Immigration : situation et évolutions ; des chiffres trop peu connus

En résumé

Par Paul KLOBOUKOFF,

Au début de l’automne, ne voulant pas en laisser l’apanage au seul Rassemblement national et ayant changé d’opinion quant à l’utilité des quotas, le président Macron a mis l’immigration à l’ordre du jour, au menu de « grands débats » qu’il a appelé de ses vœux.  Coïncidence, une abondante moisson d’infos sur l’immigration, et en particulier celles issues du recensement de 2016, a garni le site Internet de l’Insee, venant s’ajouter aux infos produites par l’Ined et à celles, périodiques, de l’OFPRA, des ministères de l’Intérieur et de la Justice, notamment. Il m’a semblé utile d’en profiter pour  présenter ici une sélection de ces informations, dont la plus grande partie semble avoir échappé à nos médias audiovisuels.

Deux chiffres, portés à la connaisance des citoyens semblent résumer la situation : la population de la France comprend 9,7% d’immigrés et 7,1 d’étrangers en 2018. Rien d’inquiétant, puisque chez nos grands voisins, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ces taux sont plus élevés. 

Presque personne ne semble s’être aperçu qu’en dix ans, entre 2008 et 2018, le nombre d’immigrés en France a augmenté de + 21,6% et celui des étrangers, de + 28%. Le fait qu’ensemble les immigrés et les descendants directs d’immigrés constituent maintenant presque 21% de la population résidant en France n’a pas retenu l’attention.

Certains commentateurs soulignent que les plus nombreux parmi ces derniers sont originaires des pays d’Europe, et en particulier d’Espagne, d’Italie, du Portugal, du Royaume-Uni… Ce n’est plus vrai aujourd’hui. De 2008 à 2018, leur nombre est resté stationnaire. Tandis que celui des originaires d’Afrique a crû de + 31,4%. Ils ont pris la 1ère place parmi les immigrés et descendants directs d’immigrés en France, dont ils représentent 45% en 2018. Les originaires du Maghreb et de Turquie sont toujours les plus nombreux. Mais, leur nombre ayant bondi de presque + 60% en 10 ans, les originaires des autres pays d’Afrique (francophone, en particulier) ont notablement accru leur part.

A propos de l’attractivité de la France, on pourrait presque parler d’universalité, puisque plus de 125 nationalités de migrants dont les effectifs sont d’au moins 1 500 personnes sont présentes sur notre sol.

L’enquête Emploi de l’Insee montre que parmi les immigrés de 15 à 64 ans, aussi bien originaires d’Europe que d’Afrique, se trouvent moins de diplômés et de cadres, plus d’ouvriers et de chômeurs que parmi les non immigrés.

L’examen de la localisation des immigrés, de leur répartition très inégale sur notre territoire, apporte un éclairage moins tamisé que les chiffres nationaux sur les réalités de l’immigration que voient, vivent et croient les citoyens.

Une très forte concentration des immigrés a été observée en 2012 dans les plus grandes aires urbaines. A elle seule, celle de Paris hébergeait 2,2 millions d’immigrés, soit 38% de leur totalité et 17,7% de la population locale. Dans les aires plus modestes, les petites villes et en milieu rural, les immigrés étaient  (et sont) moins présents.

Des écarts importants entre les régions ont été relevés en 2015. Les immigrés constituaient 3,3% de la population en Bretagne, 4,1% en Normandie, tandis que c’était 8,6% en Auvergne Rhône-Alpes, 10,5% en Corse et 19% en Ile de France. Les régions du nord-ouest et de la façade maritime ouest avaient été peu « pénétrées » par l‘immigration. C’était (et c’est) le contraire  dans le Grand-Est et dans les régions riveraines de la Méditerranée.

Les données du recensement de 2016 permettent d’observer des écarts considérables entre les villes et communes… et de découvrir que le pourcentage des immigrés dépasse 32% dans une quarantaine de villes. Les plus fortes concentrations sont observées : - dans 8 villes de Guyane, avec un record de 49,4% à Papaichton ; - dans  12 villes de la Seine-Saint-Denis (93), la 1ère étant Aubervilliers, avec 45,2% d’immigrés ; - dans 8 villes de l’Ain. Avec  44,4%, Ferney-Voltaire y tient la 1ére place.

Hors des grandes agglomérations, presque partout en métropole, il y a aussi des villes et des villages où les pourcentages d’immigrés sont très inférieurs à la moyenne nationale. 

Plusieurs autres points méritent aussi d’attirer le regard.

. Selon les estimations de l’Insee, le solde migratoire est monté de + 141 000 en 2008 à + 191 000 en 2017, en hausse de + 43,6% sur la période. Il est très supérieur au solde, considéré comme « officiel », figurant dans les bilans démographiques, évalué à 58 000 en 2017. Ces chiffres font périodiquement l’objet de contestations. Logique !

. L’afflux, mal anticipé, des demandes d’asile. En novembre 2019, la France a dépassé l’Allemagne. Elle se dirige vers un record annuel proche de 140 000, et davantage en 2020. Cependant, le gouvernement prévoit une croissance zéro des demandes à partir de 2020 pour allouer les crédits à la mission « immigration, asile et intégration ».

. La délivrance des titres de séjour est en hausse continue. Jusqu’à près de 256 000 en 2018. Seulement 13% ont été délivrés pour des motifs économiques, tandis que 35% l’ont été pour des motifs familiaux et 33% à des étudiants.

Et le « stock » des titres valides détenus par des ressortissants  des pays tiers a dépassé 3,2 millions l’an dernier.

. 110 000 acquisitions de la nationalité française ont été enregistrées en 2018…. Et 660 000, en 6 ans, depuis 2013.

Ces informations (incomplètes), avec les autres et les précisions figurant dans le présent article, aideront, je l’espère, à compléter les connaissances des lecteurs. A mieux saisir les enjeux des « débats », à apprécier, notamment, si la fixation de quotas en fonction des besoins de main d’œuvre des secteurs « en tension » est réaliste

Plusieurs évolutions, dont nos « Autorités » et les médias ne nous parlent pas, frappent d’abord lorsqu’on regarde le

Tableau 1. Ce sont : - les fortes augmentations des effectifs d’étrangers  (+ 28,0%) et d’immigrés (+  21,6%) entre 2008 et 2018, ainsi que de leurs parts dans la population résidant en France ; - la moindre progression du nombre des immigrés qui ont acquis la nationalité française (+ 12,8%), qui réduit leur proportion parmi les immigrés de 40,6% en 2008 à 37,7% en 2018.  Aussi, la proportion d’étrangers parmi les immigrés monte de 59,4% à 62,3%.

Depuis 2008, les femmes sont majoritaires parmi les immigrés, et leur proportion est montée de 51% en 2008 à 51,7% en 2018. Cette féminisation ne serait pas due uniquement au « regroupement familial », des femmes migrant aussi de façon « autonome » afin de travailler ou de faire des études (1).

Les descendants directs d’immigrés résidant en France, 6,590  millions en 2008 et 7,498 Mi en 2018, sont plus nombreux que les immigrés. Cependant, leur nombre a crû moins vite, + 13,8%, que celui des immigrés.

Ensemble, immigrés + descendants directs représentaient 18,6% de la population en France en 2008. Depuis, leur nombre a crû de plus de 2 millions et ils en constituent 20,9% en 2018. Le nombre des non immigrés ou descendants directs d’immigrés ne s’est accru que de 0,87 Mi. C’est donc, sans conteste, surtout « grâce » à l’immigration que la population de la France a pu croître de + 2, 93 Mi de personnes ces 10 dernières années… et progresser ainsi de + 4,6%, une  « performance » enviable en Europe.

Quant à la population née en France de nationalité française, autre indicateur que l’Insee a l’habitude d’afficher, elle a crû de + 4,0% entre 2008 et 2018 et représente 86,6% de la population totale cette dernière année.

L’Insee présente des tableaux sur les pays de naissance des immigrés, d’un côté, et sur ceux des descendants directs d’immigrés, d’un autre côté. J’en ai « synthétisé » les principales données d’ensemble dans le Tableau 2 (ci-dessous).

En 2008, presque 45% des immigrés et descendants d’immigrés  (IDI) présents en France étaient nés en Europe. Dix ans plus tard, le nombre des « Européens » n’a pas augmenté et ils ne représentent plus que 38% du total. Les originaires d’Espagne et d’Italie sont moins nombreux, et ceux du Portugal ne sont que 24 000 de plus qu’en 2008. Malgré l’ouverture des frontières, les élargissements et l’attrait que peut exercer la France sur les habitants des pays de l’est à la recherche d’emploi et de meilleures conditions de vie, le nombre de natifs d’autres pays n’a augmenté que de + 8,1% en 10 ans et reste nettement inférieur à celui des 3 pays précédents pris ensemble.

Pour leur part, les effectifs des populations d’origines africaines, en augmentation de + 31,4% depuis 2008, ont devancé  ceux des natifs européens et représentent 45% du nombre total des IDI en 2018. Celui des trois principaux pays d’origines des IDI africains, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie a connu une croissance encore « vigoureuse », de + 21,5%. Il a atteint 4,32 Mi en 2018, représentant 6,5% de la population de la France. Mais l’attractivité de la France a aussi pris un nouvel essor dans les pays au sud du Sahara, et le nombre des IDI des autres pays d’Afrique a bondi de près de + 60% entre 2008 et 2018. Les liens entre la France et ses anciennes colonies africaines restent donc forts, au moins en termes démographiques. 

 Forte progression et diversification caractérisent aussi l’évolution pour les originaires d’Amérique et d’Océanie, dont la proportion dans les IFI est montée de 3,5% en 2008 à 5% en 2018.

A eux seuls les originaires de 3 pays voisins du sud de l’Europe de l’Ouest, des trois pays du Maghreb et de la Turquie sont un peu plus de 8 Mi en France en 2018. Ils représentent 57,3% de l’ensemble des IDI… et 12% de la population de la France. Pour « maîtriser les flux migratoires », si « Le chef de l’Etat n’hésite pas à se lancer dans un bras de fer avec les pays d’origine », comme l’a rapporté Europe 1 le 7 octobre après l’interview d’Emmanuel Macron (5), c’est évidemment par ces 7 pays qu’il doit [qu’il aurait dû] commencer… insister et persévérer.

Une grande diversité des nationalités des immigrés et descendants d’immigrés en France

Ensuite c’est compliqué ! Car le nombre de pays avec lesquels il conviendrait [peut-être] de se lancer dans un bras de fer est très grand. La France accueille [à bras ouverts ou non] des immigrés venant de partout. Suite au recensement de la population de 2016, le dénombrement par l’Insee des « Immigrés par pays de naissance détaillé » publié au début d’octobre permet de décompter plus de 125 nationalités d’origine de migrants dont l’effectif est supérieur ou égal à 1 500 sur le sol français : 36 d’Europe, 39 d’Afrique, 29 d’Asie, et 22 d’Amérique et d’Océanie.

D’Europe, 147 000 étaient des ressortissants du Royaume – Uni et de l’Irlande-du-Nord. Mais 118 400 venaient aussi de Roumanie et 50 000 de Pologne.

D’Afrique (hors Maghreb), les effectifs des originaires du Sénégal, des Comores, de Côte d’ivoire, du Cameroun et de la République du Congo présents en France allaient de 80 000 à 100 800 personnes. 

D’Asie, derrière la Turquie, la Chine, le Vietnam et le Cambodge sont les principaux pays d’origine.

D’Amérique et d’Océanie, 83 900 étaient nés à Haïti.

Moins de diplômés et de cadres, plus d’ouvriers et de chômeurs parmi les immigrés

Le 19 juillet 2019, l’Insee a publié des résultats de l’enquête Emploi 2018, qui permettent d’observer des particularités et de notables différences entre les non immigrés (qui comprennent ici les enfants d’immigrés) et les immigrés, ainsi qu’entre immigrés de différentes origines.

En 2018, parmi les immigrés âgés de 15 à 64 ans, 42,8% sont sans diplôme, ont un CEP ou un Brevet, contre 20,5% chez les non immigrés. En revanche, 19,7% des immigrés ont un diplôme supérieur à Bac +2. C’est un peu plus que chez les non immigrés (6).

14,9% des immigrés de 15 à 64 ans sont cadres. Le pourcentage est encore plus faible, 12,5%, chez les originaires d’Afrique. Par contre, il est supérieur à celui de 18,6% des non immigrés chez les immigrés d’Amérique et d’Océanie, 20,2%, et plus encore chez ceux originaires d’Italie, 37,3% et du Royaume-Uni, 39,6% (7).

Les immigrés comptent nettement plus d’ouvriers, 31,7%, que les non-immigrés, 19,4%. Le pourcentage est même de 34,5% chez les originaires d’Afrique. Mais il est élevé aussi chez des originaires de pays d’Europe, et atteint 43,6% chez ceux du Portugal. Nous savons que nombre de ces ouvriers exercent des emplois que la plupart des non immigrés ne recherchent pas particulièrement.

Le pourcentage des actifs employés immigrés, 58,5%, est inférieur à celui des non immigrés, 66,2%. Le taux de chômage est de 10,7% chez les immigrés, contre 6,1% chez les non immigrés. Parmi les originaires d’Afrique, ce taux est en moyenne de 13,4%, différant peu entre ceux des originaires des pays du Maghreb et celui des autres pays (8).

Une répartition très inégale des immigrés en France

Des écarts importants entre régions, grands pôles urbains, autres villes et localités

1- En avril 2016, les 4 pages d’Insee Première (9) étaient consacrées à « La localisation géographique des immigrés »… en 2012. Il y était souligné que 8 immigrés sur 10 résidaient dans de grands pôles urbains, contre 7 sur 10 des non immigrés. L’aire urbaine de Paris exerçait une très forte attraction, hébergeant 38,2% des immigrés (2,2 millions). Les immigrés représentaient alors 17,7% de la population de l’aire de Paris (12,2 Mi).

Le recensement de 2012 avait également décompté de fortes proportions d’immigrés dans les populations des grandes aires urbaines. Elles étaient de : 10,6% dans l’aire de Lyon, 10,3% dans celle de Marseille – Aix-en-Provence, 9,1% à Toulouse, 8,4% à Lille, 7,0% à Bordeaux, 13,2% à Nice et 11,4% dans l’aire de Strasbourg. Ensemble, ces 7 aires concentraient 16,1% des immigrés.

Parmi les autres aires urbaines de plus de 200 000 habitants, la proportion d’immigrés dans la population était de 4% dans celle de La Rochelle, et inférieure dans celles de Douai – Lens (3,9%), Dunkerque (3,8%), Caen (3,8%), Brest (3,2%), Saint-Nazaire (2,9%), Lorient (2,8%) et Béthune (1,4%). On notera que 6 de ces aires sont des aires  côtières, de la Normandie, de la Bretagne et des Pays-de- Loire, des régions où l’immigration a peu pénétré.

L’Insee relevait aussi de faibles présences des immigrés dans les aires de pôles moyens et petits (y compris dans leurs couronnes), ainsi que hors des aires urbaines. Seulement 10% de tous les immigrés y résidaient.

Une carte (à regarder à la loupe) laissait voir des concentrations locales d’immigrés fortes en Ile de France, sur presque tout le pourtour méditerranéen, a proximité de la frontière avec la Suisse, le long des frontières nord-est avec l’Allemagne et la Belgique, en Aquitaine, ainsi qu’en Corse. L’Insee expliquait que « la concentration géographique des populations immigrées évolue peu au fil des années », les nouveaux arrivants s’installant « dans des lieux où vivent déjà beaucoup ceux arrivés depuis longtemps ».

2 - En novembre 2018, dans un rapport détaillé du ministère de l’Intérieur intitulé « L’essentiel de l’immigration » (10), quelques pages étaient réservées à la localisation des immigrés… en 2015. Un tableau contenait des chiffres sur les pourcentages d’immigrés dans les populations des 13 régions de la métropole. Une carte en donnait une représentation. Les 3 régions de la façade ouest et nord-ouest de la France, la Bretagne, les Pays de Loire et la Normandie se retrouvaient avec les parts d’immigrés les plus faibles, comprises entre 3,3% et 4,1%, suivies par les Hauts de France, qui comptait 5,2% d’immigrés. En dessous de la moyenne métropolitaine (9,3 en 2015), les parts de la Nouvelle-Aquitaine, du Centre-Val-de-Loire et de la Bourgogne-Franche-Comté, se situaient entre 6,1% à 6,7%. Et ces trois grandes régions coupaient la France de l’immigration en deux. Au nord, le pourcentage des immigrés était de 19,0% en Ile-de-France et de 8,7% dans le Grand-Est. Au sud, ceux de l’Auvergne-Rhône-Alpes, de la Provence-Alpes-Côte d’Azur, de l’Occitanie, ainsi que de la Corse se trouvaient dans une fourchette de 8,6% à 10,5%.

Les immigrés les plus nombreux étaient d’origine algérienne dans 6 régions, d’origine marocaine dans 4 régions, portugaise dans 2 régions et britannique en Bretagne.

Si au niveau des régions des écarts notables sont observés, ils sont beaucoup plus importants localement.

3 - A partir de mi 2019, des résultats du recensement 2016 de l’Insee ont été publiés. linternaute.com a alors présenté un classement des villes de France par ordre décroissant des présences d’immigrés (11), en leur associant des infos démographiques locales. Sur la quarantaine de villes de plus de 2 000 habitants classées en tête, 6 sont de Guyane. La première, Papaichton, compte 49,2% d’immigrés parmi ses 8 034 habitants. Dans les 5 autres villes guyanaises, aux populations de 4 000 à 12 800 h, les pourcentages des immigrés s’étagent de 48,5% à 32,3%.

En métropole, les populations de 12 villes de la Seine-Saint-Denis (93) comptent plus de 32% d’immigrés. La 1ère est Aubervilliers, avec 45,2% d’immigrés sur 86 034 habitants. La Courneuve suit avec 44,2% sur 42 485 h. 6 autres villes (communes), dont Saint-Denis (111 354 h), comptent plus de 36% d’immigrés.

Dans 8 des villes de l’Ain, aux populations de 2 000 à 11 800 habitants, le pourcentage d’immigrés dépasse 32,5%. Avec  44,4%, la 1ère place est tenue par Ferney-Voltaire (9 637 h), un village et un pays rural que le « Patriarche », le « Bienfaiteur de Ferney » avait contribué à développer et moderniser. Dans l’ensemble du département de l’Ain, en 2016, 11, 8% des 630 426 habitants sont des immigrés. C’est + 32,7% de plus qu’en 2006.

En Haute-Savoie (74), département limitrophe de l’Ain et frontalier avec la Suisse aussi, le pourcentage des immigrés va de 32,3% à 39,7% dans 4 villes dont les populations sont comprises entre 2 500  à 11 150 h.

Dans ces deux départements, une partie des immigrés sont d’origine Suisse ou d’autres pays européens, mais il y a aussi de nombreux originaires d’Algérie et de Turquie.

Parmi les autres villes où vivent le plus d’immigrés, on peut encore citer Beausoleil (Alpes-Maritimes) avec un pourcentage de 40,9%, Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), avec 39,8%, Garges-les Gonesse (Val d’Oise), avec 38,2%... 

Bien entendu, hors des grandes agglomérations, presque partout en métropole, il y a aussi des villes et des villages où les pourcentages d’immigrés sont très inférieurs à la moyenne nationale.  Or, la  perception de l’immigration par  les populations n’est pas indépendante de leur entourage démographique, ainsi que sociétal. Pour beaucoup de personnes, les moyennes nationales sont abstraites, éloignées de leurs réalités, souvent peu crédibles. C’est une des raisons pour lesquelles les opinions sur l’immigration sont aussi différenciées, sinon tranchées.

 

Focus sur deux villes aux nombreux contrastes

Aubervilliers, aux portes de Paris

Sur le plan démographique, Aubervilliers est une ville dynamique promise à un avenir fécond. De 73 506 h en 2006, sa population est montée à 86 061 en 2016, gagnant + 12 555 habitants (12). Arithmétiquement, cette  performance est due pour les ¾ à l’augmentation du nombre des immigrés. Celui-ci s’est accru de + 36,1% en dix ans, soit de + 9 328 personnes.  Aussi, la part des immigrés dans la population, déjà très forte en 2006, a atteint 45,2% en 2016. Les descendants directs d’immigrés, qui ne sont pas comptés dans ce pourcentage, ont également participé à la croissance démographique d’Aubervilliers. La population est très jeune. Les 15 à 44 ans en représentent 45,5%, tandis que les séniors de 60 ans et plus n’en représentent que 13,4%. Autres spécificités : - il y a nettement plus d’hommes, 52,8%, que de femmes, 47,2% ; - il y a beaucoup de célibataires ; - parmi les familles, presque ¼ sont monoparentales, et la moitié sont des  couples avec des enfants. Nous sommes loin des moyennes nationales.

Aubervilliers fait partie des communes « ouvrières » pauvres de la petite couronne. Dans les 38 767 actifs employés de 15 ans ou plus, 68,3% sont des employés et des ouvriers. Les cadres et professions intellectuelles supérieures ne sont que 9,7%. Le chômage sévit à grande échelle. Chez les actifs de 15 ans à 64 ans, il est de 23,4%. Chez les plus jeunes, de 15 à 24 ans, il atteint 35%. Aussi, le revenu disponible médian par unité de consommation (UC) n’est que de 13 241 €, tandis que le taux de pauvreté est de 45% chez les ménages fiscaux (hors communautés et sans-abris).

La Rochelle, ville portuaire phare de la Charente maritime

Le dynamisme de la Rochelle est plus touristique que démographique. Sa population a connu des fluctuations. De 77 196 en 2006, elle est descendue à 74 123 en 2012, avant de remonter à 75 736 en 2016 (13). En dix ans, si la population totale a diminué de – 1 460 unités, il n’en a pas été de même de celle des immigrés, qui a crû de + 46,7%. En 2006, elle comptait 3 965 personnes, soit 5,1% de la population totale. En 2016, elle en compte 5 819, soit 7,7% de la population. C’est moins que la moyenne nationale (9,4%), mais, de même que dans la plupart des localités de France la part des immigrés, comme celle des étrangers a nettement augmenté.

Une partie consistante des habitants, 57,3%, a entre 15 et 59 ans. Mais, la part des seniors de 60 ans et plus est de 28,2%. La population est majoritairement féminine, à 53,8%, contre 46,2% pour les hommes. 46,9% des personnes sont célibataires. 23,2% des familles sont monoparentales et seulement 29,2% sont des couples avec des enfants. Le solde naturel (naissances – décès) est faible, quand il n’est pas négatif, comme en 2016.

L’image de La Rochelle ville bourgeoise en plein essor, au niveau de vie confortable, n’est plus d’actualité en 2016. Dans ses 65 898 personnes de 15 ans et plus, 29,8% sont des retraités et 22,2% (autres que les retraités) n’ont pas d’activité professionnelle. Aussi, la part des actifs employés dans la population est modeste. Dans ses 31 895 actifs de 15 à 64 ans, 25 388 sont employés et 20,4% sont chômeurs. Le taux de chômage atteint même 34% chez les jeunes de 15 à 24 ans. Le revenu disponible médian par UC des ménages fiscaux est de 19 781 €. C’est un peu moins que la moyenne en France. Chez ces ménages, le taux de pauvreté est de 18%, contre 14% au niveau national. Ce taux est de 32% chez les moins de 30 ans.

Demandes d’asile, flux migratoires et admissions en vive ascension

Le 12 juin 2019, le ministère de l’Intérieur a publié des statistiques détaillées en matière d’immigration, d’asile et d’acquisition de la nationalité française, en grande partie d’origine administrative (14). Elles ont alimenté le présent chapitre, complétées par des infos provenant notamment de l’OFPRA, du ministère de la Justice et de l’Insee.

D’après les estimations de population de l’Insee des flux d’entrées et de sorties du territoire publiées le 8 octobre, de 195 000 en 2008, le nombre d’entrées est monté à 262 000 (chiffre provisoire) en 2017.

Nettement plus modeste, le nombre de sorties a progressé à peu près au même rythme que les entrées, de 54 000 en 2008 à 71 000 en 2017 (provisoire).

Ainsi, le solde migratoire est monté de + 141 000 en 2008 à + 191 000 en 2017, en hausse de + 35,5% sur la période.

Il faut noter ici que ce solde migratoire diffère de celui considéré comme « officiel », figurant dans les bilans de la situation démographique, qui résulte d’estimations  de l’Insee et de statistiques d’état civil, et qui a été « évalué » à + 57 000 en 2008 et à + 58 000 (provisoire) en 2017. Des chiffres qui font périodiquement l’objet de contestations.

Selon l’enquête annuelle de recensement 2018, le continent de naissance des immigrés arrivés en France en 2017 était : l’Afrique pour 46% d’entre eux, l’Europe pour 33,5%, l’Asie pour 14,5%, l’Amérique et l’Océanie pour 6%.

Des délivrances de titres de séjour en augmentation continue

Dans sa publication du 12 juin 2019 « L’essentiel de l’immigration – Chiffres clefs » (14), le ministère de l’Intérieur présente, notamment, des tableaux détaillés de source AGDREF / DSED sur les premiers titres de séjour des ressortissants des pays tiers en métropole de 2013 à 2018 (provisoire). Ce sont les titres délivrés aux étrangers majeurs à la suite d’une première demande de séjour.

Depuis 2013, le nombre de titres délivrés a augmenté de + 24,6% pour atteindre 255 956 en 2018. Les principaux bénéficiaires sont ceux aux motifs familiaux d’admission, en léger recul, au nombre de 90 074, et les étudiants, au nombre, en nette augmentation, de 83 082. Ensemble, ils représentent un peu plus des deux tiers des « admis » en 2018. Une proportion qui a peu changé en 5 ans.

En forte hausse, les nombres de titres pour motif humanitaire sont (logiquement) très proches de ceux des attributions des droits d’asile (cf. ci-dessus) : 17 916 en 2013 et 33 981 en 2018.

Le nombre des titres délivrés pour motifs économiques ainsi que sa forte progression sont voisins de ceux délivrés pour motif humanitaire : 17 800 en 2013 et 33 502 en 2018. Dans l’ensemble des titres délivrés, leur proportion a augmenté, mais ne représente, tout de même que 13,1% en 2018. 

Sur les 33 502 admis, la grande majorité, soit 25 047 sont des salariés, dont le nombre a doublé en 5 ans. Au second rang sont comptés 4 605 « scientifiques » et au troisième, 3 021 saisonniers et temporaires.

Ces effectifs sont très éloignés des centaines de milliers d’emplois « offerts » qui ne trouvent pas preneur en France. Ils laissent penser que le recours à l’immigration pour répondre aux besoins insatisfaits des employeurs « potentiels » ne peut leur apporter que des réponses très partielles et limitées. Indépendamment des problèmes pratiques qu’elle pourrait poser, ils conduisent à s’interroger sur l’intérêt de l’instauration de quotas d’immigrants en fonction des besoins présumés de l’économie. La formation et des rémunérations plus adéquates sont sans doute des moyens plus surs pour y répondre.

Quant à la dimension démographique de l’immigration légale, elle devrait inciter à se pencher sur les motifs familiaux, au nombre de 90 074  en 2018, auquel on pourrait ajouter ceux des 7 345 « étrangers entrés mineurs ».

On notera aussi qu’en 2018, les premiers pays d’origine des admis sont les trois pays du Maghreb, avec 79 735 titres, la Chine (Hong-Kong inclus) avec 14 122 titres, et le Sénégal, avec 8 281 titres.

En 2018, 531 000 titres de séjour valides de plus qu’en 2013

Info supplémentaire de même source, le « stock » de titres valides détenu en France par des ressortissants de pays tiers en fin d’année était de 2,701 millions en 2013 et de 3,232 Mi en 2018. La part des départements et communautés d’Outremer (DOM et COM) ne dépasse pas 2,4% du total. A l’intérieur de ce stock, des mouvements peuvent avoir lieu, est-il souligné. Ainsi, lors du renouvellement de leur titre de séjour en 2018, prés de 9 250 étudiants désirant commencer à travailler en France ont opté pour le statut de salarié.

110 000 acquisitions de la nationalité française en 2018, 660 000 en 6 ans

Le nombre d’acquisitions a augmenté de 97 276 en 2013 à 119 152 en 2016, puis est descendu à 110 014 en 2018. Cette dernière année, par modalité d’acquisition elles ont  été de : - 55 830 par décret (naturalisations, réintégrations) ; - 52 350 par déclaration (mariage, ascendant ou fratrie, déclaration anticipée, autre déclaration) ; - 1 834 acquisitions sans formalité.

Au total, de 2013 à 2018, 660 000 acquisitions de la nationalité française ont été enregistrées.

5 millions de binationaux en 2008 – 2009, et bien plus aujourd’hui ?

Il n’y a pas de statistiques sur les binationaux, les personnes n’étant pas tenues d’indiquer leur (s) autre (s) nationalité (s) à l’état civil. La demande de Républicains de créer un « registre » des binationaux n’a pas abouti.

Dans son enquête Trajectoires et origines  (TeO) réalisée en 2008 – 2009, l’Ined a posé la question aux personnes de 18 à 50 ans interrogées. D’après les estimations, environ 3,3 millions de celles résidant en métropole possédaient une double nationalité. 90% d’entre elles étaient des immigrés ou des descendants d’immigrés (18).

Selon l’historien Patrick Weil, avec l’outremer et les Français vivant à l’étranger, le nombre des binationaux serait proche de 5 millions (19). La nationalité d’origine serait conservée par près de la moitié des immigrés.

La question a été posée au Sénat, et le 5 mars 2015, le ministre de l’Intérieur a répondu que les seuls éléments statistiques disponibles venaient des déclarations d’intention de conserver ou de ne pas conserver une nationalité étrangère antérieure exprimées en 2013 par des personnes ayant acquis la nationalité française par décision de l’autorité publique. Plus de 9 sur 10 de ces 16 592 déclarants entendaient conserver leur nationalité antérieure (20).

C’est une indication intéressante, qui peut laisser penser que, compte tenu du nombre des acquisitions de la nationalité française depuis 10 ans, celui des binationaux a notablement augmenté depuis 2008-2009. Il faudra attendre les résultats de l’enquête TeO 2019 -2020 de l’Ined pour avoir un peu plus de précisions.

20 00 mesures d’éloignement pour  30 000 sorties du territoire en 2018

En  métropole, 19 957 mesures d’éloignement ont été  exécutées en 2018, dont 15 677 éloignements forcés + 2 210 spontanés non aidés + 2 070 aidés. Ce nombre total d’éloignements est inférieur de - 2 900 à celui de l’année 2011. C’est principalement le nombre des éloignements spontanés qui a beaucoup baissé, de - 4 600 unités de 2011 à 2018. Celui des éloignements aidés  a diminué de – 1 500 unités. Au contraire le nombre  des éloignements forcés  a été majoré de + 3 200 unités.

Dans le même temps, le nombre des départs volontaires aidés, de 9 985 en 2011, a été considérablement réduit depuis 2014. Il est de 4 775 en 2018. A partir de 2014, cette baisse a été compensée par des départs spontanés (non aidés) dont le nombre a crû jusqu’ à 5 544 en 2018.

Ainsi, le nombre total des sorties du territoire, de 32 912 en 2011, a fluctué et s’est établi à 30 276 en 2018.

Peu d’infos sur les condamnations des étrangers

La publication du ministère de la Justice « Les chiffres clés sur la justice 2019 » (21) est riche en infos, mais rares sont celles concernant les étrangers sur le sol français. Par crainte de faire naître ou d’aviver des polémiques ?

Parmi les 549 980 personnes condamnées en 2018  (données provisoires) pour crimes, délits, contraventions de 5ème classe (hors tribunaux de police) : - les Français sont 465 149, soit 84,6% ; - les étrangers sont 82 167, soit 14,9% ; - les personnes à la nationalité non déclarée sont 2 674, soit 0,5%. La part des étrangers en France étant évaluée à 7,1% en 2018, leur implication dans les crimes, délits et contraventions considérées apparait, en  proportion, nettement supérieure à celle des Français. On peut aussi observer une dynamique peu encourageante, puisque de 2017 à 2018, le nombre des condamnés étrangers a augmenté de + 7,4%.

Au 1er janvier 2019, sur un total de 81 250 personnes écrouées : - 64 033 sont françaises, soit 78,8% : - 17 217, soit 21,2%, sont de nationalité étrangère. Leur nombre a augmenté de + 4,7% en un an.

Sources et références

(1) Les immigrés en France : en majorité des femmes   Populations & Sociétés  N° 502 – juillet août 2013    ined.fr/fichier/s_rubrique/19170/population…

(2) Est-il vrai que les 320 000 bénéficiaires de l’AME ne représentent que 12% des sans-papiers ?     liberation.fr/checknews/2019/10/09/est-il-vrai…

(3) Immigrants non autorisés en France    Pew Research Center    pewresearch.org/global/fact-sheet/immigrants…      le 13/11/2019

(4) Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine    senat.fr/rap/r05-300/r05-300-11.html     le 17/11/2019

(5) Débat sur l’immigration à l’Assemblée nationale : mais que cherche Emmanuel macron ?    europe1.fr/politique/immigration-que-veut-emmanuel    le 07/10/2019

(6) Niveaux de diplôme des immigrés et des descendants d’immigrés par origine géographique   Insee      le 19/07/2019

(7) Catégories socioprofessionnelles des immigrés…  Insee   le 19/07/2019

(8) Inactivité, chômage et emploi des immigrés…    Insee    le 19/07/2019

(9) La localisation géographique des immigrés    Insee Première N° 1591    avril 2016.

(10) L’essentiel de l’immigration    Ministère de l’Intérieur    S.Essentiel_regions_2015_pdf    novembre 2018

(11) Les villes où vivent le plus d’immigrés en 2016   linternaute.com/ville/classement/villes/immigres…    2019

(12) Dossier complet   Commune d’Aubervilliers (93001)    insee.fr/fr/statistiques/2011101 ?geo=COM-93001 #chiffre-de-7     le 19/09/2019

+ Population d’Aubervilliers (93300)     linternaute.com/ville/aubervilliers/ville-93001/demo...      novembre 2019

(13) Dossier complet   Commune de la Rochelle (17300)    insee.fr/statistiques/20111 ?geo=COM-17300    le 19/09/2019

+ Population de La Rochelle    linternaute.com/ville/la-rochelle/ville-17300/demog      novembre 2019

(14) 12 juin 2019 : Publication des statistiques en matière d’immigration, d’asile et d’acquisition de la nationalité française    immigration.interieur.gouv.fr/info-ressources/Actualites/L-immigration/12-juin-2019…

(15) E 2018 : près de la moitié des demandeurs d’asile en France sont venus d’Afrique    lemonde.fr/afrique/article/2019/02/06/en-2018…

(16) La France devient le « premier pays » d’Europe pour les demandes d’asile    lepoint.fr/societe/la-France-devient…  le 21/11/ 2019

(17) Asile : le seuil historique des 140 000 demandeurs se profile en 2019    lefigaro.fr/actualite-France/asile-le-seuil…   le 19/11/2019

 (18) Qui sont les 3 millions de binationaux      la-croix.com/Actualites/France/Qui-sont…    le 24/12/2015

(19) Part de binationaux devenus français, selon les origines, en pourcents    alternatives-economiques.fr/part-des…     le 14/11/2019

(20) Nombre de binationaux en France    senat.fr/questions/base/2014/Qseq140913013.html        le 11/09/2014

(21) Les chiffres clés de la justice 2019     justice-gouv.fr/art_pix/CC2019_V8.pdf

© 07.12.2019