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Dans le labyrinthe des très chères complémentaires santé
Par
Paul KLOBOUKOFF
En résumé
Avant de pénétrer dans
les méandres des complémentaires santé, il faut constater l’échec de la
politique suivie à marche forcée par les gouvernements successifs depuis plus
d’une décennie visant à « privatiser » le financement des dépenses
publiques de santé en étendant le champ couvert par les complémentaires. Entre 2010
et 2019, la part des dépenses « financée » par les complémentaires
est restée figée à 13,4%, alors que la part publique s’est alourdie de 77,6% à
79,7%. Les tarifs exorbitants, répulsifs, des complémentaires, surtout pour les
foyers aux revenus modestes et les séniors, ne sont sans doute pas étrangers à
cette contreperformance.
Dans la Lettre du 18 juin de décembre 2015, j’avais intitulé un article
« Complémentaires santé : tarifs prohibitifs, hernie fiscale,
instabilité et épais brouillard ». Cinq ans plus tard, la même obscurité règne
sur la tarification, avec des formules de couvertures plus complexes et
changeantes. Il faut faire le tour des comparateurs pour chercher chaussure à
son pied sans repères sur les tarifs moyens pratiqués par tranches d’âge et par
classes de contrats. Et pour connaître les montants totaux annuels des cotisations,
des prestations reçues en contreparties et des taxes récoltées, il faut
beaucoup chercher… sans forcément trouver. Et les chiffres peuvent varier d’une
source à l’autre.
Les tarifs des mutuelles ont continué de croître de + 3% par an en
moyenne d’après les professionnels. De bien plus et avec de fortes disparités selon
UFC-Que choisir. Et, dans son rapport du 28 mars 2019, la Commission des
Affaires sociales avait retenu que la cotisation moyenne à une complémentaire
santé s’élevait à 688 € par an en 2017
et avait cru de + 47% en 11 ans.
Le système souffre toujours d’une dilatation des frais de gestion des
organismes complémentaires (OACS), qui représentent en moyenne 20% du montant des cotisations. Une
concurrence insuffisante et une clientèle trop captive l’expliquent peut-être,
avec l’aide des contraintes et des changements imposés aux OACS avec : - les
contrats relevant de la Complémentaire Santé Solidaire ; - des
réglementations « encadrant » les formules des couvertures ; -
la promotion du reste à charge zéro (RAC)…
Il faut espérer que la possibilité de résilier les contrats à tout moment, qui
prendra corps incessamment, va stimuler la concurrence et faire pression sur
les « frais de gestion ».
Ce mal est amplifié par l’hypertrophie de la taxation des cotisations
des assurés, qui est montée de 1,75% en 2005 à 13,27% en 2019 pour les contrats
« solidaires et responsables » (SR), à 6,27% lorsque ceux-ci sont
agricoles, et à 20,27% pour ceux qui ne sont pas SR. Tels ceux ne couvrant que
les gros risques. Ces taux de la « nouvelle » taxe de solidarité additionnelle (TSA) incluent les 6,27% de la
précédente TSA, qui était appelée « contribution CMU » et était
destinée à financer de la redistribution. Au total, ces taxes alourdissent les
cotisations des assurés de 5,12
milliards € (Mds €) en 2019. Comme l’exécutif trouve que ce n’est pas
assez, il a décidé d’en remettre une couche en ajoutant une « taxe
Covid » de 2,6% du montant des cotisations au titre de 2020 et de 1,3% au
titre de 2021. Cette taxe va majorer les recettes de la TSA de 1,5 Mds €. Le taux moyen de taxation
montera ainsi à 16,5% et ce nouveau prélèvement empêchera de « restituer aux adhérents les économies qui
devraient leur revenir ». Pour le président honoraire de la CNAM, « taxer
les mutuelles et les institutions de prévoyance revient à taxer la solidarité ».
Avant cette majoration, le rapport prestations / cotisations était en
moyenne de 70%. Avec elle, il va
descendre sous les 69%. Trop peu de
cotisants aux complémentaires sont conscients de cette « perte en
ligne » pour eux… et trop peu de responsables politiques et syndicaux s’en
préoccupent.
L’addition est particulièrement douloureuse : - pour les ménages
aux revenus modestes, mais dépassant les bornes ouvrant droit à la Complémentaire
Santé Solidaire. Leurs cotisations peuvent atteindre, voire dépasser 8% de leur niveau de vie ; - pour
les séniors, vaches à lait du système,
notamment en raison de l’augmentation des tarifs avec l’âge. Pour eux, les
tarifs annuels moyens des mutuelles sont, en 2020, de 1 000 € pour un
contrat de moyenne gamme et de 1 320 € pour un contrat haut de gamme. Des
tarifs annuels qui varient suivant les départements et qui, en 2017, allaient
jusqu’à 3 000 € en moyenne pour un couple de jeunes séniors de 60 ans
résidant dans les Hauts-de-Seine (92). En moyenne, les séniors paient 2,7 fois plus que les salariés pour les
contrats bas de gamme, 2,2 fois plus
pour les contrats moyenne gamme et 1,8
fois plus pour les contrats haut de gamme.
D’une façon plus générale, les séniors, dont les niveaux de vie réels
sont surévalués, notamment parce que les calculs des revenus disponibles par
l’Insee ne tiennent pas compte de leurs dépenses de santé, des coûts à leur
charge des hébergements dans les EHPAD, d’impôts comme la TSA, les taxes
foncières… sont des boucs émissaires désignés de la politique fiscale et de la
grande redistribution. Malgré leur poids électoral. Jusque quand ?
La privatisation du
financement de la santé patine et le RAC est un leurre
Les comptes de la santé présentés par la DREES permettent des
observations intéressantes sur les niveaux et les évolutions de chiffres clés
de 2010 à 2019 relatifs à la dépense de Consommation de soins et de biens
médicaux (CSBM) et à son financement.
Sous la férule de l’Objectif national de l’assurance maladie (ONDAM), la
CSBM a augmenté de + 19,9 % entre 2010 et 2019 pour atteindre 208,035 Mds €
cette dernière année. Pendant ce temps, à l’exception d’une petite hausse de
2011 à 2013, la part de cette dépense « financée » par les organismes
d’assurance complémentaire santé (OACS) est restée remarquablement stable, à
13,4% du montant de la CSBM. Ceci, malgré les efforts persistants et insistants
de nos gouvernants pour « transférer » aux complémentaires
(privatiser) une part croissante des dépenses publiques de santé. Au contraire,
la part publique de la CSBM, financée en presque totalité par la Sécu, s’est alourdie
de 77,6% en 2010 à 79,7% en 2019, et a atteint 165,812 Mds €. Echec, donc.
C’est cette majoration de la prise en charge publique qui a permis
au fameux « reste à charge »
(RAC) des ménages de descendre de 9% en 2010 à 6,9% en 2019. Ce RAC « officiel » et médiatisé, qui
laisse entendre que les ménages ne paient qu’une très faible part des dépenses
de santé, est un leurre, un attrape-nigaud. En effet, personne ne peut ignorer
que ce sont les cotisations des ménages qui financent les 13,4% attribués aux
complémentaires. Ils paient même davantage que 21,3% (6,9% + 13,4%), puisque le montant total de leurs cotisations
est largement supérieur à celui des prestations qu’ils reçoivent (voir
ci-après) et qui sont comptabilisées dans la CSBM.
La mise en place de
l’offre de « reste à charge zéro » pour les lunettes, les
prothèses dentaires et les audioprothèses, encore baptisée « 100% santé »
est du même acabit. Les OACS ont d’ailleurs indiqué qu’elle occasionnera des
dépenses supplémentaires qui seront inévitablement répercutées sur les tarifs.
Non, ces organismes ne sont pas des œuvres de bienfaisance ! En tout cas
pas pour tous leurs clients. Mais, ils participent aussi au grand jeu français
de la redistribution (voir ci-après).
Les taxes et les frais de
gestion géants plombent les cotisations des assurés
Aperçu de la situation
Un aperçu de la situation à laquelle sont confrontés les assurés est
présenté dans le Rapport N° 1772 de la Commission des Affaires sociales du 28
mars 2019 (1), qui se fonde notamment sur une étude d’UFC-Que-Choisir de juin
2018. Celle-ci montre que la cotisation moyenne à une complémentaire
santé s’élève à 688 € par an en 2017
et a cru de + 47% en 11 ans,
soit nettement plus que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie
(ONDAM) qui, lui, « n’a
progressé que de + 35 % ». L’augmentation de la cotisation moyenne
s’explique en partie par le vieillissement progressif de la population des
assurés soumis, pour la plupart, au renchérissement des cotisations avec l’âge…
qui fait des retraités les premières vaches à lait d’un système handicapé par
une taxation insatiable injustifiée et des frais de gestion anormalement (ou
abusivement) élevés.
Le Rapport indique
que les hausses de la fiscalité sur les contrats intervenues de 2006 à 2017 ne
justifient « que moins du
tiers de la progression des cotisations », soit de + 15% du montant de
celles-ci, tout de même. En réalité, les taxes applicables aux complémentaires
santé sont passées de 1,75% des
cotisations en 2005 à 13,27%
depuis 2012 pour les contrats solidaires et responsables, à 6,27% pour les contrats agricoles
solidaires et responsables, et à 20,27%
pour les contrats, agricoles ou non, qui ne le sont pas. Ces taux sont ceux de
la « nouvelle » taxe de
solidarité additionnelle (TSA), produit de la fusion à compter du 1er
janvier 2016 de la précédente TSA, encore appelée « contribution
CMU », au taux de 6,27% avec la taxe spéciale sur les conventions d’assurance
(TSCA) au taux variable selon les contrats. Il s’agit d’une taxe sur le chiffre
d’affaires (cotisations et accessoires) et non d’une TVA sur les activités des
OACS. A mes yeux, ses principales « justifications » réelles sont :
- de procurer de plus en plus d’argent à l’Etat pour limiter le déficit de la
Sécurité sociale ; - d’étendre la redistribution en contribuant au
financement de la « Complémentaire Santé Solidaire », qui regroupe
depuis novembre 2019 les dispositifs de la CMU-complémentaire (CMU-C) et de
l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS). Avec la TSA, une
partie des cotisations de la majorité des assurés sert à payer les
complémentaires d’assurés aux revenus modestes.
Quelques repères sur
le marché des complémentaires en 2018
Le tableau ci-dessous résume le partage du marché entre les sociétés
d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance, ainsi que les
répartitions des cotisations entre les contrats individuels et les contrats
collectifs. Il indique aussi les montants des prestations des organismes
comptabilisées dans la CSBM, dont le montant total a été de 203,5% en 2018. Il
donne aussi le nombre, 530 000 environ, des Complémentaires Santé
Solidaires (CSS) gérées par les OACS, la grande majorité de ces CSS,
5,050 millions étant gérées par l’Assurance maladie.
Malgré la
« concentration » de l’offre, qui a vu le nombre d’organismes
d’assurance complémentaire santé (OACS) se réduire de 1 702 en 2001 à 474 en
2017, le poids des charges de gestion ne s’est pas allégé. Au contraire. Selon
la DREES du ministère de la Santé, les frais de gestion des complémentaires
santé ont augmenté de + 4,2% par an en moyenne entre 2008 et 2017 (3).
D’après les comptes de la santé 2018 de la DREES, cumulés,
les frais de gestion des sinistres, les frais d’acquisition et les frais d’administration
avec les autres charges techniques nettes représentent en moyenne 20% du montant des cotisations hors
taxes en 2018. Assez logiquement, ce poids moyen est plus faible, 18%,
sur les contrats collectifs que sur les contrats individuels, 22%. Il est le
plus élevé, 22%, en moyenne, sur les contrats des sociétés d’assurances. Il est
de 20% sur ceux des mutuelles et de 16% sur ceux des institutions de prévoyance
(4).
Les frais de gestion et la taxation alourdissent
considérablement les cotisations des assurés et creusent l’écart entre
celles-ci et les prestations qu’ils reçoivent. Ainsi, en 2016, aux 35,9
Mds € de cotisations HT se sont ajoutés 4,8
Mds € de TSA, portant l’addition des cotisations versées à 40,7 Mds €. Les
prestations reçues ont été de 28,6 Mds €, soit 70,3% des cotisations payées. 2 Mds € de prestations sont aussi
venus « du régime général pour les personnes
à la CMU-C ayant choisi leur régime de base comme gestionnaire »
(1), et non une complémentaire santé.
Pour l’ensemble des OACS, les cotisations collectées
se sont montées à 37, 57 Mds € HT en
2018 et les prestations, à 29,6 Mds
€ (4). Taxes comprises (calculées au même taux moyen de TSA qu’en 2016,
soit 13,4%), les cotisations atteignent 42,6
Mds €… et les prestations représentent 69,5%
de cette somme.
Dans son plaidoyer
« Pour une complémentaire santé accessible à toutes et à tous, supprimons
les taxes sur les cotisations mutualistes » (5), Mutuelles de
France répond à la question « Comment
sont utilisées les cotisations ? ». En 2018 : - 19% vont aux
« services aux adhérents » ;
- 13,3% sont des taxes ; - 67,7%
sont consacrés aux prestations reversées aux adhérents.
Si cette proposition était suivie, pour les
sociétés d’assurance et les institutions de prévoyance comme pour les
mutuelles, ce ne serait qu’un retour à une situation qui a prévalu jusqu’en
2005… et qui n’avait rien d’anormal.
Les contrats des personnes qui ne s’assurent que
pour les gros risques (hospitalisation…) ne peuvent pas être
« solidaires et responsables » en raison d’obligations comprenant
notamment la couverture d’autres risques. Ils sont taxés à 20,27%. Compte tenu
des frais de gestion, le rapport prestations / cotisations est inférieur à 60%.
L’exécutif en remet une couche avec sa « taxe
covid » de 1,5 Mds €
Tout à fait à l’opposé, l’exécutif a estimé qu’avec
la covid 19 et le confinement, la forte diminution de la consommation de soins
de villes (généralistes et spécialistes) ainsi que la prise en charge par
l’Etat des tests de dépistage et des téléconsultations, les complémentaires
santé avaient réalisé plus de 2 Mds € d’économies. Alors, oubliant que le
président Macron a promis de ne pas augmenter les impôts, il a décidé d’imposer
à ces organismes [et à leurs assurés] une taxe supplémentaire de 2,6% du
montant des cotisations au titre de 2020 et de 1,3% au titre de 2021. Cette
« taxe covid » de 1,5
Mds € sera recouvrée avec la TSA, qu’elle va majorer d’autant.
La Mutualité Française a déclaré que le taux de
taxation montera ainsi à 16,5% et que ce nouveau prélèvement empêchera de « restituer aux adhérents les économies qui
devraient leur revenir » (6). Sur lesechos.fr, un article a
titré : Opinion /Taxer les complémentaires santé : une recette
du monde d’avant. Jean-Marie Spaeth, Pt honoraire de la CNAM, a précisé qu’aux 5,12 Mds € de taxes payées par les complémentaires santé en 2019 vont
s’ajouter 1,5 Mds €. Pour lui, « taxer
les mutuelles et les institutions de prévoyance revient à taxer la solidarité »
(7).
Avec cette nouvelle taxe, le rapport prestations
/ cotisations descendra en dessous
de 69%. Les premières victimes seront encore les personnes âgées et celles
aux revenus modestes, y compris une partie de celles qui bénéficient de la
Complémentaire Santé Solidaire. Braves gouvernants de notre « généreuse »
République !
Dans la jungle de la tarification
Inflation des tarifs en ordre dispersé
S’appuyant sur l’analyse de 498 contrats
individuels émanant de 86 organismes complémentaires recueillis auprès des
consommateurs, l’UFC-Que choisir a publié un brulot en février 2020 sous le
titre de « Inflation des complémentaires
santé - Il est urgent que la résiliation à tout moment entre en vigueur ! »
(8). Elle y dénonce une inflation médiane de + 5% de 2019 à 2020, bien supérieure aux + 3% annoncés par
des professionnels. Elle observe une grande disparité des augmentations des
primes, l’inflation médiane constatée allant de + 2,7% chez la MACIF et + 3,2% à
la mutuelle générale jusqu’à + 10,7% chez APICIL et + 12% chez Swiss Life.
Les chiffres avancés par l’UFC-Que choisir ont été
aussitôt contestés par les professionnels, et en particulier par le Directeur
général de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF). Il a critiqué
la faible dimension de l’échantillon de 500 contrats, le jugeant d’autant moins
représentatif que l’enquête avait sollicité les témoignages des gens qui
avaient constaté des hausses… et « ce
sont surtout les adhérents les plus mécontents et qui sont concernés par les
plus grosses hausses qui ont répondu ». Il a indiqué qu’une étude de
la Fédération auprès de 13 millions d’adhérents avait montré que « les cotisations 2020 ont augmenté de + 2,4%
au 1er janvier (2,2% pour les contrats individuels et + 2,9% pour
les contrats collectifs ». (9). Selon lui, « les cotisations vont continuer d’augmenter à un rythme de 2 à 3% par an pour suivre les besoins
de santé dans une société qui vieillit ». De son côté, le président de
la Mutualité française avait estimé en novembre 2019 que les cotisations des
mutuelles augmenteraient « dans les
mêmes proportions que les années précédentes, c’est-à-dire en moyenne de 3% par an ces dix dernières
années » (10). Le D.A. chargé de l’action politique à l’UFC a
expliqué que « Les complémentaires
santé communiquent à âge identique, comme si vous ne preniez pas de l’âge d’une
année à l’autre ».
La différence d’appréciation à la tête de la
Fédération sur l’évolution des tarifs et la remarque précédente relative à
l’âge montrent le besoin d’un suivi « indépendant » des tarifs et d’un
indice des prix des cotisations des complémentaires établi et géré par des
spécialistes, comme ceux de l’INSEE ou de la DREES. Sinon, absence de repères,
épais brouillard pour les assurés et « approximations » discutables
continueront de régner.
UFC-Que choisir, qui le réclamait depuis des
années, a fini par obtenir gain de cause. La
possibilité de résilier à tout moment sa complémentaire santé (sans frais
supplémentaires) doit entrer en vigueur le
1er décembre.
Grande disparité des tarifs des complémentaires
Même entre des contrats de mutuelles pour seniors
présentant « un rapport
qualité/prix très intéressant », des différences non négligeables ont
été relevées en 2019 entre les 5 organismes classés en tête par meilleurtaux.com
(11) après une comparaison entre les formules proposées par plus de 40
mutuelles. Parmi les critères de qualité, les remboursements chambre
particulière, montures + 2 verres progressifs et prothèse dentaire ont été au
centre des comparaisons. Pour une personne, les tarifs annuels les plus
avantageux vont de 936 € chez
Aesio et Selfassurance à 1 056 €
chez Alptis. Rien n’est dit sur les plus coûteux.
En septembre 2017, MeilleureAssurance.com a réalisé
une enquête sur les tarifs proposés par les mutuelles santé en réponse à
814 572 demandes de tarifs sur l’ensemble des départements pour 4 profils
différents : un couple de 60 ans, un couple d’environ 30 ans avec 2
enfants (de moins de 12 ans), un salarié de 25 ans et un travailleur libéral de
40 ans. Pour les jeunes seniors, les offres concernent des garanties
« renforcées ». Pour le salarié et le travailleur non salarié, ce
sont des garanties « classiques », comme, semble-t-il pour la famille
avec 2 enfants (12).
Les tarifs moyens observés sont des indicateurs intéressants
des coûts supportés par ces 4 catégories d’assurés, ainsi que par les
différences relevées entre les départements. Mais s’agissant de
tarifs moyens, ils traduisent mal les écarts maxima entre les tarifs les plus
chers et les moins coûteux. Ces résultats montrent que d’une manière générale :
- les tarifs sont plus élevés dans les régions à forte concentration urbaine,
et en particulier en Ile-de-France et sur le pourtour oriental méditerranéen ;
- les plus faibles sont surtout relevés dans les régions du centre et de
l’ouest nettement moins urbanisées. D’après les auteurs, les causes des tarifs
plus élevés seraient des différences de
prix notables chez les médecins et les spécialistes, des dépassements
d’honoraires plus importants, des garanties plus complètes et des prix des
médicaments fixés librement par les pharmacies.
Pour le couple de
seniors de 60 ans, au niveau national, le coût moyen de la garantie
« renforcée » (en 2017) était de 218,78 € par mois, soit 2 625 € par an. Pour ceux résidant
dans les Hauts-de-Seine, le coût moyen annuel, le plus élevé, était de 2 990 €.
Dans la Sarthe, le coût moyen, le plus faible (hors Alsace Moselle), était de 2 510 €.
Pour le jeune salarié
de 25 ans, les coûts
moyens annuels étaient de 316 € au
niveau national, 362 € dans les Hauts de
Seine et 309
€ dans la Sarthe.
Pour le travailleur
non salarié quadragénaire, les coûts moyens annuels étaient de 420 € au niveau national, 470 € dans le Val-de-Marne et 400 € dans la Sarthe.
Pour la jeune famille avec 2 enfants, les coûts moyens
annuels étaient de 1 100 € au
niveau national, 1 230 € dans les Hauts-de-Seine et 1 070 € en Charente.
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Il est vraisemblable
qu’entre 2017 et 2020, nombre des coûts ci-dessus ont été majorés de
l’ordre de + 10%.
On doit aussi noter
que si des études comparatives de ce type sont faites sur les offres des
mutuelles, il est (très) difficile d’en trouver portant sur celles des
institutions de prévoyance et les sociétés d’assurance. Discrétion
oblige ?
Les seniors, vaches à lait du système ?
Les tarifs de presque
tous les contrats individuels proposés par les complémentaires augmentent
notablement avec l’âge des assurés. En 2016, la DREES avait observé qu’en
2012 (13) : - le tarif moyen pour les personnes de 75 ans était
2,9 fois supérieur à celui des personnes de 20 ans, et qu’entre 60 ans et 75
ans, le tarif était relevé de + 30% ; - de 75 ans à 85 ans, les
majorations étaient plus fortes chez les sociétés d’assurances que chez les
mutuelles.
Une autre comparaison sur le site cooper.fr (14) des
prix moyens mensuels pratiqués en 2020 par les mutuelles
montre à la fois le large éventail des
prix selon les risques assurés et les grandes
différences entre les tarifs appliqués aux travailleurs et aux retraités.
. Pour un salarié,
le prix moyen est de 22 € pour un contrat d’entrée de gamme, de 38 € pour un
contrat moyenne gamme, et 62 € pour un contrat haut de gamme ;
. Pour un
travailleur non salarié (TNS), ces prix sont respectivement de 34 €, 47 €
et 71 € ;
. Pour un sénior, ces prix mensuels sont de 67 €, 83 € et 110 €. Ainsi pour un contrat de moyenne gamme, un
senior paie en moyenne près de 1 000 € par an, et un couple de seniors, 2 000 €. A 2 640 € par an en moyenne, les contrats haut de gamme
sont inaccessibles pour nombre de séniors.
En moyenne, les
séniors paient 2,7 fois plus que les
salariés pour les contrats bas de gamme, 2,2
fois plus pour les contrats moyenne gamme et 1,8 fois plus pour les contrats haut de gamme. Les salariés
bénéficient de la couverture de contrats collectifs négociés par les
employeurs, ce qui explique une partie (mineure) de la différence
Bien sur, les séniors ont plus souvent recours aux
soins que les personnes plus jeunes, mais une grande part des frais
d’hospitalisation, les plus coûteux, est prise en charge par la Sécurité
sociale, d’une part, et lorsque les seniors sont atteints d’affections de
longue durée (ALD), plus souvent que les autres personnes, les frais
occasionnés par leurs soins sont pris en charge aussi par la Sécu, d’autre
part. Dans les deux cas, les frais à couvrir par leurs complémentaires sont
allégés. Ces observations poussent à se demander si les seniors ne sont pas
« surfacturés » par les complémentaires. Au profit d’autres
assurés ? Cette question mérite aussi d’être éclaircie.
Redistribution et impacts sur
les niveaux de vie des ménages
L’épais dossier du
ministère des Solidarités et de la Santé intitulé « La complémentaire
santé : acteurs, bénéficiaires, garanties - édition 2019 » (15) recèle de rares renseignements. Dans sa fiche 05 -
« Les effets redistributifs des
assurances maladie obligatoire et complémentaire », figurent des
données sur les montants des cotisations réglées par les assurés et les
remboursements qu’ils ont reçus, et ceci par déciles de niveau de vie des
ménages. Hélas et malheureusement, ces infos (de source DREES, INES-OMAR)
portent sur l’année 2012… et
je n’en ai pas trouvé d’équivalentes plus récentes. Elles montrent notamment
que :
. Pour les 10% des ménages aux niveaux de vie (NDV) les plus faibles (1er décile,
D1) les montants moyens annuels des cotisations, 496 €, et des remboursements,
344 €, sont nettement inférieurs à ceux des ménages aux revenus plus élevés. Ce
n’est pas étonnant, car, d’un côté, davantage de ménages de D1 bénéficient
de la CMU-C ou de l’ACS, et de l’autre, leurs possibilités de dépenser pour se
soigner sont moindres et les contrats qu’ils souscrivent sont plus bas-de-gamme.
Ces 496 € représentent cependant 6,2%
du niveau de vie moyen de D1 calculé par
l’Insee (16).
. Au dessus du décile D1, les montants des cotisations
annuelles croissent avec les revenus des ménages, mais moins que ceux-ci. Ils
sont de 947 € en moyenne pour les ménages de D2, soit de 7,8% de leur NDV. Ils montent à 1 161 € et 1 186 € (6,2%
et 5 ,7% du NDV) pour ceux des
déciles médians D5 et D6, et atteignent 1 326 € (2,27% du NDV) pour les 10% des ménages aux NDV supérieurs. Ces
chiffres montrent (à ceux qui pourraient en douter) que les efforts financiers (et les privations)
pour se payer la complémentaire sont nettement plus importants pour les ménages
aux faibles revenus. Cela signifie aussi que la forte taxation des complémentaires frappe le plus durement les
ménages aux faibles niveaux de vie. Quel progrès social ! Ou politique
de gribouille ?
. Au dessus du décile D1, les remboursements
moyens annuels augmentent de 619 € pour les ménages de D2 à + ou - 750 € pour
ceux des déciles D4, D5 et D6 puis montent à + ou - 850 € pour ceux des quatre
déciles supérieurs… montrant peut-être des paliers dans la montée en gamme des
souscriptions des contrats. Les rapports remboursements / cotisations varient dans
une fourchette de 63% à 69%.
. Le tableau 1 du dossier du ministère des
Solidarités et de la Santé (13) indique qu’en
2016 : 33% des contrats
individuels sont de classe 1, 56%, soit plus de la moitié, sont de classe 2, et
seulement 11% sont de classe 3. Vu les tarifs pratiqués, cette rareté relative
des contrats haut-de-gamme ne surprend pas.
Paul KLOBOUKOFF Académie du Gaullisme
Le 1er novembre 2020
Sources et références
(1) Rapport fait au nom de la commission des Affaires sociales sur la
proposition de loi relative au droit de résiliation sans frais des contrats de
complémentaire santé Rapport N° 1772 du 28 mars 2019
(2) L’Assurance française Données
clés 2019
ffa-assurances.fr/etudes-et-chiffres-cles/assurances-de-personnes-données-par-année le 12/10/2020
(3) La vérité sur les dérapages des frais de gestion des complémentaires
santé.
Challenges.fr/entreprise/la-verite….
Le 18/08/2019
(4) Rapport 2019 La situation
financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé drees.solidarites-sante.gouv.fr/LMG/pdf/rapport_Uc_2019
(5) Pour une complémentaire santé accessible…
mutuelles-de-France.fr/articles_detail/TVRVMw/27…
(6) Le gouvernement a fixé le taux de la « taxe covid » sur
les complémentaires santé capital.fr/votre-argent/ le-gouvernement… le 01/10/2020
(7) Opinion I Taxer les complémentaires santé : une recette du
monde d’avant
lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-taxer… le 23/09/2020
(8) Inflation des complémentaires santé - Il est urgent que la
résiliation à tout moment…
quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-inflation-des… le 12/02/2020
(9) Complémentaires santé : des hausses de tarifs dues à une
population vieillissante
ladepeche.fr/2020/02/12/complementaires…
(10) Les tarifs des complémentaires santé ont connu une hausse
« massive » en 2020, selon l’UFC-Que choisir lemonde.fr/societe/article/2020/02/12/les-ta…
(11) Mutuelle santé pour Seniors : le classement des meilleurs
rapports qualité/prix
apps.meilleurtaux.com/mutuelle-sante/mutuelle-sante-… le 31/07/2019
(12) Enquête : les tarifs moyens des mutuelles santé par
département lecomparateurassurance.com/15-prix-tarifs/109296…
(13) Tableau 1. Typologie des contrats individuels selon les modes de
tarification en 2016
(14) Quel est le meilleur tarif d’une mutuelle ? (mise à jour
2020) ccver.fr/mutuelle/tarif le 19/10/2020
(15) La complémentaire santé : acteurs, bénéficiaires, garanties - édition
2019 ministère des solidarités et de
la santé le 03/04/2019
(16) Insee Résultats : Revenus, niveaux de vie et pauvreté en 2012
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