Par Christine Alfarge
« La question démographique majeure,
le renouvellement des générations »
En ce début du 21ème siècle, où
en est la situation de la population mondiale ? C’est le rôle essentiel
que la démographie va jouer en termes d’informations sur les réalités
immédiates, celui de connaître à tout moment le nombre d’individus vivant dans
tel pays, affiner jusqu’à l’âge moyen, la répartition hommes/femmes ou
l’espérance de vie.
Au-delà, la démographie joue aussi un rôle
de prospection, quelle sera l’évolution du nombre d’habitants dans les années à
venir ? Cela devient alors une question politique abordant deux sujets
majeurs auxquels il faudra trouver des solutions, les régimes de retraite et
les politiques d’immigration. La démographie a donc un rôle fondamental pour
les futures générations, soulevant les problèmes, suggérant les solutions, avec
les bons leviers pouvant être mis en place, indispensables pour éclairer
l’avenir.
Quelle vision a-t-on du vieillissement à
l’échelle européenne ?
Pendant des siècles, la France est la plus
peuplée d’Europe, son rayonnement est immense, à travers la langue française
très prisée, l’éducation domine vers 1800. Le pouvoir démographique va basculer
au 19ème siècle, concernant la France, la fécondité va baisser aux
alentours de 1866 et l’Allemagne devient la plus peuplée. S’il existe un
problème de renouveau après-guerre, la France a un peuplement égal à
l’Allemagne, la parité explique les évolutions géopolitiques.
La révolution démographique.
Le niveau de fécondité en Europe s’observe
à des dates différentes selon les pays. Avant l’année 1960, les bébés naissent
de façon aléatoire liée à des facteurs de contraception, la fécondité va
devenir un projet rationnel.
A la question posée : « souhaitez-vous
avoir un enfant ? » 45% des personnes interrogées disaient « ce
n’est pas programmé ». Le changement, c’est les bébés qui naissent
dans la durée, la liberté de choix, expliquant la baisse de natalité en Europe,
d’abord en Europe du nord puis en France et en Espagne avec la diffusion
de la contraception. On constate également une chute importante de
la natalité en Italie,
quant au Royaume-Uni, la natalité est plus forte que celle de la France.
Comparaisons méditerranéennes.
La natalité est clairement en hausse en
Algérie par la remontée de l’islamisme et les Frères musulmans, une situation
supérieure à la France, elle-même identique au Maroc, montrant une évolution en
Turquie. Selon Gérard-François Dumont : « En général, quand on
donne les chiffres pour la France, s’agit-il du territoire ou avec
Mayotte ? », depuis l’accession de Mayotte au statut de
département en 2009, le nombre d’habitants est compris dans le territoire de la
France (intégré en réalité à partir de 2014).
Au 1er janvier 2019, la France
compte 67,19 millions d’habitants dont 65 millions en France métropolitaine, la
différence des 2,19 millions d’habitants représentant uniquement les
départements français d’Outre-mer.
La politique familiale.
Elle exerce des effets, le renouveau est
plus intense en France que dans d’autres pays. Gérard-François Dumont cite « l’exemple
de la Sarre faisant partie de la France, entité créée au lendemain de la
première guerre mondiale entre 1920 et 1935 comme dédommagement de guerre, qui
va connaître la même fécondité de 1946 à 1955 puis la Sarre vote son
rattachement à l’Allemagne grâce aux accords de Luxembourg conclus le 27
octobre 1956 et voit sa fécondité baisser à l’instar de la République fédérale
allemande.»
Concernant le niveau de fécondité des pays
européens, on constate une corrélation parfaite. Les pays ayant peu de
politique familiale, la fécondité
est faible. Pour
Gérard-François Dumont : « l’exemple de l’Allemagne qui verse des
allocations familiales pour le premier enfant, démographiquement, ce n’est pas
efficace ! il ajoute : « l’Allemagne continue d’avoir une
mentalité qui n’apprécie pas que les femmes veuillent revenir au
travail. »
En France, le point important de la
politique familiale est l’effort portant aussi sur la fiscalité, les services
dans tous les domaines et pas seulement sur les allocations.
La politique familiale est mise en œuvre
par l’Etat, les communes, les crèches. Selon Gérard-François Dumont : « Que
ce soit un maire de gauche ou un maire de droite, il y a une véritable
pérennité au-delà des étiquettes politiques. »
Depuis cinquante ans, la fécondité n’est
pas stable, en baisse ou en hausse dans l’inconscient collectif, les Français
se rendent compte de l’avenir et sont confortés ou non d’avoir des enfants.
La période de 1997 est essentielle.
L’universalité des droits concernant les
allocations familiales est remise en cause, les communistes sont contre, le
gouvernement Jospin fait marche arrière quelques mois plus tard, rétablissant
le principe d’universalité tout en abaissant le quotient familial.
Qu’est-ce qui peut expliquer la crise de
la natalité en France après 2014 ?
Les quatre années de baisse de la natalité
postérieure à 2014, ce n’est pas la crise économique, moins il y a de femmes,
moins il y a de naissances. La diminution des mariages est-elle en corrélation
avec la baisse des naissances ? Selon Gérard-François
Dumont : « La baisse de la
natalité n’est pas liée à la diminution de mariages, cette explication ne vaut
pas pour la France. » Dernière explication : est-ce le souhait
d’avoir des enfants plus tard ? « La fécondité des 25-29 baisse,
on est à un âge de plus en plus avancé, ce retard de l’âge au mariage
n’explique pas non plus la baisse de la natalité. » pense
Gérard-François Dumont.
Que s’est-il passé alors ?
La diminution des allocations familiales
sous le quinquennat Hollande, la baisse du quotient familial pour les plus
aisés avec une modulation des aides à l’accueil des jeunes enfants poursuivie
au-delà avec un nouvel abaissement du plafond des ressources donnant droit au
versement de l’allocation de base pour les parents de jeunes enfants, vont pénaliser
les classes moyennes très durement. Selon Gérard-François Dumont : « Les
évolutions de la natalité depuis quarante ans suivent celles de la politique
familiale. Les effets des mesures prises depuis 2012 ont commencé à se faire
sentir en 2016 et cela s’aggrave en 2017. Il ne faut pas oublier la baisse des
dotations aux collectivités locales réticentes à développer l’accueil des
jeunes enfants. Les difficultés, pour concilier vie familiale et vie
professionnelle, sont très grandes. »
Peut-on espérer un retour à la
fécondité ?
Selon Gérard-François Dumont: « Le
gouvernement ne s’inquiète
pas, il n’y a pas un mot
sur la politique familiale dans la letter du 13 janvier 2019 du président de la république aux Français. La fin de la taxe d’habitation est une
catastrophe, avec des enfants, l’abattement est supprimé. Il y a aussi la
décision d’allonger le congé paternité, le prélèvement à la source remettant en
cause la solidarité dans le couple, l’objectif de supprimer le quotient
familial, perte de la logique et de la complémentarité, l’impôt est lié à
l’individu mais pas à la situation familiale. Il ne faut pas oublier non plus
les pensions de réversion. Il ajoute : « Derrière tout
ça, les politiques sociales sont de plus en plus coûteuses, il est essentiel de
faire un diagnostic, cela révèle surtout une mauvaise situation pour espérer un
retour à la fécondité. »
« L’histoire
de l’INED (Institut
national d’études démographiques)
de 1945 à 1962 montre que la politique familiale a besoin à la fois d’être portée par des hommes
politiques ayant le sens de
l’Etat et de s’appuyer sur
des analyses scientifiques. Face au risque de rabotage auquel est confrontée
aujourd’hui la politique familiale
de la France, il importe de
raviver l’esprit et la flamme de ces hommes exceptionnels que furent le Général de Gaulle et Alfred Sauvy. Au
regard du renouvellement, le système
a un problème démographique
mais il n’a
pas un problème de retraite », conclut Gérard-François Dumont.
© 09.11.2019