L’enseignement et la culture, deux piliers du savoir
« Enseigner, c’est l’art de transmettre et d’innover au quotidien »
par Christine Alfarge,
Si l’histoire reste majoritairement l’outil de connaissance préféré des Français pour comprendre les fondements et racines culturelles des sociétés, c’est l’école qui initie l’histoire et en transmet les savoirs essentiels. Néanmoins, il s’avère que le patrimoine dans tous les domaines est privilégié par les Français, permettant d’entretenir leurs connaissances régulièrement puis de manière plus lointaine, les livres. À juste titre, on peut s’inquiéter du désintérêt croissant des adolescents concernant la lecture, de la même façon sur ce qu’ils ne savent plus de notre histoire par manque de curiosité et de volonté d’apprendre ce qu’était hier, pour mieux préparer demain et notamment endiguer la violence scolaire devenue une préoccupation majeure.
Comment va l’école ?
Aujourd’hui, l’avenir de la république est en jeu car nous sommes tous concernés par l’école publique en danger, laquelle va sombrer corps et biens. Elle va mal. L’opinion est informée de ce danger à travers les sondages ou les questions aux Français. On assiste à une dégradation dans l’esprit des citoyens. La plupart d’entre eux pensent que l’école est une affaire d’expert. Tout n’est pas mauvais. Beaucoup de secteurs sont performants avec un pôle d’excellence tout à fait normal. Pour 60% des gens, l’école ne pose pas de problème. La nation fait un effort considérable à hauteur de 135milliards d’euros de budget pour l’école publique toutes dépenses confondues, premier poste budgétaire de l’état mis à part le remboursement de la dette, à titre d’exemple cela équivaut au montant des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dont s’occupe la direction des Finances. Le soutien scolaire n’a jamais été aussi vivant depuis 2012. Cependant, la crise est très grave. Les enfants qui décrochent sont dans la nature et on ne sait pas ce qu’ils deviennent. Un des objectifs est de réconcilier ces décrocheurs avec les études. Afin d’y parvenir, l’enseignant doit avoir conscience de son rôle déterminant dans la communication et l’envie d’apprendre basées sur des stratégies pédagogiques différentes. On assiste également à une crise du recrutement d’environ 52% de candidatures en moins pour le remplacement des enseignants qui partent à la retraite, ce qui a pour effet d’avoir plus de vacataires.
À quoi est due cette carence ?
On s’aperçoit qu’il y a un manque d’attractivité de l’enseignement notamment sur le plan financier, compte tenu de la charge de la mission à effectuer dans une banlieue pour 1500 euros avec (Bac+5). La plupart des futurs enseignants refusent, certaines contraintes les dissuadent de récupérer les pires classes pour commencer. Ce sont les signes de la crise. À l’école primaire, 40% d’enfants (environ 300 000) en sortent sans savoir lire et compter, 25% d’entre eux avec des acquis fragiles et 15% ont des difficultés très sévères et ne comprennent pas le sens de ce qu’ils disent.
L’oubli des savoirs.
Tous ces enfants doivent aller au collège, imaginez un élève qui ne sait à peine lire et écrire. C’est une humiliation et une désespérance pour les jeunes enfants issus des classes défavorisées qui depuis la maternelle, partent avec un handicap considérable. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Si l’école publique les prend à trois ans en les sortant à onze ans sans réussir à leur donner les fondamentaux, il s’agit cependant d’enfants avec un potentiel avéré (8 années de scolarité). Le collège va en rattraper un peu. Les autres sortiront (environ 150 000 par an) sans diplôme, sans qualification. Un flot important de sans diplôme sera sans emploi. Le cursus s’arrête en général à la fin de la 3ème pour obtenir un CAP ou un Bac pro plus qualifiant. Sans finir leur diplôme, 55% des élèves abandonnent et se retrouvent au chômage. Plus le diplôme est élevé, plus le chômage baisse. Le diplôme est une protection importante contre le chômage.
L’école duale à deux vitesses.
L’école française est marquée par les plus grandes inégalités. Elle n’est pas capable de surmonter les inégalités de base. L’échec scolaire est massif, quel est son coût ? Selon un expert éducatif : « Les enfants nous ferons payer ce coût de délinquance plus que les autres, de chômage plus que les autres et de santé plus que les autres ». L’école républicaine et laïque doit être l’apprentissage du « vivre ensemble ». À ce titre, la volonté d’intégrer dans l’enseignement primaire et secondaire « une morale laïque » ayant pour objectif de réaffirmer le principe de l’intérêt général en permettant aux élèves de s’approprier les valeurs de la république et de la démocratie, est un temps fort du changement éducatif promu.
Au regard de la faible performance des élèves, l’école peut-elle changer ?
La culture française est avant tout la culture de l’élite. Peut-on parler d’un climat consensuel ? On se rend compte que nous avons une des meilleures élites du monde, seulement la part des enfants qui rivalisent avec le monde est très petite. L’OCDE a mis en place un système de comparaison en 1997 appelé programme PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) où force est de constater aujourd’hui la faible performance des élèves. Dans notre pays, la comparaison passe mal, soixante-dix pays mesurent les acquis des élèves ayant atteint l’âge de 15 ans au sujet de la compréhension écrite, la culture scientifique et mathématique en chute de façon permanente par exemple pour la France de 2006 à 2009 avec une baisse de 33%. La question du redoublement reste posée quant à savoir si c’est une bonne chose. En 2013, le ministre de l’Education nationale a décidé une fois pour toute de donner la priorité au primaire et sur les moyens à mettre en œuvre à raison de cinq mille euros par enfant et par an à l’école primaire. Cependant, le consensus sur une réforme est très difficile à obtenir car chacun campe sur ses positions avec sa propre expérience.
L’enseignement basé sur la confiance.
Il faut d’autres façons d’agir, la capacité de changement des professionnels est avant tout liée à la confiance qu’on leur accorde et à une meilleure compréhension des difficultés qu’ils rencontrent chaque jour. À ce titre, la réforme sur les rythmes scolaires posant la question fondamentale sur l’étude des temps sociaux, nourrit un consensus entre les enseignants et les parents d’élèves craignant de nouveaux déséquilibres entre emploi du temps personnel et vie professionnelle. Quoi qu’il en soit, le savoir et les valeurs que l’École de la République est chargée de transmettre, restent une garantie de justice sociale. Le mérite revient d’abord aux enseignants qu’il faut soutenir dans leur mission quotidienne face aux enjeux d’une société confrontée à de nouvelles mutations creusant de plus en plus d’inégalités sur les territoires. « Nous appartenons à un monde en perpétuel devenir, qui appelle des changements incessants. La formation que l’on reçoit doit être, à tous les âges de la vie, constamment reprise et modifiée… Tout d’abord, il faut parfaire la démocratisation, ce qui veut dire, essentiellement à l’heure actuelle, ouvrir plus largement l’enseignement long et l’enseignement supérieur aux fils d’ouvriers et de paysans » écrivait Georges Pompidou.
Au début de la Vème république, l’éducation nationale connaîtra de grandes transformations liées à la nécessaire modernisation de la société. Le général De Gaulle portera toujours une admiration sans faille au monde de l’enseignement, socle de notre justice sociale, d’égalité face à la transmission du savoir et du respect des valeurs qui fondent notre démocratie. Le général De Gaulle est le vrai précurseur de l’égalité des chances, laquelle passe avant tout par l’instruction. Selon lui, « puisque l’Etat s’est, à juste titre, chargé d’instruire la jeunesse, c’est à lui d’en fournir les moyens. » En 1963, il va s’atteler à une politique de l’Éducation nationale. « Pour le moment, cette institution est en proie à une gestation énorme… Depuis la base de départ créée jadis dans le primaire par l’obligation, renforcée dans le secondaire par la gratuité, complétée dans le supérieur par l’extension des bourses, une poussée élémentaire précipite filles et garçons vers un savoir plus étendu. Dans un monde où tous les étages sont devenus accessibles, le désir de connaître se joint au sentiment que l’on monte si l’on apprend. » écrivait-il. « Cela suppose, bien entendu, une politique différente en matière de bourses. Il faut probablement moins disperser l’effort, il faut à coup sûr réviser les conditions d’attribution, notamment pour les fils d’agriculteurs. Mais, plus encore, faut-il faciliter la venue à l’Université des enfants des campagnes par la multiplication des établissements » écrivait Georges Pompidou.
L’enseignement, une mission primordiale.
« L’instruction publique, tout dépend d’elle, le présent et l’avenir… Dans presque tous les domaines, elle est languissante ou nulle. Si nous ne sortons pas de la route tracée, bientôt il n’y aura de lumières que sur quelques points, et ailleurs ignorance et barbarie. », disait Napoléon. L’idée soutenue par le général De Gaulle était le rôle fondamental de l’éducation, pour l’avenir. « Dans ma fonction et d’après l’ambition que je nourris pour la France, je vois dans l’Éducation nationale un service public au premier chef et qui revêt une importance et une noblesse exceptionnelles. À mon sens, la mission des hommes et des femmes qui font accéder les jeunes au domaine de la connaissance comporte, au point de vue humain, une responsabilité primordiale. Le fait d’influer puissamment sur notre destin en instruisant la fleur du peuple implique un devoir national incomparable. » Il voulait donner la possibilité à chacun de développer sa réflexion, en fonction de ses capacités, trouver la voie qui lui convient selon qu’il décide de poursuivre sa scolarité au-delà de seize ans ou non et ainsi répondre aux besoins de développement du pays au niveau scientifique, technologique, mettant l’accent sur la natalité pour laquelle il créera l’INED, outil indispensable afin d’analyser les évolutions démographiques permettant de mener une politique familiale digne des besoins de la population française. Il avait compris que la vitalité d’un pays reposait d’abord sur la natalité et le suivi scolaire des enfants.
Son souci constant pour la jeunesse de France était très fort de l’apprentissage à l’enseignement supérieur, tous les jeunes étant de futurs acteurs de l’économie française. Le général De Gaulle ne manquera jamais ce rendez-vous avec la jeunesse de France, un symbole fort à ses yeux, il accordera une place centrale à l’éducation, se référant toujours à son père professeur, lequel au regard de son enseignement avait prodigué pendant des générations d’élèves, une grande qualité humaine et un dévouement à toutes épreuves.
« Ainsi est abolie l’antique prédestination qui fixait, dès le départ et sauf quelques exceptions, le destin scolaire et, dans une large mesure, social de tous les enfants de France. Ainsi est offerte à la jeunesse une Education nationale où toutes les voies sont ouvertes aux capacités de chacun. » écrira le général De Gaulle dans ses Mémoires d’Espoir ».
Les mots du général sont l’expression d’une volonté de justice sociale, ils montrent qu’il est primordial de permettre dès le plus jeune âge, celui où va se forger la personnalité et l’esprit critique, de donner les mêmes possibilités d’apprendre. « Puisqu’en notre temps la France doit se transformer pour survivre, elle va dépendre autant que jamais de ce que vaudra l’esprit de ses enfants à mesure qu’ils auront à assumer son existence, son rôle et son prestige. » écrira-t-il dans ses Mémoires d’espoir. Si grâce au développement industriel, la vie des Français est devenue meilleure, la France est cette nation qui devait éclairer le monde, « si récemment encore, notre pays était considéré comme « l’homme malade » de l’Europe, aujourd’hui son poids et son rayonnement sont reconnus partout dans l’univers. » écrira le général De Gaulle dans ses Mémoires d’Espoir. Il faut une ouverture sur les autres, l’éducation a tout son rôle, la transmission des parents aussi, donner l’accès à la culture tel qu’André Malraux va le promouvoir lorsqu’il sera nommé ministre chargé des affaires culturelles en 1959 sera pour lui un objectif majeur, s’exprimant ainsi « le problème politique majeur de notre temps, c’est de concilier la justice sociale et la liberté, le problème culturel majeur, de rendre accessible les plus grandes œuvres au plus grand nombre d’hommes. »
L’art, c’est la connaissance, sans la connaissance, on régresse.
Dans les pas de Prosper Mérimée ou de Victor Hugo, défendre le patrimoine, l’aimer à travers la culture, l’art et l’histoire qui font la grandeur du pays est essentiel. De la direction des Arts et des Lettres à la direction de l’Architecture dont le général De Gaulle souhaitait que son ami André Malraux en eût la charge, le rayonnement culturel de la France avait un relief incomparable, soutenu par des lois de programmation pour la sauvegarde du patrimoine en ayant le souci de la création architecturale. L’art, c’est la connaissance, sans la connaissance, on régresse. Dans cet esprit, la loi Malraux du 4 août 1962 programme le ravalement des grands monuments de Paris, l’inventaire général du patrimoine culturel et la création des Maisons de la culture, elle est le signe d’une époque, d’une pensée, d’une construction.
En 1965, lors de l’inauguration de la maison de la culture de Bourges, le général De Gaulle prononcera un grand discours plébiscitant la place de la culture aux avant-postes. Il s’exprimera ainsi « La culture domine tout, condition sine qua none de notre civilisation. »
L’épanouissement des arts et de la culture est inhérent à la société acceptant les contradictions, les provocations, l’inattendu, l’innovation, ne pas être d’accord. La préservation de la démocratie rend possible l’expansion de la culture et des arts conditionnée à des budgets culturels suffisants, à l’investissement dans des projets audacieux et à une politique culturelle favorable à toutes les catégories de la population. « La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert. Eh bien, conquérez-la ! » écrivait André Malraux.
A travers ses choix éducatifs et culturels, le général De Gaulle a toujours guidé la France vers l’unité nationale ! Aujourd’hui, notre devoir est d’en assurer la transmission aux jeunes générations… !
*Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
© 01.02.2024