Les sénatoriales pour concrétiser les municipales

I - D’inavouables résultats cachés des élections municipales

Par Paul KLOBOUKOFF

 

Elections municipales et communautaires : quelques rappels

 

L’effectif des conseillers municipaux croît avec le nombre d’habitants des communes, mais pas proportionnellement. Il est de 7 dans les communes de moins de 100 h, de 11 dans celles de 100 à 499 h, et monte à 39 dans celles de 30 000 à 39 999 h, puis jusqu’à 69 dans celles de 300 000 h et plus.

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, l’élection des conseillers municipaux (CM) se déroule au scrutin majoritaire plurinominal à deux tours. Les candidats peuvent se présenter seuls ou groupés. Les électeurs sont autorisés à voter pour des candidats de plusieurs groupes (panachage). Sur un total de 35 000, le nombre de ces communes est proche de 25 000.

Dans les communes de 1 000 h et plus, l’élection des CM a lieu au scrutin de liste, à deux tours, proportionnel avec prime majoritaire à la liste arrivée en tête. Les maires sont élus par les CM élus.

Les conseillers communautaires (des communautés de communes) sont les CM élus classés en tête de leurs listes. Ils élisent leurs présidents.

Cette année, les préfets ont attribué d’office des nuances politiques aux candidats et aux listes candidates des communes de 3 500 habitants et plus en tenant compte, notamment, des investitures données par les partis. Une grille de 24 nuances a servi aux classifications. Le nombre des communes de 3 500 h et plus est voisin de 3 200.

Les élections municipales ont lieu tous les 6 ans. Jusqu’en 2014, à l’issue de chaque tour, le ministère de l’Intérieur faisait diligence et publiait sans tarder les résultats pour la France entière obtenus au Scrutin majoritaire, au Scrutin de listes, ainsi qu’à Tous Scrutins. Ces résultats indiquaient les nombres des inscrits, ainsi que les nombres et les pourcentages des abstentions, des votants, des bulletins blancs ou nuls, des suffrages exprimés.

A chacun des deux tours, des tableaux donnaient les résultats obtenus au Scrutin de listes par chacune des nuances politiques en termes de nombres de voix et en pourcentages.

Des résultats agrégés étaient aussi accessibles par région et par département.

 

 

 

En 2020, le gouvernement a décidé de priver les Français de ces informations. Les citoyens doivent se contenter de résultats au niveau des communes et de villes.

« La publicité est la sauvegarde du peuple », avait déclaré le 17 août 1789 Jean-Sylvain Bailly, qui venait d’être proclamé maire de la Commune de Paris (le premier maire), après avoir été le premier président du tiers état et de l’Assemblée nationale (1). Edwy Plenel l’a rappelé le 1er août sur ARTE en parlant de son ouvrage auquel il a donné ce titre. « Autrement dit, tout ce qui est d’intérêt public doit être rendu public… ». Notre exécutif tourne sans vergogne le dos à ce principe républicain… tout en proclamant à tout bout de champ sa dévotion à la «  transparence ».

Deux élections municipales 2020 très spéciales

Des élections municipales 2020, on pourra retenir d’abord les conditions très particulières dans lesquelles elles se sont déroulées et le refus du gouvernement d’en faire connaître les résultats pour la France entière, par mode de scrutin, par nuances politiques aux niveaux des départements, des régions. Cette dissimulation est sans nul doute liée à la déconfiture du parti présidentiel, LREM, qui n’a recueilli dans les communes de plus de 1 000 habitants que 1,66% des suffrages exprimés au premier tour et 1,82% au second. Quant au Modem de François Bayrou, ses scores sont de 0,13% et 0,12%. Et, sur les 222 000 sièges de conseillers municipaux de ces communes, ces alliés n‘en ont obtenu que 624 et 103. Après trois ans d’exercice du pouvoir, leur implantation sur le territoire est marginale. Mais, « Il ne s’agit pas de tirer des conséquences excessives des scrutins locaux », selon Emmanuel Macron. Et on en tirera d’autant moins que les résultats en seront cachés. Un « mensonge par omission », en quelque sorte. Pour signifier aussi aux Français que ces élections municipales n’ont éventuellement d’intérêt qu’à un niveau très local, et aucun au niveau national Alors que les élections sénatoriales, régionales et départementales sont à portée de vue !

 

 

De précieuses sources d’information à connaître

 

C’est au ministère de l’Intérieur que sont centralisées toutes les infos et qu’on peut les trouver au niveau des communes et de villes. Mais « que ceux que les résultats aux niveaux des départements, des régions ou de la France entière intéressent fassent eux-mêmes les longs calculs appropriés ! » Au moins deux médias ont relevé ce défi… sans trouver les échos mérités. Dans mon article d’avril (2), j’avais fait état des « Résultats par famille politique des élections municipales 2020 » publiés par La-Croix.com le 26 mars (3). Il s’agissait des résultats cumulés des 9 940 communes de plus de 1 000 habitants où des scrutins de listes avaient eu lieu (hors Polynésie française).

Pour ces mêmes communes de plus 1 000 h, BFMTV a aussi publié en mars les résultats nationaux (cumulés) du premier tour issus de ses calculs, puis, après le second tour, le 30 juin, les « Résultats des élections municipales 2020 nationaux » (4) des deux tours.

Les résultats du 1er tour ont été présentés par Wikipédia, qui a également publié un « Tableau synthétique des maires des [42] villes de plus de 100 000 habitants sortants et élus en 2020 » (5) avec les indications de leurs nuances politiques, mis à jour le 6 juillet.

La Gazette des communes a apporté de précieuses infos de portée nationale : - le 16 mars, dans l’article « 30 000 maires élus dès le premier tour », sur la participation et les nombres de maires élus et réélus selon les nombres d’habitants des communes (6) ; - le 20 mars, dans « Municipales 2020 : l’ancien monde revient en force », sur la répartition entre les nuances politiques des 2 176 maires élus au 1er tour dans les 3 157 communes de plus de 3 500 habitants (7) ; - le 29 juin, dans l’article « Municipales 2020 : la déferlante abstentionniste », montrant les très faibles scores des listes « victorieuses » (8) ; - le 1er juillet, dans « Municipales : la victoire en trompe l’œil de la parité », sur la progression du nombre de femmes maires, qui se limite à 12 dans les 42 villes de plus de 100 000 habitants (9) ; - le 3 juillet, dans « 2,8% des Français ont un maire écolo » (10), sur les justes proportions du « raz-de-marée » écologiste, ainsi que sur la répartition des maires selon leur famille politique à l’issue des élections.

 

 

L’exécutif a décidé de maintenir la date du 1er tour au 15 mars. En raison de l’épidémie de la Covid-19, le 2ème tour a eu lieu 28 juin, soit plus d’un trimestre plus tard et après un long confinement, dans un contexte différent du 1er. Sans véritable campagne électorale et avec des contraintes et des restrictions pour le moins inhabituelles.

 

Les deux tours |ou les deux élections] ont en commun d’avoir été sévèrement impactés par l’épidémie et d’avoir connu des taux d’abstention record, 55,4% le 15 mars, puis 58,4% le 28 juin… contre 36,5% et 37,9% en mars 2014. En 2020, respectant la tradition, la France profonde s’est montrée plus « citoyenne » que celle des villes. L’abstention a été nettement plus faible dans les communes rurales et de moins de 10 000 habitants que dans celles plus peuplées. Dans les communes de plus de 100 000 h, elle a atteint 63,6% au premier tour. La crise sanitaire a amplifié ou s’est surajoutée à un refus de plus en plus partagé de participer à un « jeu politique » débilitant et stérile. Pourquoi participer à des consultations (élections, ainsi que « grands débats », et « dialogues » en tous genres dont l’exécutif a abusé) qui n’influencent pas les décisions, qui, de toutes façons, tombent d’en haut et/ou sont imposées par l’Union européenne.

Comme d’habitude, aux deux tours, l’information du public a été focalisée sur les grandes villes, délaissant complètement le reste de la France… sans intérêt !?

Au premier tour, 46,3 millions (Mi) d’électeurs inscrits étaient appelés aux urnes dans 34 968 communes pour élire leurs maires et environ 500 000 conseillers municipaux. Selon les sondages et les médias pendant la campagne, les enjeux locaux étaient largement dominants et le « localisme » prospérait. De nombreuses listes ont été classées en « Nuance non définie ». Dans les 9 938 communes de plus de 1 000 habitants, ces listes ont recueilli 26,1% des suffrages et acquis 115 291 sièges de conseillers municipaux sur les 181 143 sièges attribués, c'est-à-dire nettement plus que les listes « partisanes ».

Le premier tour a été décisif dans une grande partie du territoire, à l’exception des plus grandes villes. Une large majorité des maires ont été élus dès le 15 mars dans les communes de moins de 10 000 h, et les maires sortants candidats ont bénéficié d’une forte prime. Au total, 30 000 maires ont été élus, dont plus de 21 000 réélus.

Une poussée écologiste a eu lieu dans les villes, prélude à de possibles ou probables succès au second tour. Mais la principale « gagnante » parmi les familles politiques a été la Droite, qui a obtenu 26 300 sièges de conseillers municipaux et le plus grand nombre de postes de maires. La Gauche a recueilli plus de voix qu’elle, mais a remporté moins de sièges, 20 500, et de mairies.

Le second tour a mobilisé les citoyens dans 4 600 communes et secteurs électoraux hébergeant 38% de la population du pays. D’après les décomptes des décodeurs du Monde (11), 3 177 communes concernées sont de moins de 1 000 habitants et 1 422 en comptent davantage, dont 48 villes et secteurs de plus de 100 000 h.

Nous avons assisté à une « politisation » des enjeux, surtout dans les grandes villes. « Une vague verte a submergé le pays », selon les médias, dithyrambiques. En fait, les Verts (associés à des partis de gauche) ont remporté des succès spectaculaires à Lyon, à Bordeaux, à Strasbourg. Ils ont gagné à Annecy, Besançon et Tours, et ont conservé Grenoble. Mais, au total, en termes de voix et de sièges de maires et de conseillers, leurs performances sont modestes. La gauche a remporté Marseille et a conservé Paris ainsi que Lille. La droite a perdu Marseille et Bordeaux, mais détient les mairies de 16 des 42 villes de plus de 100 000 h et plus de la moitié de celles des villes de plus de 9 000 h. Le parti présidentiel et ses alliés ont perdu une grande partie de leur électorat, même dans plus grandes villes où il se trouvait concentré. Le RN a gagné à Perpignan.

Le second tour a été caractérisé par une surabondance de listes concurrentes, presque 4 000 au total, et la fragmentation de l’électorat. Parmi les 1 422 communes à scrutins de listes, 781 ont vu 3 listes s’affronter. Dans 154 communes, il y en eu 4, et dans 12, il y en même eu 5.

Conséquence de la très faible participation conjuguée à la multiplicité des listes, la plupart des listes « victorieuses » ont enregistré des scores particulièrement bas. Selon La Gazette des communes (8), « les listes victorieuses l’ont emporté en moyenne avec 30% des inscrits », et seulement 18% dans les villes de plus de 100 000 h.

Se pose donc un sérieux problème de représentativité des élus dans de nombreuses communes. Cette question ne leur est pas propre, elle est préoccupante au niveau national, puisque, rappelons-le, le candidat Macron a été élu en ayant obtenu 18,19% des suffrages des inscrits au premier tour des présidentielles de 2017. Aux législatives qui avaient suivi, l’abstention avait atteint 51,30% au premier tour, puis 57,36% au second. Avec pas plus de 38,43% de suffrages alors exprimés. LREM + Modem avaient raflé 60,3% des sièges de l’Assemblée nationale avec les voix de 18,88% des inscrits au premier tour et 15,40% au second.

On comprend que de telles « majorités » [autorisées par nos modes de scrutin] pratiquant des gouvernances conflictuelles « contrarient » des citoyens aux yeux desquels la « légitimité » d’un élu et des décisions qu’il est amené à prendre ne peut pas être totalement dissociée de sa « représentativité ».

Pour Jean-Luc Mélenchon, « la masse des Français est en guerre civique. C’est une forme d’insurrection froide contre toutes les institutions du pays ». Et, il est vrai que nous sommes au bord d’une crise de régime, si nous n’y sommes pas déjà plongés. Un changement de Premier ministre pour multiplier les annonces, « communiquer », faire encore plus de pédagogie, et pour « passer de la pommade » là où le bât blesse ne changera pas les fondements de la situation. Les Français attendent plus d’efficacité et des changements radicaux dans la gouvernance de la France.

Il est symptomatique que le 6 août, se référant à l’abstention aux municipales, le chef de file des députés du Modem ait rappelé Macron à ses promesses sur la proportionnelle aux élections législatives de 2022 (12) en déclarant « Une meilleure représentation proportionnelle, c’est un des engagements du président de la République ». «  C’était aussi l’une des premières revendications des Français lors du grand débat national ». Patrick Mignola a aussi précisé sa pensée dans un entretien au Figaro : « une proportionnelle intégrale dans un cadre départemental. Avec une prime, de telle sorte que le pays soit gouvernable ». « Si on partage mieux la richesse et les ressources, il faut aussi mieux partager le pouvoir avec les Français ». De retour de Beyrouth, Jupiter a surement apprécié.

En fin de compte, à côté des informations par commune et par ville largement diffusées (au moins localement), ainsi que ceux évoqués ci-dessus, les principaux résultats des municipales 2020 auxquels il nous est possible d’accéder concernant la France entière proviennent de BFMTV et sont détaillés ci-après. En bref, ce sont :

. Le poids électoral majeur du monde rural, des communes de moins de 1 000 habitants, qui ont eu à choisir 280 000 conseillers municipaux sur les 500 000. C’est une partie de la France qui n’intéresse pas les médias et trop peu nos gouvernants. Or de ses électeurs dépendront assez largement les résultats des prochaines sénatoriales, régionales et départementales. C’est sans doute une bonne raison pour les ignorer.

. Le poids « écrasant » des listes à Nuance non définie. Dans les communes de 1 000 h et plus, après avoir recueilli 63% des suffrages au premier tour, elles ont obtenu 123 000 des 222 000 sièges de conseillers municipaux.

. Un siège sur cinq est ainsi laissé aux listes des partis et nuances politiques. La droite a pris 37% de ces 100 000 sièges, la gauche, 31%, les Divers, 13%, et les Divers centre 13%. Les autres partis, qui comprennent le parti présidentiel et ses alliés, se sont partagé environ 6% des sièges de conseillers municipaux.

Ces résultats inavouables sont très différents des images qui nous ont été montrées par les médias.

Le 3 juillet, dans « 2,8% des Français ont un maire écolo » (10), la Gazette des communes avait aussi indiqué que maintenant : 31,3% des Français ont des maires sans étiquette, 28,8% ont des maires de droite et 24,1% ont des maires de gauche, écologistes compris. Les Divers et les autres partis et nuances se partagent les 14% restants.

 

Les données de la Gazette montrent aussi que la presque totalité des maires élus dès le premier tour l’ont été dans des communes de moins de 10 000 h. Les pourcentages de maires élus ont été résolument plus élevés dans les communes où la participation a été la plus forte.. Dans les 33 881 communes de moins de 10 000 h, 29 590 maires ont été élus. C’est 98,2% de la totalité des 30 125 maires élus au 1er tour. A l’opposé, dans les communes où l’abstention a largement dominé, les électeurs ont apparemment eu plus de mal à trouver « chaussure à leur pied ». Seulement 40 maires ont été élus dans les communes de 50 000 à 100 000 h, et 6 dans les 54 communes et secteurs électoraux de plus de 100 000 habitants.

Représentativité, légitimité : les maires des grandes villes ont été très « mal » élus.

Un graphique de l’article de la Gazette publié le 29 juin (8) présente les scores, en nombres de voix rapportés à ceux des électeurs inscrits, des listes victorieuses dans les communes selon leurs nombres d’habitants. De 33,3% dans les communes de 1 000 à 3 500 h (en moyenne), ils tombent à 27,3% dans les communes de 3 500 à 10 000 h, à 23,2% dans celles de 10 000 à 20 000 h, à 20,4% dans celles de 20 000 à 50 000 h, et déclinent jusqu’à 18,0% dans les villes de plus de 100 000 h. A Marseille, Lille, Dijon, Clermont-Ferrand, Nîmes, Amiens et Mulhouse, les scores des listes gagnantes sont inférieurs à 15%. A Melun, où l’abstention a été de 77,08%, Louis Vogel, maire sortant a été réélu avec les voix de 10,3% des inscrits.

Les principaux résultats des élections pour la France entière

Les résultats des calculs publiés le 30 juin par BFMTV (4) pour la France entière et par nuances politiques dans les communes de 1 000 habitants et plus sont réunis dans le tableau récapitulatif ci-dessous.

Dans ces communes, le nombre des conseillers élus est de l’ordre de 222 000, sur un effectif total évalué à environ 500 000. Si ces chiffres sont corrects, cela signifie aussi que le nombre de CM élus dans les communes de moins de 1 000 habitants est de l’ordre de 280 000. Ce n’est pas surprenant, vu les nombres relativement élevés de CM dans les communes peu peuplées. C’est considérable, puisque sur les 46,1 millions (Mi) d’électeurs inscrits en France, ceux résidant dans les communes de moins de 1 000 h sont moins de 7 Mi [6,76 Mi si l’on se fie aux calculs de Laurent de Boissieu pour France-politique.fr] (13), pour lequel le nombre d’inscrits est de 39,35 Mi dans les communes de plus de 1 000 h.

En termes de représentation, les communes de moins de 1 000 h bénéficient ainsi d’une forte « prime ». De leurs électeurs dépendront donc (encore) assez largement les résultats des prochaines sénatoriales, régionales et départementales. C’est sans doute une bonne raison pour les ignorer dans la présentation et les analyses des résultats des municipales.

Le poids « écrasant » des votes en faveur des listes à Nuance non définie est un autre point saillant. Dans les communes de 1 000 h et plus, ces listes ont accaparé 63% des suffrages exprimés au premier tour et occupé 55% des sièges de conseillers municipaux à l’issue des élections. Cela exprime un refus des « étiquettes » politiques, mais pas uniforme, semble-t-il, au vu des résultats (cf. ci-après).

Finalement, les partis et nuances politiques se « partagent » un cinquième des sièges de conseillers municipaux. Sur cette portion du gâteau, la droite prend 37% des sièges et la gauche, 31%. Entre ces deux blocs, les Divers et les Divers centre, à part presqu’égales, gagnent 26% des sièges. C’est dire que les autres partis et/ou nuances n’ont récupéré que des miettes. C’est le cas, en particulier des écologistes, de la République en marche, du Modem, de l’UDI, ainsi que du RN.

Le 3 juillet, dans « 2,8% des Français ont un maire écolo » (10), la Gazette des communes avait d’ailleurs indiqué que maintenant : 31,3% des Français ont des maires sans étiquette, 28,8% ont des maires de droite et 24,1% ont des maires de gauche, écologistes compris. Les Divers et les autres partis et nuances se partagent les 14% restants.

Ces résultats sont très différents des images qui nous ont été montrées par les médias.

Succès des Verts et résilience de « l’ancien monde » dans les villes de plus de 100 000 h

Les victoires des Ecologistes au second tour ont fait les unes de la plupart des médias. Ils ont conservé leur fief de Grenoble et ont conquis les mairies de 6 autres villes de plus de 100 000 habitants : Lyon, Bordeaux et Strasbourg, ainsi qu’Annecy, Besançon et Tours. Ils ont échoué de très peu à Lille.

Les Verts ont été accueillis à bras ouverts dans les villes « centristes » et/ou « ni de gauche ni de droite ». EELV a privé la République en Marche de ses deux mairies, celle de Lyon, où Grégory Doucet a créé la surprise et évincé le successeur de Gérard Collomb, et celle de Besançon. Ils ont aussi enlevé Annecy à l’UDI, qui ne détient plus que la mairie d’Amiens. En prenant Tours, ils ont dépossédé le Mouvement Radical de sa seule « grande » mairie.

Ces succès ont été en partie dus à leur affichage à gauche et à leurs alliances avec des partis comprenant, selon les localités, les Insoumis, les Communistes, des Divers gauches et des Socialistes.

Une attention insuffisante a été portée à la progression du parti socialiste. Aux élections de 2014, il avait obtenu les clefs de 12 des 42 villes de plus de 100 000 habitants. Maintenant, il en a 15, et non des moindres. Anne Hidalgo a (aisément) conservé la mairie de Paris. Michèle Rubirola a ravi celle de Marseille à l’héritière de Jean-Claude Gaudin. Martine Aubry conserve celle de Lille. Les Socialistes gardent aussi celles de Brest, Clermont-Ferrand, Dijon, Le Mans, Nantes, Rennes, Rouen, Saint-Denis-de-la-Réunion et Villeurbanne. Ils ont pris celles de Montpellier, Nancy et Saint-Denis (93)… et ils ont perdu la mairie de Metz.

Cependant, 2 villes « gagnées » par le PS l’ont été au détriment des Communistes (Saint-Denis) et des Divers gauches (Montpellier). De la sorte, la gauche « détient » maintenant 17 (15 PS + 1 PCF + 1 PLR [Pour la Réunion]) des 42 villes de plus de 100 000 habitants… et 24 si l’on considère qu’EELV, avec ses 7 mairies, est à classer à gauche

A droite, Les Républicains (LR) ont perdu Marseille et ont cédé Bordeaux aux Ecologistes. Ils ont aussi été remplacés à la mairie de Perpignan par Louis Aliot, où le « Front républicain » a failli, permettant au Rassemblement national d’inscrire à son actif une ville de plus de 100 000 habitants. Au Havre, Edouard Philippe, étiqueté Divers droites (DVD), a retrouvé au second tour son poste abandonné en 2017. A Saint-Paul (Réunion) la mairie est passée des mains de LR à celles du PLR. A contrario, LR a remplacé les DVD à Orléans et le PS à Metz. LR a aussi conservé Aix-en-Provence, Argenteuil, Boulogne-Billancourt, Caen, Limoges, Mulhouse, Nice, Nîmes, Reims, Saint-Etienne, Toulouse et Toulon. La droite « détient » donc 16 mairies : 14 LR + 2 DVD (Angers et Le Havre).

Dans les plus grandes villes, sous la poussée écologiste, le paysage politique a ainsi été éclairci, simplifié.

Domination des Républicains dans les villes moyennes

Les Républicains, principaux « vainqueurs » au premier tour, ont subi « des revers historiques à Marseille et à Bordeaux » au second. Ils gardent une forte implantation dans les villes moyennes. Sur leur site Internet, on peut lire notamment qu’ils « ont remporté 519 des 1064 villes de plus de 9 000 habitants », tandis que la gauche en a remporté 362 [dont Paris et Marseille], Europe Ecologie les Verts, 24, La République En Marche, 18, et le Rassemblement National, 12 (14). Christian Jacob, président des Républicains, considère que « c’est de bon augure pour les élections sénatoriales, mais aussi pour les départementales et les régionales ».

II - Des sénatoriales dans la foulée des municipales

Les 348 sièges du Sénat, pourvus pour 6 ans, sont renouvelés par moitié tous les 3 ans. Les 170 sièges de la « série 1 » ont été renouvelés en septembre 2017. Le 27 septembre 2020, ce sera au tour des 178 sièges de la « série 2 ».

Environ 162 000 « grands électeurs »  élisent les 348 sénateurs. Dans chaque département, les sénateurs sont élus par un collège électoral formé d’élus de cette circonscription. Ce collège comprend des députés, des sénateurs, des conseillers régionaux, des conseillers départementaux et des délégués des conseils municipaux. Ces derniers constituent environ 95% de l’effectif des grands électeurs. Dans les communes de moins de 9 000 habitants, le nombre de délégués va de 1, pour les conseils municipaux de 7 et 11 membres, à 15, pour les conseils de 27 et 29 membres. Dans les communes de plus de 9 000 h, tous les conseillers sont délégués de droit. Dans celles de plus de 30 000 h, des délégués supplémentaires sont élus, à raison de 1 pour 800 h de plus que les 30 000 (15). Après les municipales, les élections de ces délégués et de leurs suppléants ont eu lieu le 10 juillet (en toute discrétion).

Selon la population de la circonscription, le nombre de sénateurs varie de 1 (Ariège, Lozère…) à 12 (Paris). Dans les circonscriptions où 1 ou 2 sièges sont à pourvoir, les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire à deux tours. Dans celles d’au moins 3 sénateurs, ils sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle. Le 27 septembre, les élections auront lieu au scrutin majoritaire dans 34 départements et au scrutin de liste dans 30 autres (16).

Par groupes politiques, les nombres de sièges détenus actuellement au Sénat et ceux des sièges en jeu le 27 septembre sont les suivants : - Les Républicains (LR), 144 et 78 ; - Socialiste et républicain (SOCR), 71 et 38 ; - Union centriste (UC), 51 et 24 ; - Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), 24 et 14 ; - La République en marche (LREM), 23 et 10 ; - Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), 16 et 3 ; - Les Indépendants - République et territoires (LIRT), 13 et 5 ; - Non inscrits (NI), 6 et 5 ; - Totaux, 348 et 178.

116 des 178 sièges en jeu sont détenus par les deux groupes les plus représentés au Sénat, LR et SOCR. Ceux-ci sont-ils pour autant les plus « exposés » ? Sans doute pas plus que les groupes qui viennent d’essuyer des revers aux municipales. Quant à LREM, 9 de ses sénateurs ont été élus en 2014 sous les couleurs socialistes. Le PS entend bien récupérer les sièges de ces transfuges et ne va pas « faire de cadeau » aux candidats LREM dans les départements concernés de la Côte d’or, de la Dordogne, de la Gironde, de l’Hérault, du Haut-Rhin, du Vaucluse et de la Guyane.

La date limite de dépôt des candidatures est fixée au 11 septembre. Et les postes de sénateurs sont visiblement prisés. Aux sénatoriales de 2017, il y avait eu 1 996 candidats. Sans attendre, la campagne a commencé pendant l’été. A la fin juillet, publicsenat.fr (17) avait donné des indications sur des groupes et des sénateurs dont les sièges sont en jeu. Parmi ces infos, en Côte d’or, le président du groupe LREM au Sénat, François Patriat, « est sur la brèche », il « veut sauver sa peau » et « chasse à droite », selon un élu socialiste. Dans l’Eure, le ministre de l’Outremer, Sébastien Lecornu a été investi par LREM. Il sera opposé (notamment) au sénateur Union centriste Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Chez les Socialistes, sur les 36 sénateurs sortants, plus de la moitié ne se représente pas. Chez Les Républicains, Bruneau Retaillaud, président du groupe LR, a profité de l’été pour être sur le terrain en Vendée. Ces candidats seront sans doute « suivis » par les médias.

Qu’ils soient flatteurs ou décevants pour le pouvoir, le gouvernement ne pourra pas cacher aux citoyens les résultats de ces élections qui prolongent les municipales. Et une forte abstention n’est pas à craindre, puisque pour les grands électeurs le vote est obligatoire. Ces élections sont bougrement importantes. D’elles dépendent en partie la compétence, la vitalité et la détermination d’une institution qui, au fil du quinquennat, s’est révélée être un indispensable contrepouvoir parlementaire (trop limité) avisé, constructif et modérateur.

Paul KLOBOUKOFF Académie du Gaullisme le 22 août 2020

Sources et références

(1) La sauvegarde du peuple I Lisez lisez.com/livre-grand-format/la-sauvegarde… le 01/08/2020

(2)  Lettre du 18 juin d’avril 2020 Article « Municipales : pourquoi cacher des résultats très instructifs » 

(3) Résultats par famille politique des élections municipales 2020 la-croix.com/France/Politique/INFOGRAPHIE-Cartes… le 27/03/2020

(4) Résultats des élections municipales 2020 nationaux BFM/RMC elections.bfmtv.com le 30/06/2020

(5) Elections municipales française de 2020 --- Wikipedia fr.wikipedia.org/wiki/Elections_municipales_francaises_ … m.à.j. le 06/07/2020

(6) 30 000 maires élus dès le premier tour lagazettedescommunes.com/668506/abstention-elu… le 16/ 3/2020

(7) Municipales 2020 : l’ancien monde revient en force lagazettedescommunes.com/669281/municipales-2020… le 19 et le 20/03/2020

(8) Municipales 2020 : la déferlante abstentionniste lagazettedescommunes.com/686053/la-deferlante… le 29/06/2020

(9) Municipales : la victoire en trompe l’œil de la parité lagazettedescommunes.com /686164/municipales… le 01/07/2020

(10) Elections municipales 2020 : 2,8% des Français ont un maire écolo lagazettedescommunes.com/686782/28-des-francais… le 03/07/2020

(11) Municipales 2020 : un second tour pour 13% des communes et 38% de la population lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/06/26/municipales…

(12) Législatives 2022 : le Modem rappelle Macron à ses promesses sur la proportionnelle actu.orange.fr/politique/legislatives-2020… le 06/08/2020

(13) Elections municipales 2020 : résultats, élus, totalisation nationale France-politique.fr/élections-municipales-2020.htm le 15/03/2020

(14) Elections municipales 2020 republicains.fr/elections-municipales-2020/

(15) Mode d’élection des Sénateurs -Sénat senat.fr/role/senate.html le 13/08/2020

(16) Elections sénatoriales françaises de 2020 wikipedia.org/wiki/Elections_senatoriales… le 13/08/2020

(17) Sénatoriales 2020 : les candidats déclarés en campagne publicsenat.fr/article/parlementaire/senatoriales-2020… le 31/07/2020