A quoi sert un Premier ministre
sous Macron par Paul KLOBOUKOFF,
Avant
propos : Les
médias audiovisuels, et même CNEWS, n’ont pas encore entièrement réalisé que
depuis les élections législatives de 2022, Macron n’a plus qu’une minorité
présidentielle. Ils continuent à parler de « majorité
présidentielle », ce qui contribue à tromper les Français sur la
légitimité des décisions du président.
En remplacement
d’Elisabeth Borne, le président nous a offert en cadeau de nouvelle année le
plus jeune Premier ministre à ce poste en France. L’heureux nommé, Gabriel
Attal, a 34 ans. Dès 17 ans, pendant 10 ans, de 2006 à 2016, il a milité au
parti socialiste. En 2016, il a pris le train En marche. Ses qualités de
communicant n’ont pas échappé en haut lieu. Après la réélection de Macron en
2022, pendant quelques mois, Attal a été ministre de l’Education nationale et
de la Jeunesse. Il s’est alors fait remarquer par les médias (et les
Français ?) en condamnant le harcèlement scolaire, en prônant le port de
l’uniforme et, surtout, en interdisant l’abaya en milieu scolaire. Pour lui,
l’éducation est une priorité. Il entend, dit-on, rester derrière, ou devant, la
nouvelle ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, Mme
Amélie Oudéa-Castéra (AOC). Le 20 mai 2022, elle avait été nommée ministre des
Sports, des Jeux Olympiques et Para-olympiques dans le gouvernement d’Elisabeth
Borne. Mme AOC ne semble pas se faire d’illusions. Le jour de sa nomination, en
réponse à Attal, elle a dit « Je sais que vous aurez à cœur de
m’accompagner et même de me coacher ». Elle n’a pas tardé à susciter la
polémique et à mettre le clan macronien mal à l’aise en révélant que ses
enfants étudient à Stanislas, une école privée catholique réputée, et en
critiquant l’école publique.
« Surprise et disruption », changement
d’ampleur, devaient caractériser le remaniement ministériel du 11 janvier
suivant la nomination d’Attal. Or, c’est « Nomination du gouvernement Attal : retour aux années Sarkozy »
(1) que l’on a pu lire sur lemonde.fr du 12
janvier. On peut ajouter que Macron a fait montre de conservatisme. « Pour
survivre, le manche est désormais bloqué à droite ». Sur les 14 ministres
nommés ou renommés, 8 proviennent de la droite. On retrouve Bruno Lemaire à
l’Economie, Gérald Darmanin à l’Intérieur et Sébastien Lecornu à la Défense. Un
fidèle de Macron (et infidèle à Gabriel Attal, dont il s’est séparé), Stéphane
Séjourné, a été titularisé au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Deux « proches » de Sarkozy ont aussi été nommés, Rachida Dati au
ministère de la Culture et Catherine Vautrin, une vétérane de 63 ans, à la tête
d’un immense et multidimensionnel ministère du Travail, de la Santé et des
Solidarités. Rachida Dati a été la surprise-provocation du Chef… aussitôt exclue des Républicains. L’aile gauche de la
minorité présidentielle « ne comprend pas pourquoi elle est sacrifiée et
le centre apprécie peu d’être négligé ». On peut aussi s’interroger sur
les motivations de ce resserrement à droite de la Macronie.
Face à la révolte des agriculteurs et des pêcheurs, le
nouveau ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc
Fesneau, ainsi que la porte-parole du gouvernement, Mme Prisca Thévenot n’ont
pas eu le temps de s’échauffer avant de « dialoguer ». Aux questions
qui leur sont posées et aux critiques adressées, ils ont tout de suite montré
leur aptitude à répondre avec animosité, à pourfendre leur interlocuteur, avant
d’aborder, brièvement et d’un ton péremptoire ou condescendant, le problème que
l’imprudent a soulevé. Quelles réponses satisfaisantes et/ou rassurantes
peuvent-ils donner, sachant que c’est Bruxelles qui a la main sur les clés du
camion ? Peuvent-ils prétendre protéger nos agriculteurs et, en même
temps, approuver les signatures des accords de libre-échange de l’UE avec le
Mercosur, d’un côté ; et avec la Nouvelle-Zélande, de l’autre, qui vont
mettre des paysans français sur la paille.
Que signifie pour eux « Souveraineté
alimentaire » ? L’importation sans limites et sans contrôle de
produits qui ne sont pas soumis aux mêmes normes que celles que l’UE impose à
« ses » producteurs ? C’est incohérent !
A ce propos, dans une
tribune percutante, les Républicains François-Xavier Bellamy (FXB) et Anne
Sander ont dénoncé « La
responsabilité écrasante de la Commission européenne dans le malheur de nos
agriculteurs » (2). FXB avait critiqué
la stratégie de la Commission de 2020 baptisée « Farm to fork » (de
la ferme à la fourchette) et le principe associé de la « transition
verte » imposant la décroissance et ses conséquences inévitables. Une
baisse de la production agricole de - 13% d’ici 20230 était prévue.
Après avoir
conduit la liste des Républicains aux élections européennes de 2019, FXB est
député au Parlement européen. Il a 38 ans, soit 4 ans de plus qu’Attal. Esprit
brillant, il est passé par Normale sup et est agrégé de philosophie.
Le gouvernement actuellement partiel d’Attal
devrait être complété après le discours de politique générale du Premier
ministre prévu pour le 30 janvier, soit 3 semaines après la 1ère
fournée, et en pleine révolte des agriculteurs et des pêcheurs pour leurs
survies. Pourquoi E. Macron a-t-il besoin d’autant de temps pour choisir les
autres ministres ? Mystère. En attendant, ceux qui espèrent trépignent et
ceux qui craignent de ne pas être reconduits font profil bas. Parmi les
premiers, la rumeur pronostique qu’Agnès Pannier-Runnaccher, ex ministre de la
Transition écologique, pourrait être secrétaire d’Etat en charge de la Santé,
pour seconder Catherine Vautrin, que Roland Lescure, ancien ministre de
l’Industrie, pourrait être en charge de l’Energie dans le ministère élargi de
Bruno Lemaire. Celui-ci voudrait aussi conserver plusieurs ministres, dont
Jean-Noël Barrot, au Numérique, Olivia Grégoire, aux Petites et moyennes
entreprises, et Thomas Cazenave, aux Comptes publics (3).
Il faudra attendre début février pour connaître le gouvernement au complet.
Pourquoi le président Macron a-t-il choisi Gabriel Attal ? De l’avis de la
plupart des commentateurs « avisés », ce serait pour faire barrage au Rassemblement national (RN) aux élections
européennes du mois de juin et à
son jeune leader Jordan Bardella.
Dans l’esprit du président, c’est apparemment cet
objectif majeur, cette finalité, qui doit être assignée à un Premier ministre
pour gouverner la France dans l’intérêt de la nation et de son peuple, pour
endiguer son déclin international et lui redonner du poil de la bête. Il n’est
pas certain que nos concitoyens applaudissent de telles visées lors des
élections européennes..
La Macronie a de bonnes raisons de trembler. Selon
un sondage pour les Echos du 22 janvier (4),
avec Jordan Bardella à sa tête, la liste du Rassemblement national (RN)
recueille 27% des intentions de vote, alors que la liste de Renaissance n’en
obtient que 20%... et on ne sait pas encore qui sera à sa tête. Les volontaires
ne semblent pas se bousculer. Les hausses des prix et en particulier celles,
pharamineuses, de l’électricité, nuisent évidemment au camp de l’exécutif. Vu
le saut en hauteur du prix de l’électricité de février, les choses ne devraient
pas s’arranger pour lui.
Avec Jordan Bardella (JB), le RN est un adversaire
redoutable. Rappelons que JB est né en septembre 1995 et a 28 ans, soit 6 ans
de moins que notre jeune Premier ministre. Il a grandi dans une cité à Drancy,
en Seine-Saint-Denis, a arrêté ses études après le Bac pour s’engager en
politique et a adhéré au Front national (FN) en 2012. C’est lui qui, à 23 ans,
a été tête de la liste du RN qui a devancé celle d’En marche aux élections
européennes de 2019. Député européen, JB a accédé à la présidence du RN en 2021.
Autre point à son actif, il figure au Top 50 des
personnalités préférées des Français de décembre 2023 (5).
L’indéboulonnable Jean-Jacques Goldman y truste toujours la première place,
suivi de vedettes du spectacle et de quelques sportifs de haut niveau. JB est
30ème. Il est le seul politicien français parmi les 50, ce qui
inciterait à penser que nos concitoyens n’apprécient pas les spectacles que
leur jouent les autres politiciens omniprésents sur nos écrans de télé.
L’optimisme n’est pas de mise pour tous sur
l’avenir de l’UE. Selon le groupe de réflexion European Council of Foreign
Relations, « Les populistes de
droite pourraient prendre le contrôle du Parlement européen pour la première
fois ».
C’est ce qu’a titré msn.com le 24 janvier (6). Selon
ce groupe de réflexion, « les populistes eurosceptiques devraient arriver
en tête des sondages [ou des élections ?] dans neuf pays de l’UE - dont
l’Autriche, la Belgique, la France et les Pays-Bas ». Ils arriveraient en
2ème ou 3ème position dans neuf autres pays.
Au Parlement européen (PE), le groupe « d’extrême droite »
Identité et Démocratie (ID) gagnerait 40 sièges lors du scrutin de juin.
Ensemble avec le groupe CRE, qui a reçu le renfort du parti de droite Fidesz de
Victor Orban (ennemi juré de Macron), ID et CRE pourraient occuper plus du
quart des sièges du PE. Ils devanceraient alors les deux groupes d’habitude en
tête, le PPE de droite et le S&D socialiste. Le groupe libéral « Renew
Europe », auquel est affilié Renaissance, perdrait 15 sièges et
deviendrait le 4ème groupe du PE.
Dans une telle situation, la stratégie verte de la
Commission ainsi que la politique de soutien financier et militaire à l’Ukraine
pourraient être menacées. Peut-on
espérer que le combat pour une Europe
des nations, solidaires, mais moins soumises au joug bruxellois, telle que
la désirait le Général De Gaulle, reprenne de la vigueur.
*Paul KLOBOUKOFF Académie du Gaullisme
le 27 janvier 2024
Sources et références
(1) Nomination du
gouvernement Attal : retour aux années Sarkozy lemonde.fr/idees/article/2024/01/12/nomination-du-
gouvernement-attal…
(2) François-Xavier Bellamy et Anne
Sander : « La responsabilité écrasante de la Commission
européenne dans le malheur de nos agriculteurs » lesrepublicains.fr/actualites/2024/01/23/francois-xavier-bellamy-et-anne-sander-la-responsabilite…
(3)
Remaniement : le gouvernement au complet seulement après le discours
d’Attal linternaute.com/actualites/politique/4264491-remaniement-le-gouvernement
-au complet… le 19/01/2024
(4) SONDAGE
EXCLUSIF - Européennes 2024 : le pouvoir d’achat revient en force dans les
motivations de vote lesecos.fr/politique/sondage-exclusif… le 22/01/2024
(5) Le Top 50 des
personnalités. Décembre2023 ifop.com/wp/content/uploads/2024/01/120463-Top-50-des-personnalites-Decembre-2023-PUBLICATION
(6) Les populistes de droite pourraient
prendre le contrôle du Parlement européen pour la première fois msn.com.fr/actualite/monde/les-populistes-de-droite… le 24/01/2024
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