2043, et passerait « la barre » des 1 % du PIB 10 ans après.
Pour compléter ce tableau, des variantes du COR relatives à la sensibilité des résultats financiers à l’hypothèse de chômage, on peut retenir que, même en cas [de rêve] d’un taux de chômage à 4,5 % et d’une croissance « boostée » par des gains de productivité de 1,8 %, le retour à l’équilibre financier n’interviendrait pas avant 2030.
Le COR souligne encore que le solde financier du SR est le résultat de l’agrégation des soldes financiers des différents régimes, y compris de celui du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), « sur le plan comptable, les excédents des uns compensent les besoins de financement des autres ». Ne serait-ce pas une des raisons pour lesquelles, il serait « bienvenu » d’avoir un système « universel » dans lequel ces besoins de financement auraient été redistribués « dans l’intérêt général » entre les uns et les autres, au détriment du secteur privé et des retraités, notamment.
Puiser dans les fonds de réserve pour financer les déficits ?
Si les déficits globaux annuels projetés n’apparaissent pas colossaux, leur cumul peut être assez considérable… et menacer les réserves constituées par les régimes de retraite. Déjà, d’ici 2025, selon un article de cbanque.fr de juillet (10), intitulé « Réforme des retraites : le COR réclame une stratégie claire », le montant des réserves du Fonds de financement des retraites (FFR) va fondre de 36,4 Mds € fin 2017 à 15 Mds € début 2025. Aussi, les regards se tournent vers d’autres réserves constituées par les régimes en répartition dont le total était de 128,9 Mds € à la fin 2016, selon le rapport du COR, dont 118 Mds € pour les régimes complémentaires et, parmi eux, de 70,8 Mds pour l’AGIRC-ARRCO. Ce n’est pas énorme pour garantir la pérennité des régimes, mais c’est un joli magot pour ceux qui n’hésiteraient pas à user d’expédients pour répondre aux besoins de financement du SR attendus dans les 15 à 20 ans à venir.
L’érosion de la pension nette et du « niveau de vie relatif » des retraités
Le COR ajoute que la pension moyenne nette augmenterait moins vite de 2016 à 2070 (entre + 32 % et + 51%) que le revenu moyen net d’activité (entre + 73 % et + 144 %). La pension moyenne nette monterait de 1 500 € en 2016 à un niveau de 1 640 € à 1 660 € en 2043 (environ + 10 %), tandis que le revenu d’activité moyen net monterait de 2 300 € à un niveau de 2 900 € à 3 500 € (soit de + 26 % à + 52 % suivant les scénarios.
Le ratio pension nette moyenne des retraités / revenu moyen d’activité net baisserait ainsi de 65 % en 2016 à 60 % en 2027, puis entre 47 % et 55 % en 2043, suivant les scénarios. En 2070, il ne serait plus que de 40 % dans le scénario à 1,8 %, et de 50 % dans le scénario à 1 %.
Le COR a voulu aussi projeter les niveaux de vie des retraités. Pour cela, « Les autres déterminants des niveaux de vie – revenus du patrimoine, autres prestations sociales, etc. – n’ont pu être projetés et sont supposés être neutres ». Une hypothèse lourde, hardie… et imprécise, dont la portée n’est, en réalité, pas limitée aux seuls retraités. On peut donc s’interroger sur l’intérêt de l’exercice. D’autant que le niveau de vie (NDV) est un indicateur « complexe ». Il est calculé pour des ménages, en cumulant les revenus de leurs membres et en attribuant des unités de consommation aux adultes et aux enfants qui composent ces ménages. Et, par définition, dans un ménage, toutes les personnes (femmes, hommes, enfants) ont le même NDV. C’est « la personne de référence » du ménage qui détermine l’appartenance du ménage à une catégorie (actifs, employés, salariés, chômeurs, retraités….). Ainsi, la personne de référence d’un ménage classé dans les « retraités » est un retraité. Mais son ménage peut aussi comprendre une ou des personnes actives. Et, suivant la définition de la personne de référence, un ménage classé dans les actifs peut aussi comprendre un retraité, notamment s’il gagne moins que l’actif de référence. C’est pourquoi je trouve cet indicateur (très à la mode) relativement inapproprié pour effectuer certaines comparaisons entre des catégories. Livré au public sans explications précises, le NDV est un « trompe l’œil… qui a servi à présenter les retraités (et les seniors) comme des privilégiés aux NDV supérieurs même à ceux des actifs (en incluant les chômeurs dans les actifs).
Le COR a projeté le niveau de vie des retraités rapporté à celui de l’ensemble de la population [et non aux personnes qui ont un revenu d’activité]. Le graphique qui représente ce ratio montre que, selon les scénarios, ce rapport s’établirait entre 86 % et 94 % en 2043 et entre 77 % et 89 % en 2070… contre 105,6 % en 2015. Il s’agit d’une baisse sévère, mais atténuée par rapport à celle, plus « réaliste » de la pension nette moyenne relative.
Pour interpréter ces ratios il est bon de savoir que sur une population totale de la France de 66,9 Mi habitants en 2016, 26,2 Mi étaient en emploi, 17,2 Mi étaient à la retraite, et 23,5 Mi étaient inactifs ou au chômage. D’après les chiffres du COR, cela signifie notamment qu’en 2016, le NDV moyen des retraités (qui ont travaillé et cotisé pendant des dizaines d’années) est à peine supérieur à celui des non-retraités (au nombre de 49,7 Mi), qui comptent dans leurs rangs presque la moitié de personnes « inactives » (enfants et ados compris) qui n’ont, en principe, pas de revenus d’activité. Il serait intéressant de voir le NDV moyen de ces personnes
dans la projection, et de le comparer à celui des retraités.
Le rapport du COR est destiné au gouvernement, mais aussi aux nombreuses parties et personnes sensées être intéressées par la situation, la gestion et le destin du système de retraite. Comme bien d’autres documents produits par des organismes publics, il contient des infos que seuls des « spécialistes » peuvent apprécier à leur « juste valeur ». Les rédacteurs ne devraient pas craindre d’y ajouter quelques lignes d’explications pour éviter d’éventuelles méprises.
Sources et références
(1) Cfdt : parlons retraites. Une enquête inédite sur les retraites en France, 18/10/2018.
(2) « 84 % des Français ne font pas confiance à Emmanuel Macron pour redresser leur pouvoir d’achat », actu.orange.fr/France/84-desfrancais…, le 28 /10/2018.
(3) « La réforme des retraites sera-t-elle conforme au droit européen », contrepoints.org/2018/10/03/326669…
(4) Rapport annuel du COR, juin 2018.
(5) « Un économiste dénonce le ‘’grand mensonge’’ du calcul du pouvoir d’achat », lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/2018/10/11/29001…
(6) « Résultats des comptes de la santé », édition 2017.
(7) Insee Première, n° 1619, novembre 2016.
(8) Insee, « Enquête emploi et projections de la population active 2016-2070 ».
(9) Conseil d’Orientation des retraites, Quatorzième rapport, novembre 2017.