Réforme des retraites 2023, quel gâchis !
par Paul KLOBOUKOFF,
A la source du brûlant conflit et des désordres actuels se trouvent deux causes majeures : - la personnalité d’Emmanuel Macron, sa soif de pouvoir, son égo surdimensionné et son mépris tranchant des autres ainsi que de leurs opinions ; - « l’impunité électorale », ou « immunité » dont notre président jouit en raison de l’adoption lors du passage au quinquennat d’un calendrier fixant les dates des élections législatives au lendemain des présidentielles… sans retour programmé devant les électeurs avant 5 ans.
Bien que favorables au quinquennat au tournant des années 2000, les principaux responsables des partis de droite et de gauche y ont vu une avancée vers la présidentialisation du régime avec un président « chef de parti » devant s’appuyer sur ses sympathisants, et non plus le « président de tous les Français ». Avec l’absence d’élections législatives pendant 5 ans, la démocratie y perdrait également. Ils avaient vu juste.
Dès 2007, devenu président, Nicolas Sarkozy avait abusé de son impunité électorale en ne respectant pas la volonté de la majorité des Français exprimée au référendum du 29 mai 2005. Ce jour-là, avec une forte participation (69,33%), une large majorité des Français, 54,68%, avait répondu NON à la question « Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe ». Le 1er juin, le peuple des Pays-Bas avait rejeté ce traité constitutionnel.
Deux ans plus tard, un nouveau traité concocté par l’UE, reprenant la majorité du traité rejeté en 2005, était signé par les 27 pays membres, et par le président Sarkozy le 13 décembre 2007. Il avait été décidé en haut lieu qu’en France la ratification du traité se ferait par voie parlementaire… moyennant une « adaptation » de la Constitution française approuvée par le Parlement le 4 février 2008. Une loi votée par l’AN et le Sénat les 7 et 9 février a autorisé la ratification du traité de Lisbonne. Celui-ci est entré en vigueur le 1er décembre 2009 et régit toujours l’UE.
Cette manœuvre a été très mal vécue par la majorité des Français. « Ratifier Lisbonne, une forfaiture ! » a résumé un journaliste. « Ce que le peuple français a refusé, c’est au peuple français de le concéder, pas à une poignée de parlementaires aux ordres ».
Cette scabreuse affaire a porté un coup fatal à la confiance des électeurs en leurs élus et dans la représentativité de ces derniers. Pas seulement sur les questions européennes.
Cet épisode a aussi cristallisé une opposition entre les tenants d’une UE fédéraliste, en même temps que du mondialisme et d’un universalisme sans frontières, dont Macron est la figure de proue dans notre pays, face aux défenseurs d’une France conservant sa souveraineté, son identité nationale.
Des solutions envisageables à l’imbroglio institutionnel actuel
Une possibilité consisterait à revenir au septennat. Mais à un septennat unique.
Si l’on tient à conserver le quinquennat, il conviendrait de prévoir des élections législatives à mi-mandat. Ce seraient nos élections « mid-term », à l’mage de celles des Etats-Unis d’Amérique, mais limitées à l’Assemblée nationale. La perspective de ces élections devrait assagir les gouvernants, les rendre plus attentifs aux préoccupations et aux opinions des citoyens électeurs.
Aujourd’hui, suivant la voie tracée en 2007, le président peut s’entêter autant qu’il le veut pendant son mandat pour tenter d’imposer n’importe quelle décision, même si celle-ci rencontre d’aussi fortes critiques et oppositions que son actuelle « réforme des retraites ».
Il a pu s’appuyer sur une majorité absolue à l’Assemblée nationale (AN) pendant son 1er quinquennat. Pour le second, aux législatives de 2022 les Français ne lui ont donné qu’une minorité à l’AN… présentée à tort comme une « majorité relative ». Et Macron se comporte comme s’il disposait d’une majorité absolue.
Jusque-là, l’habitude semblait prise de se résigner, de se plier aux décisions tombées d’en haut, même très controversées, surtout si elles étaient avalisées par l’AN. Avec la réforme des retraites 2023, un changement déterminant a lieu, la fin de la résignation. Elle a cédé le pas à la volonté apparemment tenace de faire reculer Macron. Et, une détestation s’exprime ouvertement envers sa personne. A quelques jours de la fin du mois de mars, compte tenu du refus de Macron de « négocier », il est difficile de prédire qui lâchera prise et dans quelles conditions. Surtout après l’interview ravageuse du 22 mars.
Ce mercredi 22 mars à partir de 13 heures, j’ai eu la faiblesse (inhabituelle de ma part) de regarder à la télé l’interview du président Macron, très attendue par les médias, comme celle d’un messie. J’ai eu tort. En effet, le bavard a tenu le même genre de discours vantard que d’habitude, se souciant aussi peu de répondre aux questions posées que du mécontentement, des colères et des oppositions, amplifiées par l’usage du 49.3, que sa réforme a soulevées et fait prospérer.
Il a insisté sur le nombre élevé de batailles gagnées, n’hésitant pas à y inclure un début de ré industrialisation… que les chiffres démentent sans pitié. Il s’est encore glorifié, notamment, d’avoir fait baisser le taux de chômage de 9% à 7%. Faux ! Dans mon article « Stop à la désinformation au service de la Macronie » publié dans La lettre du 18 juin de mars, j’avais démontré que « La baisse du chômage, commencée en 2015, ne doit rien à Emmanuel Macron ». Tant que les oppositions n’ouvriront pas les yeux sur cette réalité, il pourra continuer de se vanter à tort et de prendre les Français pour des pigeons.
A propos du discours de Macron, Laurent Berger, Secrétaire général de la CFDT, syndicat réputé « réformiste », a aussitôt parlé de « déni et mensonges ». Pour son collègue Philippe Martinez, patron de la CGT, « c’est du foutage de gueule ». Il ne faut donc pas s’attendre à une accalmie de la part de « l’intersyndicale ».
Jean-Luc Mélenchon, lui, a considéré que le président a « parlé pour ne rien dire ». Comme cela lui arrive trop souvent. D’ailleurs, il semble que de nombreux citoyens n’attendaient rien de sa part.
« Mépris et déconnection de la réalité », sont aussi des constats qui ont fleuri sur les réseaux sociaux.
Le président a ainsi encore trouvé l’occasion de « verser de l’huile sur les braises ». « Pas de l’huile. De l’essence ! », Ont estimé des observateurs.
Comment éteindre l’incendie qui se propage en France dans un climat délétère ? Sans doute pas par une diversion en invitant les syndicats à venir parler d’autres sujets que la réforme des retraites.
*Paul KLOBOUKOFF Académie du Gaullisme le 28 mars 2023
© 01.04.2023