« La
nation retrouvée »
Pour les 130 ans de la
naissance de Charles de Gaulle, les 50 ans de son décès et les 80 ans de
l’appel du 18 juin 1940, la Monnaie de Paris émet plusieurs pièces euro 2020
marquant ainsi un triple anniversaire historique pour la France.
L’occasion de réfléchir
où en est l’unité nationale aujourd’hui ? « Celle qui s’est forgée
dans la lutte clandestine contre l’occupant, qui évita à notre pays la guerre
civile et la crise profonde qui déchirèrent tant de nations de notre
continent » écrivait Jacques Debû-Bridel qui
jouera un rôle majeur au sein du Conseil national de la Résistance dont aura
lieu la première réunion organisée le 27 mai 1943 sous la présidence de Jean
Moulin, délégué par le Général de Gaulle, élaborant
malgré le danger, un projet social pour tous les Français.
Cette
unité, est-elle encore possible ?
Peut-on espérer une unité
nationale à l’image du Conseil national de la Résistance qui permit au Général
de Gaulle de consolider ses positions, dont il commentera ainsi le message en
1943 dans ses « Mémoires de guerre » : « Le télégramme
de Paris transmis à Alger par les postes américains, britanniques et
français libre produisit un effet décisif, non seulement en raison de ce qu’il
affirmait, mais aussi et surtout parce qu’il donnait la preuve que la
résistance française avait su faire son unité. La voix de cette France écrasée
mais grondante et assurée, couvrait soudain le chuchotement des intrigues et
les palabres des combinaisons. J’en fus à l’instant même plus fort, tandis que
Washington et Londres mesuraient sans plaisir, mais non sans lucidité, la
portée de l’événement. »
Pourquoi
évoquer le CNR ?
Sans doute parce que nous
vivons des temps difficiles, dans un climat de tensions sociales à travers des
manifestations d’ampleur qui nous rappellent combien les batailles furent très dures
pour l’émergence de la nation des droits de l’homme, la reconstruction du pays
après la guerre et combien cet héritage est si fragile.
« L’Histoire est
symbolique mais toute entière dans l’action. » (Charles de Gaulle)
Aujourd’hui qui défend
vraiment les citoyens ? La droite comme la gauche ont oublié le peuple depuis
bien longtemps par manque de vision et d’efficacité sans s’affranchir des
élites ni des minorités, adhérant sans hésitation au progressisme, à une mondialisation
sans contrainte, abandonnant des pans de notre souveraineté comme l’approbation
du vote au Traité de Maastricht en 1992 restant le symbole contraire à l’idée
d’une Europe d’Etats-nation indépendants, chère au Général de Gaulle.
Les partis politiques ne
sont plus audibles, il ne suffit pas seulement de critiquer pour être efficace
encore faut-il le démontrer par un programme, porter un projet d’avenir fort et
indépendant. Au lieu de tout cela, on assiste à une confiscation des idées par
une caste qui ne perçoit même pas la réalité du pays avec son cortège de
souffrances, d’inquiétudes et de défiance. « La souveraineté et la
démocratie sont comme l’avers et l’envers d’une même médaille »,
disait le Général de Gaulle, nous sommes loin d’être à la hauteur des
innombrables défis qui nous attendent, chômage, dette publique, éducation, insécurité,
etc…
« Il n’y a plus la
gauche et la droite. Il y a les gens qui sont en haut et qui veulent voir les
grands horizons parce qu’ils ont une très lourde et lointaine tâche à
accomplir, il y a les gens qui sont en bas et qui s’agitent dans les
marécages. » déclarait le Général de Gaulle en 1948.
N’était-ce pas une phrase prémonitoire ?
Si une part
de nostalgie est en nous, il n’y a pas de place au renoncement.
Les leçons du passé sont
de mise, les Français ne croient plus en la démocratie et ont perdu la
confiance dans les élites. A cet égard le vote du 29 mai 2005 est sans aucun
doute la pierre angulaire à cette défiance du citoyen vis-à-vis du pouvoir. S’il
faut davantage parler d’affaiblissement que de déclin, la France a besoin de se
transformer au risque d’imploser encore plus violemment par des inégalités qui
se creusent, le déclassement social qui n’est plus seulement un sentiment mais
une réalité pour un grand nombre de citoyens français.
Le risque
de voir la nation coupée en deux.
Il ne faut pas y voir forcément
les élites contre le peuple, ceux qui avaient rejoint le Général de Gaulle à
Londres n’avaient pas tous la même origine sociale, ils se sont pourtant
retrouvés ensemble pour défendre et servir leur pays avec le même courage, la
même envie de vaincre, la même abnégation. Tout espoir est permis.
Cependant, est-il nécessaire
de se revendiquer de droite ou de gauche pour servir les intérêts de la
France ? Soyons tous sans concession lorsqu’il s’agit de défendre les
idéaux sur lesquels s’est bâtie notre nation. A son époque, le Général de
Gaulle avait compris qu’il fallait s’opposer au régime des partis dont
l’existence revenait en somme à privilégier les intérêts particuliers sur
l’intérêt général.
« Ce
n’est que quand il fait nuit que les étoiles brillent » (Winston
Churchill)
D’une manière admirative
et fidèle, c’est Winston Churchill qui résume le mieux l’idée du Général de
Gaulle, en évoquant : « La mystique gaulliste… », un état
d’esprit qui se dégage de l’action, de la parole et de la pensée de l’homme du
18 juin 1940. Churchill voyait en de Gaulle « l’homme du destin » car
il sentait que le patriotisme de cet homme était à la hauteur du sien. Leur
relation sera hors du commun, avec un respect mutuel entre les deux hommes et
la même vision historique. Ce n’est pas un hasard si Boris Johnson, premier
ministre britannique et biographe de talent de Winston Churchill, est dépeint
avec un esprit gaullien en référence au Général qui a toujours combattu pour la
souveraineté de la France. Boris Johnson a été jusqu’au bout de sa logique en oeuvrant avec succès au Brexit. Difficile dans ce contexte
européen de parler de souveraineté des Etats, Maastricht a ouvert la boîte de
pandore aux transferts de souverainetés nationales, avec la volonté complice de
diluer l’Etat-nation, au profit d’une souveraineté commune c’est-à-dire une
supranationalité à laquelle le Général de Gaulle était parfaitement hostile.
L’idée politique est bien
plus profonde qu’il n’y paraît, pour la Grande-Bretagne retrouver sa
souveraineté, c’est retrouver à la fois la maîtrise de la loi et son destin. Aujourd’hui
si les sociétés se fracturent et engendrent des divisions, à l’instar de ce qui
se passe en France où se sont installées la peur, l’angoisse au quotidien, la
crainte pour l’avenir des jeunes, quel pourrait être le remède à tous ces maux ?
Au
regard de l’Histoire, même si comparaison n’est pas raison, une idée héritée de
la tradition britannique fait son chemin, le conservatisme. Aller dans le sens
du progrès de façon pragmatique pour être sûr que les changements réalisés ne
dégraderont pas une situation mais au contraire l’amélioreront.
Préserver
l’autonomie énergétique de la nation, protéger tous les secteurs face à la
concurrence, renforcer la sécurité du territoire national et de nos frontières,
faire les réformes nécessaires avec équité et bon sens, restaurer et conserver
notre patrimoine, telle est l’architecture politique, culturelle, économique et
sociale qui se dessine pour transformer notre pays.
Au
fil du temps, l’Europe des nations voulue par le Général de Gaulle est devenue
la vitrine Potemkine de sa forme politique « l’Etat-nation » au
profit de la Commission européenne et ses dirigeants prenant des décisions sans
en référer aux autres Etats membres.
Qui
aura l’audace et le courage de s’affranchir du carcan européen pour une nation
forte et indépendante, l’avenir nous le dira ?
Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.