« L’espérance
doit-elle disparaître ? »
(Charles De Gaulle, le 18 juin 1940)
« Lorsqu’un jour, l’historien loin des tumultes où nous sommes plongés, considérera les tragiques évènements qui faillirent faire rouler la France dans l’abîme d’où l’on ne revient pas, il constatera que la Résistance, c’est-à-dire l’espérance nationale, s’est accrochée, sur la pente, à deux môles qui ne cédèrent point. L’un était un tronçon d’épée, l’autre la pensée française. » (Début du discours du général De Gaulle, le 30 octobre 1943 à Alger).
En 1940, le général De Gaulle symbolisa à la fois la force de vaincre et la pensée française, appelant à résister tous les Français contre toute forme de renoncement, de soumission à l’ennemi, il fallait tenir bon, atteindre le but commun, la liberté de la France ! Parmi eux, un grand résistant, Jean-Jacques Auduc s’exprimera des années après la guerre : « Je suis prêt à donner ma vie pour la liberté, la liberté, c’est aussi fragile que précieux, c’est tellement fragile qu’on peut la perdre à tout moment. »
Le sens des réalités, est-il perdu ?
Souvenons-nous, le réalisme et Charles De Gaulle n’ont toujours fait qu’un, pour lui les réalités comptaient avant tout. « La politique, quand elle est un art et un service, non point une exploitation, c’est une action pour un idéal à travers les réalités. » disait-il. Lorsque Pierre Lefranc, compagnon de la libération, évoquait la politique du général De Gaulle lors d’un entretien, il disait ceci : « Le général De Gaulle avait le souci des réalités, les connaître. La réalité est évidente dans le petit cercle des relations et des activités quotidiennes, mais qui la perçoit en dehors de ce cercle ? Plus, on doit prendre en compte un ensemble, plus, il est difficile à saisir. C’est le cas d’une grande entreprise, d’une communauté, à plus forte raison, d’une nation aux caractères multiples. Et plus on s’élève, plus l’éloignement est grand, la coupure large, les réalités obscurcies, voire dissimulées. » La réalité, pour le général De Gaulle sera d’aller sur le terrain auprès des Français, surtout plus près d’eux.
De quoi s’agit-t-il aujourd’hui ?
En ces temps difficiles qui ont subitement entraîné la perte de notre confort, les mots « liberté, égalité, fraternité » ont été ressentis avec encore plus de force en chacun de nous. Ils résonnent à nouveau dans nos esprits pour nous rappeler que rien n’est acquis, le manque est une plaie, la souffrance augmente, inlassablement, la fraternité doit incarner le souci de l’autre.
Le souci de l’autre, vers une humanité retrouvée, est essentielle à nos vies. Nous apprenons sur nous-mêmes et notre environnement, tout ce que nous avons besoin de surmonter dépendra du savoir. « L’instruction publique, tout dépend d’elle, le présent et l’avenir, dans presque tous les domaines, elle est languissante ou nulle. Si nous ne sortons pas de la route tracée, bientôt il n’y aura de lumière que sur quelques points, et ailleurs ignorance et barbarie » disait Napoléon.
Aujourd’hui, les intérêts personnels et le chacun pour soi dominent, le sens de l’engagement s’est terni et doit nous faire réfléchir pour l’avenir de notre pays qui a besoin d’une colonne vertébrale unifiant la nation à travers un projet fort ! C’est aussi le sens de la liberté dans l’esprit des héros, ceux de la résistance, courageux jusqu’à la mort pour accomplir leurs missions. L’existence peut être comme disait le général De Gaulle : « sans caractère, morne tâche d’esclave, avec lui, jeu divin du héros. »
Comment réagir politiquement ?
« Les plus nobles principes du monde ne valent que par l’action » écrivait le général De Gaulle, défendre la nation étant pour lui la tâche essentielle de l’Etat. S’il y a des domaines où il doit exister un consensus national, c’est bien la défense, garante de notre souveraineté, du développement technologique, scientifique, de notre sécurité sur tout le territoire, d’autre part, la justice sociale contribuant à une vie meilleure pour tous les citoyens et l’accès à la culture.
Si la France a de nombreux atouts pour devenir la première puissance européenne comme le souhaitait le général De Gaulle à son époque, une volonté qui n’aura cessé de marquer son action d’homme de paix et de liberté, il n’en demeure pas moins que les ambitions hégémoniques de l’Allemagne qui lorgne notamment sur notre dissuasion, semblent plus fortes que jamais. L’Allemagne veut tout dominer, prendre sa revanche avec l’ambition d’obtenir un siège permanent commun avec la France qui a déjà le sien au Conseil de sécurité des Nations Unies, le litige sur la propriété des brevets Dassault, et dernièrement son appel à l’Union européenne à travers la voix de son ministre des Affaires étrangères pour supprimer le véto des Etats membres. Nous avons du souci à nous faire, à quelques exceptions près, la classe politique française n’a pas pris la mesure des vrais enjeux qui se dessinent en Europe, au détriment des Etats-nation, leur économie et leur industrie.
Les Français savent que l’Europe ne les protège pas, sa soumission à la Chine est totale, contraire à nos intérêts économiques et stratégiques. « Le peuple français doit trancher lui-même dans ce qui est essentiel à son destin » écrivait le général De Gaulle. Des mots prémonitoires, la situation industrielle de notre pays n’a jamais été aussi préoccupante en raison de nombreux transferts de savoir-faire et de compétences n’annonçant pas un avenir radieux mais notre dépendance aux autres, voire notre soumission dans les décisions. Quel avenir pour la France ?
Deux défis majeurs, la protection et l’anticipation.
Concernant notre défense nationale, il serait absolument inacceptable de se laisser dicter les décisions concernant notre propre sécurité ! Prétextant une application des trente-cinq heures dans nos armées, la Cour de justice européenne, a en réalité dans le viseur, l’article 4.2 du traité sur l’Union européenne réservant notamment aux Etats membres la compétence en matière de sécurité nationale. « Il faut que la défense de la France soit française » disait le général De Gaulle, notre sécurité en dépend. Protéger, « la défense est la première raison d’être de l’Etat, il n’y peut manquer sans se détruire lui-même » disait-il dans son deuxième discours de Bayeux en 1952. Cela nécessite d’être informé en permanence de l’état du monde, réagir face à toutes les menaces. A ce titre, la représentation nationale doit se lever et parler d’une seule et même voix face à l’Union européenne. Défendre nos forces armées est une impérieuse nécessité, comment imaginer une France qui ne serait pas libre de son destin ?
Au cœur de notre vie, autre enjeu vital, anticiper pour la santé publique évoquée de nouveau à travers une pandémie bouleversant notre quotidien. Comment peut-on expliquer cette réalité inimaginable ? La crise que nous subissons a réveillé les consciences. Comment peut-on concilier une politique de santé publique avec la dépendance de sociétés étrangères privées sur les produits pharmaceutiques ?
Lors de la journée du 8 mai, nous célébrons la liberté et la résistance d’un peuple, le nôtre, c’est l’histoire qu’il faut continuer à transmettre, celle d’une certaine idée de la France indépendante et souveraine que le général De Gaulle nous a léguée. Quel que soit le progrès, l’intérêt général a la primauté !
Si la réalité est nécessaire à l’évolution des esprits, elle permet d’appréhender les grands défis de notre société, autrement dit, elle va de pair avec l’espérance !
*Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
© 01.09.2021