Guerre en Ukraine aux
oubliettes ?
par Paul KLOBOUKOFF,
De sombres actualités terroristes accaparent l’attention des
médias, qui abandonnent le traitement de
drames qui continuent de se jouer, parfois depuis longtemps, en Europe.
Aujourd’hui, une piqûre de rappel me paraît utile pour nous sortir de notre
torpeur, peut-être en partie due à la lassitude et au sentiment d’impuissance,
au sujet de la boucherie qui sévit toujours en Ukraine. Heureusement, les
Etats-Unis, où la poursuite du soutien indéfiniment ne fait cependant pas
l’unanimité, et des voisins de l’Ukraine qui ont subi le joug de l’URSS,
restent solidaires et n’ont pas désarmé. Vu la modestie de son aide financière,
la France, elle, ne devrait plus craindre d’être considérée comme un « cobelligérant »
par Vladimir Poutine. Les prises de position de notre président contre la
Russie ne lui permettent pas, non plus, de jouer un rôle, indispensable, de
médiateur dans la recherche de la paix et de la résolution du conflit. On
n’entend plus parler de la Turquie. Il n’y a ainsi pas de raison visible d’être
rassurés.
Soutien des Etats-Unis et doutes sur
la contre-offensive de Kiev
La politique de soutien des Etats-Unis à l’Ukraine, que le
président Joe Biden n’a cessé de réaffirmer, ne fait pas l’unanimité chez les
« stratèges » américains. Les avancées ukrainiennes ne leur
paraissent pas déterminantes, l’hiver arrive, avec ses risques d’enlisement. Et
la menace d’une nouvelle attaque russe d’envergure vers la région de Kharkiv
n’est pas écartée. De plus, les conseillers militaires de Biden seraient mal à
l’aise parce qu’ils ne sont pas habitués à des combats sans supériorité
aérienne. La perspective de la poursuite de la guerre en 2024 est présente dans
tous les esprits. Avec le sentiment d’être dans une impasse pour nombre d’entre
eux. Ajoutons que 2024 sera une année électorale aux USA, et que Donald Trump
n’est pas avare de critiques (1). Malgré des
résistances croissantes au Congrès, les représentants de la présidence refusent
de parler d’impasse et mettent l’accent sur la pérennité de l’engagement des
Etats-Unis… tout en soulignant que ce sont les Ukrainiens qui se battent contre
l’invasion russe, et non les Américains.
Jeudi 19 octobre, deux jours après son voyage en Israël, Joe
Biden s’est adressé aux Américains dans un discours solennel, cherchant leur
approbation pour influencer le Congrès, car il veut d’importants moyens
financiers supplémentaires pour armer ses deux alliés en guerre, l’Ukraine et
Israël (2). Selon les médias, la Maison Blanche
vise 100 milliards de dollars de crédits additionnels. 60 Mds seraient pour
l’Ukraine, 14 Mds pour Israël, le reste servirait à protéger Taïwan de la Chine
et à sécuriser la frontière avec le Mexique. Parmi les problèmes auxquels se
heurtent ses bonnes intentions figure la difficulté que rencontreront les
industries à fournir le matériel « made in USA » que le président
désire fournir à ses protégés… ou, plus précisément, qui serviront à reconstituer
des stocks d’équipements aux Etats-Unis qui ont été largement entamés. Des
producteurs de l’Arizona et du Texas
devraient être sollicités à cet effet.
L’aide financière de la France à l’Ukraine est très modeste
Sur lemonde.fr du 7 juillet, les
« décodeurs » ont fait le point sur les pays qui ont le plus aidé
l’Ukraine depuis le début de la guerre (3). La
position de la France n’y est pas reluisante. Son aide a été limitée à 1,69
milliard (Md) d’euros. En termes d’efforts consentis, cette aide de 0,053% du montant du PIB la
classe au 29ème rang des pays donateurs. De ce point de vue, la
Norvège est en tête avec 7,46 Md d’aide financière, soit plus de 1,7% de son
PIB. Les Pays baltes (Lituanie, Estonie, Lettonie), ainsi que le Danemark
suivent, à plus de 1% de leur PIB. Ensuite, viennent la Pologne, la Slovaquie
et la République tchèque, entre 0,5% et 0,7% de leur PIB. Cette solidarité
entre pays de l’Est qui ont connu la tutelle soviétique n’est pas surprenante.
En valeur absolue, avec 69,48 Mds €
(dont 48,1 Mds pour l’aide militaire, 22,85
Mds d’aide financière, et 3,54 Mds pour l’humanitaire, ce sont les Etats-Unis
le 1er pays parmi les donateurs. Cet effort leur coûte un peu plus
de 0,3% de leur PIB. L’Union européenne (UE) a fait un peu mieux, avec près de
77 Mds €. L’Allemagne a contribué à hauteur de 20,86 Mds €, dont 17,09 pour
l’aide militaire et 2,48 Mds pour l’humanitaire. Le Japon a apporté une quotte
part de 6,51 Mds €.
Le « plan de paix » de Zelensky peine à trouver des soutiens
Le 21 septembre 2022, lors d’une
assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU), le président
ukrainien avait présenté une « formule de paix » en 5 points pour
mettre fin à l’agression russe et la sanctionner. Il est revenu à la charge le
15 novembre lors d’une réunion du G20 à Bali, en proposant une « formule ukrainienne pour
la paix », plus précise, en 10 points principaux (4).
Ils portent en particulier sur le rétablissement de la sûreté autour de la
centrale nucléaire de Zaporijjia, la restauration du réseau électrique, la
libération de tous les prisonniers et déportés, y compris les enfants déportés
en Russie, le rétablissement de son intégrité territoriale, exigence
« non négociable », l’arrêt des hostilités, le retrait des troupes
russes et le rétablissement des frontières entre les deux pays.
Inacceptable, vu du côté russe.
Malheureusement pour l’Ukraine, en février 2023, à part la France, très peu de
pays avaient soutenu cette initiative, dont l’Autriche et Israël. Depuis,
Volodymyr Zelensky n’a pas réussi à mobiliser les grandes puissances pour
organiser un « sommet mondial »
sur le sujet, qui permettrait de forcer la main à Vladimir Poutine. En
attendant, chaque jour, des soldats et des civils meurent et/ou sont mutilés.
Il ne faut pas que la situation dramatique de l’Ukraine tombe
aux oubliettes, malgré les évènements criminels tragiques qui ont lieu en
France ou sous d’autres cieux peu cléments.
*Paul KLOBOUKOFFAcadémie du
Gaullisme le 22 octobre 2023
Sources et références
(1) Guerre en Ukraine : le
soutien critique des stratèges américains face à la contre-offensive de
Kiev lemonde.fr/international/article/2023/09/01/guerre-en-ukraine-les-etats-unis-entre-soutien-et-doutes-face-a-la-contre-offensive…
(2) Joe Biden en appelle au peuple
américain pour soutenir l’Ukraine et Israël lesechos.fr/monde/etats-unis/joe-biden-en-appelle… le 20/10/2023
(3) Quels sont les pays qui ont le
plus aidé l’Ukraine financièrement depuis le début de la guerre ? lemonde.fr/article/2023/07/07/quels-sont-les-pays… modifié le 12/09/2023
(4) Guerre en Ukraine : quatre questions sur le
« plan de paix » de Volodymyr Zelensky, que la France promet de
soutenir francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine-quatre-questions-sur-le-plan-de-paix… le 20/02/2023
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