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ACADÉMIE DU GAULLISME
Président Fondateur
    Jacques DAUER

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Par Paul KLOBOUKOFF,
 
CONTRIBUTIONS DIRECTES AU GRAND DEBAT

A juste titre, les questions fiscales sont au cœur des réclamations. Elles sont déterminantes pour la justice sociale et le pouvoir d’achat… et bien plus. Cependant, le présent article est consacré principalement à des propositions portant sur les institutions, les questions électorales et la gouvernance du pays, vitales, et sur lesquelles la grande majorité des invités à un « grand débat » désorganisé et mal orienté sont privés des informations objectives qui leur permettraient d’émettre des avis autorisés… et de voter en connaissance de cause des mesures institutionnelles lors d’un éventuel référendum improvisé dans la panique. S’il avait lieu le 26 mai, jour des élections européennes, il viendrait brouiller davantage encore les esprits et les cartes qu’Emmanuel Macron essaie de rebattre à son profit pour se sortir de la grave crise qu’il a abondamment nourrie depuis son installation à l’Elysée.
 
La décentralisation, remède partiel à la concentration des pouvoirs au sommet de l’Etat, est l’un des sujets auxquels j’ai apporté ici une attention particulière. J’ai fait une bonne place aussi à la « rivalité », inquiétante, si l’on n’y prend pas garde, qui est en train de se manifester entre la démocratie directe, participative, avec les revendications associées au RIC, et la démocratie représentative, portée par les « corps intermédiaires », mal en point et mise en danger par la volonté persistante d’amoindrir la représentation nationale, en particulier.
 
Deux annexes portent sur les institutions et les organisations territoriales en Allemagne et aux Etats-Unis. Elles peuvent être sources de réflexions et d’inspiration dans des domaines dans lesquels la France manque d’expérience
 
Pour une république démocratique solidaire et décentralisée
 
Les causes premières de la crise de régime qui menace la survie de la Vème République sont de natures institutionnelle et comportementale. Un gros ver a été introduit dans le fruit en 2000 lors du passage, à partir des présidentielles de 2002, du septennat au quinquennat. Avec, en prime, la fixation d’un calendrier des législatives taillé sur mesure. Les buts initiaux étaient de permettre à Jacques Chirac d’effectuer un second mandat, écourté, et de donner à ses successeurs le droit d’exercer deux mandats présidentiels consécutifs. Ce plan a échoué, jusque là. Ni Nicolas Sarkozy ni François Hollande n’ont été réélus. Pour Emmanuel Macron, c’est plutôt mal parti.
 
L’alignement du calendrier des législatives sur celui des présidentielles et la fixation de la durée des mandats des députés à 5 ans, visait à assurer une « majorité présidentielle » à l’Assemblée nationale (AN) au nouvel élu, et à la conserver pendant 5 ans… quelles que soient les circonstances, les résultats de la gouvernance pour la France et ses citoyens, ainsi que les évolutions de l’opinion. Objectif atteint : un président et sa majorité, son camp ou son clan, ont presque les pleins pouvoirs, et sont indéboulonnables pendant 5 ans quoi qu’il arrive.  
 
La France n’est pas en temps de guerre et la page du régime de « l’homme providentiel » (encore faudrait-il qu’il y ait un) auquel les citoyens confient tous les pouvoirs devrait être tournée depuis longtemps. La grande majorité des Français veulent une véritable démocratie.
 
Il ne peut y avoir de démocratie sans vrais contrepouvoirs, sans « corps intermédiaires » respectés, vigilants et actifs, sans réelle séparation des pouvoirs, sans représentations des citoyens dans les instances législatives et judiciaires assez fortes pour que ces instances puissent efficacement porter leurs volontés, leurs voix et défendre la liberté, la justice et l’intérêt général, ainsi que contrôler la politique de l’exécutif. La décentralisation des pouvoirs, des responsabilités et des moyens de les exercer (comme dans la plupart des pays d’Europe) doit assurer une plus grande proximité entre les citoyens, leurs élus et leurs gouvernants. La participation des citoyens aux choix et à la gestion du pays peut faire une place au référendum d’initiative citoyenne (RIC), moyen d’expression d’une démocratie plus directe, qui pourrait compléter notre démocratie représentative, revigorée, et non la concurrencer.  
 
Pour que notre régime monarchique et jacobin puisse prendre paisiblement le chemin d’une telle république démocratique solidaire et décentralisée, il est recommandé que son président accepte cette conception et l’affirme publiquement, sans ambigüité (avant les élections présidentielles, de préférence). Cela demanderait de sa part qu’il ait l’intention sincère de rassembler les Français et ceux qui les représentent, les « corps intermédiaires », et non de se comporter comme un chef de parti. Il faudrait qu’il réprime la tentation offerte par notre régime actuel de concentrer tous les pouvoirs, voire d’en abuser, de vouloir décider de tout, de tout faire « remonter » pour « trancher », de « garder le cap » et refuser de revenir sur des mesures qui seraient à juste titre contestées, quels que soient les troubles provoqués. Alors, pourraient être menées avec la rigueur nécessaire des réflexions, et organisées, coordonnées, des consultations, des débats, associant les corps intermédiaires (parlement, CESE, partis, syndicats, associations…), des représentants des gilets jaunes et d’autres mouvements de citoyens… pouvant effectivement déboucher sur des propositions susceptibles de répondre aux principales attentes des Français.
 
Pour « sortir de la crise des gilets jaunes »
 
Pour arrêter les troubles et les violences, que le « grand débat », trop faussé, ne peut pas apaiser, et qui menacent de durer encore de longs mois, deux types de décisions me paraissent, comme à bien d’autres, les plus sages :
 
--- > réparer une partie des injustices les plus criantes et redonner du pouvoir d’achat, avec  des mesures telles la revalorisation en fonction de l’inflation des salaires dans la Fonction publique, des pensions de retraite, des allocations sociales, ainsi que des taux de rémunération de l’épargne populaire, … en adoptant, éventuellement, des mesures « justes » pour les « financer », telles celles déjà suggérées comme le relèvement du taux de 30% de la flat tax, qui privilégie exagérément les plus hauts revenus financiers par rapport à l’imposition des revenus du travail. Il est contreproductif de perdre (et non gagner) du temps avec le « grand débat ».
 
--- > annoncer des élections législatives anticipées. Sans céder à la précipitation et dans une optique durable, des « législatives à mi-mandat » seraient constructives. Elles pourraient se tenir en octobre-novembre 2019. Préparation et campagne pourraient alors se dérouler avec plus de sérénité, après des élections européennes moins perturbées et moins dévalorisées par une possible massive abstention, qui seraient plus dignes de leur vocation. Attention, les autres pays d’Europe regardent la France d’un œil de plus en plus critique, quand ce n’est moqueur.
 
Malheureusement, dès le début du quinquennat, avec des mesures « dispendieuses » le gouvernement a considérablement réduit les possibilités pour l’Etat de répondre financièrement aux attentes sociales. Avec la suppression de la taxe d’habitation (plus de 21 Mds € en 2017), la transformation de l’ISF en IFI, l’instauration de la flat tax et une forte réduction des charges des sociétés en remplacement du CICE, c’est de  40 Mds € à 50 Mds € annuels que les ressources fiscales sont « allégées ». On comprend donc pourquoi l’exécutif racle les fonds de tiroirs et cherche par n’importe quel moyen à trouver des sous… et non à en « donner » plus. Il a pris des engagements sur le déficit envers l’UE. Il ne veut pas changer de cap…  Alors, l’optimisme ne peut être de rigueur.
 
Institutions : pour des changements de cap prononcés
 
---> Retour au septennat
 
Un mandat présidentiel de 7 ans est préférable à un seul mandat de 5 ans pour donner au chef de l’Etat le temps d’imprimer les grandes orientations de la politique qu’il aura présentées et défendues pendant sa campagne, de faire adopter et mettre en œuvre les principales mesures correspondantes et d’observer des résultats tangibles de la gouvernance. Des résultats qui devraient être examinés chaque année plus rigoureusement qu’aujourd’hui, discutés dans les assemblées du Parlement et portés à la connaissance des citoyens.
 
---> Pas deux mandats consécutifs. Mais, pourquoi pas un retour ultérieur si les électeurs « en redemandent ». Cela permettrait au président de ne pas penser en permanence à sa réélection et de se consacrer plus exclusivement à sa mission présidentielle, peut-être avec moins de pression et plus d’objectivité, « de hauteur », d’attention au rassemblement des citoyens et à l’intérêt général, plus de souci de justice sociale. Peut-être !
 
---> Elections législatives à mi-mandat
 
1 - Dans le cas favorable du quinquennat, la fixation à trois ans et demi de la durée des mandats des députés permettrait aux électeurs de tenir compte des résultats obtenus par le gouvernement pendant la première moitié du septennat et de voter pour modifier plus ou moins la composition de l’AN. La sanction la plus négative conduirait à une cohabitation, sans doute préférable à la poursuite d’une gouvernance inchangée jugée « mauvaise ».
 
---> Pas de limitation du nombre de mandats successifs des députés (et des sénateurs). Le métier de parlementaire est « techniquement » complexe. L’expérience permet de mieux connaître les applications du doit public, la multitude des lois et règlements que compte notre pays. Elle améliore la qualité du jugement et du travail de l’élu. Elle lui permet de mieux connaître et de représenter plus fidèlement ses ouailles… s’il n’est pas soumis à la discipline de « godillots » de son parti.
 
---> Pas d’opposition au cumul des mandats (et non des rémunérations), surtout si le mandat exécutif associé est dans une commune rurale.
 
2 – Dans le cas défavorable du maintient du mandat quinquennal renouvelable une fois, des élections législatives à mi-mandat paraissent indispensables si l’on veut éviter de se retrouver dans le même type de situation qu’aujourd’hui. Confronté à la perspective de cette échéance, qui pourrait voir affaiblir sa majorité parlementaire, le chef d’Etat, chef de l’exécutif, devait être poussé à être plus à l’écoute des citoyens, à adopter une attitude plus consensuelle à l’égard des partis d’opposition et à rechercher davantage des solutions de compromis.
 
Cela l’aiderait, d’ailleurs, peut-être de se faire réélire pour un 2ème mandat, si on se fie à l’expérience électorale fédérale aux Etats-Unis (voir annexe II ci-après)
 
Renforcer la représentation parlementaire et non l’affaiblir
 
Avec 577 sièges de députés et 348 de sénateurs pour 67 millions d’habitants, notre représentation parlementaire est une des plus faibles des états d’Europe de l’ouest. Notre régime présidentiel est une exception parmi des régimes parlementaires qui ont souvent des organisations décentralisées avec des gouvernements et des parlements régionaux qui partagent les prérogatives et les pouvoirs.
 
Dans mon article de la Lettre de mars 2018 intitulé « Réformes institutionnelles : défendre la démocratie, les libertés et le pluralisme », j’avais fait le tour de la plupart de nos voisins et donné quelques chiffres : - Royaume-Uni (66 Mi h) : au Parlement de Westminster, 650 députés à la Chambre des communes et 800 Lords. Avec les Assemblées d’Ecosse, du Pays-de-Galles et d’Irlande-du-Nord, 1 747 parlementaires au total ; - en Italie (60 Mi h), 630 députés et 315 sénateurs au Parlement national. Avec les 20 Régions, dotées chacune d’une junte et d’une assemblée législative, pas moins de 1 745 parlementaires ; - en Espagne (46 Mi h), 350 députés et 266 sénateurs. Avec les parlements des 17 communautés autonomes, largement plus de 1 000 parlementaires ; - en Belgique (11,4 Mi h), 150 députés et 50 sénateurs au Parlement fédéral. Avec les organes législatifs des 3 régions et des 3 Communautés, 724 élus ; - en Suède (10 Mi h), 349 députés au Rikstag ; - au Danemark, (5,7 Mi h), 179 députés ; - en Finlande (5,5 Mi h), 200 sièges au Riksdag.
 
Dans l’Annexe I consacrée à la République fédérale d’Allemagne (82,8 Mi h), on pourra lire, notamment, que le gouvernement fédéral et le Parlement fédéral, qui compte 709 sièges de députés au Bundestag et 69 sièges du Bundesrat, partagent les pouvoirs avec les 16 Länder (états-régions), dont les Landtag mobilisent 1 734 délégués (députés). La représentation parlementaire des Allemands se monte ainsi à 2 512 sièges.
 
Dans tous ces pays, les parlementaires sont plus nombreux et plus proches des citoyens qu’en France. Dans les plus grands, cette proximité est liée à la décentralisation des pouvoirs exécutif, législatif et, plus partiellement, judiciaire. Cette décentralisation permet de mieux adapter la gouvernance et les législations aux spécificités locales.
 
La France n’est pas au diapason de ses voisins européens, ni des Etats-Unis, où la représentation parlementaire ne se limite pas aux 435 élus de la Chambre des représentants et aux 100 sénateurs du Congrès (voir l’Annexe II). Les 50 états qui forment l’Etat fédéral, partagent les pouvoirs avec lui, et ont aussi leurs gouvernements, leurs instances exécutives, législatives, judiciaires, élues. Aussi, les effectifs totaux des parlementaires des 50 états sont probablement de l’ordre de 3 000 pour les « délégués » et de 1 200 pour les sénateurs.
 
Ce sont des infos qu’il ne faut plus cacher à nos citoyens pour leur faire accroire que nous avons trop de députés et de sénateurs, que c’est inutile et coûteux. Au contraire, notre système souffre de l’éloignement de ces élus de la population, dans les circonscriptions étendues, du monde rural, en particulier. Les élus les représentent de plus en plus mal, en partie pour cette raison. Mais pas seulement (voir ci-après).   
 
Mes propositions vont à l’inverse des mesures centralisatrices déjà prises depuis juin 2017 et les intentions déclarées, actuellement en cours de promotion dans les réunions du « grand débat » où s’expriment très abondamment Macron, ses ministres et des élus de LREM, visiblement en campagne électorale.
 
---> NON catégorique à la réduction des nombres de nos députés et de nos sénateurs.
 
Elle serait une atteinte supplémentaire à la démocratie représentative, déjà poussée dans ses derniers retranchements. Elle va l’encontre de la nécessité et de la volonté exprimée de rapprocher les populations de leurs représentants, des « corps intermédiaires » et vise à affaiblir ceux-ci. Les justifications avancées, économies d’argent et recherche de plus d’efficacité, avec moins d’élus et davantage d’assistants et de moyens (lesquels ?), sont fallacieuses. Pour réaliser des économies significatives, aux pistes indiquées plus haut, on peut ajouter celle maintes fois proposée de s’attaquer à notre redondant millefeuille administratif et aussi regarder de près les situations des 500 hauts fonctionnaires qui, avec des primes géantes, gagnent plus que le président de la République (1).
 
---> OUI à la réduction de la domination de l’exécutif sur le législatif.
 
Dans les démocraties où la séparation des pouvoirs n’est pas une fiction, l’initiative législative revient aux chambres du parlement, et celles-ci jouent un rôle déterminant dans l’élaboration des lois. Chez nous c’est l’exécutif qui a l’initiative de la majorité des lois. Et il soumet, le plus souvent, aux Assemblées des projets de textes déjà élaborés par les services de l’Elysée, de Matignon et des ministères, « prêts à l’emploi ». Des textes qu’il ne reste qu’à approuver, ou, éventuellement à « retoucher », à l’aide d’amendements, à condition que les « améliorations » proposées conviennent à l’exécutif. A l’AN, la « majorité présidentielle » veille consciencieusement à ce qu’il en soit ainsi. Au Sénat, les discussions et les propositions sont plus libres. Mais comme c’est l’AN qui a le dernier mot…
 
L’exécutif s’est pourvu de compétences (expertises) législatives et de moyens qui rendraient presqu’inutiles les deux assemblées. Surtout depuis que le dégagisme de 2017 a affaibli l’AN en la privant d’une grande partie des députés les plus expérimentés et aguerris, de condamnables « multirécidivistes » et/ou « cumulateurs de mandats ». Ses travées se sont garnies de nombreux « novices » et d’élus « issus de la société civile ». La réduction désirée du nombre de députés ne vise évidemment pas à remédier à cet affaiblissement.
 
Le Sénat, renouvelé pour partie seulement en 2017, a moins souffert d’une telle saignée et dispose de fortes compétences. Il n’est pas dominé par LREM et est plutôt perçu comme un poil à gratter dérangeant, voire un opposant, par l’exécutif. En fait, c’est le dernier contrepouvoir, avisé, de surcroît. Alors, pourquoi ne pas le diminuer aussi ? Pour plus de démocratie !
 
D’un autre côté, l’article 40 de la Constitution retire aux députés et aux sénateurs l’initiative de la dépense publique, puisqu’il stipule : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». C’est une très forte restriction, qui selon des personnalités politiques éminentes tend à faire de l’exécutif le seul vrai législateur. Depuis des années, de nombreux députés et sénateurs, le président de la Cour des comptes… ont déjà demandé sa suppression. La question est revenue sur le tapis avec les réformes constitutionnelles à venir (2).
 
---> Pour redonner vie et vigueur au Parlement, Il est nécessaire de fixer des limites à l’initiative législative du pouvoir exécutif, d’un côté, et supprimer l’article 40 de la Constitution, de l’autre. Il faut aussi veiller à ce que la répartition des présidences des commissions ne soit pas déséquilibrée à l’excès.
 
---> OUI à un véritable contrôle du Parlement sur la gouvernance de la République. Un bilan annuel est indispensable pour informer objectivement les citoyens et mettre en évidence les éléments de la politique publique posant des problèmes. C’est une priorité. Il faut que cela soit une obligation incontournable, et que le Parlement en ait effectivement la possibilité et les moyens (temps et disponibilité des parlementaires, accès aux informations nécessaires…). Les programmes de travail des sessions parlementaires devraient être établis en conséquence.
 
---> OUI à une dose de proportionnelle aux législatives. Le manque de représentativité de l’AN en raison du mode de scrutin uninominal à deux tours n’est plus contesté. En outre, un scrutin de listes présentées par les partis se trouve justifié par les nombreux députés qui se comportent en « godillots » à l’Assemblée. Comme s’ils n’avaient pas été élus intuitu personae pour représenter leurs électeurs, mais uniquement pour leur appartenance à des partis auxquels ils adhèrent et suivant les directives desquels ils votent à l’AN.
 
Mais, attention : l’introduction d’une dose de proportionnelle pose plusieurs problèmes, plus graves si elle est couplée avec une baisse du nombre de députés.
 
---> Concernant la dose, des calculs simples montrent que pour que son effet ne soit pas marginal, il faut qu’elle soit d’au moins 25% des sièges. Si on opte pour 25%, cela signifie que : - 144 députés seront élus sur listes (nationales, semble-t-il). Ils seront des « députés hors-sol », sans attaches territoriales ; - les 433 autres seront élus dans 433 circonscriptions plus grandes que les 577 actuelles. On aura donc éloigné les députés de leurs électeurs, et sans doute de beaucoup dans les zones les moins peuplées.
 
En avril 2018, Edouard Philippe avait annoncé que la réduction des effectifs des députés et des sénateurs serait de 30% et que la dose de proportionnelle à l’AN serait de 15%. Depuis, rien de nouveau de tangible.
 
Si l’on répond aux désirs du gouvernement, ce sera bien pire.  Après la réduction de leur nombre de 30%, il ne restera que 404 députés. Avec une dose de proportionnelle de 15%, 60 seront hors-sol, et il ne restera que 364 élus… dans autant de circonscriptions, au lieu de 577. On peut donc comprendre ce titre inquiet d’un article de francetvinfo.fr du 5 avril 2018 : « Réduction du nombre de parlementaires : « Ca va être une boucherie » »(3).
 
En effet, de tels changements vont obliger à un recoupage de grande ampleur de la carte des circonscriptions électorales. Un ancien secrétaire d’Etat, Alain Marleix, ayant participé au redécoupage de 2009 fait d’instructives observations et réserves : - il rappelle que la norme dans les démocraties occidentales est de 1 député pour 100 000 habitants. En France, en 2009, la « barre » avait été fixée à 1 député pour 125 000 h. Les projets de l’exécutif porteraient la représentation à 1 député pour plus de 165 000 h, si l’on compte tous les députés restants ; - le redécoupage est un travail long (celui de 2009 avait duré un an) et complexe en raison des nombreuses contraintes institutionnelles, juridiques et techniques, ainsi que des fortes pressions politiques et personnelles, allant jusqu’au harcèlement, qui s’exercent inévitablement… et « il n’est pas possible de donner satisfaction à tout le monde » ;  - « c’est la première fois qu’un redécoupage s’accompagne d’une réduction du nombre de parlementaires. Ca va être une boucherie. Quoi qu’il arrive, Emmanuel Macron ne pourra pas recaser toute sa majorité… ».
 
A-t-on expliqué tout ceci aux citoyens lors des multiples sondages sur le sujet ? Non, évidemment ! L’honnêteté et la loi imposeront de le faire, je l’espère, dans le cas où des questions d’un éventuel référendum porteraient sur ces sujets. Les notices explicatives sont prévues à cet effet. Les partis, les élus + les médias et les réseaux sociaux devront aussi s’activer pour diffuser ces explications. De telles décisions ne se votent pas les yeux fermés.
 
A propos du problème posé par des députés hors-sol, il peut être intéressant de regarder le système allemand, qui combine le scrutin de liste, à la proportionnelle, avec le scrutin uninominal, tous deux dans les circonscriptions électorales (voir Annexe I).
 
---> OUI pour que les votes blancs soient comptés dans les « suffrages exprimés ». Il est possible que cela encourage à une plus substantielle participation. C’est plus que nécessaire ! Surtout si l’on n’oublie pas qu’aux législatives de 2017, l’abstention avait battu tous les records : 51,30% au 1er tour, 57,7% au 2ème tour, et 61,6% avec les bulletins blancs et nuls (8,86% des votants). Au 2ème tour des présidentielles de 2017, le nombre des votes blancs et nuls avait atteint aussi des niveaux records : 8,81% du nombre des votants. De beaux témoignages de légitimité ?
 
La prise en compte des votes blancs peut aboutir à une sanction lors des présidentielles, puisqu’elle peut conduire à ce qu’au 2ème tour aucun des deux candidats n’obtienne la majorité absolue des voix. Elle peut aussi rendre plus difficile l’obtention d’une majorité absolue au OUI à un référendum. Pour d’autres élections, il pourrait y avoir de telles sanctions si des pourcentages minimaux de voix pour être élu étaient fixés.  
 
---> OUI au référendum d’initiative citoyenne (RIC). Mais, avec des limites et des précautions. La démocratie directe, participative, ne doit pas être opposée à la démocratie représentative, déjà souffrante. La pratique de la « verticalité », par-dessus les corps intermédiaires, est dangereuse pour la République.
 
La pensée de Macron a évolué à l’égard du RIC depuis la campagne des présidentielles. Dans son programme d’alors, on peut lire à ce sujet : « Nous développerons la participation des citoyens », « Nous encouragerons les communes à développer les budgets participatifs, c'est-à-dire à consulter directement les citoyens sur l’utilisation de l’argent public ». Il s’agissait donc d’une participation très limitée … dont la possibilité était déjà ouverte par les articles 72-1 et 72-2 de la Constitution.
 
Maintenant, le président se dit favorable au RIC. Les gilets jaunes lui ont fait changer de position… ou de posture. Non sans contradictions. Pour arrêter les désordres en cours, il appelle au secours les corps intermédiaires, sénateurs, députés, maires et autres élus, ainsi que les chefs des partis politiques à l’occasion du « grand débat ». En même temps, est annoncée la possibilité d’un référendum dont les réponses à (au moins une partie) des questions évoquées relèvent normalement des compétences du Parlement, qu’elle contribue ainsi à délégitimer.
 
C’est une des raisons pour lesquelles je suis méfiant à l’égard de l’usage référendaire, d’initiative citoyenne, d’initiative du gouvernement ou des deux chambres du Parlement. Surtout s’il est improvisé. Il est encadré par la Constitution, mais pas assez précisément, sans doute.  Il ne devrait porter que sur des questions dont la majorité des Français ne peuvent ignorer les principales conséquences et implications (voir ci-dessus).
 
Son usage au niveau national devrait être réservé en priorité à des questions majeures, s’il est jugé que notre parlement n’a pas une légitimité suffisante pour s’en saisir, ou que des obstacles s’y opposent. Des sujets à soumettre sont, par  exemple, l’approbation de traités, comme celui entre l’UE et les Etats-Unis ou le Canada, comme celui de Lisbonne de 2005 (d’indépendance vis-à-vis de l’UE), l’indépendance de la Nouvelle Calédonie, l’éviction des listes régionales au profit d’une seule liste, nationale, pour chaque parti aux élections européennes… ainsi que  les questions sociétales, souvent posées aux Etats-Unis (voir l’Annexe 2) lors des nombreux référendums, d’initiative populaire ou non, portant sur l’âge de la majorité pénale, sur la dépénalisation du cannabis ou de la marijuana, sur le mariage pour tous, sur la GPA, sur l’école à domicile, sur l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire à 3 ans… Par contre, les questions dont les réponses engagent des dépenses publiques (hausse du SMIC, revalorisation d’aides sociales, indexation sur les prix…) me semblent poser problème, dans la mesure où elles sont susceptibles de modifier des équilibres de budgets qui ont été votés par le Parlement dans le cadre de lois de finances. Le passage par la voie parlementaire paraît préférable. En tout état de cause, un projet de loi issu d’un référendum doit faire l’objet de débats au parlement et de vote. C’est une sage précaution.
 
L’usage du référendum aux niveaux régional, départemental et communal me paraît plus approprié, surtout s’il porte sur des mesures qui doivent être adaptées à des contraintes ou à des spécificités locales. Avec le référendum décisionnel local, « la révision constitutionnelle de 2003 a reconnu à toutes les collectivités territoriales la possibilité de soumettre à leurs électeurs tout projet de texte (acte ou délibération) relevant de sa compétence (art.72-1) » (4). Par des démarches auprès des responsables territoriaux, ou à l’aide de pétitions, si nécessaire, ce type de référendum pourrait être davantage utilisé.
 
Dans tous les cas, les moyens de communication et les durées des campagnes d’explications par toutes les parties concernées doivent être suffisantes pour qu’il n’y ait pas de « malentendus ».
 
Décentraliser réellement les pouvoirs, avec les moyens de les exercer
 
La décentralisation ne faisait pas partie des « 6 chantiers essentiels » du candidat Macron dans son « CONTRAT AVEC LA NATION ». Une de ses promesses de son « programme » disait : « Nous établirons dans chaque département un tribunal de première instance qui sera le guichet unique permettant un accès facilité au juge ». « Nous ne fermerons aucun site ».  Mais, il disait aussi « Nous réduirons le millefeuille administratif. Nous supprimerons au moins un quart des départements, là où ils peuvent être rapprochés des grandes métropoles ». Cela devait faire autant de tribunaux à guichet unique en moins. En fait, depuis mai 2017, il n’y a eu ni suppressions de départements ni réduction du millefeuille. Et renforcer les métropoles, déjà en positions très dominantes sur le territoire, c’était aussi dévitaliser le reste du pays. Une légère pointe de décentralisation perçait dans la promesse «   Nous développerons la continuité territoriale au profit des Outre-mer » … « Nous permettrons aux collectivités d’Outre-mer de modifier la réglementation de droit commun pour l’adapter à leur situation particulière ».
 
La seule promesse d’envergure que les Français ont retenue, et qui a été aussitôt été exécutée, allait à l’encontre de la décentralisation : « Nous exonérerons de la taxe d’habitation tous les Français des classes moyennes et populaires (soit 80% des ménages) … et l’Etat remboursera entièrement auprès des communes leur manque à gagner, à l’euro près, en préservant leur autonomie fiscale ». Les priver de cet important impôt local qu’elles pouvaient fixer, en vertu du principe de libre administration et d’autonomie fiscale (article 72 de la Constitution), révélait une conception très particulière de l’autonomie fiscale… que Macron a confirmée récemment (cf. ci-après).
 
Cette décision a été l’une des premières grosses erreurs de l’exécutif. A plusieurs titres : - « elle est restée dans la gorge » des communes, et des autres collectivités territoriales, qui supportaient déjà très mal les restrictions budgétaires qui leur étaient imposées et la réduction de la Dotation globale de fonctionnement (DGF) ; – elle a été décidée sans savoir précisément par quoi la perte de TH serait compensée de façon pérenne.  20 mois après le début du quinquennat, c’est toujours la pataugeoire ; - pour éviter les risques d’inconstitutionnalité, la suppression de la TH devra s’appliquer à tous les contribuables à partir de 2021, au moins sur les résidences principales. Au total, la TH a rapporté 23 Mds € en 2017. Cette « source de financement » étant coupée, l’exécutif doit aller chercher dans les impôts attribués à l’Etat, ou dans des économies, la « compensation » promise ; - avec la suppression d’une partie de l’ISF, l’instauration de la flat tax et en maintenant une forte réduction des charges des sociétés (ex CICE), c’est de 40 Mds € à 50 Mds € annuels que les ressources fiscales sont « allégées ». Aussi accorder plus de ressources aux collectivités territoriales n’est certainement pas dans les intentions de l’exécutif.
 
D’ailleurs, en novembre 2018, la veille du Congrès des maires, le président a déclaré aux élus locaux : « l’autonomie fiscale et financière, je n’y crois pas » (5).
 
Pourtant, il faudrait prendre résolument cette direction, notamment si l’on veut que la France devienne plus « européenne ». Quand il s’agit de décentralisation et d’autonomie régionale, l’Allemagne, avec ses 16 Länder, est une référence. Nous verrons plus loin que le montant des impôts dévolu aux Länder et aux communes est, à peu de choses près, le même que celui réservé à l’Etat fédéral. En France, en 2017, les recettes fiscales au profit de l’Etat ont été de 361,3 Mds €, contre 112 Mds € au profit des collectivités territoriales (6). Ces chiffres illustrent la forte concentration des ressources fiscales entre les mains de l’Etat. En outre, le montant des Dotations aux collectivités, qui complètent les impôts, 40 Mds € en 2017, est modeste et en régression. Sa principale composante, la DGF a été réduite de 40 Mds € en 2014 à 30,9 Mds en 2017 (7). Et le pouvoir demande encore un « effort » budgétaire aux collectivités territoriales, initialement « fixé » à 10 Mds d’ici 2022, ensuite monté à 13 Mds €, en imposant des restrictions… que les maires et les sénateurs ont évaluées à 21 Mds €.
 
En réalité, Macron poursuit, en la poussant à fond, la politique de centralisation des pouvoirs et des ressources financières au détriment des collectivités territoriales et de la décentralisation. Les Français ne s’y trompent pas. Selon un sondage effectué par Opinion Way pour LCI les 21 et 22 janvier, au « Grand débat national, les Français plébiscitent la décentralisation » (8). « …79% des personnes interrogées désirent que les territoires gagnent en pouvoir… ce chiffre impressionnant va à l’encontre de l’approche jacobine affichée jusqu’ici par le gouvernement ».
 
Au Congrès des maires de France, des propositions formulées par les élus n’ont pas été retenues par le gouvernement : « l’élaboration d’une loi de finances annuelle des collectivités, la création d’un fonds de lissage financé par l’Etat en faveur des communes dont les dotations et l’ajustement de la contribution du bloc communal à la réduction de la dette publique au prorata de sa part dans l’endettement » (5).
 
Les élus savent qu’un bras de fer avec l’exécutif est engagé. Aussi, l’association des maires de France (AMF), l’association des présidents de départements (ADF) et les présidents de région (Régions de France) se sont regroupés sous l’appellation « Territoires unis ». Gérard Larcher, président du Sénat a exprimé la détresse de « la France d’à côté ». Il a demandé au gouvernement de changer de méthode, avec des actes concrets et a exigé « expérimentation », « différentiation », « confiance » et « autonomie fiscale et financière ».
 
Des propos similaires ont été tenus par le délégué général de l’association des présidents de grandes agglomérations et des métropoles (France urbaine), qui a déclaré « Nous sommes tous d’accord pour qu’il y ait davantage de décentralisation. Changeons de logiciel et donnons-nous plus d’autonomie, plus de compétences et plus de différenciation. S’ils nous avaient laissé faire, nous n’en serions pas là aujourd’hui ».
 
Dès février, les élus locaux comptent apporter une « proposition commune de participation aux débats » et une « proposition forte en matière de décentralisation ». Ils organiseront aussi « une Conférence nationale, territoriale et sociale, avec l’ensemble des corps intermédiaires », a annoncé le président des régions de France (5).
 
Les Territoires se mettent en mouvement et vont sans doute donner du souffle et de la consistance au « Grand débat ». J’espère que les Français leur apporteront, ainsi qu’au Sénat, un soutien fort et déterminé. Car leur combat est aussi celui de la défense de nos libertés et de notre démocratie.
 
Annexe I
 
L’Allemagne fédérale, démocratie parlementaire décentralisée
 
L’Allemagne est un état fédéral et parlementaire organisé selon le principe de séparation des pouvoirs. Le chef de l’Etat est élu au suffrage indirect par l’Assemblée fédérale, le Bundestag. Le Chancelier, qui exerce l’essentiel du pouvoir exécutif fédéral est aussi élu par le Bundestag, la chambre basse, qui compte actuellement 709 sièges, tandis que le Conseil fédéral (Bundesrat) a 69 membres.
 
L’Allemagne est divisée en états ou länder. Chacun d’eux a un gouvernement et une assemblée législative. Le pouvoir législatif appartient aux länder lorsque la compétence législative de l’Etat fédéral n’est pas expressément réglée par la Loi fondamentale.
 
Décentralisation et partage des pouvoirs entre « Bund » et « Länder »
 
Dans un système très décentralisé, l’Etat fédéral d’Allemagne partage les initiatives et les pouvoirs, ainsi que les ressources fiscales, avec ses  16 états (depuis la réunification), 13 länder et 3 villes-états, Berlin, Hambourg et Brême. L’Etat fédéral a en charge la politique étrangère (et européenne), la défense, les douanes, la politique monétaire, le travail et une partie du droit fiscal. Les compétences des länder sont nettement plus larges que celles de nos Régions, puisqu’ils sont en charge de la police, de la majorité des tribunaux, de l’aménagement du territoire, de l’éducation et de l’enseignement supérieur, de la culture, des aides sociales, ainsi que du droit communal. Les villes, les communes et communautés de communes sont en charge des affaires locales, des transports en commun, des routes, de l’alimentation en eau et en électricité…
 
Les dimensions géographiques des länder sont très contrastées, entre la Bavière, qui s’étend sur 70 561 Km², la Basse-Saxe, sur 47 624 km²… et la Sarre, sur 2 568 km², ainsi que les 3 villes-états, dont la plus grande, Berlin, couvre 892 km2. Les populations sont aussi très inégales. De 18 millions d’habitants en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, soit 22 % des 82,8 Mi h de la population de l’Allemagne, à 1,04 Mi h dans la Sarre et à 0,4 Mi h à Brême
 
Or, les représentations des länder au Bundestag sont fonction de leurs populations. Aussi, à elles seules la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, la Bavière et le Bade-Wurtemberg (10,8 Mi h) y disposent quasiment de la moitié des sièges.
 
Au Bundesrat, les Länder les moins peuplés sont surreprésentés par rapport à leurs populations. Ceux de moins de 2 millions d’habitants ont droit à 3 voix et ceux de 2 à 6 Mi h à 4 voix, tandis que ceux de 6 à 7 Mi h ont droit à 5 voix et que ceux de plus de 7 Mi h n’ont pas plus de 6 voix.
 
Il importe de noter que les titulaires du Bundesrat ne sont pas élus. Ils sont nommés par les gouvernements des länder, dont ils font partie. La présidence du Bundesrat est assurée par le chef de gouvernement d’un land. Depuis novembre 2018, c’est celui du Schleswig-Holstein. Elle est renouvelée chaque année par rotation.
 
Les propositions législatives du gouvernement fédéral doivent passer par le Bundesrat avant d’être soumises au Bundestag. Le Bundesrat doit approuver toutes les législations dans lesquelles la Loi fondamentale donne aux länder des pouvoirs concomitants ou lorsqu’ils sont chargés de l’application de lois fédérales. Le Bundesrat a un droit de veto absolu sur ces législations, et un droit de véto suspensif sur les autres législations, que le Bundestag peut lever. Une majorité des 2/3 est nécessaire pour cela. Ainsi, en particulier, les législations sur les impôts partagés entre la Fédération et les länder concernés (les principaux impôts) doivent être approuvées par le Bundesrat (9).
 
De telles dispositions visent à associer les länder à la sélection et à l’adoption des législations de portée fédérale.
 
Une très forte représentation parlementaire des Allemands
 
La représentation parlementaire des Allemands ne se limite pas aux 709 députés du Bundestag et aux 69 membres du Bundesrat. Chaque land a une assemblée législative, le « Landtag », élue pour 5 ans (4 ans à Brême), au scrutin proportionnel plurinominal ou uninominal.
 
Suivant les länder, le nombre des députés va de 51 dans la Sarre et 68 dans le Schleswig-Holstein, à 180 dans le land de Bavière et 181 dans celui de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Au total, les länder comptent 1 734 députés (10). Avec le Bundestag et le Bundesrat, les Allemands ont donc 2 512 représentants parlementaires.
 
Importantes ressources des länder, pour des compétences étendues
 
Les ressources fiscales encaissées et attribuées directement aux länder et aux communes sont très modestes. Elles sont limitées à l’impôt foncier, faible en Allemagne, à la taxe professionnelle, aux droits de mutation, aux impôts sur les véhicules à moteur et sur la bière. Elles représenteraient moins de 7% des revenus fiscaux. Mais, les 3/4 des recettes fiscales du pays (TVA, Impôt sur les sociétés (IS), Impôt sur le revenu (IR)…) sont perçues conjointement par l’Etat fédéral et les länder, et sont partagées entre eux. Aussi, au total, les länder et les communes (auxquelles les länder transfèrent une partie de leurs ressources) reçoivent autant de ressources fiscales que l’Etat fédéral.
 
Un système de péréquation redistribue une partie des impôts collectés sur les länder les plus riches au profit des länder les plus pauvres. Une redistribution contestée par la Bavière, le Bade-Wurtemberg et la Hesse, qui réclament aussi plus d’autonomie fiscale et voudraient fixer leurs taux de l’IS et de l’IR, aujourd’hui fixés au niveau fédéral (11).
 
En juin 2017, dans un article intitulé « Comparaison fiscale entre la France et l’Allemagne » (12), l’IFRAP a présenté des données intéressantes sur les niveaux et les répartitions des produits des prélèvements obligatoires entre les différents niveaux des administrations des deux pays. Elles ont été établies à l’aide de la base de données de l’OCDE et portent sur l’année 2015.
 
En Allemagne, les prélèvements obligatoires (PO) ont représenté 36,9% du PIB, 11,4% du PIB revenant à l’Etat fédéral, 8,3% allant aux länder et 3,1% à l’échelon local, 14% étant consacrés à la Sécurité Sociale.  La part dévolue aux niveaux décentralisés, 11,4% du PIB a égalé celle réservée à l’Etat fédéral.
 
En France, où les PO ont atteint 45,5% du PIB, dont plus de la moitié, 24,2% du PIB, est consacrée à la protection sociale, les collectivités territoriales sont à la portion congrue, avec une part limitée à 6% du PIB, contre 15,1% à l’administration centrale.
 
Des études sont périodiquement réalisées pour constater ces différences et examiner si des « réformes » pourraient rapprocher notre système de celui de l’Allemagne. Mais, cela paraît toujours très compliqué techniquement et, peut-être plus encore, d’envisager de renoncer à un système monarchique jacobin très centralisateur.  
 
Si une telle orientation décentralisatrice, européenne, est réellement jugée souhaitable et nécessaire, il est sans (aucun) doute possible d’avancer par étapes, à condition d’associer étroitement décentralisation des ressources financières et décentralisation des pouvoirs, des initiatives et des responsabilitésau niveau des Régions et des autres niveaux de notre administration territoriale. Ce n’est pas ce qui a été fait jusqu’ici.
 
Des élections législatives qui combinent scrutin uninominal et scrutin de liste
 
Pour les élections au Bundestag et dans la plupart des Landtag, le mode de scrutin est proportionnel plurinominal, avec une partie des sièges pourvus par un mécanisme de scrutin uninominal à un tour… résume Wikipédia dans sa description du « Système électoral allemand » (13).
 
A chaque électeur sont attribuées deux voix : - avec la première, il vote pour un candidat dans sa circonscription. Le candidat qui recueille le plus de voix dans la circonscription est élu ; - avec la seconde voix, il vote pour une liste de candidats présentés par des partis ou associations d’électeurs.
 
L’ensemble des sièges à pourvoir est réparti entre les partis en fonction de la proportion des secondes voix.
 
Les sièges obtenus par un parti sont pourvus en priorité par les candidats élus dans leur circonscription par les premières voix. Ils sont complétés par ceux des candidats figurant dans la liste du parti, dans l’ordre de leur inscription sur la liste.
 
Il arrive souvent que le nombre de candidats d’un parti élus dans leur circonscription dépasse le nombre de sièges que lui attribuent les secondes voix. Une double « correction » est alors effectuée : 1- des mandats supplémentaires (sièges) sont attribués au parti concerné… ce qui a pour effet de modifier la répartition initiale des sièges ; 2 – pour retrouver cette répartition initiale (en pourcents), des mandats complémentaires sont accordés aux autres partis.
 
L’Allemagne est divisée en 299 circonscriptions et le nombre de sièges au Bundestag est légalement fixé à 598 depuis les élections de 2002.  Mais en raison des mandats supplémentaires et des mandats complémentaires, il y a 709 sièges au Bundestag depuis les élections de 2017.
 
Il s’agit donc bien d’élections à la proportionnelle qui ménagent une place au choix direct des électeurs pour leur candidat préféré. Un des reproches qui leur est adressé est précisément de laisser très peu de chances aux petits partis de faire élire des candidats directement dans leurs circonscriptions (avec les premières voix), et de privilégier les grands partis, qui trustent les mandats supplémentaires.
 
Nos chefs d’Etat, notamment, pourront trouver au système allemand le mérite d’avoir contribué à assurer une grande stabilité au sommet de l’exécutif fédéral, puisque depuis 1982, seulement trois chanceliers se sont succédés au pouvoir : Helmut Kohl, Gerhart Schröder et Angela Merkel.
 
A l’approche de l’adoption d’une dose de proportionnelle dans nos élections législatives, et que se pose en même temps le problème de l’élection à l’AN de « députés hors-sol », le modèle allemand mérite un examen approfondi.
 
Annexe II
 
Etats-Unis : partage des pouvoirs et démocratie participative
 
Dans l’article « Des Midterms américaines aux gilets jaunes français… » de la Lettre de décembre 2018, j’avais attiré l’attention sur des traits intéressants des institutions et du système électoral des Etats-Unis. J’insiste et y reviens ici.
 
Décentralisation, partage des pouvoirs, parlementarisme et gouvernance de proximité
 
Nos médias se plaisent à rapporter que pour une population de 327 millions (Mi) d’habitants la représentation parlementaire n’est que de 435 élus à la Chambre des représentants et de 100 Sénateurs au niveau fédéral… omettant d’ajouter que le pouvoir est partagé entre l’Etat fédéral et les 50 états qui constituent la Fédération, et que chacun d’eux a son propre pouvoir exécutif, élu, dirigé par un gouverneur, son pouvoir judiciaire, élu, et son pouvoir législatif, élu, comprenant une Chambre des  délégués (députés) et un Sénat. Dans les états, des pouvoirs, y compris législatifs sont dévolus aux comtés, et au sein de ceux-ci, aux municipalités et autres localités.
 
Au niveau fédéral, chacun des 50 états dispose de 2 sièges au Sénat. La répartition des sièges de la Chambre des représentants, elle, est déterminée au prorata des populations des états. Ainsi, l’état de Californie (39,6Mi h) dispose de 53 sièges, le Texas (28,7 Mi h), de 32 sièges, l’état de New-York (19,8 Mi h), de 27 sièges, le Nouveau-Mexique (2,1 Mi h), de 3 sièges, et le Montana (1,1 Mi h), de 1 siège. Ce sont donc les états les plus peuplés et les grandes agglomérations qui dominent la Chambre des représentants du Congrès.
 
Des logiques différentes ont prévalu pour les fixations par les états des effectifs de leurs propres délégués et sénateurs. La dimension des états et les difficultés de déplacements ont fait partie des critères, de sorte que la proximité entre les élus et les populations qu’ils représentent puisse être mieux assurée. Ainsi, le Montana, état très peu peuplé du nord-ouest, qui étend ses 381 656 km² sur une partie des Montagnes Rocheuses, compte 100 sièges de délégués et 50 de sénateurs. Au sud-ouest, le Nouveau-Mexique, qui étale ses 315 194 km² sur de vastes plaines et des monts désertiques, compte 70 sièges de délégués et 42 de sénateurs.  
 
Les parlementaires d’états beaucoup plus peuplés ne sont pas plus nombreux. La Californie « ne compte que » 80 délégués et 40 sénateurs. C’est moins que l’état de New-York, qui a 150 sièges de délégués et 62 de sénateurs.
 
Je n’ai pas trouvé de décompte de la totalité des effectifs de parlementaires des 50 états américains. Aussi ai-je fait le calcul, à l’aide des données de Wikipédia, de ces effectifs pour un « échantillon » de 12 états des côtes est et ouest, du nord et du sud, ainsi que des régions centrales du territoire. Les 4 états précédemment cités en font partie, avec la Caroline-du-Nord, la Floride, le Kansas, le Maryland, le Tennessee, l’Utah, la Virginie et le Wisconsin. Ensemble, ces 12 états hébergent 124,9 Mi habitants, soit 38,2% de la population des Etats-Unis.
 
Au Congrès fédéral, ils disposent de 167 sièges de représentants, soit 38,4% des sièges de la Chambre basse, et de 24 sièges de sénateurs.
 
+ Dans ces 12 états, la représentation parlementaire se monte, si tous les sièges sont pourvus, à 1 291 délégués et à 500 sénateurs.
 
Pour les 50 états, il est donc possible que les totalisations avoisinent ou dépassent les 3 000 pour les délégués des Chambres basses et 1 200 pour les sénateurs.
 
N’est-il pas recommandable de porter de telles infos à la connaissance des Français ?
 
Dans les états, les comtés (« counties ») constituent des subdivisions territoriales politiques et administratives disposant de pouvoirs de gouvernance. Ils sont dirigés par des collèges, ou conseils, ou commissions, élus. Dans nombre d’états, ces instances sont dotées de pouvoirs législatifs, exécutifs et, plus partiellement, judiciaires (14).
 
Le pays compte 3 242 comtés (ou équivalents comtés). Le plus peuplé est celui de Los Angeles, avec plus de 10 Mi h, tandis que les habitants des comtés les plus modestes se comptent en centaines. Les prérogatives et fonctions dévolues aux comtés dépendent de leur importance, mais aussi, pour des raisons historiques, de leur localisation. Généralement, les comtés ont en charge, au minimum, la justice, des services publics, les bibliothèques, la santé publique et les hôpitaux, les parcs, les routes, l’ordre public, les prisons, ainsi que les services d’état civil. Dans des états abondamment peuplés de l’ouest et du sud, par exemple, ils peuvent aussi assurer des services d’aéroports, de ports, de musées, de plages, de logement…
 
La plupart des comtés comportent des subdivisions comprenant des municipalités et, sur des aires de petite dimension, souvent en milieu rural, des unités « non incorporées » (15). Une partie d’entre elles sont dirigées suivant les règles du comté. Mais la plupart sont organisées en unités de gouvernement local, appelées townships, dont les dirigeants sont élus, et qui peuvent avoir des règles propres. Les Etats-Unis comptent 19 429 municipalités et 16 504 townships (16).
 
Enfin, les cités et les villes (municipalités) peuvent décider de subdiviser leur territoire en circonscriptions (quartiers ou arrondissements) administratives et électorales pour plus de proximité avec les citoyens.
 
Une longue et large pratique de la démocratie directe et des référendums
 
Les votes d’initiative populaire ont été reconnus au moins depuis 1877, lorsqu’ils ont été inscrits dans la Constitution de Géorgie. Depuis, 24 états et le district de Columbia, où se trouve Washington, ont décidé d’autoriser les « ballot initiatives », référendums d’initiative populaire (RIP). Mais, à l’initiative des corps législatifs, également, des mesures peuvent être soumises au vote populaire. L’adoption d’amendements à la Constitution peut aussi l’exiger. De telles « votations » peuvent être organisées aux niveaux de la Fédération, d’états, de comtés, de municipalités et de circonscriptions plus petites (17).
 
En 2018, 167 mesures dont la portée s’étend à des états entiers ont été soumises aux votes des citoyens dans 38 états. De 2010 à 2018, il y en a eu 172 par an en moyenne. La plupart l’ont été le 6 novembre, lors des « midterms 2018 ». 68 de ces votes ont été des RIP. Dans 16 états, les électeurs se sont prononcés sur 21 mesures concernant les politiques électorales. Bien d’autres sujets ont été « votés », dont : la législation sur la marijuana, des restrictions et des limitations fiscales, l’aide médicale et la santé publique, la criminalité, les énergies fossiles et renouvelables, l’avortement, le salaire minimum…
 
Derrière la Californie, les états les plus friands de ces votations sont ses deux voisins, l’Arizona et le Nevada, ainsi que la Floride, l’état de Washington et le Colorado (18).
 
Concernant les très nombreuses mesures votées dans les comtés, dans les villes et d’autres localités à l’intérieur de ceux-ci, à titre d’exemples, je me limiterai ici à deux des 58 comtés californiens. Dans le comté de Kern, 19 mesures ont été soumises au vote des citoyens en 2018 sur des questions très variées : taxes, écoles et lycées, marijuana… 4 devaient s’appliquer au niveau du comté, et les 15 autres à celui de différentes localités (19). Dans le comté de San Diego, 45 mesures ont été votées par les électeurs. 4 concernaient le comté et, notamment, des amendements à sa charte. Les 41 autres concernaient la ville de Dan Diego et portaient sur des sujets très divers (20).
 
Ceux qui demandent plus de décentralisation et de démocratie directe en France gagneraient à regarder de près les Etats-Unis et leur expérience éprouvée en la matière, sans perdre de vue notre voisine la Suisse, bien sûr.
 
Des élections à mi-mandat pour plus de démocratie
 
Quelques rappels d’abord : tous les quatre ans, au début novembre, ont lieu simultanément les élections au suffrage universel direct : - au niveau fédéral, du Président des EU, pour un mandat de 4 ans, renouvelable une fois ; - des 435 membres de la Chambre des représentants, pour des mandats de 2 ans, renouvelables. Chaque Etat dispose d’un nombre de représentants proportionnel à sa population et est découpé en autant de districts électoraux. La Californie en a 53, le Texas 36… et les sept Etats les moins peuplés, dont le Wyoming, 1 seul ; - du tiers des 100 sénateurs (2 dans chacun des 50 Etats autonomes de la Fédération) dont le mandat est de 6 ans ; au niveau des Etats, (dont chacun dispose d’un pouvoir exécutif et d’une assemblée législative), d’une partie des gouverneurs, chefs de l’exécutif, dont le mandat de 4 ans est renouvelable une fois dans la plupart des Etats ; - au niveau d’Etats, des comtés, des villes et des localités, de leur shérif, leur procureur général, leur juge, leur maire : - à ces différents niveaux, des votes par les citoyens de nombreuses mesures (cf. ci-dessus).
 
Deux ans après les élections présidentielles sont organisés les Midterms, élections à mi–mandat, permettant de renouveler les compositions des deux assemblées du Congrès, une partie des gouverneurs des états, ainsi que de nombreux élus et de personnels des états, des comtés et des localités. De nombreuses mesures font aussi l’objet de scrutins, d’initiative populaire ou non.
 
Avec les élections midterms, les citoyens peuvent exprimer « concrètement » au moins tous les deux ans leurs opinions et leurs préférences quant à la gouvernance, choisir les partis et les personnes les plus aptes à les représenter ou d’exercer des fonctions exécutives. Ceci dans un cadre d’élections au suffrage universel au niveau fédéral, à celui des 50 Etats et des Territoires des Etats-Unis, ainsi qu’à ceux des comtés, des villes et des localités diverses. Ils poussent donc le pouvoir fédéral ainsi que ceux des Etats à être plus attentifs à leurs performances, au respect de leurs promesses, à l’écoute des propositions, des critiques et des revendications exprimées. Ils incitent aussi à une gouvernance plus consensuelle.
 
Il est à noter que les midterms sont généralement défavorables au parti du président au pouvoir, tandis que le parti d’opposition, principal contrepouvoir, retrouve de la vigueur et, voire, gagne la majorité dans l’une ou les deux chambres du Congrès, une « cohabitation » s’imposant alors. Cela n’empêche pas, et cela favorise peut-être (?), le fait que les présidents soient le plus souvent réélus pour un second mandat. Ce qui n’est pas le cas chez nous.
 
 

 
Sources et références
 
(1) Ces 50 hauts fonctionnaires qui gagnent plus que le Président lui-même    contrepoints.org/2019/02/06/336537-ces-500-hauts…
 
(2) Des députés en guerre contre l’article 40 de la Constitution    lemonde.fr/politique/article/2018/05/12/des-deputes…
 
(3) Réduction du nombre de parlementaires : « Ça va être une boucherie »   francetvinfo.fr/politique/reduction…
 
(4) Existe-t-il différents types de référendum ?     vie-publique.fr/découverte-institutions…   le 14/01/2018
 
+ Le référendum sous la Ve République    conseil-constitutionnel.fr/evenements/le referendum…
 
(5) Grand débat national : villes, départements et régions rêvent de décentralisation    latribune.fr/economie/France/grand-debat… le 21/01/2019
 
(6) Recettes fiscales 2017   legifiscal.fr/actualites-fiscales/1868-recettes…    le 19 juillet 2018
 
(7) Quelles sont les dotations de l’Etat aux collectivités ?    vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-pub…    le 31/10/2017
 
(8) Grand débat national : les Français plébiscitent la décentralisation   lagazettedescommunes.com/603360/grand-debat…     le 24/01/2019
 
(9) Bundesrat (Allemagne)     fr.wikipedia.org/wiki/Bundesrat…

© 15.02.2019
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