Christine Alfarge. La leçon de 1940, année de ténèbres et de sursauts - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
Président Jacques Myard
Secrétaire générale Christine ALFARGE
Président-fondateur Jacques DAUER
Aller au contenu
La leçon de 1940, année de ténèbres et de sursauts
     

                  
par Christine Alfarge,    

« L’âme de la France ! Elle est avec ceux qui continuent le combat avec tous les moyens possibles, avec ceux qui ne renoncent pas, avec ceux qui, un jour, seront présents à la Victoire »
Charles De Gaulle.
Dès janvier 1940, Charles de Gaulle avait prévenu que « l’ennemi attaquera avec une puissante force blindée soutenue par l’aviation et l’armée française sera vaincue, à moins qu’elle ne rassemble immédiatement tous ses chars en plusieurs divisions blindées, autonomes, seules capables d’enrayer l’offensive allemande. » A travers ce message adressé aux personnes politiques et militaires les plus importantes, il trouvera malheureusement incompréhension et hostilité à son égard.
Malgré toute cette période où le défaitisme se propage au sein du gouvernement français, Charles de Gaulle reste ferme et résolu, à aucun moment il n’évoquera une défaite ou un armistice, mais au contraire, continuer la guerre par tous les moyens possibles partout. Comme l’écrivait Churchill : « Le succès n’est pas définitif, l’échec n’est pas fatal. Ce qui compte, c’est le courage de continuer. »
La bataille est-elle perdue ?
Le 14 mai, après avoir franchi les Ardennes et la Meuse, sept divisions Panzer enfoncent les positions françaises à Sedan et Dinant, fragilisant l’ensemble des divisions françaises, britanniques et belges se trouvant au nord. Sans tarder, le président du Conseil Paul Reynaud demande du renfort d’aviation auprès de Churchill en lui adressant ces quelques mots, « Nous sommes battus, nous avons perdu la bataille », ce qui décide aussitôt Churchill plus énergique que jamais de se rendre en France pour le rencontrer.
Le 15 mai, les nouvelles sont de plus en plus sombres, les Allemands approchent de Paris, tout semble perdu, Churchill lui-même ne veut pas y croire, la France ne peut être vaincue, cette armée française demeurant si invincible à ses yeux. Deux jours plus tard, Charles de Gaulle qui s’illustrera à Montcornet, ne sait pas encore que son courage a été remarqué par Churchill dont l’aide lui sera capitale pour lancer son célèbre appel du 18 juin 1940.
« Depuis juin 1940, c’est vers la libération que j’avais conduit la France et c’est la résistance qui en était le moyen… » écrira Charles de Gaulle dans ses Mémoires de guerre.
L’esprit de résistance, c’est la flamme qui est en nous, le courage de ne jamais céder, combattre. Fidèle à Jean Moulin et son action de résistance, Daniel Cordier dira « le seul choix qui vaille dans la vie, c’est celui de combattre pour la liberté ». Il n’y eut jamais plus bel exemple que 1940.
Juin 1940, le déclin.
Même une grande nation peut vaciller fût-elle la France, la débâcle de 1940 en est l’illustration. Les jours terribles qui précédèrent l’armistice du 22 juin, montrent un pays exangue sombrant au milieu d’un chaos inouï. Le 16 juin, le pays se revéla incapable de supporter le choc de la défaite. Le 10 juillet, à Vichy, la République se saborda, votant les pleins pouvoirs à Pétain. Pour l’essentiel, la classe politique, toutes tendances confondues, ne distinguait pas à cet instant, les véritables enjeux du conflit en cours.
Lorsqu’il n’y a plus de repères, où retrouver un sens, une direction ? Comment garder la foi comme ceux qui ont accompli des actes de bravoure, sûrs de prendre la bonne décision ?1940, le mystère des deux Frances taraude notre esprit depuis longtemps. L’une, représentant la majorité silencieuse sur les routes de l’exode, subissant aveuglement, n’étant plus disposée à défendre les valeurs républicaines, enfoncée dans l’inconscient collectif par manque de discernement et de volonté, laissant s’installer un chaos inouï dans tout le pays.
Alors que l’effondrement des institutions précipite le peuple exsangue dans un profond renoncement, tout semble perdu définitivement. Et pourtant, le sort de la France va en être décidé autrement parce qu’il n’y a pas de fatalité. C’est cette France-là que nous voulons honorer, celle de la résistance, la France combattante du Général de Gaulle sans laquelle nous aurions été humiliés dans la défaite et bien plus encore la soumission. A l’été 1940, la force de l’engagement dans la France libre est déterminante pour résister tant sur le plan extérieur que sur le plan intérieur. Les premiers résistants venaient de tous les horizons sans jamais se résigner à la défaite, combattre pour libérer la France, c’est dans cette conviction instinctive qu’ils gardaient l’espoir de vaincre.
Pourquoi avaient-ils choisi de se rallier à la France libre ?
« Pétain avait tué la France glorieuse » écrira Daniel Cordier. Avant tout, ces volontaires de la France libre ne voulaient pas subir l’occupation de leur pays, par un réflexe conditionné à un refus absolu de penser que la guerre était perdue, ils rejoindront l’Angleterre. Chacun garde le souvenir fort où pour la première fois il a vu surgir le Général de Gaulle. Aucun de ces jeunes n’avait entendu l’appel du 18 juin ni ne connaissait son nom. Quand le Général apparaît quelques instants le 6 juillet 1940, à l’Olympia de Londres, il lance ces mots « Je ne vous féliciterai pas d’être venus, vous avez fait votre devoir. Quand la France agonise, ses enfants se doivent de la sauver. Vous avez de la chance, jeunes Français, car vous voyagerez beaucoup. Ce sera long, ce sera dur, mais à la fin, nous vaincrons ». L’instant est crucial, la France libre est née de cette conviction et de cette volonté.
La résistance de la jeunesse française parmi les lycéens et les étudiants.
Le 11 novembre 1940, bravant l’interdiction des autorités occupantes, des lycéens et des étudiants étaient venus manifester au pied de l’Arc de Triomphe, à travers un hommage aux combattants de la Grande Guerre, leur foi dans le destin de la France. Entre le 10 mai 1940 et le 14 juin 1940, la France s’était effondrée dans un chaos invraisemblable. La débâcle, après les jours terribles précédant le 22 juin 1940, montrait un vide extraordinaire, les institutions avaient disparues et Paris était occupé, outragé par les drapeaux ennemis placés sur tous les monuments. Plus tard, les premiers résistants sortiront de l’ombre.
Que s’est-il passé ce jour- là ?
Ce 11 novembre 1940, aura lieu la première manifestation de résistance de lycéens et étudiants dont Pierre Lefranc fut l’un des organisateurs. Après l’appel du 18 juin 1940, ces jeunes gens furent les premiers à se dresser avec courage contre l’occupant au péril de leur vie. Visés par les paroles de Pétain, ils se demandent ce qu’ils doivent faire, selon Pierre Lefranc : « Nous étions peu nombreux, par peur des manifestations, le recteur de l’académie de Paris avait fermé les facultés ce jour- là. Alors comment manifester, où aller pour rappeler la victoire ? . Les jours précédant le 11 novembre 1940, les premiers tracts seront diffusés rue Saint-Jacques à la faculté de Droit, dans de nombreux lycées parisiens comme Janson-de-Sailly, Condorcet et Henri-IV, appelant à manifester le jour de l’armistice. Cela va se répandre rapidement à de nombreux cours par petits groupes débarquant du métro. Les Allemands buvaient des bières aux terrasses des Champs-Élysées. L’atmosphère était étudiante, jusqu’à ce que cela se complique avec une patrouille allemande qui procédait à des tirs en l’air et nous lançait des grenailles dont une me fut fatale. Je fus blessé et embarqué dans un camion avec d’autres manifestants jusqu’à l’hôtel Continental, où sous le coup d’intimidations, nous étions contraints d’écouter un discours en français sur la collaboration. Puis nous sommes conduits en direction de l’hôtel Majestic, lorsque nous essayons de sauter du camion en vain car je me suis retrouvé très vite en cellule de prisonnier de droit commun à la prison de la Santé. Le lendemain, malgré les propos angoissant d’un gardien sur le sort qui m’était réservé, je me tiens digne en pensant qu’il était moins difficile d’être en groupe que seul. Au bout d’un mois, je fus transféré à la prison de Fresnes, où je me demandais ce que j’allais devenir et chose inattendue, je bénéficiais peu de temps après d’une levée d’écrou qui me ramena chez mes parents avec une très sévère remontrance de mes professeurs qui me reprochaient d’avoir manqué des conférences ce qui n’allait pas jusqu’au renvoi, mais me valut des mauvaises notes. »
L’état d’esprit des Français en 1940.
Malheureusement, à cette période Pétain avait une grande aura, l’opinion était pour lui. Il n’y avait aucun signe en faveur du gaullisme. Cependant, ce 11 novembre 1940 allait être le déclic de la révolte, l’opinion ne commençait-elle pas à changer ? La veille, on pouvait lire dans les journaux qui n’étaient naturellement pas en faveur de la résistance du pays, un communiqué de la préfecture de Police indiquant : « Les administrations publiques et les entreprises privées travailleront normalement le 11 novembre à Paris et dans le département de la Seine. Les cérémonies commémoratives n’auront pas lieu. Aucune démonstration publique ne sera tolérée ».
Cela donnait sans aucun doute encore plus de relief à la manifestation qui allait suivre en fin d’après-midi de cette journée mémorable. Dans un élan patriotique, environ deux mille cinq cents jeunes participeront à ce premier acte de résistance collectif et significatif face à l’occupant, à leur côté des anciens combattants et toute une foule diverse se massant vers les Champs-Élysées lanceront des appels destinés au général De Gaulle. Une centaine d’arrestations auront lieu dont quatre-vingt-dix lycéens. L’histoire et la réalité n’ont-elles jamais été aussi manichéennes que pendant cette année de ténèbres et de sursauts ? Les causes de cette débâcle s’inscrivaient avant tout dans les choix archaïques des principaux chefs de l’armée qui parlaient notamment de « simple événement de guerre », voulaient ignorer le rôle des divisions blindées ou de l’aviation de bombardement, la vitesse de déplacement des troupes a également fait la différence, d’autres derrière Pétain et Weygand préparaient déjà l’armistice. Les fondements même de la nation, ses valeurs morales, basculaient dans une profonde incertitude. L’aveuglement de la classe politique dans son ensemble qui ne percevait pas les véritables enjeux de cette période, dans une IIIe République touchant à sa fin, voulait un changement profond du système politique. Dans la classe parlementaire, très rares furent ceux qui avaient compris que le vote des pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940 à Vichy, allait mettre fin aux principales libertés.
En face, il y avait Londres, Churchill et De Gaulle, les opérations clandestines commençaient à s’organiser ainsi que les tout premiers réseaux. Les premiers ralliements et la bravoure de la jeunesse française remontaient le moral du pays, Pierre Lefranc nous livre à ce sujet : « Lorsque Maurice Schumann raconta au Général de Gaulle ce qui c’était passé le 11 novembre 1940 à Paris, ce dernier fut très ému car il y avait une réponse publique qui lui avait réchauffé le cœur. » Par la suite, le Général créera l’école des cadets de la France libre. Pierre Lefranc fut notamment l’un des fondateurs de l’Amicale des Cadets de la France Libre qu’il présida de 1950 à 2011. En 1970 le général De Gaulle lui confie la création de l’Institut Charles De Gaulle. En 1990, Pierre Lefranc met en place la Fondation Charles De Gaulle ».
Il est précieux le temps de la mémoire collective qui continue de hanter l’histoire française, celle de tous nos territoires. Ceux qui avaient déjà quinze ans ou plus en 1940, ont presque tous disparu. En héritage, il nous reste les témoignages écrits de cette époque manichéenne à la fois si lointaine et si proche de nous.
De cette tragédie de 1940, de ce drame humain vécu comme une humiliation, il restera une grande leçon pour l’éternité de ce que tour à tour les hommes ont prouvé, pour certains par leur lâcheté, pour les autres par leur courage, leur lucidité et leur résistance.

               *Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
               

© 01.11.2023

Retourner au contenu