Pauvreté en hausse en
France au début du quinquennat
En résumé
« Aujourd’hui, on n’a plus
le droit ni d’avoir faim, ni d’avoir froid… ». Ce vœu des Restos du cœur depuis
1989 est loin d’être exaucé aujourd’hui en France. Et, la pauvreté a encore
augmenté au début de ce quinquennat. Le taux de pauvreté monétaire relative
(TP) a augmenté de 14,1% en 2017 à 14,8% en 2018, malgré la croissance du PIB.
Le nombre de « pauvres » s’est accru de + 438 000 personnes et
est monté de 8,889 millions (Mi) à 9,327 Mi. En 2018, le seuil de pauvreté
était fixé à 1 063 €, correspondant à 60% du niveau de vie (NDV) médian de
la population.
Ce sont les indicateurs
d’ensemble « officiels » les plus récents sur la pauvreté. L’an
prochain, à la veille des élections présidentielles, les mêmes infos les plus
récentes porteront sur l’année 2019.
Le champ des statistiques sur les
niveaux de vie (NDV), la pauvreté et la redistribution monétaire est partiel.
Il couvre la France métropolitaine et exclut notamment les personnes résidant
en institutions, une partie des étudiants, ainsi que les personnes sans abri.
Sur les 67 Mi de personnes vivant en France en 2018, 3,9 Mi étaient hors de ce
champ, dont 2,2 Mi habitants des départements d’Outremer.
Moins tardifs, les tableaux publiés
chaque année par l’Insee sur la redistribution monétaire contiennent des
données par fractiles de NDV. Les plus récentes portent sur l’année 2019. Elles
montrent que les 10% et les 20% des personnes aux NDV les plus faibles
(décile 1, ou D1, et quintile1, ou Q1) ont été les parents pauvres de la
politique de l’exécutif au cours de ces 1ères années du quinquennat.
Les inégalités se sont aussi approfondies, par rapport aux NDV moyens des « plus
riches », ainsi que par rapport à celui de l’ensemble de la population.
Sans (ou avant) les apports de la
redistribution monétaire, les NDV des 10% les plus pauvres sont très bas,
3 260 € par mois en moyenne en 2017… et pas plus, en euros courants, en
2019. Ces pauvres se sont donc appauvris ces deux dernières années. Cet
appauvrissement s’observe sur longue durée, au moins depuis 2007. Il a sans
doute permis de dire que « notre modèle socio-économique produit, ou
engendre, de la pauvreté ». Pour la réduire, la redistribution en faveur
des plus bas NDV est importante. « Sous Hollande », elle a été
renforcée, le taux de redistribution en faveur des personnes du décile 1 atteignant
+ 212,9% en 2017. En fait, la redistribution est très concentrée sur ces 10%
des personnes. Celles du 2ème décile reçoivent une aide financière
nettement moindre.
Après redistribution, aussi les
NDV moyens des plus pauvres se sont affaiblis et les écarts de NDV se sont
creusés de 2017 à 2019. En tenant compte des hausses des prix, le NDV moyen du
décile 1 a perdu - 1,4%, et celui du quintile 1, - 0,6%. Le rapport très
observé NDV D9 / NDV D1 a augmenté de 5,53 en 2017 à 5,83 en 2019, D9 étant le
décile des NDV les plus élevés.
Ces chiffres montrent que
l’expression des colères populaires, les revendications et les manifestations
des gilets jaunes n’étaient ni fortuites ni gratuites. Elles méritaient plus d’écoute
et non la répression qui leur a été opposée.
Pour réduire le taux de pauvreté
[si cela devient vraiment une priorité], il sera nécessaire de se pencher sur
le sort des 6,3 Mi de personnes du 2ème décile et envisager de revaloriser
à des hauteurs convenables les minima sociaux.
Très inquiets par la montée du
chômage et les autres dégâts sociaux provoqués par la crise Covid, ce sont
précisément ces revalorisations que les représentants de 10 associations sont
venus demander au Premier ministre Jean Castex le 2 octobre 2020. Ils n’ont pas été entendus par le pouvoir. Le
RSA a été revalorisé de + 0,2% au 1er avril 2021, après + 0,9% en
avril 2020. Pour une personne seule, il est de 565,34 € par mois. Pour un
couple, il est de 848,01 €. S’il a 2 enfants, il est de 1 187,21 €. Pour
les travailleurs, pauvres ou non, le SMIC a été majoré de + 1,0% en janvier
2021, après + 1,2% en janvier 2020. Le SMIC net est ainsi de 1 231 € pour
un mois complet de travail.
Le mal-logement
est une autre dimension de la pauvreté sur laquelle le 26ème Rapport
de la Fondation Abbé Pierre a fait le point en janvier. Il estime que :
1,068 Mi de personnes sont privées de logement personnel ; - 3,050 Mi vivent dans des conditions de logement très
difficiles ; - 10,5 Mi d’autres personnes sont en « situation de
fragilité », financière, en particulier ; - au total, ce sont 14,6 Mi
de personnes (sans double compte) qui sont en situations de logement précaires
et difficiles.
La Fondation reproche au
gouvernement : - sa contribution à la chute de la production de logements,
dont celle des HLM à 100 000 en 2019 et 95 000 en 2020, très en
dessous des 150 000 de l’objectif souhaité ; - l’effort public pour
le logement le plus faible depuis 1984, 1,5% du PIB en 2019, et les attaques
incessantes depuis 2017 contre les APL, qui auront permis
« d’économiser » plus de 10 Mds € de 2017 à 2021, au détriment des
foyers modestes. C’est l’équivalent de 3 années de pertes de recettes dues au
remplacement de l’ISF par l’IFI. Les choix semblent clairs.
Pour le Centre
d’observation de la société, qui a rassemblé et recoupé (autant que possible)
des infos de nombreuses sources, pour la plupart antérieures à 2020, il y
aurait en France métropolitaine, hors du champ couvert par l’Insee, environ 1
million de pauvres. Ce chiffre publié en septembre 2020 et assez largement
diffusé, a suscité (très temporairement) pas mal d’émotion. Il est
vraisemblable, comme l’ont soutenu certains, que la crise Covid ait aggravé la
situation et que cette estimation, peut-être valable pour 2018 et 2019, soit inférieure à la réalité en
2020.
Le centre a aussi estimé, à
l’aide des données de l’Insee relatives à 2017, que le nombre de pauvres dans
les DOM était d’environ 950 000. Si ces ordres de grandeur sont corrects,
il y aurait en France, avant la crise Covid, au moins 11 millions de pauvres, soit un habitant sur 6. N’est-il
pas temps d’en prendre pleinement conscience et de faire réellement de la lutte
contre la pauvreté une priorité, avec les moyens appropriés.
Il faudra sans doute attendre
plus d’un an pour avoir une vue plus précise de la situation en 2019… et
davantage pour disposer de données d’ensemble officielles sur la pauvreté en
2020. Les infos des tableaux sur la redistribution monétaire en seront d’autant
plus précieuses. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai un peu détaillé ici
ce que pouvait révéler leur examen.
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La pauvreté a gagné du terrain en
début de quinquennat
Des indicateurs tardifs
et partiels de la pauvreté monétaire relative
L’indicateur de pauvreté de
référence en France est la pauvreté monétaire relative publié par
l’Insee chaque année pour différentes catégories de populations. Une personne
est pauvre lorsque son niveau de vie
(NDV) est inférieur au seuil de pauvreté. Pendant longtemps,
celui-ci a été fixé à 50% du NDV médian, avant que les Hautes autorités statistiques
européennes et françaises décident que le fixer à 60% du NDV médian était plus
approprié… ce qui a aussitôt fait bondir le taux et le nombre de
« pauvres ». Aujourd’hui, avec la crise, sans revenir en arrière, il
semble jugé instructif de faire état également du taux à 50% et des nombres de
pauvres correspondants. Pour rappeler la relativité du concept, sans doute.
Les statistiques sur les NDV, la
pauvreté et la redistribution monétaire ont habituellement pour champ la France
métropolitaine et couvrent « les
personnes vivant dans un ménage ordinaire dont le revenu est positif ou nul et
dont la personne de référence n’est pas étudiante ». L’Insee précise « Il exclut notamment les personnes résidant en institution ainsi que les
personnes sans abri, et recouvre une population de 63,1 millions de personnes fin 2018 » (1). D’après les données de l’Insee, au 1er
janvier 2019, la population de la France métropolitaine était de 64,812 millions
de personnes, celle des départements d’Outremer en comptait 2,181 Mi, et la France entière, 66,993 Mi. Cela signifie que 3,893 Mi de personnes résidant en
France, dont 1,712 Mi de
métropolitains, seraient hors champ des statistiques sur les NDV, la
pauvreté financière relative et la redistribution monétaire.
Pour les NDV et la pauvreté, les
sources auxquelles les statistiques font appel (et qu’on trouve au bas des
tableaux) sont l’Insee, la Direction générale des finances publiques (DGFIP),
la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), la Caisse nationale
d’assurance vieillesse (CNAV), la Caisse centrale de la mutualité sociale
agricole (CCMSA), les enquêtes annuelles Revenus fiscaux et sociaux (ERFS).
En raison des durées de préparation
de l’ERFS (2), en relation avec l’enquête Emploi
en continu (EEC), de sa réalisation et de son exploitation, les statistiques
sont tardives. En décembre 2020, les données détaillées et confirmées portaient
sur l’année 2018. Pour 2019, seule une « estimation avancée » globale
sommaire est disponible. C’est pourquoi en ce début de printemps 2021, il n’est
possible de faire qu’un point sur la pauvreté limité au début du quinquennat en
cours. Et dans un an, à proximité de l’échéance des élections, les infos
précises sur cette pauvreté n’iront pas au-delà de 2019… même pas à mi-mandat
2017-2022.
De 2017 à 2018, la
pauvreté a nettement augmenté
Tableau 1 : Indicateurs de pauvreté en France métropolitaine en
2017 et 2018
« En 2018, le inégalités
de niveau de vie augmentent » avait titré Insee Première en septembre
dernier. La hausse du taux de pauvreté de 14,1% en 2017 à 14,8% en 2018, soit
de + 0,7 points, y était attribuée : - pour + 0,4 points à la baisse des
allocations logement ; - pour 0,3 points à « une plus faible progression des revenus d’activité en dessous de la
médiane et, dans une moindre mesure »…
au gel du barème et à la baisse de 5 euros des aides au logement, à
la réforme de la prestation d’accueil du jeune enfant. L’Insee ajoute qu’une
famille monoparentale sur deux bénéficie d’une allocation logement. Etant
« très présentes » parmi les ménages pauvres, les familles monoparentales
ont particulièrement souffert de ces mesures. Leur taux de pauvreté a atteint
35% en 2018 (4),
De son côté, en novembre 2020, dans
« Le tableau de bord de la pauvreté en France en 2020 », l’Observatoire
des inégalités a souligné notamment que le
NDV d’une personne bénéficiaire du seul Revenu de solidarité active
(RSA) (autour de 560 €), ou de l’Allocation de solidarité spécifique (ASS)
réservée aux chômeurs en fin de droits, est très en dessous du seuil de
pauvreté. Or, le nombre de ménages allocataires du RSA est monté de 1,827 Mi en 2017 à 1,844 Mi en
2018, puis à 1,853 Mi en 2019. Et est estimé à 2,1 Mi en 2020. Les autres minima sociaux alloués aux
adultes handicapés et aux personnes âgées (900 €) sont également inférieurs au
seuil de pauvreté à 60% du NDV médian. Se référant à des données de l’Insee
indiquant que 22% des jeunes de 18 à 29 ans qui vivaient seuls (hors
étudiants) étaient pauvres en 2017,
et observant que jusqu’à 25 ans ils n’ont pas droit à un minimum social,
l’Observatoire voit « Les jeunes en
première ligne ».
Dans Insee Références de décembre
2020 sont donnés des Taux de pauvreté par département en 2017. La
répartition de la pauvreté était très inégale sur le territoire. Des taux
de pauvreté de 25% ou plus étaient observés en Métropole dans : - 4
départements des Hauts de France allant du Pas-de-Calais aux Ardennes ; -
7 départements riverains ou proches de la Méditerranée allant des Pyrénées
orientales aux Bouches-du-Rhône et au Vaucluse ; - la Seine-Saint-Denis,
la Creuse, le Lot-et-Garonne et la Haute-Corse. La situation était, et reste
sans doute, plus grave encore Outremer, avec des taux de 28,6% à la Martinique,
34,5% en Guadeloupe, 38,3% à la Réunion, 52,9% en Guyane et 77,3% à Mayotte. Loin
des yeux, loin du cœur des gouvernants ?
Estimation avancée du
taux de pauvreté monétaire relative en 2019
Selon « la méthode d’estimation avancée basée sur la microsimulation »
du taux de pauvreté et des indicateurs d’inégalités présentés dans Insee
Analyses de novembre 2020 (5), « En 2019, les inégalités et le taux de
pauvreté diminueraient ». Le taux de pauvreté de 14,8% observé en
2018 descendrait à 14,5% simulé en
2019. L’explication majeure avancée est la hausse du montant de la
bonification de la prime d’activité décidée à la suite du mouvement des Gilets
jaunes. Cette « réforme » a permis d’augmenter les montants perçus et
à des personnes aux revenus plus élevés d’en bénéficier. L’effet en serait le
plus élevé pour les 40% de personnes aux NDV les plus faibles. D’autres mesures
contribueraient à augmenter le NDV des plus modestes et à réduire les
inégalités, comme les revalorisations exceptionnelles de l’Allocation aux
adultes handicapés (AAH) et du Minimum vieillesse (Aspa).
Nous verrons ci-après que les
données de l’Insee de décembre 2020 sur la Redistribution monétaire en 2019
ne semblent pas en parfaite harmonie avec cette « estimation
avancée ».
La pauvreté lue
dans les tableaux sur la redistribution monétaire
Comment la redistribution monétaire rebat, ou non, les cartes des NDV
Les informations sur la redistribution
monétaire d’une année donnée sont publiées presque un an avant celles sur la pauvreté.
Le champ en est le même que pour les NDV et la pauvreté. Traditionnellement, un
tableau indique chaque année par fractiles de NDV (déciles et/ou quintiles) les
montants moyens (en euros courants) par unité de consommation (UC) : - des
NDV avant redistribution ; - des prélèvements sociaux et fiscaux redistributifs
supportés et des prestations redistributives reçues ; - des NDV après
redistribution.
Les prélèvements sociaux et
fiscaux comprennent les cotisations patronales famille, les contributions
sociales (hors part de la CSG affectée à la maladie), l’impôt sur le revenu
(IR), la taxe d’habitation (TH) et l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
Les prestations comprennent les prestations familiales, les aides au logement,
la prime d’activité et les minima sociaux (6).
Le but principal de la
redistribution monétaire est la réduction des inégalités des NDV, aussi
vue comme le « nivellement par le bas ». Les tableaux de l’Insee montrent
que cette réduction se fait en grande partie : - par de forts prélèvements
sociaux et fiscaux redistributifs sur les ménages aux NDV considérés comme
élevés, surtout ceux du 4ème quintile et, plus encore, ceux du 5ème
quintile ; - par des prestations monétaires redistributives réservées
en [de plus en plus] grande partie aux ménages
aux NDV les plus faibles.
Les prélèvements redistributifs
ne sont pas consacrés en totalité à la redistribution, puisque pour la
population sous revue, le montant total des prestations est inférieur à celui
des prélèvements, et le taux de redistribution d’ensemble est
négatif : - 7,4% du NDV avant redistribution en 2017, - 7,1% en 2018 et -
9% en 2019 (cf. tableau 2).
Le tableau 2 ci-après rassemble des infos caractérisant la
redistribution et les NDV de 5 années (pas choisies au hasard). Les comparaisons
inter temporelles sont plutôt rares et
font peu l’objet d’analyses et de commentaires s’adressant au public. De la
part de « puristes », cette « retenue » pourrait être
motivée par : - les discontinuités liées aux changements de législations
et aux politiques, comme, par exemple, la prise en compte à partir de 2018 du
nouvel IFI (alors que l’ISF a été ignoré auparavant) ; - les progrès
statistiques, qui ont occasionné des (mini) « ruptures » de séries en
2010, avec la mobilisation de l’enquête Patrimoine pour estimer les revenus
financiers, et en 2012 avec des modifications méthodologiques (7). Il ne faut
pas ignorer ces ruptures, mais elles sont du second ordre par rapport aux
évolutions montrées par les statistiques.
Aggravation de la pauvreté pendant les
premières années du quinquennat Macron
En montant de
25 830 € en 2017 à 27 750 € en 2019, le NDV moyen avant redistribution de l’ensemble
de la population (sous revue) à cru de + 7% en euros courants et de + 3,7%
à prix constants, compte-tenu de la hausse des prix de + 3,2% environ.
Il en a été
tout autrement pour les ménages aux revenus les plus bas. Le très faible NDV
moyen du 1er décile est le même en 2019 qu’en 2017, 3 260 € en
valeur courante. En valeur réelle, il a donc diminué de - 3,2%. Le NDV du 1er
quintile, lui, a cru de + 3,1%, pas plus que l’indice des prix à la
consommation. En valeur réelle, il n’a pas progressé.
Pendant ce
temps, les NDV du quintile 5 et du décile 10, ceux des plus
« riches », ont augmenté respectivement de + 8,1% et + 8,9% à prix
courants, c'est-à-dire de + 4,7% et + 5,5% en valeur réelle. Ce sont ces 20% de la
population qui, en moyenne, ont le plus profité des « fruits de la
croissance »… et également de la politique de l’exécutif, puisque la
croissance du PIB a été limitée à + 1,8% en 2018 et + 1,5% en 2019.
Aussi, le
rapport interdécile très regardé NDV D9 / NDV D1 est monté de 22,4 à
24,4. L’écart entre les NDV avant redistribution des déciles extrêmes s’est
creusé. On notera que le NDV moyen du 1er quintile rapporté au NDV
moyen d’ensemble est descendu de 25,9% à 25%.
Avant redistribution, les pauvres se sont appauvris, en valeur réelle
et par rapport à l’ensemble de la population.
Après redistribution, le NDV
moyen du décile 1 a « progressé » de 10 020 € en 2017 à 10 200 €
en 2019, soit de + 1,8% en euros courants. Compte tenu de l’inflation, il a
perdu - 1,4%.
De 2017 à 2019, le NDV du quintile 1 a cru de 11 560 € à
11 860 €, soit de + 2,6% en euros courants, et à baissé de - 0,6%
en termes réels.
A l’opposé, les NDV moyens
du quintile 5 et du décile 10 sont montés de + 5,2% et + 5,3% en
euros courants, gagnant respectivement + 2% et + 2,1% en valeur réelle. Du côté des
« classes médianes », le NDV moyen du quintile 3 a augmenté de
+ 5,6%, croissant de + 2,3% à prix constants.
Les 20% des personnes aux NDV les plus faibles ont été les parents
pauvres de la politique de l’exécutif au cours de ces 1ères années
du quinquennat. Les inégalités se sont aussi approfondies : - par
rapport aux « plus riches », le ratio NDV D9 / NDV D1 après
redistribution étant monté de 5,53 à 5,83 ;
- par rapport à l’ensemble des 63,1 Mi personnes sous revue, le ratio NDV
D1/ NDV Ensemble ayant baissé de 41,8% à 40,4% de
2017 à 2019.
Une redistribution très
concentrée sur les 10% de personnes aux NDV les plus bas
« Sous Hollande » le taux de redistribution en faveur
du décile 1 était monté à un
sommet de + 212,9% en 2017. Il a un
peu reculé « sous Macron », à +
207,3 en 2018 et + 207,4 en
2019. En faveur du quintile 1, le taux de redistribution a été de + 71% à + 72% de 2017 à 2019. L’aide
financière apportée par la redistribution a été très concentrée sur le décile 1
seul. Le décile 2 a bénéficié d’une aide bien moindre, son taux de redistribution
étant de +
28% seulement, sauf erreur de calcul de ma part.
En 2018, le seuil de pauvreté
monétaire relative, de 1 063 € par mois, soit 12 756 € par an, était supérieur
au seuil du 1er décile, égal à 11 210 €. La totalité des 6,31
millions de personnes du décile 1 constituaient la majeure partie des 14,8% de « pauvres ».
Le nombre total de pauvres étant de 9,327 Mi, les 3,2 millions de pauvres
complémentaires faisaient partie du décile 2. Et la redistribution avait peu
amélioré leur sort.
Abstraction faite de la crise du
Covid 19… Si notre « modèle » continue d’accroître la pauvreté avant
redistribution, la réduction du taux de pauvreté monétaire (si elle redevient
réellement une priorité), exigera une redistribution plus généreuse, envers les
personnes du décile 2 en particulier.
Sous les dernières présidences,
le NDV des plus pauvres n’a pas cessé de se détériorer
De 2007 à 2012, « sous
Sarkozy », les inégalités avant
redistribution se sont fortement creusées. Le NDV moyen d’ensemble a
augmenté de + 10,2% en euros courants et, inflation déduite, de + 1,2%
seulement. Principaux gagnants, les « riches » du quintile 5 ont vu
leur NDV moyen augmenter de + 13,9% en euros courants et de + 4,6% en valeur réelle. En même temps,
les plus modestes, du quintile 1 ont vu le leur diminuer de - 5,3% en
termes réels.
Après redistribution, le NDV moyen d’ensemble a cru de + 2,4%,
inflation déduite. L’écart important entre les évolutions des NDV moyens des
quintiles 1 et 5 a été un peu réduit. En valeur réelle, le NDV du quintile 1 a
reculé de - 0,3%,
tandis que le NDV du quintile 5 a augmenté de + 5,1%. Le ratio NDV Q5 / NDV Q1 est monté de 3,78 à
3,99.
De 2012 à 2017, « sous
Hollande », les NDV avant
redistribution ont reculé en valeur réelle : de - 1,5% pour le NDV moyen d’ensemble, de - 1,1% pour le
quintile 5… et de presque - 10% pour le quintile 1. Pendant ce
quinquennat, la croissance très ralentie a été particulièrement défavorable aux
NDV des plus modestes.
Une redistribution renforcée, surtout en faveur des personnes du décile
1, mais aussi du décile 2 a permis de maintenir au même niveau en termes réels le
NDV moyen du quintile 1 après
redistribution. Fait rare, le NDV moyen du quintile 5 a reculé de - 2,3% à prix constants pendant le quinquennat. Le
rapport NDV Q5 / NDV Q1 a ainsi légèrement baissé de 3,99 en 2012 à 3,90 en
2017.
Sur les 12 ans de 2007 à 2019, les
« inégalités » de NDV se sont nettement aggravées en défaveur des
pauvres. Avant redistribution, le rapport NDV Q5 / NDV Q1 est monté de 6,86 en
2007 à 8,76 en 2019. Après redistribution, ce rapport a cru aussi, mais moins,
de 3,78 en 2007 à 3,99 en 2019. Autre témoignage de la détérioration pour les
personnes aux plus bas revenus monétaires, le NDV moyen du quintile 1 a
légèrement baissé en termes réels, alors que le NDV moyen d’ensemble a augmenté
de + 3,6%.
Le mal-logement, une autre dimension
de la pauvreté
Le 26e Rapport de la
Fondation Abbé-Pierre sur Le mal-logement en France 2021 (9) indique
que 4,118 Mi de personnes sont mal
logées et que parmi elles se trouvent : - 1,068 Mi de personnes privées de logement personnel, dont
300 000 sans domicile, et 643 000 en hébergement
« contraint » chez des tiers ; - 3,050 Mi de personnes vivent dans des conditions de logement
très difficiles, dont 2,090 Mi sont privées de confort, 0,934 Mi vivent en
surpeuplement « accentué » et 208 000 sont des « gens du
voyage » avec de mauvaises conditions d’habitat. De plus, 10,5 Mi d’autres personnes, modestes,
pour la plupart, sont en « situation de fragilité », avec des problèmes d’impayés de loyers, de
charges, soumis à un effort financier excessif, en surpeuplement
« modéré » et ayant eu froid pour des raisons liées à la précarité
énergétique. Au total, sans double compte, 14,6
Mi de personnes sont en situations de logement précaires et
difficiles, soit environ 20% de
la population de la France.
Les estimations de la Fondation
sur l’état (actuel) du mal-logement reposent principalement sur
l’exploitation de l’Enquête nationale logement 2013 de l’Insee, sur
l’actualisation des données administratives, ainsi que sur celles du
Recensement de la population de 2017.
Le Rapport est sévère à l’égard
du gouvernement et de ses actions au cours des dernières années. Parmi les
reproches et les chefs d’accusations, figure la chute de la production de
logements. Les nombres d’autorisations de logements ont diminué de près de
500 000 en mi 2017 à moins de 440 000 en septembre 2019, ont remonté
un peu jusqu’à janvier 2020, puis, avec la crise Covid, ont plongé jusqu’à
environ 390 000 à l’automne 2020. Le déclin des mises en chantier a été
moins prononcé. La production de logements HLM a baissé de 110 000 en 2016
à 100 000 en 2019 et 95 000 en 2020… alors que « l’objectif
souhaité » était de 150 000 par an.
« Depuis
1984, l’effort public pour le logement n’a jamais été aussi faible ».
Les aides à la personne et les aides aux producteurs ont décliné par rapport au
PIB, descendant de 1,7% du PIB en 2016 à moins de 1,5% en 2019. « Après
des attaques incessantes depuis 2017 contre les APL (coupe de 5 euros par mois,
désindexations régulières de l’inflation, réduction du loyer de solidarité dans
le parc social, suppression de l’APL-accession) », 750 Mi € d’économies
sont encore prévus en 2021 grâce au calcul en temps réel des ressources des
allocataires. Entre 2017 et 2021, plus de 10 Mds € auront ainsi été économisés.
La Fondation rappelle qu’en 2018, « les ménages bénéficiaires avaient des
ressources en moyenne équivalentes 0,73 SMIC et 40% avaient un revenu entre 0
et 0,5 SMIC ».
En 2018, le SMIC brut était de
1 498,47 € par mois. Net, le SMIC mensuel était de 1 173 € (10).
Concernant la crise Covid, le
rapport rappelle aussi que : - les demandes d’aides auprès du Secours
populaire ont augmenté de + 45% sur un an ; - les Restos du cœur
prévoyaient d’accueillir plus de 1 Mi de personnes (contre 0,875 Mi l’an
dernier) ; - au 30 juin 2020, les banques alimentaires avaient reçu 20 à
25% de bénéficiaires supplémentaires, et la demande croissait à nouveau depuis
l’automne.
Les 2 millions d’absents des
statistiques sur la pauvreté
« Plus d’un
million de pauvres oubliés des statistiques nationales de l’Insee »
C’est le titre d‘un
article daté du mois de septembre 2020 du Centre d’observation de la
société (11), qui a essayé d’estimer le nombre
total des personnes invisibles de nos statistiques sur la pauvreté.
Il y a d’abord
« les pauvres parmi les pauvres ». Les sans domicile en font
partie. Le ministère des Solidarités avait chiffré à 132 000 le nombre des
personnes accueillies dans les centres d’hébergement pour personnes en
difficulté. Mais combien restent à la rue ? En 2020, Paris en a recensé 3 500,
pour 21 500 en hébergement d’urgence. De son côté, la Fondation
Abbé-Pierre a évalué le nombre des sans domicile à 300 000. Elle a aussi
chiffré à 91 000 le nombre des personnes vivant dans des habitations de
fortune et à 208 000 les « gens du voyage », dont une partie
paie des impôts et est, donc, comptabilisée dans les chiffres de l’Insee.
« Enfin, une partie des étrangers sans papiers, les plus récemment
arrivés, échappent aussi aux données ».
Il y a aussi les
personnes qui vivent du soutien familial. Ces personnes aux revenus
insuffisants seraient « pauvres » si l’on ne prenait pas en compte
les revenus de ceux qui les aident. Parmi elles se trouvent notamment des
femmes inactives qui n’ont aucune ressource propre et dont celles du conjoint
ne suffisent pas, ainsi que des jeunes adultes qui, faute d’emploi, vivent chez
leurs parents… et font alors partie du même « ménage » statistique
que ceux-ci.
Ne faisant pas
partie des ménages « ordinaires », les personnes hébergées en
collectivités ne sont pas prises en compte par l’Insee. Elles étaient 1,34
Mi en 2016, selon l’Institut. 1 Mi vivent en maisons de retraite. Elles ne
disposent pas toutes des 1 063 € par mois correspondant au seuil de pauvreté
de 2018. Il faut ajouter les détenus (70 000), les immigrés vivant
dans des foyers de travailleurs (la Sonacotra loge plus de 60 000
personnes, à elle seule), et les personnes lourdement handicapées dans les
établissements sanitaires de long séjour.
Les étudiants qui vivent dans
un logement indépendant (578 000
ménages d’après le recensement de 2017) sont aussi hors champ de l’Insee.
Selon les
estimations de l’Observatoire, « le nombre de pauvres est supérieur d’au
moins un million aux données
officielles de la pauvreté »… en France métropolitaine. Il y aurait
aussi 950 000 pauvres dans
les DOM.
Ainsi, aux 9,327 Mi de pauvres
« officiels » en 2018, il conviendrait d’ajouter de l’ordre de 2 Mi
d’autres personnes pour s’approcher du nombre total de pauvres en France.
« Covid 19 :
la crise sanitaire a fait basculer un million de Français dans la pauvreté
»
A son tour, au début octobre
2020, lemonde.fr attirait l’attention sur le million de pauvres supplémentaires
(12), laissant penser que cette majoration était
attribuable à la crise Covid. « Ce chiffre d’un million supplémentaire de
pauvres est malheureusement une estimation basse, compte-tenu des 800 000
pertes d’emplois attendues fin 2020 », redoutait alors Florent Guéguen, DG
de la Fédération des acteurs de la solidarité. D’après l’Insee, 715 000
emplois avaient été détruits au 1er semestre.
Dix représentants
d’associations (Fondation Abbé Pierre, Médecins du monde, Secours
catholique, ATD Quart monde, Emmaüs… » avaient été reçus pour la première
fois par le ministre Jean Castex le 2 octobre, et avaient demandé le
relèvement des principaux minima sociaux, ainsi que l’ouverture du droit au
RSA dès 18 ans.
Il ne semble
pas qu’ils ont été entendus. Le RSA a été revalorisé de + 0,2% au 1er avril 2021…
après avoir été revalorisé de + 0,9%
en avril 2020. Pour une personne seule, il est de 565,34 € par mois. Pour un couple, il est de 848,01 €. S’il a 2
enfants, il est de 1 187,21 €. Merci à nos généreux gouvernants, grands
amis des pauvres.
Pour les
travailleurs, pauvres ou non, la revalorisation du SMIC au 1er
janvier 2021 a été de + 1,0%...
après + 1,2% en janvier 2020. Selon
le journaldunet.fr du 4 janvier, le SMIC net est de 1 231 € par mois.
Un complément avec la prime
d’activité est-il possible ? C’est compliqué ! Plusieurs
conditions en limitent l’accès et la prime dépend des revenus ainsi que de la
situation familiale, notamment. Pour connaître ses droits, il est recommandé de
remplir le questionnaire pour faire une « simulation » en ligne.
Paul KLOBOUKOFF
Académie du Gaullisme
Le 28 /04/2021
Sources et références
(1) Insee Première N° 1813 En 2018, les inégalités de niveau de vie
augmentent septembre 2020
+ Sources d’Insee Première N° 1813 :
Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav- CCMSA-, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux de 2005 à
2018 09/ 2020
(2) Enquête revenus fiscaux et sociaux
ERFS Document sur la méthodologie insee.fr/fr/metadonnees/source/serie/s1231/documentation…
(3) Le tableau de bord de la pauvreté
en France 2020 Observatoire des
inégalités
inegalites.fr/Le-tableau…
l’Essentiel 26/11/2020
(4) Pauvreté Insee Références, édition 2020 - Fiches -
Niveaux de vie et redistribution le
03/12/2020
(5) Estimation avancée du taux de
pauvreté et des indicateurs d’inégalités
Insee Analyses
insee.fr/fr/statistiques/4964147
11/2020
(6) Redistribution monétaire Insee Références, édition 2020 - Fiches -
Niveaux de vie et redistribution le
03/12/2020
(7) Niveaux de vie et revenu
disponible - Séries longues 1996-2018
Enquête Revenus sociaux et fiscaux (ERFS) Insee Résultats 16/10/2020
(8) Indice des prix à la consommation
- Base - 2015 - Ensemble des ménages
France - Ensemble
insee.fr/fr/statistiques/série/001759970
(9) L’état du mal logement en France
2021
fondation-abbe-pierre.fr/actualites/26e-rapport …
(10) Smic 2021 : montant horaire,
mensuel, net journadunet.fr mise à jour du 04/01/2021
(11) Plus d’un million de pauvres
oubliés des statistiques nationales observationsociete.fr/revenus/pauvreté/pauvresnon… 25/09/2020
(12) Covid 19 : la crise sanitaire a fait basculer un
million de Françaises et de Français dans la pauvreté
lemonde.fr/société/article/2020/10/06/un-million-de-nouveaux-pauvres-fin-2020
© 01.05.2021