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Déficits de croissance, déficit public et trou de la
Sécurité sociale
Par Paul KLOBOUKOFF,
Trame de fond et premières observations
Un premier but du présent article est de souligner
le lien étroit entre la croissance économique, représentée par celle du PIB, et
l’équilibre des comptes des administrations publiques. C’est important car nous
sommes entrés dans une période de croissance « molle », inférieure à
+ 1,5% par an, et l’exécutif continuant à se vouer corps et âme à toutes sortes
de réformes,
notamment pour réduire le déficit public, semble se préoccuper moins d’assurer
durablement une croissance « robuste », qui passe par une ré-industrialisation du pays. Or, tant qu’un autre modèle,
plus écologique et peut être moins exigeant en matière de compétitivité, n’aura
pas remplacé l’actuel, la croissance restera une priorité incontournable, au
moins pour améliorer le bien être de la population. En France, comme au
niveau de l’UE, prolonger indéfiniment la politique des taux d’intérêt
négatifs, l’accentuer comme vient de le faire la BCE, et inonder le marché de
liquidités, donne un peu de « confort » aux comptes publics, mais ne
relance pas la croissance et est très dangereux. La bulle boursière qui enfle
aujourd’hui est très inquiétante.
Il est sans doute
encore bon aussi d’attirer l’attention sur les sempiternelles hausses des
prélèvements obligatoires auxquelles il a été recouru depuis plus de 20 ans,
surtout lors des périodes de croissance insuffisante, dans le but principal,
sinon unique, de limiter le déficit public surveillé de près par Bruxelles.
La ressemblance entre
l’évolution du solde du compte du régime général de la Sécurité sociale depuis
1998 et celle du déficit public mérite aussi d’être observée. A ce propos, il
n’est pas inutile de s’interroger sur l’arbitraire croissant qui influe sur la
répartition du déficit public entre l’Etat, les collectivités territoriales et
la Sécurité sociale, qui d’une année à l’autre ou sur plusieurs années peut
minimiser ou accentuer leurs déficits respectifs, ainsi que ceux de leurs
branches. Le jeu sur la fiscalité en est le premier instrument, nettement plus
maniable et aux effets plus rapides que la pression sur les dépenses publiques.
Les hausses de la CSG
et les décisions d’attribution et/ou de fixation des montants des prestations
sociales en fonction des revenus se multiplient. Elles semblent, en outre, devoir être
complétées, avec plus d’insouciance et moins de retenue, par la modification
et/ou le non-respect de principes fondamentaux et stabilisateurs, voire de
lois, qui ont encadré avec sagesse les décisions économiques, financières et budgétaires jusque là.
Depuis 2013, les « désindexations », quand ce n’est le gel,
des pensions de retraite, des salaires dans la fonction publique, ainsi que des
prestations sociales, ou leur baisse (comme celles des APL), rencontrent un vif
succès et sont pratiqués aujourd’hui sans modération.
Avec la réforme de l’assurance chômage, le financement
« contributif » par les bénéficiaires potentiels et leurs employeurs
a été en partie pris en charge par l’Etat, qui peut ainsi imposer aux
partenaires sociaux ses arbitrages.
Avec la
« réforme de la taxe d’habitation », les collectivités locales ont vu
leurs prérogatives fiscales et leur indépendance financière gravement affectée.
De nombreux
changements intervenus depuis 20 ans ont déstabilisé et fiscalisé les recettes
de la Sécurité sociale, laissant moins de place aux cotisations sociales, d’un
maniement moins souple que les impôts. Au point qu’en 2018 et en 2019, la TVA
vient aussi abonder les recettes de la SS.
Le siphonnage du
compte de la Sécu dans le PLFSS 2020 en cours de discussion, par le non respect du principe de compensation par l’Etat du
« manque à gagner » du
à des mesures de décembre 2018 répondant aux revendications des gilets jaunes (heures
supplémentaires désocialisées, prime exceptionnelle, restauration d’une CSG à
6,6% pour les petites retraites) est plus qu’une entorse. C’est une rupture
avec un principe institué par Simone Veil en 1994, et c’est un
« précédent » très fâcheux pour l’avenir.
Des artifices dans la comptabilisation de recettes ou de dépenses au
titre d’un exercice ou d’un autre sont aussi dépistés.
Ainsi, au lieu de 77,7 Mds € de recettes de l’impôt sur le revenu (IR) en 2019,
le PLF 2020 affiche 72,6 Mds €… "en
raison de la perception des recettes de prélèvement à la source de décembre
2019 en 2020 (5,1 Mds €) ».
Le
« tripatouillage » du barème de l’IR est aussi de retour après
l’instauration du prélèvement à la source.
En l’absence de véritables contrepouvoirs, avec une majorité obéissante
à l’Assemblée nationale, l’exécutif peut tout se permettre, faire adopter et
entériner ce qu’il veut. Seules des manifestations d’envergure comme celles des
gilets jaunes, qui menaçaient de faire tache d’huile, semblent pouvoir
infléchir ses décisions. On pourrait donc s’attendre à du grabuge d’ici
peu ! C’est regrettable. C’est la façon dont la gouvernance du pays, autorisée
par la Constitution, est exercée qui est mise en cause… et pour cause.
Mais ce n’est pas le
sujet du présent article, qui est consacré essentiellement à une analyse
rétrospective chiffrée.
Pendant les deux
décennies de 1997 à 2017 le compte des administrations publiques s’est trouvé
constamment en déficit. Lorsqu’ils ont été prononcés, les « déficits de
croissance » ont aggravé ce déficit public et/ou ont entravé sa réduction.
Cela a été le cas sur une courte durée en 2002-2003, après l’éclatement de
« la bulle Internet de l’an 2000 ». Cinq ans plus tard, lors de la
grande crise financière et économique de 2008-2009, la dégradation a été
profonde et durable, se prolongeant jusqu’à 2016. Ceci, malgré les hausses
répétées de la fiscalité, qui n’a pas cessé de courir derrière les dépenses
publiques, plus « dynamiques » malgré les pressions qui ont été
exercées pour les contenir. De 43,3% du PIB en 1997, le taux des prélèvements
obligatoire (TPO) est monté jusqu’à 45,2% en 2017. Pendant ce temps, les
dépenses publiques ont grimpé de 54% à 56,4% du PIB.
Depuis le milieu des
années 2000 à 2010, la génération du baby-boom d’après la guerre de 1940 est
venue grossir les rangs des retraités, poussant à la hausse le poids financier
des pensions. Le vieillissement de la population lié à la progression de
l’espérance de vie tire dans le même sens en même temps qu’il accroit les
besoins en matière sanitaire et sociale. Les évolutions sociétales se sont traduites
par l’accroissement du nombre de familles monoparentales. Le chômage reste
élevé et son indemnisation, coûteuse, est remise en cause. Le taux de pauvreté
est élevé, surtout en milieu rural et dans la périphérie des grandes villes.
L’évolution « spontanée » de la demande de dépenses publiques de
« protection sociale » ne faiblit donc pas.
Le solde du compte de
la Sécurité sociale a suivi un parcours similaire à celui du déficit public global.
Avec des soubresauts et des écarts temporaires dus principalement aux décisions
fiscales prises pour « relever » les recettes et les répartir au
goût du jour entre les différentes administrations et les branches de
celles-ci, d’un côté, ainsi qu’aux « réformes » et autres décisions
restrictives portant sur les dépenses, de l’autre côté.
Le déficit public n’a
été ramené dans les clous de Maastricht que lors de la forte croissance de 1997
à 2001. Le « trou de la Sécu, s’est même alors mué en excédent pendant 3
ans. Nous verrons comment s’est produit ce miracle
Après le bref rebond
en 2010 et 2011, malgré la croissance très « molle » de 2012 à 2016, le
déficit public a pu être ramené progressivement de – 7,2% du PIB en 2009 à
– 3,5% du PIB en 2016. « Inévitablement » moyennant une forte
augmentation du TPO et un « contrôle » des dépenses publiques
n’excluant pas quelques coups bas.
Dans le prolongement
des « efforts » (des citoyens et des contribuables) des années
précédentes, et grâce au rebond de la croissance entre l’automne 2016 et la fin
de l’année 2017, le déficit public est passé sous la barre des - 3% du PIB en
2017 et en 2018. Il se creuse un peu en 2019, et est censé diminuer à nouveau
jusqu’à 2022. Ceci, malgré une croissance qui ne dépassera pas + 1,4% par an
d’ici là, d’après les prévisions. Cela résultera, on peut le craindre, de
l’application d’une politique d’austérité « sélective » assez sévère,
commencée en 2018. Une politique qui, dans un climat d’inquiétude et associée
aux menaces portées par les infos distillées sur le « projet » de
réforme des retraites, provoque mécontentement, revendications, grèves et
manifestations dans de nombreux secteurs de l’économie et de la société, de la
part des agriculteurs, des indépendants, des professions libérales, de services
publics : hôpitaux, urgences, pompiers, policiers, transports, énergie…
A peu près au même
rythme que la réduction du déficit public entre 2009 et 2017, le trou béant de
la Sécu de 2009-2010 a été assidument comblé et n’était plus que 1/1000 du PIB
en 2017. Copieusement doté par la hausse de + 1,7% du taux de la CSG, le compte
de la Sécu a retrouvé un léger excédent en 2018. Autocongratulations et
applaudissements médiatiques ! De courte durée, car, avec le concours
actif de l’exécutif, le trou de la Sécu s’est rouvert en 2019. Lamentations,
condamnations ! Il n’est pas inutile d’examiner pourquoi cette
instabilité.
I - Déficits de croissance et déficits publics de 1998 à
2018
La course interminable de la fiscalité derrière les dépenses publiques
De 1960 à 1980, avec
des écarts annuels variables relativement modérés, recettes et dépenses sont
restées voisines, montant de 37,5% du PIB en 1962 à 46% en 1980. Depuis 1981,
le décrochage entre dépenses et recettes est devenu permanent. Année après
année, des déficits publics d’inégale ampleur ont été enregistrés.
Depuis plus de 20
ans, les recettes des Administrations publiques généreusement alimentées par
les prélèvements obligatoires (PO) ont couru plus vite que le PIB pour
rattraper les dépenses publiques, plus rapides qu’elles. Les dépenses ont leurs
propres dynamiques, en partie liées aux évolutions démographiques et à la
nécessité d’assurer correctement les services publics, notamment. Pour les freiner, les ralentir, ce sont le plus
souvent des mesures coercitives et/ou restrictives qui ont été utilisées.
Les dépenses
publiques sont montées de 54% du PIB en 1997 jusqu’à 57,2% en 2013 et 2014
avant d’être ramenées laborieusement à 56,4% en 2017, puis à 56% en 2018. Après leur ascension
jusqu’à un sommet d’une hauteur de 45,2% du PIB en 2017, les PO ont marqué une
pause à 45%
en 2018, permettant aux recettes publiques de s’élever à 53,5% du PIB cette dernière année.
Dynamique de croissance brisée par la grande crise et perspectives
actuelles moroses
Commencée avec la
« bulle Internet » de l’an 2000, la décennie 1998-2007 a vu
une croissance forte du PIB, de + 2,4% par an en moyenne. La grande crise
financière et économique de 2008 a provoqué une brutale cassure. Le PIB s’est
immobilisé cette année-là, puis s’est effondré, perdant -2,9% en 2009, au pic
d’une crise dont notre économie ne semble pas encore complètement remise. Après
une brève reprise en 2010 et 2011, la progression du PIB a été ralentie, et,
finalement, elle n’a été que de + 1,2% par an en moyenne de 2009 à 2016.
Puis, un rebond est intervenu au cours de l’année 2016 et le PIB a
« gagné » + 2,3% en 2017. Cependant, l’embellie a été de courte durée. La
croissance a été de + 1,7% entre 2017 et 2018, mais seulement de + 1,0 % au
cours de l’année 2018.
Pour le présent et l’avenir, les prévisions du PLF 2020 sont de + 1,4% en 2019 et + 1,3% en 2020. Celles du FMI d’octobre 2019 sont de + 1,2%
en 2019 et + 1,4% en 2020.
Le Programme de Stabilité 2019-2022 présenté à l’Union européenne en
avril avait retenu + 1,4% pour 2021 et + 1,4% pour 2022. Le PLFSS 2020 a repris
ces taux. Une croissance molle s’est donc installée, qui devrait durer jusqu’à
la fin du quinquennat, d’après les prévisions de nos Autorités. Vu les
engagements de réduction du déficit public pris envers Bruxelles, ainsi que
l’impérieuse obligation de stopper la montée de la dette publique, qui menace
d’atteindre 98,8% du montant du PIB en 2019, plusieurs années d’austérité sont
encore devant nous.
Déficits de croissance et déficits publics
de 1998 à 2017
Le déficit public [en
vert dans le tableau 1] est resté « dans les clous » fixés par l’UE
(- 3% du PIB) pendant les 3 périodes de relativement forte croissance des 20
dernières années : - de 1998 à 2001, pendant la montée de la « bulle
de l’an 2000 et avant sa retombée » ; - lors de la remontée de 2004 à
2007 ; - lors du rebond en 2017 et 2018.
Au contraire, le
déficit est sorti des clous [en rouge dans le tableau], sans s’en éloigner
trop, de 2002 à 2004, lors et à la suite du dégonflement de la bulle, le rythme
« dynamique » des dépenses publiques ayant tardé à être
« ajusté » en fonction de l’évolution des recettes, elle-même moindre
de celle du PIB.
Mais, c’est l’arrêt de la croissance en 2008 et la chute du PIB en 2009
qui ont engendré la plus forte différence entre le niveau des recettes et celui
des dépenses publiques. La légère baisse concomitante du taux des prélèvements
obligatoires (TPO) à 41,2% en 2009 et 41,5% en 2010 a contribué à aggraver un
peu le déficit public. En 2009 et 2010, celui-ci a été très proche de -7% du
PIB.
Ensuite, la
croissance, de l’ordre de + 2% en 2010 et en 2011 a été accompagnée d’une
hausse substantielle des PO, qui a porté leur taux jusqu’à 43,9% du PIB en
2012, puis à 44,9% du PIB en 2013. Cette « conjonction » a permis de
ramener le déficit public près de - 4% du PIB en 2013 malgré la quasi-stagnation
du PIB.
Pendant les 3 années
suivantes de morne croissance, le TPO a légèrement baissé, jusqu’à 44,6%, et la
pression sur les dépenses a
contribué à assurer la
poursuite du recul du déficit public, descendu à - 3,5% en 2016.
En même temps que le
retour de la croissance (+ 2,3%) en 2017, les contribuables ont
supporté une fiscalité record (avec : + 4,8% de TVA, + 6,5% d’autres
impôts et taxes sur les produits, + 4,8% d’impôts sur les revenus…). Le TPO est
monté à 45,2% du PIB et le montant des PO a dépassé 1 000 Mds €. Aussi,
les recettes publiques ont bondi de + 3,7% d’une année à l’autre pour atteindre
le niveau de 1 228,3 Mds €. Pendant ce temps, les dépenses publiques ont
augmenté de + 2,5%, atteignant 1 291,3 Mds €. Le déficit public a été abaissé à
– 2,8%
du PIB, revenant ainsi dans « les clous de Bruxelles ». Le miracle
a pu être applaudi.
II - L’austérité
jusqu’à 2022 pour réduire les déficits publics
Croissance morne et austérité de 2018 à 2022
En 2018, les premières réformes du président Macron ont
produit des fruits amers. La croissance du PIB a été freinée. Le taux très
élevé des PO n’a été réduit que de - 0,2%, s’établissant à 45%. Les infos
contenues dans le PLF 2020 indiquent que cette modeste baisse a été obtenue
notamment grâce : - au remplacement de l’ISF par l’IFI (- 3,2 Mds
€) ; - à la mise en place de la « flat tax » (-1,4
Mds €) ; - à la suppression de la surtaxe additionnelle sur les sociétés (- 4,8
Mds €). De la sorte, les PO ont été « allégés » de - 9,4 Mds €. Les
dégrèvements de la taxe d’habitation pour une partie des Français ont
aussi coûté - 2,4 Mds €,
et les baisses des cotisations sociales chômage et santé ont été chiffrées à –
5,8 Mds €. Mais, en contrepartie, les recettes de la CSG ont été
alourdies de + 26%, soit de + 25,7 Mds € et celles de la TIPE
(produits énergétiques) de + 2,2 Mds €. Vivifiées par une inflation revigorée
(+ 1,8%), les recettes de TVA ont crû de + 4,3%, soit de + 7 Mds €. Ainsi, de
2017 à 2018, les recettes publiques ont été majorées de + 28,7 Mds €,
atteignant 1 259,1 Mds €, soit 53,5% du PIB. De son côté, à l’aide de
désindexations des pensions, des salaires des agents de la Fonction publique
ainsi que des prestations sociales et la baisse des APL, notamment,
l’augmentation des dépenses publiques a été limitée à + 24.6 Mds €, portant
leur montant à 1 318,6 Mds €, soit à 56% du PIB. Dans ce concours de
circonstances « réformatrices », le déficit public s’est établi à - 2,5% du
PIB en 2018. Cependant, une
étude de l’Insee publiée ce 16 octobre indique que la politique conduite par
l’exécutif a conduit à l’accroissement
des inégalités, particulièrement en faveur de la petite minorité des
« plus riches », ainsi qu’à la
hausse du taux de pauvreté, qui toucherait désormais 14,7% de la
population, soit 9,1 millions de personnes (2). Les gilets jaunes ne se
sont pas soulevés sans raisons. La multiplication des grèves et des autres
manifestations n’est pas gratuite, non plus.
Pour calmer les gilets jaunes et atténuer les tensions sociales, des
« concessions » fiscales ont été faites en décembre 2018 et en avril
2019, en particulier avec : - l’exonération
et la défiscalisation des heures supplémentaires (- 3
Mds € en 2019 et – 0,8 Mds en 2020) ; - l’annulation de la hausse
de la CSG pour les retraités modestes (- 1,6 Mds en 2019) ; - la révision
du barème de l’impôt sur le revenu (- 5 Mds en 2020). Dans le PLF 2020, les
principales mesures du gouvernement en 2018, 2019 et 2020, destinées à redonner
du pouvoir d’achat aux ménages, sont des allègements des PO de - 10,3 Mds € en
2019 et - 9,3 Mds en 2020… en comptant les dégrèvements de taxe d’habitation
(TH) des 80% des personnes les « moins riches ». Par contre, le
report à 2023 de l’exonération de TH pour les 20% les « plus aisés »,
dont Bercy a chiffré le coût à 7 Mds €, n’est pas comptabilisé (3). Pour réaliser
cette « petite » économie et, il a suffi à Emmanuel Macron de ne pas
respecter ses promesses de 2017.
Pour réduire le
déficit, le pouvoir n’a pas renoncé à poursuivre, voire à durcir, sa politique
d’austérité en exerçant une forte pression sur les dépenses publiques, sans se
priver de moyens critiquables, dont les désindexations des salaires de la FP,
des pensions et des prestations sociales font partie.
Pour les
années 2019 et 2020, les tableaux qui figurent dans le PLF 2020 ne font état que des
dépenses publiques « hors crédit d’impôt », c'est-à-dire sans compter
des subventions dont la plus coûteuse, 20 Mds € par an, est le CICE. Or, avec
sa transformation « pérenne » en réduction de cotisations sociales
des entreprises, la fameuse « bascule CICE » majore les dépenses
publiques (cf. Tableau 10 du PLF) de + 20 Mds € supplémentaires en 2019, puis
les réduit de – 13,5 Mds € en 2020. Les « effets temporaires » sur
l’évolution du déficit des Administrations publiques ne sont donc pas
négligeables.
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Malgré les mornes prévisions de croissance, compte tenu de
l’augmentation des prix, les montants du PIB en euros courants croissent de +
2,7% entre 2018 et 2019, puis de + 2,6% entre 2019 et 2020. Après 2 353,1
Mds€ en 2018, ils sont de 2 416,9 Mds € en 2019 et de 2 479,4Mds € en
2020.
En comptant les « concessions aux gilets jaunes », les PO,
évalués à 1 059,5 Mds € en 2018, montent à 1 080,4 Mds € en 2019 (+ 2%) et
à 1098,3 Mds € en 2020 (+ 1,7%). La progression prévue du PIB étant plus forte,
le TPO diminue de 45% en 2018 à 44,7% en 2019 et à 44,3% en 2020.
Le PLF 2020 n’indique précisément ni les niveaux des recettes ni ceux
des dépenses publiques prévus en 2019 et en 2020. D’après les autres infos
présentées, il ressort qu’avec les 20 Mds d’euros de la « bascule
CICE » les dépenses publiques croissent plus vite entre 2018 et 2019 que
les recettes publiques. Cela provoque l’aggravation « temporaire » du
déficit public, qui passe de - 2,5% à - 3,1% du PIB. L’année suivante, les dépenses
publiques et les PO augmentent à un rythme voisin de + 1,8%, inférieur à celui
du montant du PIB. Aussi, le déficit public descendra à - 2,2% du PIB en 2020… si les
prévisions sont vérifiées.
Il faut aussi noter
que la chute abyssale des taux d’intérêt, jusqu’en dessous de zéro pour une
grande partie de la dette publique, a permis la baisse de la charge, déjà
faible, de la dette publique (au sens de Maastricht). De 1,48% du PIB en
2018, elle tombe à 1,34% en 2019, puis à 1,18% en 2020. Ainsi, les dépenses
publiques se trouvent allégées de – 0,3% du PIB entre 2018 à 2020. C’est autant
de déficit public en moins. Pendant combien de temps durera cette faiblesse
très anormale des taux, très néfaste à bien des égards ?
Ces derniers
paragraphes soulignent le poids des performances en matière de croissance sur
le niveau du déficit public ainsi que sur la détermination de la politique
budgétaire, tournée résolument vers l’austérité depuis l’été 2018 pour
respecter les engagements envers l’UE. On pourrait presque dire « coûte
que coûte » quand on regarde la situation sociale et le climat de
tensions, de confrontations dans lequel le pays est plongé. Le mécontentement
et un fort sentiment d’injustice dominent et s’expriment.
Polariser son
attention et son activité sur d’incessantes réformes, dont l’urgence et
l’utilité ne sont pas toujours prouvées, semble faire occulter à nos
gouvernants actuels que depuis 2018 la
France est en déficit de croissance. Le programme de stabilité 2018-2022
avait fixé des objectifs de progression du PIB de + 1,9% en 2019 et + 1,7% par
an les trois années suivantes. Nous en sommes loin. Il faut se mobiliser sur
les vraies priorités : dynamisme économique, environnement, justice
sociale, infrastructures et services publics à la hauteur des besoins.
III - Combler ou creuser le trou de la
Sécurité sociale
Comment l’excédent historique du début du
siècle a été « produit »
Dans l’article de la
Lettre de novembre 1999, intitulé « Fiscalité : les Français étaient
inquiets, les voici soulagés », j’avais résumé les mesures et les
circonstances qui avaient concouru à « l’overdose » de prélèvements obligatoires en 1997, 1998 et 1999.
En valeur nominale, l’augmentation des PO avait été de + 14% en 3 ans. Elle résultait avant tout de l’accélération d’une
ampleur inattendue de la croissance, qui avait pris naissance en 2017 et allait
durer jusqu’à 2000, avant l’éclatement de la « bulle Internet ». En
trois ans, de 1996 à 1999, le PIB a crû de + 3,5% par an. En 2000, il a encore
gagné + 3,9%, avant de ralentir à + 2% en 2001. Mais la surdose résultait aussi
de décisions de hausses fiscales supplémentaires prises par le gouvernement
Jospin pour réduire le déficit public. Celles-ci se sont traduites par la
montée du taux des PO de 43,2% du PIB en 1996 à 44% en 1999. L’inflation
fiscale avait été telle que le président
Chirac avait demandé au gouvernement de restituer une partie des sommes perçues
aux Français. Le TPO est alors descendu à 43,2% en 2000, puis à 42,9% en
2001 et 42,2% en 2002.
Entretemps, le
déficit public était passé sous la barre des - 3% du PIB et avait touché un
plancher de –
1,3% du PIB en 2000. Le « trou de la Sécu » s’était
réduit à – 2,4 Mds € en 1998 avant de laisser la place à un léger excédent de
1999 à 2001. Et, comme par miracle, les quatre branches de la SS avaient eu le
droit de profiter du gâteau.
Un changement
« stratégique » a été opéré dans la composition des recettes de la Sécu au
profit de la fiscalité, par des hausses de la CSG, au détriment des cotisations
sociales. Le montant des cotisations a été abaissé entre 1997, et en 4 ans du
gouvernement Jospin, la part des cotisations sociales dans les recettes de
la Sécu a diminué de 69,4% à 55,5%. En contrepartie (et davantage),
le taux de la CSG a été relevé de 2,4% en 2016 à 3,4% en 1997, puis, en
1998 : à 7,5% sur les revenus d’activité et de patrimoine, et à 6,2% sur
les revenus de remplacement (retraite, chômage…), au profit de la branche
maladie. Entre 1997 et 2001, la part des impôts et taxes dans les
recettes de la Sécu est montée de 13,3%
à 28,8%.
Persistance du déficit public à 16 années consécutives de déficit de la
Sécu
En 2002, le solde du compte de la Sécurité sociale est repassé dans le
rouge, Mais, la SS ayant été généreusement dotée auparavant, son montant, de –
3,5% Mds €, n’était que de l’ordre de 6% du déficit public total.
De 2003 à 2008, le trou de la Sécu est resté peu éloigné de - 10 Mds €,
représentant de 16% à 19% du déficit public.
En 2009 et 2010, au plus profond de la crise économique et financière,
le trou s’est creusé jusqu’à – 20,3 Mds €, puis – 23,9 Mds €, représentant
alors respectivement 14,6%, puis 17,6% du déficit public.
Ensuite, le poids du
déficit de la SS dans le déficit public a diminué jusqu’à près de 12% en 2014
et 3% en 2017.
Ainsi, si le déficit de la Sécu a été « dépendant » du déficit
global des comptes des administrations publiques, depuis presque dix ans. Il a
été réduit davantage que ce dernier, ce qui lui a permis de se muer en excédent
en 2018 comme le montre le tableau 1. Il est donc bon de ramener les problèmes
à leurs justes proportions.
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