Partie 2
Par Paul KLOBOUKOFF,
En résumé
Donald Trump n’a pas engagé en 2018 une « guerre commerciale »
avec la Chine seulement pour limiter les importations chinoises et réduire le
déficit des échanges avec le géant asiatique. Les progrès technologiques sont à
la base du développement des économies et de l’évolution des rapports de
puissance. Trump n’acceptait pas la captation déloyale des technologies,
notamment par les contraintes imposées aux exportateurs et aux entreprises
américaines (et des autres pays) investissant en Chine, ainsi que par
l’espionnage industriel. Son épreuve de force avec Pékin visait à faire changer
d’attitude aux dirigeants chinois. Après deux années d’affrontements, un accord
commercial « historique » (ignoré de nos « grands »
médias) a été signé entre le Etats-Unis et la Chine en janvier 2020 et confirmé
par les deux parties en août dernier. Ses termes prévoient que les transferts
de technologies seront désormais volontaires, « reflétant un accord mutuel », et la Chine importera 200
milliards d’euros (Mds €) supplémentaires de produits américains
dans les deux années suivantes.
Avec les conditions qui sont associées à la levée des tarifs punitifs, ces
dispositions montrent que les griefs de Trump avaient été entendus.
Comme le FMI, Trump a pu constater le déclin économique
relatif du « monde occidental » avec la montée des pays dits émergents,
et en premier lieu de la Chine, qui poursuit sa longue marche avec l’ambition
non dissimulée de parvenir à la suprématie mondiale. Au fil des ans, le montant
de son PIB se rapproche de celui des Etats-Unis (EU) et, mesuré à parité de
pouvoir d’achat, il l’a même dépassé en 2017. Ralentir cette progression reposant
largement sur les échanges extérieurs, dont la Chine est tributaire, a été l’un
des objectifs de Trump. Celui-ci a été atteint temporairement en 2019, après
une année de guerre commerciale et avant la propagation du coronavirus, non
sans d’importants dégâts collatéraux aux Etats-Unis et chez leurs alliés.
Avec « America First », Donald Trump a affirmé la
primauté des intérêts nationaux dans les relations des EU avec l’étranger. Son
rejet viscéral du multilatéralisme, déjà en déclin, et la défiance vis-à-vis de
certains alliés ont conduit au protectionnisme et à un certain isolationnisme. Nous l’avons vu avec les distances qu’il a prises
vis-à-vis de l’Europe, de ses restrictions financières à l’égard de l’OTAN, qu’il
aurait souhaité que les EU quittent, ainsi que de son hostilité envers l’OMC, qui
a réprouvé les majorations tarifaires punitives, « illicites »
décidées contre la Chine.
En sortant du traité de Partenariat Transpacifique (TPP), qui
comptait 12 pays, dont le Japon, l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Mexique,
le Canada et le Pérou, et qui totalisait 40% du PIB mondial et 30% du commerce
international, les EU ont tourné le dos à un marché considérable, quitté de
précieux alliés et laissé le champ libre à la Chine. Réanimé en 2007, le Groupe
Quadrilatéral de Coordination de la Défense (Quad), forum stratégique associant
l’Inde, le Japon, l’Australie et les Etats-Unis, reste cependant actif face à
l’hégémonie de la Chine et aux problèmes de sécurité posés à ses voisins dans l’espace
Indo-Pacifique. Mais son influence en matière commerciale
est limitée.
Dans la rivalité au sommet, le
contraste est saisissant entre le repli-sur soi protectionniste des EU décidé
par le président Trump et l’expansionnisme multilatéraliste débridé de la
Chine.
Depuis 2013, avec son
projet pharaonique des « Nouvelles Routes de la Soie », en
particulier, la Chine déploie une vaste toile d’araignée de relations commerciales,
économiques et financières ponctuées par des accords bi et multilatéraux. Cette
toile s’étend à l’Asie centrale vers l’Europe, à l’Asie-Pacifique, à l’Amérique
latine, à l’Afrique…
En novembre 2020, la Chine a annoncé la création, avec 15
pays d’Asie-Pacifique, dont les 10 pays de l’ASEAN et 3 alliés des EU (le
Japon, la Corée du Sud et l’Australie) de la plus grande zone de libre-échange
de la planète. Tandis que les EU avaient
tenté de vassaliser les Amériques et l’Europe, la Chine est en train d’asservir
l’Asie, de coloniser l’Afrique et d’avancer en direction de l’Europe et de l’Amérique
latine. Non sans inquiéter ses « partenaires », avec lesquels les rapports
sont déséquilibrés, ainsi que sa grande voisine, l’Inde.
La Chine n’a pas été épargnée par la pandémie de
l’endettement, dont le total mondial est monté à 258 trillions (milliers de
milliards) de dollars au 1er trimestre 2020, soit 3,3 fois le PIB mondial.
Pour sa part, la dette totale de la Chine a atteint 318% du montant de son PIB,
s’approchant des 342% des EU et des 385% de la zone euro (ZE). Les Autorités
essaient de reprendre son contrôle et de la réduire. La moitié de cette dette
(159 Mds $) est au débit des entreprises privées et d’Etat qui ont une forte propension à
s’endetter, pour investir à l’étranger, notamment. Autre problème en cours de
traitement, dans leurs rangs se trouvent des entreprises zombies, en
difficultés prolongées, maintenues en vie afin de préserver d’indispensables
emplois localement et de contribuer à la croissance du PIB.
Tirant des leçons de la guerre
commerciale avec les Etats-Unis et des sanctions subies, le président Xi
Jinping a infléchi sa stratégie. Le but principal du 14ème plan
quinquennal qui sera adopté au début de 2021 est de faire de la Chine la plus
grande puissance industrielle et économique du monde et de la rendre moins
dépendante des systèmes mondiaux. Plus
de technologies innovantes dans les industries vitales et croissance reposant
davantage sur la demande intérieure, sur l’investissement et non sur la
consommation, sont deux axes majeurs.
Pour se donner les moyens de faire de
la Chine une puissance dominante, Xi Jinping a purgé
le parti et accru le pouvoir du chef de l’Etat. Il a fait inscrire son objectif
et sa stratégie dans le Préambule de la Constitution.
Dans la compétition internationale, la discipline qu’un
régime autoritaire ou dictatorial peut imposer à ses agents économiques et
financiers est un « avantage comparatif » de poids que refusent de
s’offrir les démocraties.
Mais, les réserves mondiales de change sont pour 62% en
dollars, de très loin supérieures à celles en monnaie chinoise, le renminbi.
Cette position dominante est un contrepoids sans doute encore durable à
l’hégémonie chinoise et un atout majeur des Etats-Unis dans « l’épreuve de
force » engagée par Donald Trump en 2018.
Joe Biden et Kamala Harris connaissent la nouvelle donne et les
intentions des gouvernants chinois. C’est à leur tour de redéfinir et de mettre
en œuvre une nouvelle stratégie internationale. Sera-t-elle plus conciliante
avec la Chine, plus amicale envers les alliés des Etats-Unis, mondialiste et
multilatéraliste comme beaucoup l’espèrent ? Un « agenda
transatlantique tourné vers l’avenir » s’ouvrira-t-il ? Nous le
saurons peut-être dans quelques semaines.
De la guerre commerciale à un accord
commercial « historique »
L’ampleur du déficit commercial des
EU avec la Chine peut aider à comprendre l’attitude protectionniste de Donald
Trump et plus agressive envers son grand concurrent déloyal
que son prédécesseur Barack Obama, qui s’était épuisé
Tableau 1 : Un très lourd déficit commercial des Etats-Unis avec
la Chine