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Deux défis majeurs pour le nouveau président américain
Par
Paul KLOBOUKOFF,
PARTIE 1
Quelques compléments et
précisions sur les résultats des élections, d’abord
Le 4 novembre,
les grands médias audiovisuels français ont pu sabrer le champagne. Ils avaient
gagné les présidentielles américaines, avaient vaincu l’ignoble Donald Trump et
porté au pouvoir Joe Biden, aussitôt devenu pour eux Joe star, et Kamala
Harris, superstar.
Soucieux
d’informer « correctement » le public, ils ont omis de nous rappeler
que la veille les électeurs n’avaient pas seulement voté pour élire le
président de la Fédération des Etats-Unis, mais aussi pour renouveler des
sièges des deux chambres du Congrès, une partie des gouverneurs des Etats, de
nombreux membres des assemblées législatives des Etats, ainsi que des autorités
des exécutifs locaux. Or, si Biden a été
élu et Trump battu, les résultats des autres élections sont pour le moins
« mitigés ». A la Chambre des Représentants, les Démocrates,
majoritaires, ont perdu 13 sièges [une première
depuis 50 ans pour un parti gagnant la présidentielle] et les Républicains en
ont gagnés autant. Au Sénat, les Démocrates ne sont pas assurés d’obtenir la
majorité des sièges.
A la
présidentielle, Biden a recueilli 80,1 millions (Mi) de votes, soit 51,1%
des suffrages exprimés. 73,9 Mi d’électeurs ont voté pour Trump, ce qui
représente 47,2% des suffrages. 1,7% des voix se sont portées sur d’autres
candidats, dont 1,2% pour Jo Jorgensen, candidate du Parti Libertarien (1).
Sur les 435 sièges de la
Chambre des Représentants, renouvelés tous les deux ans, les Démocrates en
détenaient 235, et les Républicains, 200. Après les élections de novembre, les
Démocrates comptent 222 sièges (confirmés) et les Républicains en compteront
probablement 213, dont 8 sont à confirmer (dans les Etats où ils sont en tête).
Au Sénat, dont les 100
membres (deux par Etat) sont élus pour 6 ans et dont le tiers des sièges est
renouvelé tous les deux ans, les Républicains détenaient 53 sièges, les
Démocrates, 45, et les autres partis, 2. Avec la « vague bleue »
attendue, les Démocrates espéraient prendre la majorité à la Chambre Haute. A
ce jour, les résultats leur donnent 46 sièges, ainsi que 2 à leurs alliés les
Indépendants. 50 sièges sont attribués aux Républicains. 2 sont encore en
balance en Géorgie où pour être élu un candidat doit recueillir au moins 50%
des suffrages, ce qui n’a pas été le cas pour les 2 sièges le 3 novembre. Pour un
de ces sièges, le candidat Républicain est arrivé en tête avec 49,7% des votes,
contre 47,9% au Démocrate. Pour l’autre siège, avec 32,9% des votes, le
candidat Démocrate a devancé deux Républicains qui ont recueilli 25,9% et 20%
des votes. Un second tour est prévu le 5 janvier 2021. Aussi le combat électoral
fait rage en Géorgie et son issue est incertaine.
Si les Républicains restent majoritaires
au Sénat, Joe Biden sera gêné aux entournures, car le Sénat américain dispose
de pouvoirs conséquents. Toute législation fiscale doit être adoptée à la Chambre
des Représentants, puis au Sénat à une majorité de 50 votes. Pour les actes non
fiscaux, les membres du Sénat disposent d’un droit de blocage. Pour débloquer,
il faut alors le vote de 60 membres. Les accords internationaux doivent être
ratifiés par le Sénat. Aussi, tenir la promesse de rejoindre les accords de
Paris sur le climat ne sera pas une simple formalité. Biden devra en faire
accepter les termes par des sénateurs Républicains (et peut-être aussi des
Démocrates). On pourra alors s’attendre à ce que, comme ses prédécesseurs, le
nouveau président fasse un usage extensif des « ordres exécutifs »,
notamment pour relancer l’économie, minée par la pandémie du coronavirus, et en
matière de commerce international, domaine dans lequel Trump laisse un lourd
héritage, dans un contexte de rivalité exacerbée avec la Chine au niveau
mondial.
Au niveau des Etats, sur
les 11 postes de gouverneurs qui étaient à renouveler, les Républicains en ont
obtenu 8 (2). Au total le nombre de gouverneurs Républicains est ainsi de 27,
contre 23 gouverneurs Démocrates. Les Républicains conservent aussi l’avance
qu’ils avaient depuis 2010, avec 52% des 7 283 législateurs fédérés. Le
« Grand Old Party » contrôle 23 Etats. 11 sont « divisés »
entre un pouvoir législatif Républicain et un gouverneur Démocrate, ou
l’inverse (3). A ce niveau, les Républicains n’ont pas, non plus, perdu de
terrain. Dialogue et persuasion de la part du pouvoir fédéral devront être des
maîtres mots.
Deux défis majeurs
1 - Le premier défi de taille devant
le tandem Biden-Harris est évidemment d’enrayer la pandémie du coronavirus,
puis de la faire reculer rapidement. Les enjeux sanitaires, sociaux et
économiques sont très lourds, Joe Biden a fait de la lutte contre le
coronavirus une de ses armes fatales contre Trump. Il se trouve, de plus, que
la situation est grave et préoccupante davantage dans des fiefs électoraux
Démocrates, à commencer par le Midwest et la Côte nord-est américaine, surtout
à New-York, que dans des vastes Etats Républicains moins densément peuplés.
C’est ce que révèlent les cartographies de la pandémie et les données
rassemblées et publiées quotidiennement par Google à la date du 9 novembre
(voir encadré ci-après).
Ce jour là,
le nombre total de cas dénombrés passait le seuil de 10 millions (Mi) et 238 023
décès étaient déplorés. Moins de 3 semaines plus tard, le nombre de cas
enregistrés le 28 novembre frôlait les 200 000, le nombre total de cas était
monté à 13,153 Mi, et celui des victimes à 267 724. Catastrophe, et
urgence absolue pour Biden-Harris, donc. Sachant qu’aux Etats-Unis le président
ne décide pas de tout en lieu et place des gouverneurs des Etats et de leurs
appareils législatifs.
2 - Donald
Trump n’a pas engagé en 2018 une « guerre commerciale » avec la
Chine, qui fait encore trembler les économies de la planète, seulement pour
limiter les importations chinoises et réduire le déficit des échanges avec le
géant asiatique. Les progrès technologiques sont à la base du développement des
économies et de l’évolution des rapports de puissance. Plus que ses
prédécesseurs, Trump était apparemment contrarié par la captation déloyale des
technologies, notamment par les contraintes imposées aux exportateurs et aux
entreprises américaines (et des autres pays) investissant en Chine, ainsi que
par l’espionnage industriel. En engageant une épreuve de force avec Pékin, il
visait à faire changer d’attitude au président et au Parti Communiste chinois.
Il semble qu’il était sur la bonne voie quand on regarde les termes de l’accord
commercial « historique » signé entre le Etats-Unis et la Chine après
deux années d’affrontements en janvier 2020 et les conditions de la levée des
tarifs douaniers punitifs qui lui sont associées. Cet accord a été confirmé par
les deux parties en août dernier. Trump a sans doute contribué à faire ouvrir
les yeux aux gouvernants de nombreux pays qui préféraient les garder fermés, et
sa détermination a commencé à faire tache d’huile.
Nous pouvons constater le déclin
économique (relatif) du « monde occidental », y compris des
Etats-Unis, avec la montée des pays dits émergents, et en premier lieu de la
Chine, qui s’est lancée depuis deux décennies dans une longue course poursuite
dans le but non dissimulé de parvenir à la suprématie mondiale. Son PIB se
rapproche très rapidement de celui des EU et, mesuré à parité de pouvoir
d’achat, il l’a même dépassé en 2017, selon les données du FMI. Ralentir cette
course reposant largement sur les échanges extérieurs, dont la Chine est
tributaire, a été l’un des objectifs de Trump. Celui-ci a été atteint
temporairement en 2019, après une année de guerre commerciale et avant la
propagation du coronavirus, non sans d’importants dégâts collatéraux aux
Etats-Unis et chez leurs alliés.
Depuis 2013,
avec son projet pharaonique des « Nouvelles Routes de la Soie »,
en particulier, la Chine tisse une vaste toile d’araignée de relations commerciales,
économiques et financières, ponctuées par des accords bi et multilatéraux. Cette
toile aux dimensions illimitées, s’étend à l’Asie centrale jusqu’à l’Europe, à
l’Asie-Pacifique, à l’Amérique latine, à l’Afrique… En novembre 2020, la Chine
est passée à une vitesse supérieure en annonçant la création, avec 15 pays
d’Asie-Pacifique, dont les 10 pays de l’ASEAN et 3 alliés des EU (le Japon, la
Corée du Sud et l’Australie) de la plus grande zone de libre-échange de la
planète. Tandis que les EU avaient tenté
de vassaliser les Amériques et l’Europe, la Chine est en train d’asservir
l’Asie, de coloniser l’Afrique et d’avancer vers l’Europe. Non sans inquiéter
ses partenaires, avec lesquels les rapports sont déséquilibrés, sa grande
voisine, l’Inde, et la Russie.
Dans la rivalité au sommet, le
contraste est saisissant entre cet expansionnisme multilatéraliste de la Chine
et le repli-sur soi protectionniste des EU décidé par le président Trump.
Il appartient au nouveau
gouvernement Biden de redéfinir et de mettre en œuvre une nouvelle stratégie
internationale. Sera-t-elle différente de celle de Trump ? Les rapports avec
la Chine vont-ils se détendre, se réchauffer, comme l’espèrent de nombreux
états et d’entreprises, les places financières l’ayant déjà anticipé. Biden
devra pour cela faire oublier ou digérer aux intéressés sa surenchère contre la
Chine pendant la campagne électorale. Il avait traité le président Xi Jinping
de « voyou ». « C’est un type qui n’a pas le moindre
ossement de démocratie dans son squelette », avait-il déclaré (4). Un
bon point de départ pour prendre le relais de Trump !
Sans aborder
les questions militaires et de défense, dont l’importance n’échappe à personne
(ou presque), les sujets ci-dessus font l’objet de la Partie 2, à venir, de cet
article.
Une première
urgence : terrasser le coronavirus
La croissance
du PIB des Etats-Unis (EU) avait été de + 2,2% en 2019. Le coronavirus a
provoqué un recul estimé à - 4,3% en 2020. Il a porté un coup
d’arrêt à nombre d’activités, a fait remonter le chômage et aggravé le déficit
public américain en même temps que le déficit fédéral, réduisant les ressources
mobilisables pour faire face aux besoins et répondre aux priorités du nouveau
gouvernement fédéral, ainsi qu’à ceux des Etats. La première urgence est,
précisément, d’enrayer la propagation de la pandémie, d’en réduire les nombres
de « cas » de contaminations et des victimes. Il y a fort à faire. Mais,
d’un état à l’autre, les situations sont très inégales.
Coronavirus :
une situation différenciée entre les Etats au 9 novembre 2020
Après un second pic quotidien de plus de 75 000 cas le 16
juillet suivi d’une accalmie qui a vu descendre le nombre quotidien de cas à
30 000 le 6 septembre, un nouvel envol a porté ce nombre de cas jusqu’à
près de 140 000 le 10 novembre. Les cartes de Google de ce jour
décrivant les cas recensés les 14 derniers jours montrent les plus fortes
concentrations de cas dans la partie orientale du Midwest (Michigan,
Wisconsin, Illinois, Iowa, Ohio, Missouri…) au sud des grands lacs, ainsi que
dans la partie nord de la côte est (New-Hampshire, Connecticut, New-Jersey…).
Depuis le début de la pandémie, à des degrés divers, tous les états
de l’Union ont été touchés. Au 9 novembre, le nombre total de cas rapportés a
passé le « cap » des 10 millions (Mi) et celui des décès a atteint
238 000. Attribuant ces dégâts au
refus de Donald Trump de reconnaître la gravité de la situation, de
recommander le port du masque et de montrer l’exemple, « nos »
médias n’ont pas manqué de souligner que les Etats-Unis battaient de funestes
records mondiaux. Rapportés à leur population de 335 Mi habitants (en 2019),
ces chiffres, sont de 30 000 cas par million d’habitants (Mi h) et 710
décès par Mi h. Or, aux EU, les rôles du gouvernement fédéral et du président
sont très différents de ceux des gouvernants de la France. Rien ne leur
interdit de formuler des recommandations ou d’apporter des appuis à des Etats
qui les solliciteraient, mais les décisions et les mises en œuvre des actions
relèvent des gouvernements des Etats et des autorités locales.
La situation sanitaire est la plus grave dans l’Etat de New-York,
bastion Démocrate hébergeant 19,5 Mi h. Si le nombre de cas, 553 784, y
apparaît relativement [et anormalement ?] limité, celui des décès est
vertigineux, 33 314, soit 1 713 décès par Mi h. Parmi la quinzaine
d’Etats les plus peuplés (5), l’Illinois, 12,7 Mi h, la Géorgie, 10,6 Mi h,
le Michigan, 10,0 Mi h, et l’Arizona, 7,3 Mi h, sont d’autres points noirs
gouvernés par des Démocrates où le nombre de décès frôle les 800 par Mi h ou
dépasse ce « seuil ». La Floride, 21,5 Mi h, a aussi enregistré
près de 800 décès par Mi h… et est, cependant, restée Républicaine.
Au Texas, Etat Républicain emblématique de 29 Mi h sur un territoire
de 696 000 Km², 1 million de cas ont été décomptés avec 19 256
décès, soit 664 décès par Mi h. C’est nettement plus que dans l’Ohio, autre
grand Etat de 11,7 Mi h resté Républicain, où le nombre cumulé de décès par Mi h était de
472 le 9 novembre (6).
Du côté Démocrate, la médaille du mérite revient à l’Etat le plus
peuplé des EU, la Californie et ses 39,5 Mi h. Si le nombre de cas y
avoisinait 980 000, n’y étaient comptés « que » 455 décès par
Mi h. Dans d’autres Etats moins peuplés, tels la Caroline-du-Nord, 10,5 Mi h,
le Wisconsin, 5,8 Mi h, et le Colorado, 5,8 Mi h, moins de 450 décès par Mi h
ont été décomptés.
Des « restrictions » sont réapparues dans certains Etats. A
New-York, le gouverneur vient de décider que les bars et les restaurants autorisés
à vendre de l’alcool doivent fermer à 22 h. Rien à voir, donc, avec le
confinement de trois mois, de mars à juin, imposé à la cité… qui avait laissé
4 000 entreprises définitivement sur le carreau, selon Bloomberg. Comme dans
quelques autres villes, à Chicago, la maire a appelé les habitants à rester
chez eux, sauf pour les déplacements essentiels (dont le travail et l’école).
Mais les appels de ce type ne foisonnent pas.
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Dans cette mosaïque, les Etats
les plus touchés, notamment parmi les plus peuplés, portent plus souvent les
couleurs Démocrates que Républicaines. S’il ne veut pas décevoir son propre
camp, Joe Biden devra vite se montrer plus « efficace » que Donald
Trump l’a été. Les « Midterms » (élections
à mi-mandat) ne sont qu’à deux ans d’ici.
Dans son discours de victoire,
Biden avait déjà promis la création d’une « cellule de crise » composée de scientifiques et d’experts qui sera
chargée de préparer un « plan qui
entrera en vigueur dès le 20 janvier 2021 », jour de son investiture (7).
Contrairement à Trump, il a l’intention d’encourager les gouverneurs et les
autorités locales à rendre le port du masque obligatoire. Le duo Biden-Harris a
également assuré qu’il mettra en place « un fonds renouvelable pour les gouvernements des Etats et les
collectivités locales afin de contribuer à prévenir les insuffisances
budgétaires, qui pourraient amener les Etats à faire face à des coupes
importantes au niveau des enseignants et des premiers intervenants ». Il n’a cependant pas parlé de confinement.
Et dans lutte contre le
coronavirus, Joe Biden ne peut user des mêmes armes « lourdes » que
les dirigeants français, européens ou des pays d’Asie. Heureusement, les succès
annoncés des recherches sur les vaccins apportent, comme ailleurs dans le
monde, une lueur d’espoir. Encore faut-il que le moment venu les services
médicaux des Etats soient en mesure de proposer le vaccin, que les Américains
acceptent de se faire vacciner et que cela soit gratuit ou ne leur coûte pas
trop cher. Bon courage !
Paul KLOBOUKOFF Académie du
Gaullisme
Le 30 novembre 2020
Sources et
références
(1) Etats-Unis : les résultats
des élections en direct I Le Devoir ledevoir.com/documents/special/2020-11-03-resultats… mis-à-jour le
27/11/2020
(2) Etats-Unis : malgré Biden,
des législatives peu favorables aux démocrates
contrepoint.org/2020/11/10/384018-etats-unis…
+ Elections US : ce sont les
Républicains qui ont gagné les élections
contrepoints.org/2020/11/19/384814-elections…
(3) Après la défaite de Donald Trump,
que va devenir le Parti Républicain
contrepoints.org/2020/11/12/384154-apres- la-def…
(4) Elections américaines. La Chine
adresse ses félicitations à Joe Biden
oust-france/monde/etats-unis/elections… le 13/11 2020
(5) Population Data.net
populationdata.net/pays/etats-unis/divisions-administratives le 09/11/2020
(6) Nombre de décès du coronavirus aux
Etats-Unis aujourd’hui google.com/search?client… le 09/11/2020
(7) Ce que Biden et Harris prévoient contre le Covid (c’est
tout l’inverse de Trump)
huffingtonpost.fr/entry/covid-19-biden-et-harris… le 08/11/2020
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