Résister ou périr, la grande leçon de l’histoire
par Christine Alfarge,
« Il existe une éloquence des actes qui n’est point celle de la parole, bien qu’elle la suscite souvent, l’appel du 18 juin lui appartient. » écrivait André Malraux, l’ami fidèle du général De Gaulle.
Quelle aurait été la France sans De Gaulle?
Dans les circonstances exceptionnelles de juin 1940 où l’état ne jouait plus son rôle, laissant le pays sombrer dans un chaos inouï, le courage et la volonté du général De Gaulle de surmonter les difficultés ont changé le cours des choses.
« Il a rendu à la France une force liée à lui, et d’abord à notre faiblesse » [...] « Il y a dans son prestige, maints éléments rationnels, il a été le libérateur, le solitaire vainqueur, l’intraitable, la résurrection de l’énergie nationale et par conséquent l’espoir, même en 1958…il portait la France en lui. » écrivait André Malraux.
L’esprit de résistance, c’est la flamme qui est en nous, le courage de ne jamais céder, de combattre. Fidèle à Jean Moulin et son action de résistance, Daniel Cordier dira « le seul choix qui vaille dans la vie, c’est celui de combattre pour la liberté ». Il n’y eut jamais plus bel exemple que 1940. Que vaut la vie sans une mystique qui l’élève ? C’est ce qu’écrira Yves Guéna en 1941, dans une lettre à son ami Daniel Cordier. Winston Churchill, quant à lui, artisan infatigable auprès du Général de Gaulle pour permettre à la France de reconquérir sa liberté, écrira « …La résistance qui est au cœur de la mystique gaulliste… ».
La France libre ou l’instinct de vaincre.
Lorsqu’il n’y a plus de repères, où retrouver un sens, une direction ? Comment garder la foi comme Daniel Cordier et tous ceux qui ont accompli des actes de bravoure, sûrs de prendre la bonne décision ?1940, le mystère des deux Frances taraude notre esprit depuis longtemps. L’une représentant la majorité silencieuse sur les routes de l’exode, subissant aveuglement, n’étant plus disposée à défendre les valeurs républicaines, plongée dans l’inconscient collectif sans doute par manque de discernement et de volonté laissant s’installer un chaos inouï dans tout le pays. Alors que l’effondrement des institutions précipite le peuple exsangue dans un profond renoncement, tout semble perdu définitivement. Et pourtant, le sort de la France va en être décidé autrement parce qu’il n’y a pas de fatalité.
C’est cette France-là que nous voulons honorer, celle de la résistance, la France combattante du Général de Gaulle sans laquelle nous aurions été humiliés dans la défaite et bien plus encore la soumission. A l’été 1940, la force de l’engagement dans la France libre est déterminante pour résister tant sur le plan extérieur que sur le plan intérieur. Les premiers résistants venaient de tous les horizons sans jamais se résigner à la défaite, combattre pour libérer la France, c’est dans cette conviction instinctive qu’ils gardaient l’espoir de vaincre.
« En juillet 40, la France Libre, c’est le général De Gaulle avec une poignée de patriotes, résolus et désintéressés. Ils cherchent à sauver l’honneur et ils trouveront le chemin de la victoire. » […] « Presque tous les volontaires de la France Libre sont jeunes, donc sans grade ou de grade subalterne […] Les Français libres appartiennent à toutes les classes sociales, surtout les plus populaires, ce qui d’entrer de jeu, marquera le gaullisme. » écrivait Pierre Messmer.
Pourquoi avaient-ils choisi de se rallier à la France libre ?
« Pétain avait tué la France glorieuse » écrira Daniel Cordier. Avant tout, ces volontaires de la France libre ne voulaient pas subir l’occupation de leur pays, par un réflexe conditionné à un refus absolu de penser que la guerre était perdue, ils rejoindront l’Angleterre. Chacun garde le souvenir fort où pour la première fois il a vu surgir le Général de Gaulle. Aucun de ces jeunes n’avait entendu l’appel du 18 juin ni ne connaissait son nom. Quand le Général apparaît quelques instants le 6 juillet 1940, à l’Olympia de Londres, il lance ces mots « Je ne vous féliciterai pas d’être venus, vous avez fait votre devoir. Quand la France agonise, ses enfants se doivent de la sauver. Vous avez de la chance, jeunes Français, car vous voyagerez beaucoup. Ce sera long, ce sera dur, mais à la fin, nous vaincrons ». L’instant est crucial, la France libre est née de cette conviction et de cette volonté.
Le général De Gaulle incarnera la pierre angulaire d’un engagement à toute épreuve pour son pays à travers son célèbre appel à la radio de Londres. Extrait de l’appel du 18 juin 40 : « Moi, général de GAULLE, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. Demain comme aujourd’hui, je parlerai à la Radio de Londres ».
Cet appel à continuer le combat en constituant une force militaire sous le drapeau français aura l’adhésion de civils ou de militaires qui s’engageront dans les Forces françaises libres et porteront avec une fidélité sans faille les armes de la France libre jusqu’à la capitulation allemande. Les évènements de l’histoire montreront combien leurs combats furent héroïques sur tous les champs de bataille.
Au nom de la France libre, en 1941, le général De Gaulle propose à Staline l’envoi d’une formation combattante, le groupe d’aviation de chasse GC-3 Normandie. Arrivés fin 1942 en Russie, les 43 premiers volontaires français combattent aux côtés du 18ème régiment de chasse de la garde russe. Jusqu’à la fin de la guerre, le GC-3 Normandie devenu le « Normandie-Niemen », participe à trois campagnes majeures contre les armées allemandes. « Normandie-Niemen », une des pages héroïques des Forces Françaises Libres, permet au général De Gaulle de renforcer sa crédibilité en des temps où il en a un besoin urgent.
Entre le 26 mai et le 11 juin 1942, la bataille de Bir Hakeim incarnera le courage de la première Division française libre face aux troupes allemandes de l’Africa Korps et la division blindée italienne Ariete.
Le général Saint-Hillier écrira dans ses carnets tenus précieusement, la détermination et l’héroïsme de ses compagnons disparus. Grâce à la bravoure des Français Libres, cet épisode capital de Bir Hakeim permettra aux Britanniques en difficulté de se replier et finalement triompher dans une oasis égyptienne à El Alamein. Churchill en liesse après la deuxième bataille triomphale de El Alamein, lancera à Londres :
« Ce n’est pas la fin, ni même le commencement de la fin, mais c’est la fin du commencement ».
Le soutien britannique sera déterminant.
Le 12 février 1943, Jean Moulin qui avait pris la tête au nom du général De Gaulle de l’ensemble des organisations de résistance, revint en Angleterre, en même temps que le général Delestraint, chef de l’Armée secrète. Ils auront tous les deux de nombreux contacts avec les responsables du Comité national français et les chefs militaires britanniques ainsi que le 21 février avec le chef de l’état-major impérial britannique, le général Alan Brooke.
Le même jour, le général De Gaulle remettra la décoration de l’ordre de la Libération à Jean Moulin en le nommant commissaire en mission (membre du Comité national), en lui confiant ce qui sera sa dernière mission avec pour contenu des instructions essentielles dans la mesure où elles réunissaient l’insurrection interne (réunifiée le 11 novembre 1942) et l’organisation extérieure de juin 1940 sur un sol étranger. En voici quelques lignes :
« Jean Moulin devient le seul représentant permanent du général de Gaulle et du Comité national pour l’ensemble du territoire métropolitain. Il doit être créé, dans les plus courts délais possibles, un Conseil de la Résistance unique pour l’ensemble du territoire métropolitain et présidé par Jean Moulin. Ce conseil de la Résistance assurera la représentation des groupements de résistance, des formations politiques résistantes et des syndicats ouvriers résistants. Le rassemblement doit s’effectuer sur la base des principes suivants :
- Contre les Allemands, leurs alliés et leurs complices, par tous les moyens et particulièrement les armes à la main,
- Contre toutes les dictatures et notamment celle de Vichy, quel que soit le visage dont elle se pare,
- Avec De Gaulle, dans le combat qu’il mène pour libérer le territoire et redonner la parole aux Français.
[…] Le Conseil de la Résistance forme l’embryon d’une représentation nationale réduite, conseil politique du général De Gaulle à son arrivée en France… »
Ce texte est capital, parce qu’il proclame l’hégémonie de l’homme de Londres et bientôt d’Alger en ces premiers mois de 1943, année charnière d’où émergera la France de la Libération.
Notre reconnaissance aux Britanniques est immense, née de l’entente entre Churchill et le général De Gaulle, la France libre changera le cours de l’histoire. L’objectif premier du général De Gaulle était que pas un jour ne s’écoule sans que des Français soient présents au combat. Ils seront au mieux 7000 volontaires en août 1940, mais il fera tout pour que leur statut en fasse les représentants d’une France toujours en guerre. Son deuxième objectif, est qu’il y ait des terres françaises où s’exerce une autorité régalienne française libre .
C’est le cas dès l’été 1940, grâce au ralliement de l’Afrique équatoriale, du Cameroun, de l’Inde française et des possessions françaises du Pacifique.
Avec ses officiers, Félix Éboué capte sur la radio anglaise le message d’un général inconnu, De gaulle. Il se renseigne et apprend par son homologue de la colonie britannique du Nigeria que le général De Gaulle s’est exilé à Londres d’où il avait appelé les Français à continuer les combats aux côtés de l’Angleterre.
Le 3 juillet, Félix Éboué répond favorablement à l’appel du général De Gaulle et lui écrit une longue lettre pour l’informer de son ralliement personnel. Le troisième objectif du général, faire reconnaître cette France libre comme une entité politique française, ce qui lui prendra des années.
Dans son discours du 18 juin 1942, deux ans après son célèbre appel, le Général de Gaulle s’exprimera :"Mais, puisque la France a fait entendre sa volonté de triompher, il n'y aura jamais pour nous ni doute, ni lassitude, ni renoncement. Unis pour combattre, nous irons jusqu'au bout de notre devoir envers elle, nous irons jusqu'au bout de la libération nationale. Alors, notre tâche finie, notre rôle effacé, après tous ceux qui l'ont servie depuis l'aurore de son Histoire, avant tous ceux qui la serviront dans son éternel avenir, nous dirons à la France, simplement, comme Péguy : « Mère, voyez vos fils, qui se sont tant battus ».
Au cœur de l’abîme, des hommes et des femmes ont choisi de ne pas baisser les bras, de se battre courageusement, à partir de là, la résistance de l’ombre naîtra avec Jean Moulin certain que le combat n’est jamais vain pour ceux qui servent leur pays dans la solidarité et la fraternité ! Jean Moulin aidera le général De Gaulle à unifier la résistance sur le territoire national au moment le plus difficile pour l’homme du 18 juin 1940 et créera le 27 mai 1943, le Conseil national de la résistance auquel le général De Gaulle rendra hommage dans ses Mémoires : « Un trait essentiel de la résistance française est la volonté de rénovation sociale. » écrivait-il.
Aujourd’hui comme hier, l’engagement n’a de sens que par l’action, il montre la valeur des hommes et des femmes de courage dont l’histoire continue d’honorer la mémoire et l’héroïsme pour la liberté !
Aujourd’hui comme hier, nous sommes unis pour protéger la nation ! Même si nous sommes frappés par l’histoire qui ne se répète pas obligatoirement sous la même forme, c’est un combat perpétuel dans lequel la nation française est une et indivisible ! Dernier héros de notre histoire, le général De Gaulle est à jamais dans le cœur des Français parce qu’il a combattu et sauvé le pays pour la liberté !
*Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
© 01.06.2024