Réélection d’Emmanuel Macron :
Osons l’uchronie
par Jacky Isabello,
Les querelles, sources de l’animation actuelle de notre classe électorale infantilisée par un réflexe pavlovien de préservation déclenché lors des lendemains électoraux qui déchantent, paraissent bien vaines eu égard aux enjeux structurels décrits par les scientifiques. Le réchauffement climatique et la baisse de la natalité en Europe sont de ceux-là.
Alors que « notre maison brule », nos responsables politiques se sont affairés, des mois durant, à nous promettre plus, chacun présentant sa variation d’un prochain pays des merveilles. Or, les résultats électoraux désormais tombés, leur regard s’est porté ailleurs. Non pas sur l’écologie mais dans un immense réflexe généralisé de préservation, laissant croire que nos problèmes s’étaient évaporés, sur leurs petites affaires partisanes. « Elisez-moi Premier ministre » lance l’insoumis en chef, quand ses homologues sont concentrés sur la survie de leur parti et leurs alliances.
‘’Car devant les problèmes du monde apparait celui du financement électoral de chaque unité partisane ; celui du poids en « masse d’or » de chaque voix exprimée lors du premier tour des législatives.
Viendra ensuite le calcul d’une autre bourse, celle calculée à partir du nombre de députés élus pour chaque parti. Puisqu’une simple interprétation freudienne des agissements de nos représentants démontre à quel point la marche du monde et du climat sert de tapis de bain aux ambitions politiciennes de nos représentants, prenons-nous au jeu et pratiquons un nouveau bonneteau pour définir ce que pourrait être le prochain gouvernement. Présage ou coïncidence, à ceux qui misent sur la nomination d’une femme à la tête de l’exécutif, sachez que ce jeu interlope se nomme Outre-Manche « Find the Lady ».
Recomposition décomposition !
Comme je l’écrivais il y a peu dans Notre Revue Politique et Parlementaire, la gangrène de la décomposition politique ronge l’ensemble des partis politiques. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés »1. Macron a gagné, mais du point de vue des partis l’heure est à la désorganisation, et partout, même et surtout au sein de la famille du vainqueur. Qui remplacerait icelle ou icelui au gouvernement ? La plupart du temps les calculs anticipent à la fois les négociations entre les membres d’une famille qui se veut large mais en réalité patronnée par la glande séminale du macronisme, La République en marche (LREM). Nous restons cantonnés à la triste narration des espérances d’une gauche éventuellement réunie autour du drapeau de la plateforme populaire mélenchoniste dont M. Cambadélis a contesté le caractère « de négociation » pour lui préférer le qualificatif de tentative d’obtenir la reddition des forces de gauche non insoumises. Et que dire de M. Bayou peu ouvert à l’idée de devoir abandonner certains des totems d’un parti qui n’a plus de ligne unifiée depuis dimanche 24 avril, au profit d’une hypothétique place de choix à l’Assemblée nationale. Bref un terrain d’affrontement que l’idiotisme gastronomique qualifierait de « petite tambouille électorale ». Je vous éviterai les chartes d’engagement, seule contre-attaque imaginée par la direction des LR afin de rafraîchir les ardeurs de certains polygames, qui décillés par la lecture des résultats macronistes ou lepénistes dans leur circonscription, s’accommoderaient bien d’une entaille officielle dans leur contrat de mariage.
Où sont les scenarii innovants ?
Depuis la réélection de M. Macron, les conjectures du Paris du commentaire et des médias affichent un bien famélique niveau d’imagination.
Comme le ministère français des Armées et l’Université Paris Sciences et Lettres qui ont lancé un projet de prospective novateur, imaginons les uchronies à notre portée en ce qui concerne l’avenir du macronisme. Dans un formidable roman d’anticipation des analystes et chercheurs ont partagé librement leurs réflexions avec des auteurs de romans noirs, de science-fiction et de dessinateurs pour imaginer les conflits possibles à l’horizon 2030-2060 et cette « Red Team » nous plonge totalement dans un monde en crise à travers plusieurs scénarios. A moi de jouer !
Et une forme décoiffante d’ouverture ?
En tordant quelque peu l’épure de la réflexion politique, gageons que Macron aura été l’artisan réalisateur de ce que dénonçait la famille Le Pen lorsque le premier d’entre eux dénonçait l’UMPS et scandait la gémellité de la gauche et de la droite « bonnet blanc et blanc bonnet » si M. Duclos me permet d’emprunter cette formule qui ne lui appartient plus.
‘’En clair Macron, capable durant la campagne d’entre les deux tours de l’élection présidentielle de s’attribuer les slogans à la fois du candidat de LFI et d’EELV, n’aurait aucun mal à inventer une nouvelle forme d’ouverture politique dans son prochain gouvernement.
Dès 2017 il fait sienne la colonne vertébrale de François Bayrou qui, dès la campagne de l’élection présidentielle française de 2007, souhaitait, s’il était élu, former un gouvernement alliant les forces de droite et de gauche. Déjà-vu toute proportion gardée. En 1988 Rocard appliqua l’ouverture au centre, pour la première fois dans un gouvernement sous la Ve République auquel il manquait une majorité absolue à l’Assemblée nationale – laissons de côté les ministres communistes nommé par de Gaulle en septembre 1944 dans ce qui était encore la IVe République. A la condition que les résultats des prochaines législative confirment la nouvelle puissance parlementaire des deux forces politiques arrivées derrière le président réélu, le monde politique se doit de réfléchir à l’intérêt d’une nouvelle forme d’ouverture. Il le faut en tant que président démarrant son dernier mandat, hérault de l’impératif besoin de rénover à la fois les institutions et les formes d’exercices du pouvoir, désireux de devenir enfin le président de tous les Français et de démontrer qu’il s’honore du vote des citoyens qui, éloignés de sa position politique, ont toutefois confirmé son avance au premier tour.
Primo : puisque l’élection de M. Macron s’est faite en partie grâce aux électeurs des gauches radicales et écologistes, son premier déplacement dans le Val d’Oise symbolise ce fait, pourquoi, s’il souhaite comme il l’affirme depuis cinq ans rénover nos institutions, ne nommerait-il pas à des postes très marqués techniquement quelques ministres Insoumis, et EELV ? L’expérience a montré qu’on trouve toujours des candidats !
Secundo : alors que la bouche de la France du commentaire et des médias s’étouffe de propos répétés ad nauseam concernant une impérative mission qui serait celle du président réélu de rétablir la cohésion et l’osmose des citoyens pour assurer la survivance de la Nation, faut-il donner de la place aux idées de celle qui s’est opposée à M. Macron au second tour ? Le Rassemblement national n’est plus simplement un parti de contestation. Faire l’ouverture à des ministres RN dans un gouvernement n’est pas moins impensable que celle d’assurer la présence d’un centriste (Soisson) dans le gouvernement Rocard ou de socialistes (Besson) dans trois des gouvernements Sarkozy/Fillon.
Tertio : et que faire de Lassalle ? Trublion dont les suffrages exprimés dans son village viennent d’être invalidés par le Conseil constitutionnel, du fait de ses frasques le jour du second tour. Alors que les sondages montrent que peu de ministres sont connus des Français, il fut désigné candidat préféré de nos concitoyens, dans deux sondages ; l’un demandant avec qui les Français souhaiteraient le plus « boire une bière » et « faire un barbecue dans un camping ». Que les enquêtes du CEVIPOF donnent la dernière place aux partis politiques dans les enquêtes sur les institutions auxquelles les Français accordent leur confiance, l’agitateur sympathique mais surtout authentique défenseur de la ruralité n’aurait-il pas toute sa place dans un ministère décentralisé dans une capitale régionale, et doté de réelles attributions pour s’occuper des spécificités des territoires dont on nous assure qu’ils auront un volet spécifique dans le cadre de la prochaine politique de planification écologique.
Cet exercice d’affabulation politique, uchronie ou dystopie le lecteur choisira ce que chacun de ces scenarii provoquent en lui, est drôle mais est-ce là l’essentiel ? Pourront-ils, gouvernants de tous les partis satisfaire les exhortations à l’action des scientifiques ? En effet, la natalité baisse en France depuis l’an 2000, ce n’est pas le léger rebond fin 2021 qui règlera ce point essentiel, lorsqu’on vit dans un pays comme la France, où le modèle de protection sociale dont le format de financement des retraites, premier budget social en somme des dépenses, bat au rythme obsessionnel des projections en matière de dynamisme de la natalité. S’ajoute à cette plaie les promesses apocalyptiques issues du dernier rapport du GIEC qui, c’est assez rare, révèle les catastrophes à venir. Un malheur n’arrivant jamais seul, en économie on parle d’externalité, les prévisions du GIEC provoquent des bouffées d’angoisse parmi les jeunes générations déterminées à ne pas livrer leur descendance, le produit de l’amour d’un couple, à un monde sans air, sans eau et bientôt poignardé par d’incessantes attaques climatiques.
‘’Le prochain gouvernement devra suivre sa ligne avec ces faits simples en tête s’il souhaite faire de la cohésion un socle aux pieds solides.
Sinon, celles et eux qui ont aimé le « quoi qu’il en coûte » à la sauce rassurante du Président Macron vont assurément détester le « C’est maintenant ou jamais, si nous souhaitons limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C (…) sinon ce sera impossible », de Jim Skea, coprésident du GIEC. Gouvernement X ou Y, agit bien mais… agit vite !
* Jacky Isabello Cofondateur de l’agence de communication Coriolink
© 01.05.2022