Aux grands hommes, les grandes épreuves !
« Il ne faut pas mépriser l’homme si l’on veut obtenir des autres et de soi de grands efforts »
(Alexis de Tocqueville)
Un titre évocateur qui reflète l’image du général de Gaulle relevant seul le plus grand défi que la France ait connu dans son histoire, juin 1940. Nul doute que De Gaulle et Churchill se sont bien trouvés et compris parce qu’ils étaient à la hauteur l’un de l’autre. Mais gagner la guerre ne suffirait pas, la France devrait redevenir une grande puissance en retrouvant le chemin de l’effort, 1958 le symbolisera.
Le général de Gaulle écrira dans ses Mémoires de guerre, « La paix trouve notre économie privée d’une grande partie de ses moyens de production, nos finances écrasées d’une dette publique colossale, nos budgets condamnés pour longtemps à supporter les dépenses énormes de reconstruction. »
L’entre-deux, 1946, une époque ordinaire.
En charge d’un pays ruiné, le général de Gaulle créera un haut-commissariat au plan en janvier 46, nommant à sa tête Jean Monnet, afin de mener une politique d’équipement et de modernisation. « Mais de tous les investissements, ceux qui visent à accroître le nombre des Français nous sont les plus nécessaires. Les dispositions déjà prises, aides aux familles, allocations, vont désormais produire leurs effets. Enfin, la paix sociale à établir par l’association du capital, du travail et de la technique, l’indépendance nationale à maintenir face à qui que ce soit, pourront faire régner en France un climat propice à la fierté et à l’effort. » écrira-t-il, mais le régime exclusif des partis avait réapparu au détriment de l’unité du pays dont il redoutait les effets sur lui-même et surtout la dispersion de la nation, mettant en lumière la faiblesse du pouvoir.
Cette stratégie longuement mûrie n’empêchera pas les douze années de traversée du désert qui vont suivre pour Charles de Gaulle, douze années qui seront perdues pour la France !
A la fin de la IVème république, à l’époque, où sous l’égide de Jean Monnet et Robert Schuman, la construction européenne prend son élan, le général de Gaulle conteste cette orientation diplomatique. Si l’Europe est liée au destin des nations, elle ne pourra jamais s’y substituer, les histoires nationales ne se confondent pas entre elles.« L’Europe qu’on nous propose n’est ni libre, ni juste, ni efficace. Elle enterre la conception de la souveraineté nationale et les grands principes issus de la révolution :1992 est littéralement l’anti-1789 (…) Car le pouvoir qu’on enlève au peuple, aucun autre peuple ni aucune réunion de peuples n’en hérite. Ce sont des technocrates désignés et contrôlés encore moins démocratiquement qui en bénéficient et le déficit démocratique, tare originelle de la construction européenne, s’en trouve aggravé. » écrira quelques années après Philippe Séguin dans son discours de 1992.
Redressement, institutions, indépendance, le triptyque de 1958.
En 1974, fidèle à la pensée gaulliste, Jacques Chaban-Delmas évoquera les deux épreuves majeures pour lesquelles l’action du général de Gaulle sera déterminante pour le pays « Qu’est-ce que c’est le gaullisme ? C’est un effort de rassemblement national pour lutter contre le danger dominant. En 1940, le danger dominant c’était l’occupant. En 1958, le danger dominant c’était l’Etat qui se défaisait comme la France. Dans les deux cas, qu’est-ce qu’a fait De Gaulle ? Il a montré le péril et puis il a foncé sur l’obstacle. »
A son retour en 58, le général de Gaulle annonce un effort très dur mais nécessaire de remise en équilibre de nos finances et de notre économie. Pour lui « L’efficacité et l’ambition de la politique sont conjuguées avec la force et l’espérance de l’économie. » Ne pas se laisser aller à la facilité tout en préservant les conquêtes sociales issues du Conseil national de la résistance, ce grand défi lui sera lancé en 58 face à une situation financière dramatique, des réserves en devises inexistantes, une dette extérieure colossale et un commerce extérieur extrêmement déficitaire.
En 1957, le déficit avait dépassé 5% du produit national brut, la valeur du franc réduite de 20% telle une dévaluation progressive. Pour retrouver une économie saine, il fallait la confiance. La confiance, c’était Charles de Gaulle, son retour au pouvoir en 1958 après des années d’instabilité et d’impuissance, était devenu une chose inespérée pour les Français qui adhéreront immédiatement à l’emprunt du 17 juin de la même année nécessaire au redressement de la situation financière du pays. L’instauration d’un nouveau franc, le premier janvier 1960, représentera la stabilité retrouvée et traduira la volonté de garantir l’avenir sur le long terme.
Le général de Gaulle fera preuve aussi d’une grande pédagogie pour expliquer, lors de tous ses déplacements à travers la France, les conditions du redressement dont l’effort portera principalement sur la stabilité des prix, l’équilibre du budget et le développement des investissements.
Mais l’engagement du général de Gaulle qui façonnera sa personnalité auprès des Français, c’est de rendre la parole au peuple. Il n’y dérogera jamais, fidèle à ses principes, n’étant le chef d’aucun clan, éloigné de tout esprit partisan. Il était convaincu que la nation a besoin d’un pouvoir fort et continu dont les partis n’étaient pas à la hauteur de la tâche pour conduire les affaires du pays, surtout inaptes à défendre l’intérêt général. Comme il l’avait promis, le général de Gaulle rendra la parole au peuple par des élections générales.
Il avait déjà pressenti qu’une juxtaposition du pouvoir ne pouvait qu’aboutir à son impuissance, il savait quelles institutions étaient souhaitables pour la France. Un projet qui sans aucun doute se heurterait aux prétentions des partis pour lesquels la future constitution devrait dépendre directement et exclusivement d’eux, ne retenant aucune leçon du passé, ne se souciant pas de l’avenir, retournant dans leurs querelles partisanes. « C’est mon affaire de demander aux Françaises et aux Français de faire connaître s’ils entendent que l’Etat soit bâti comme je crois qu’il doit être. S’ils répondent affirmativement, les partis s’en accommoderont et la République nouvelle aura ma participation. » écrira le général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre.
Pour lui, « il n’y a pas de gouvernement possible en dehors des réalités. », c’est surtout après son installation à l’Elysée en janvier 59 qu’il fait preuve de réalisme, principalement en politique étrangère.
S’il y a bien une chose que le général de Gaulle a suscité, c’est l’espoir. Au moment de retrouver la liberté, Léon Blum déclarera : « la France ressuscite grâce au général de Gaulle. Nous avons eu la chance d’avoir un général de Gaulle. Du fond de ma prison, j’ai toujours espéré que mon parti saurait l’appuyer. La France entière a confiance en lui. Sa présence est, pour notre pays, une garantie irremplaçable de la concorde intérieure. »
*Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
© 01.02.2021