Les hommes font-ils l’histoire ou sont-ils emportés par elle ?
(Pierre Messmer, Compagnon de la Libération)
par Christine Alfarge
« La dignité d’un homme ne tient pas aux grades qu’il a atteints, aux distinctions qu’il a reçues, aux fonctions qu’il a remplies, à son intelligence ou sa richesse, mais à l’usage qu’il fait de sa liberté » écrivait Pierre Messmer dont l’engagement fut total auprès du général De Gaulle.
Un homme d’honneur.
Pour Pierre Messmer, honneur et liberté se confondent, 1940 sera l’occasion de montrer sa détermination à ne pas se soumettre à l’ennemi pour ne pas vivre en vaincu. Un certain nombre, comme lui, avait fait le choix de l’abnégation, mettant de côté leurs intérêts personnels. La mort rodait à chaque instant, tous le savaient, Pierre Messmer écrira dans ses Mémoires : « Alors qu’approche la mort qui m’a fait signe plusieurs fois de très près, il m’arrive de me demander, si moi, Pierre Messmer, j’ai choisi mon destin ou si j’ai été le jouet plus ou moins conscient d’événements dont je pensais être l’acteur. » Pour lui, le choix de la liberté, c’était de se battre, lorsque la France accepta l’armistice, il rejoignit l’Angleterre contre l’Allemagne et l’Italie. Comme Charles De Gaulle, cette décision va orienter le reste de sa vie sur de nombreux terrains de résistance, « je préfère risquer la mort que perdre la liberté. » écrira-t-il.
De Gaulle et Messmer, même combat pour la liberté.
Le 26 mai 1941, quand liberté rime avec fidélité, le général De Gaulle remet la Croix de la Libération à Pierre Messmer pour la campagne d’Erythrée : « Nous vous reconnaissons comme notre Compagnon. Pour la libération de la France. Dans l’honneur et par la victoire. » Entre Charles De Gaulle et Pierre Messmer, existait un lien de confiance qui ne s’est jamais rompu notamment au cœur de la politique d’indépendance du général en Afrique occidentale française.
En décembre 1944, la libération de la France presque terminée, Pierre Messmer choisit de ne pas réintégrer l’administration coloniale, il avait pris conscience de l’échec annoncé au Vietnam, se heurtant aux idées et aux intérêts de militaires, d’entrepreneurs, de fonctionnaires qui ne voulaient pas voir la réalité en face, rien ni personne ne pouvait les détourner de leurs avantages, inutile de les convaincre, ils avaient choisi un autre chemin. « J’étais assez fort pour ne pas être prisonnier de l’histoire mais pas assez pour la changer. » écrira Pierre Messmer dans ses Mémoires.
« Liberté, j’écris ton nom. » (Paul Eluard)
Le rôle de ceux qui avaient gravé le mot liberté dans leur mémoire conduisant le pays à la victoire, fut primordial. Le général De Gaulle avait-il choisi son destin ? Était-il l’homme providentiel ? Le sentiment qui l’animait plus fort que tout, être libre, dans un pays libre. Le combat du général De Gaulle, c’était pour la liberté. Le désastre de 1940 qui mènera la France dans l’impasse, sera l’épreuve cruciale qui va dicter le reste de sa vie. Mais au-delà du choix de la liberté pour défendre son pays, il a marqué son temps parce qu’il était aussi un homme de progrès. Si l’homme du 18 juin est toujours associé à ses combats militaires pour sauver la France, il n’en demeure pas moins qu’il dirigea le pays avec une hauteur de vues, un sens de l’innovation politique et sociale s’imposant plus que jamais comme un modèle.
« Beaucoup plus que les politiques, ceux qui ont fait l’histoire de notre siècle ont été les grands inventeurs et les grands écrivains que De Gaulle plaçait en tête de sa hiérarchie personnelle devant les hommes d’Etat et les chefs de guerre. Comment en douter dans le siècle qui a vu naître l’aviation et l’exploration de l’espace, l’énergie militaire puis civile, le génie génétique, la télévision ou la machine à laver, où tant de maladies ont été vaincues que l’explosion démographique menace le vieil équilibre du monde ? » écrivait Pierre Messmer.
Les hommes oublient l’histoire et ceux qui la font au nom de la liberté.
« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. » écrivait Winston Churchill. Charles De Gaulle, le sauveur, le chef de la France libre était condamné définitivement à l’oubli par des partis empêtrés dans une crise politique et sociale ne trouvant aucune issue au conflit algérien mais une fois encore les circonstances de 1958 vont le désigner comme le seul capable de redresser et sortir le pays d’un conflit inextricable et d’un grave mécontentement des Français voyant leur niveau de vie affaibli. Le déséquilibre économique et financier s’aggravait constamment et les conflits sociaux n’en finissaient pas à travers de nombreuses grèves.
Le retour du général De Gaulle se murmure.
Les avis sont partagés sur son possible retour aux affaires, la presse commence à s’intéresser de plus en plus à lui, cependant le général De Gaulle reste silencieux. Le « plus illustre des Français » sera appelé par le président de la République René Coty et le 1er juin 58, le général De Gaulle devient le seizième et dernier président du Conseil des ministres de la IVème République. Son gouvernement dure six mois, le 21 décembre 1958, Charles De Gaulle est élu président de la République par un collège de grands électeurs.
« Cette décennie pendant laquelle le général De Gaulle a gouverné la France en appliquant la jeune Constitution de la cinquième République a été traversée d’événements intérieurs et extérieurs considérables. » « Les Français sont sortis de vingt ans d’échecs et d’humiliations, de peines et de déceptions. Ils sont fiers de leur pays. » écrira Pierre Messmer qui sera nommé par la volonté du général De Gaulle, Ministre des Armées de février 1960 à mai 1969, un vrai record dans l’exercice du pouvoir. La France deviendra un pays industriel s’imposant par des techniques de pointe dans les domaines aéronautique, de l’espace, du nucléaire civil et militaire et bien sûr de l’informatique.
« En conduisant des mutations douloureuses et difficiles mais nécessaires et porteuses d’espérance, j’ai conscience d’avoir bien servi la France. Ministre des Armées, j’avais été le principal exécutant d’une politique de défense qui a donné une nouvelle orientation à l’histoire de notre pays et j’étais d’autant plus fier de mon action qu’elle contribuait à assurer notre indépendance. » écrira Pierre Messmer.
Témoin capital de notre histoire française depuis la deuxième guerre mondiale, homme d’actions au service de la France, homme d’Etat pensant aux intérêts du pays et sa place dans le monde, l’ancien 1er ministre Pierre Messmer, un des Compagnons de la Libération les plus célèbres, néanmoins discret et humble, écrira : « S’agissant des affaires publiques, c’est le pain quotidien de ceux qui gouvernent. Les hommes d’Etat doivent aimer les tempêtes de l’histoire, et toujours, plutôt que d’attendre et de subir, créer l’événement. »
Infatigable héros, Pierre Messmer a toujours mis sa lucidité et son courage au service de la France !
*Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
© 01.03.2022