Par Christine ALFARGE
« En servant la patrie, il a remporté la victoire » telle est la devise inscrite au
revers de la Croix de la Libération pour honorer ceux qui par leur courage,
leur engagement sans faille, ont servi héroïquement leur pays.
Comment aussi jeunes, ont-ils choisi de s’engager ? « Il
faut savoir ce que l’on veut, il faut ensuite avoir le courage de le dire, il
faut enfin l’énergie de le faire » disait Georges Clemenceau. Quatre
années d’une première guerre mondiale atroce racontée à travers les récits des
faits d’armes et les deuils touchant chaque famille de France, seront gravées à
jamais dans l’esprit de ceux qui allaient incarner à leur tour cette jeunesse,
une vingtaine d’années plus tard lorsqu’éclatera la deuxième guerre mondiale.
Une fidélité à toute épreuve.
« Ce que nous sommes ? Nous sommes des Français de
toutes origines, de toutes conditions, de toutes opinions qui avons décidé de
nous unir dans la lutte pour notre pays. Tous l’ont fait volontairement,
purement, simplement. » discours du général de Gaulle à l’Albert Hall en 1941. C’est
cette France-là que nous voulons honorer, celle de la résistance, la France
combattante du général de Gaulle sans laquelle nous aurions été humiliés dans
la défaite et plus encore la soumission.
A l’été 1940, la force de l’engagement dans la France libre
sera déterminante pour résister tant sur le plan extérieur que sur le plan
intérieur. Les premiers résistants venaient de tous les horizons sans jamais se
résigner à la défaite, combattre pour libérer la France, c’est dans cette
conviction instinctive qu’ils gardaient l’espoir de vaincre. L’histoire
montrera qu’ils n’hésiteront pas à se mettre en danger pour respecter l’idée
qu’ils se font de la France.
Le 16 novembre 1940.
Ce jour-là, l’Ordre de la Libération est créé à Brazzaville
par le général de Gaulle. Il ne comporte qu’un seul titre, celui de Compagnon
de la Libération et un insigne unique, la Croix de la Libération. Le mot «
compagnon » est désormais associé au gaullisme. Depuis sa création par le
général de Gaulle en 1940, les membres de cet ordre portent le titre de «
compagnon de la Libération ».
Ce titre traduit politiquement avec le RPF, « la continuité
de l’œuvre à laquelle le général de Gaulle appelle le peuple français ». C’est
au RPF que l’appellation de « compagnon » sera utilisée parmi
ses adhérents, en souvenir des compagnons de la Libération.
Parmi de nombreux exemples de ce qu’est le « compagnon » chez
les gaullistes, saluons la mémoire d’Yves Guéna, ancien président de la
Fondation et Institut Charles de Gaulle et président de la Fondation de la
France libre, parti à17 ans pour rejoindre le général de Gaulle en Angleterre
et s’engager dans les Forces françaises libres (FFL), qui expliquait ce mot : «
Je viens peut-être de donner là une certaine définition du gaullisme :
conviction, rigueur et compagnonnage ». De même Jacques Dauer
qui fut aussi le fondateur de l’Académie du gaullisme, évoquait ce «
phénomène du compagnonnage, qui est une notion exclusivement gaulliste, une
notion de fidélité, de filiation. Ces liens sont indissociables de la forme de
notre attachement au général de Gaulle ».
Ce qui est admirable et poignant, c’est de penser à tous ces
jeunes gens prêts à payer un prix très lourd pour défendre leur pays en
quittant leurs familles, leurs habitudes confortables ou peut-être une carrière
qui leur était promise. Il y a un mystère de cette résistance française, un
mystère qui n’a pas fini de nous hanter. Le refus de la défaite sans doute mais
plus profondément l’instinct de vaincre dans chacun de ces jeunes gens prêts à
mourir pour leur pays. Heureusement qu’il y a eu des rebelles en 1940 qui nous
permettent aujourd’hui d’être libres.
D’où venait cette volonté alors que tout pouvait se finir
dramatiquement comme le chaos inouï défigurant notre pays enseveli sous les
décombres d’une république qui venait de capituler face à l’ennemi ? La
solidarité et la fraternité joueront un grand rôle à cette époque, où venus
d’horizons divers, des hommes apprenaient à se connaître, partager et veiller
les uns sur les autres jusqu’à la libération de la France. Ils seront
impressionnés lorsqu’ils verront le général de Gaulle pour la première fois le
6 juillet à Londres, s’adressant à eux : « Je ne vous
féliciterai pas d’être venus, vous avez fait votre devoir ». Tenter
d’accomplir l’impossible, eux seuls y croyaient à ce moment-là, le général de Gaulle
et eux avaient fait le pari de la victoire.
Seuls contre tous, ils seront les premiers à
dire non en 1940.
Cette première Résistance représentait si peu d’hommes que
notre destin français tient du miracle et d’un immense espoir national qui
dépassent nos pauvres âmes. Le 17 juin 1940, le discours de Pétain venant
d’être appelé à la présidence du Conseil où il fait « don de sa personne à
la France » et demande l’armistice, sera le détonateur.
Le sentiment profond et impensable d’une France qui
n’existerait plus venait de provoquer un électro-choc pour un départ immédiat
vers l’Angleterre. Ils furent environ quatre mille français à partir pour
s’engager dans la France libre, cinq cent pêcheurs bretons dont cent vingt-sept
marins de l’Ile de Sein, des jeunes lycéens ou étudiants ainsi qu’un petit
nombre d’aviateurs et quelques militaires. Sur les 1038 Compagnons que comptait
l’Ordre en 1946, ils étaient pour la plupart anonymes. Le conservateur du Musée
de l’Ordre de la Libération explique que : « Dès la création de
l’Ordre, il s’agissait de lui garder un caractère exceptionnel en distinguant
une sorte d’élite, « une chevalerie moderne », mais c’est aussi
et surtout à l’époque pour de Gaulle un outil politique destiné à asseoir sa
légitimité de chef de la France libre. Créer un ordre, est une prérogative de
chef d’Etat. 1038 destins individuels, c’est ça le mystère et c’est ce qui les
rend admirables, qu’est-ce qui fait que quelques milliers de personnes, au
moment où la France est à genoux, font un choix si radical ? ».
La flamme de la résistance ne doit jamais
s’éteindre.
La victoire acquise, il faudrait reconstruire le pays, doter
la France d’institutions longuement mûries à travers le discours de Bayeux du
Général de Gaulle en 1946. Lors d’un long entretien, Pierre Lefranc, compagnon
de la Libération, ancien chef de cabinet du Général de Gaulle, fondateur de
l’Institut et de la Fondation Charles de Gaulle, expliquera : « Une
fois le pays libéré, j’ai suivi le Général de Gaulle pour tenter de mettre un
terme à la désagrégation engagée par des partis politiques regardant leurs
seuls intérêts. »
Trouverait-on le même courage
aujourd’hui, la même hauteur ? Notre devoir est de préserver la mémoire
des compagnons de la Libération et continuer à transmettre les valeurs de
l’engagement ! L’Ordre de la libération veille à cela !
Au-delà de tout, nous sommes unis par un
sentiment de fierté et de respect au regard de tous les combats menés pour notre
liberté par des hommes et des femmes courageux !
Intérêt général et compagnonnage sont
indissociables, servir avec une fidélité sans faille son pays, c’est plus que
jamais notre raison d’être. Tant qu’il y aura une seule âme humaine et lucide,
l’espoir demeurera