Européennes
de juin 2024 : pour quoi ?
par Paul KLOBOUKOFF,
A
trois semaines des élections, les
sondages convergent pour en donner d’avance les résultats en France et au
niveau de l’ensemble de l’Union européenne (UE). Bien qu’entre les Etats
membres des orientations communes se dégagent, il apparait aussi que les enjeux
nationaux priment dans les choix des électeurs, et qu’en France nombre de
ceux-ci désirent sanctionner le président Macron.
Afin de permettre aux intéressés de mieux appréhender
le contexte et les enjeux de leur vote (ou abstention), j’ai apporté ici
quelques infos sur les pronostics issus des sondages, d’une part, et rappelé les rôles du Parlement européen (PE)
ainsi que des autres institutions qui participent aux prises de décision de
l’Union… que nos concitoyens connaissent souvent assez mal, d’autre part.
Simulation
des résultats des européennes en France
Dans le tableau ci-dessous, figurent les places de
chacun des Groupes au Parlement européen avant les élections, d’un côté, et, de
l’autre, les résultats des élections de juin 2024 en France, s’ils sont
conformes aux intentions de vote recueillies lors du sondage Ifop pour le
Figaro du 13 mai.
Les sondages sur les intentions de vote aux élections
de juin 2024 se rejoignent. Celui de l’Ifop du 13 mai laisse présager :
. Un recul important des partis Renaissance et Europe
Ecologie les Verts (EELV) ;
. Un repli des Républicains, dont la représentation au
Parlement européen est déjà modeste ;
. Un retour en grâce des Socialistes conduits par
Raphaël Glucksman ;
. Une montée en flèche de Reconquête menée par Marion
Maréchal ;
. Un leadership du RN, dont le président, Jordan
Bardella, « caracole en tête des sondages ».
De tels résultats d’un scrutin que des observateurs
considèrent comme des « élections à mi-mandat » constitueront
(probablement) une correction infligée au président Macron et à son parti.
Une redistribution des cartes prévue à
l’échelle de l’UE
Au mois de mars, un sondage a été réalisé par l’Ipsos
auprès d’environ 26 000 électeurs de 18 Etats membres de l’UE sur les
intentions de vote aux élections de juin 2024. « Les projections pour les
9 autres pays, plus petits, ont été réalisées à partir des différents sondages
déjà publiés ». Non sans inquiétude, touteleurope.eu en a résumé les
résultats dans un article intitulé « Elections européennes 2024 :
selon un sondage à l’échelle de l’UE, les
partis Europhiles résistent à la progression de la droite radicale » (1).
Les prévisions issues de ce sondage géant sont
reproduites dans le tableau ci-dessous.
Tableau
2 : Prévisions des résultats des élections à l’échelle européenne
En souffrance, chacun des deux
groupes Renew Europe et Ecologistes perd17 sièges.
Parmi les groupes autrefois majoritaires, le nombre de
sièges du PPE, de droite, est quasiment stable, tandis que celui des
Socialistes et Démocrates perd 4 sièges.
Au contraire, ensemble, les groupes les plus à droite,
ID et CRE obtiennent 30 sièges de plus. A gauche de la gauche, GUE-NGL gagne 5
sièges.
touteleurope.eu observe ainsi : « Au Parlement européen, la droite radicale
progresse, les libéraux et les écologistes dégringolent ».
L’Ipsos note aussi que le rapport de force au PE
ne devrait pas fondamentalement changer. En effet, une « Super-grande coalition »
comprenant les groupes europhiles (Les Verts/ALE, S&D, Renew Europe et le
PPE rassemblerait 63% des élus (453 sur 720). Même sans les Ecologistes, la
coalition resterait majoritaire, avec 55% des sièges (398 élus). Pas de raison
de se lamenter, donc ! Cependant, « la progression des partis de
droite radicale (CRE) et nationalistes (ID) peut entraîner une multiplication
de majorités de blocage à droite sur certains textes, comme on le voit en cette
fin de mandature sur les dossiers climatiques et environnementaux ».
Après les élections, un président pour
le PE et une nouvelle Commission
Les députés devront élire le président du PE, à
la majorité absolue. En remplacement de
la Maltaise Roberta Matsola, présidente depuis le 18 janvier 2022, il
apparait probable qu’un candidat du groupe PPR, en tête dans les sondages, sera
retenu.
Viendra ensuite la nomination du président de la Commission
de Bruxelles (2). Les gouvernements
des Etats de l’Union présenteront un candidat, en principe consensuel, en
tenant compte des résultats des élections. Une coalition parlementaire sera
nécessaire pour constituer la majorité qualifiée qui devra approuver le choix
des gouvernements. L’Allemande Ursula von der Leyen (UVDL), actuelle
présidente, souhaite que son mandat soit renouvelé. Même si Les Républicains ne
la soutiennent pas, elle sera probablement choisie.
A la fin de l’été, le Conseil européen, qui comprend
les 27 chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats de l’UE, nommera les membres
de la future Commission.
Il appartiendra alors à la nouvelle présidente de la
Commission de répartir entre eux les fauteuils des Commissaires (2).
Le processus
décisionnel complexe de l’Union européenne
Quatre institutions
interviennent généralement dans le processus de décision de l’UE : le
Conseil européen, la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil
de l’Union européenne (3).
Au sommet, le Conseil européen, rassemblant les
27 chefs d’Etat et de gouvernement, est le centre d’impulsion des grandes
orientations de l’UE, arrêtées à l’unanimité de ses membres. Son président est
nommé pour deux ans et demi. Actuellement, c’est Charles Michel.
La Commission
de Bruxelles est composée de 27 membres, un par Etat. Elle détient le pouvoir
exécutif de l’Union. Elle a également le « monopole d’initiative » en
matière législative. Elle propose chaque année le budget de l’UE.
« Gardienne des traités », elle sanctionne les Etats qui ne les
respectent pas.
Le rôle principal du Parlement européen est
d’amender et d’approuver les textes proposés par la Commission ainsi que le
budget de l’UE. Le PE dispose aussi d’un « droit d’initiative
législative » qui lui permet de demander à la Commission de soumettre une
proposition.
Le Conseil de l’Union européenne (ou Conseil des
ministres de l’UE), composé des ministres des 27, « se prononce à son tour
sur les textes de loi et le budget européen ». Sa présidence est
renouvelée tous les six mois.
Une baisse de la participation anticipée
La participation aux élections est un indicateur regardé
avec attention. Après un rebond en 2019, un recul est attendu en juin 2024,
reflétant une perte d’intérêt des populations pour l’Union européenne et ses
institutions. Il y a 5 ans, en France, la participation était remontée à
50,12%. Il apparait probable qu’elle descende assez nettement sous les 50%.
Critiques et méfiance envers l’UE et prédominance excessive de la Commission
expliquent en partie la hausse prévue de l’abstention. Le rôle du PE et les
rouages conduisant aux prises de décisions « par l’UE » sont
complexes et mal connus de la plupart des Français (et sans doute aussi des
autres Européens). Cela ne les encourage pas à aller voter.
Le fait que les résultats des élections de juin
paraissent « assurés » d’avance n’est également pas un argument
favorable à une forte participation. Mais, à plusieurs semaines des élections,
les sondages ont-ils forcément raison ?
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Un vent vigoureux souffle sur l’UE, orienté vers moins
de fédéralisme, d’intégriste, et plus d’Europe des nations. La reconduction
d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission indiquerait que les
dirigeants des Etats membres n’ont pas perçu cette aspiration, ou ne veulent
pas en tenir compte. Il semble que Les Républicains, qui ne soutiennent pas la
candidature d’UVDL, l’ont bien compris.
*Paul KLOBOUKOFF Académie du Gaullisme Le 19 mai 2024
Sources et références :
(1) Elections européennes 2024 : selon un sondage
à l’échelle de l’UE, les partis europhiles résistent à la progression de la
droite radicale touteleurope.eu/vie-politique-des-etats-membres/elections-européennes-selon-un-sondage… le 20/03/2024
(2) Elections européennes 2024 : le petit guide
pour tout comprendre lemonde.fr/les
décodeurs/article/2024-05-13/elections-europeennes…
(3) Le processus de décision de l’Union
européenne touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/le-processus… le 19/06/2020
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