Par
Marc DUGOIS
La régularité et l’obstination avec lesquelles certains
s’enferment dans le déni de la réalité en refusant que la monnaie soit une
énergie, forcent à le démontrer par la méthode scientifique.
La méthode scientifique a été définie par Aristote au
4e siècle
avant Jésus-Christ dans ses Seconds
Analytiques :
« Nous estimons posséder la science d’une chose
d’une manière absolue quand nous croyons que nous connaissons la cause par
laquelle la chose est, que nous savons que cette cause est celle de la chose,
et qu’en outre il n’est pas possible que la chose soit autre chose qu’elle
n’est. »
Tout
commence donc par connaître la cause de la monnaie.
Tout groupe d’êtres humains a au départ une raison de
se trouver ensemble et il organise dans ce but les apports de chacun. Il rend
complémentaires les différentes énergies individuelles. Cette organisation a
été improprement appelée troc en supposant une simultanéité du don et de sa
contrepartie alors que cette simultanéité n’a jamais été habituelle et que
l’échange entre les participants passe souvent par l’organisation du groupe.
Le don et sa contrepartie, sa contrevaleur, existent pourtant dès la création
du groupe (couple, famille, association ou tribu) mais ils ne sont que très
rarement concomitants. L’anthropologue et professeur au Collège de France
Marcel Mauss a parfaitement expliqué que le don entraînait ce qu’il appelait le
contredon et que le « donner-recevoir-rendre » était au service du lien social
et qu’il le nourrissait. Mauss a développé que le don et le contredon était
partout ce qu’il a appelé un « fait social total» à dimensions culturelle,
économique, religieuse, symbolique et juridique et qu’il ne pouvait être réduit
à l’une ou à l’autre de ses dimensions.
Mais quand la taille du groupe devient importante, la
détection de ceux qui oublient de rendre devient difficile et rend obligatoire
la simultanéité de la contrepartie. La cause de la monnaie est de répondre à
cette nouvelle obligation de simultanéité de la contrepartie qui n’était pas
obligatoire auparavant. Il n’y a pas d’exception connue sur toute la surface de
la Terre. Substitut du donner-recevoir-rendre que chacun connait dans sa propre
famille, la monnaie est comme lui culturelle,
économique, religieuse, symbolique et juridique ne pouvant être réduite à l’une ou à l’autre de ses
dimensions. Elle est « au service du lien social et elle le
nourrit ». C’est le « fait social total » sur
lequel sont fondés tous les systèmes financiers et toutes les civilisations.
Mais
pour que la contrepartie ne soit pas un leurre, il faut qu’elle véhicule avec
elle le souvenir d’une réelle énergie humaine qui soit véritablement un
contredon et non une simple promesse qui n’engage que celui qui y croit. C’est
pourquoi toutes les civilisations ont toujours pris comme monnaie une richesse
préalablement reconnue qui était forcément le résultat d’un travail humain déjà
effectué, des plumes d’oiseaux très rares, du sel, du blé, du bétail, du
cuivre, de l’argent ou de l’or. Même les monnaies papier ont toujours été, sans
aucune exception jusqu’à l’euro, créées sur une richesse préalablement
reconnue. Le système de Law l’était sur la richesse de la Louisiane, les
assignats sur les biens confisqués à la noblesse et au clergé, la
monnaie-papier de la Grande Catherine sur ses mines de cuivre, le dollar
continental sur la livre-sterling, elle-même adossée à l’or, etc. etc.
Le
dernier lien entre les monnaies et une richesse préalablement reconnue a été
défini par les accords de Bretton Woods en 1944. Il a lié toutes les monnaies
au dollar et le dollar à l’or. Mais pendant plus de 25 ans la FED, imitant en
cela et en médiocrité Law et les révolutionnaires français, a imprimé
frauduleusement 5 fois plus de dollars qu’elle n’avait d’or à sa garde. Elle
l’a fait pour payer le plan Marshall et les guerres de Corée et du Vietnam.
Voyant fondre les réserves d’or de Fort Knox, le président Nixon a été
contraint en 1971 de rompre le lien entre les monnaies et la richesse
préalablement constatée qu’était l’or. Depuis cette date, et contrairement aux
billets de la rue Quincampoix et aux assignats qui ont eu le bon goût de disparaitre
humblement lorsqu’ils ne valaient plus rien, le dollar continue pour l’instant
à être reconnu comme ayant une valeur, les Américains vivant facilement le rêve
de posséder toute la richesse du monde. En Europe, pour la première fois dans
toute l’histoire de l’humanité, on a, à l’extrême fin du deuxième millénaire,
créé une monnaie, l’euro, qui n’est liée à aucune richesse préexistante et qui
n’a comme contrepartie que d’autres monnaies qui avaient été déconnectées de
toute richesse préexistante plus de 25 ans avant. Ce tour de passe-passe nous a
fait oublier que la monnaie est l’étalon culturel de la richesse. C’est
l’énergie du groupe, l’énergie sociale fondée sur l’énergie individuelle qu’est
le travail.
Il
faut maintenant pour respecter la méthode scientifique, montrer qu’il n’est pas
possible que la monnaie soit autre chose. Il faut pour cela commencer par
écouter ce qu’il en est dit.
L’université
dit qu’au début était le troc et qu’un jour c’est devenu trop compliqué et que
l’on a inventé la monnaie. Que ceux qui vivent les échanges dans leur couple,
leur famille, leur groupe d’amis ou leurs associations comme du troc, creusent
cette voie. Les enfants ne mangent-ils que s’ils ont rangé leur chambre ?
Ne fait-on les courses que si le ménage est fait ? Faut-il inventer une
monnaie familiale pour tout simplifier ? On constate à l’évidence que
cette voie est fausse et indéfendable bien qu’omniprésente et assénée sans
explications comme une vérité indiscutable ! Le troc n’a jamais existé où
que ce soit à l’intérieur d’un groupe cohérent et il n’existe au contraire
qu’entre des gens ou des groupes qui ont toutes les raisons de se méfier les
uns des autres. Dans la méfiance chacun valorise avec sa propre monnaie les
marchandises à échanger et si chacun pense que les deux tas ont la même valeur,
l’échange peut se faire et donne au passage le vrai taux de change entre les
deux monnaies. Sans cela, le taux de change est laissé aux spéculateurs comme
c’est le cas actuellement.
Si on tend l’oreille pour percevoir ce qui est dit sur
la monnaie, on entend aussi chez tous ceux qui n’étudient pas vraiment la
monnaie, que la monnaie est une convention, une marchandise, un signe, une
institution, un artefact, un contrat mais chaque fois, à la moindre demande
d’explication, on retombe dans l’échange et l’idée de troc instillée
consciencieusement dans les esprits par l’université. C’est un travail de longue haleine de relier dans
l’esprit de nos concitoyens la monnaie et le donner-recevoir-rendre de
l’énergie humaine.
Il
faut bien sûr rester attentif à toute nouvelle explication qui n’aurait encore
jamais été proposée et qui donnerait une autre cause à la monnaie mais dans l’attente,
on peut déjà observer les dégâts que produit le déni de la réalité énergétique
de la monnaie et l’oubli volontaire de ce dont cette énergie est la
contrepartie.
Tout
a été fait pour oublier que la monnaie n’est qu’un véhicule d’énergie humaine
déjà constatée comme l’électricité n’est qu’un véhicule d’énergie fossile,
éolienne ou nucléaire déjà utilisée. On parle pourtant facilement d’énergie
électrique alors que la notion d’énergie monétaire est dogmatiquement écartée.
Serait-elle trop dérangeante ? Il est pourtant facilement observable que,
de même que l’énergie nucléaire transforme l’énergie de l’uranium en énergie
calorique puis en énergie électrique, l’énergie monétaire transforme l’énergie
humaine en tout ce que nous achetons et que nous transformons en richesses en
les achetant. Sans nos achats, sans cette transformation, tout resterait comme
la bouse de vache, production ne devenant pas richesse. Toute énergie a besoin
de convertisseurs et les convertisseurs d’énergie monétaire en richesses utilisables
sont les commerçants. Qu’on l’accepte ou non, la monnaie, quand elle est une
vraie monnaie, est un vecteur d’énergie humaine qu’elle a stockée.
Malheureusement personne n’a jamais défini la monnaie
si ce n’est en lui collant un des mots précédemment cités, tous aussi vagues
les uns que les autres. On ne présente la monnaie que par ses utilisations dont
les trois principales ont été données par Aristote : unité de compte,
réserve de valeur et intermédiaire des échanges. C’est un peu comme si, pour
définir l’électricité, on se contentait de dire que c’est ce qui éclaire, ce
qui chauffe et ce qui fait bouger les TGV. Cela ferait sourire mais il n’étonne
personne que l’on ne présente la monnaie que par trois de ses utilisations sans
jamais la définir. N’est-ce pas cela qui est étonnant ? Chacun semble
dire : si Aristote n’a pas jugé utile de définir la monnaie, qui suis-je
pour vouloir la définir ? Quitte à sembler manquer d’humilité je regrette
que si peu de gens soient conscients que la
monnaie est un titre de créance sur n’importe quel membre du groupe qui
l’utilise. Ce titre de créance est causé par l’énergie humaine qui a été
préalablement utilement dépensée pour que le groupe puisse créer une monnaie en
souvenir de ce bon travail. Le groupe voit alors la monnaie comme une richesse
par l’énergie humaine qu’elle véhicule. L’oubli de cette réalité empêche l’argent de remplir,
par sa rareté, son rôle naturel de facteur limitant des fantasmes humains. L’oubli de la rareté du bon argent et sa
prolifération néfaste s’appelait encore il y a 50 ans dans les écoles de
commerce et à l’université, l’inflation, le gonflement non justifié de la masse
monétaire qui enfle. Ce mot a complètement changé de sens en moins de 50 ans
pour devenir la hausse des prix. Or la hausse des prix n’est que la conséquence
naturelle de la vraie inflation et sa contrepartie. La vraie inflation ne
dérange plus personne puisque nous n’avons plus le mot simple qui en parlait.
C’est un peu comme si on ne disait plus « J’ai mal à la tête » mais
« Je prends de l’aspirine ». Cela détourne l’attention de
l’essentiel. Il serait intéressant de retrouver qui a été à l’initiative de ce
changement de sens dans les années 70. Le frein monétaire dû à la rareté de la
monnaie est parfaitement naturel puisqu’il n’est que le souvenir de la limite
naturelle de l’énergie humaine qu’est la fatigue. Son abandon a autorisé, sans
en être la cause qu’il faut évidemment analyser par ailleurs, l’arrivée concomitante des libéraux-libertaires et
d’un emballement économique gaspilleur des ressources naturelles de la Terre. Autrement dit, c’est parce que notre médiocrité a
oublié que la bonne monnaie ne s’obtient que par une énergie humaine
préalablement dépensée, et qu’elle est donc rare par définition, que nous avons
ouvert la boite de Pandore de toutes les folies occidentales actuelles que les
bobos de la politique et des médias encensent.
Les banques ont vécu notre médiocrité comme leur
chance et elles l’ont flattée par l’invention au XXe siècle
de la monnaie-dette qui est une fausse monnaie légale que les banques
justifient en disant qu’elles la détruisent quand on la leur rend. Elles
considèrent comme insignifiants les dégâts que cette fausse monnaie crée
pendant son existence, durée d’existence qui s’allonge tous les jours avec la
montée exponentielle permanente de la dette mondiale qui se chiffre déjà
aujourd’hui en centaines de milliers de milliards de dollars ou d’euros. Les
banques ont abandonné leur métier traditionnel de prêter sur gages à des
riches, l’argent d’autres riches, ce qui avait toujours été le cas, pour se
mettre à prêter à tout le monde sur richesses futures fantasmées, ce qui est
imbécile, vicieux et qui sera forcément un jour criminalisé.
Pour
que le fantasme puisse être vécu comme une réalité, il a fallu d’abord faire
croire à la magie d’une création de richesses et à une valeur ajoutée par les
entreprises en confondant volontairement production et richesse. Pourtant, si
l’investisseur et le travailleur créent ensemble une production comme la vache
crée des veaux, du lait et des bouses, c’est le client qui transforme la
production en richesse en l’échangeant contre son argent. Il n’y a pas de
création de richesses, il n’y a que des échanges entre une production que l’on
espère être une richesse et de l’argent qui est une richesse déjà reconnue et
qui transforme la production en richesse. Mais pour faire croire à la création
de richesse, on a amplifié le mouvement de fabrication de fausse monnaie pour
que toute production devienne richesse en étant achetée. Tout est devenu
manipulation des esprits. On a inventé le fameux PIB (produit intérieur
brut), traduction servile du Gross Domestic Product en additionnant toutes les
dépenses, qu’elles soient de consommation ou d’investissement avec l’idée aussi
géniale que mensongère de l’appeler produit et de faire croire partout que
c’est un revenu ! Les Politiques et les médias utilisent même pour leurs projets
des pourcentages de PIB qu’ils voient comme un revenu sans se rendre compte
qu’ils voudraient utiliser une deuxième fois ce qui a déjà été dépensé.
On
a aussi inséré dans les esprits que le profit était la part individuelle d’une
corne d’abondance imaginaire d’un pays de Cocagne fantasmé. Pour cela il a
fallu faire oublier que la vie n’est qu’échange et que tout profit est
mathématiquement compensé par un appauvrissement quelque part, volontaire ou
forcé. Tout cela est conséquence du refus de voir que la monnaie est une
énergie.
Bien
pire, et ce que la fausse élite médiatico-politique ne veut surtout pas voir,
c’est que la réalité s’impose d’elle-même naturellement partout. Toute la
fausse monnaie créée par les banques, toute cette énergie factice cherche sa
source énergétique humaine. Elle réinvente l’esclavage sous toutes ses formes
avec une discrétion redoutable : l’esclavage dans l’espace qu’est le
mondialisme, l’esclavage dans le temps qu’est la dette, et l’esclavage ici et
maintenant qui est à la fois la paupérisation des classes moyennes et
l’immigration souhaitée par des responsables à courte vue. Et cette fausse
élite a eu le culot de créer une journée annuelle contre l’esclavage pendant
qu’elle le recréait elle-même par incompétence.
Quand
proposera-t-on au peuple une cohérence dans laquelle il pourra
s’épanouir ? Quand l’économie arrêtera-t-elle de se croire la science
utopique de la création et de la répartition des richesses pour se reconnaître
l’organisation des énergies humaines où le chômage démontre combien elle est
actuellement défaillante ? Quand reconnaîtra-t-on que l’organisation des
énergies humaines ne peut se faire sans parfaite maîtrise de l’énergie sociale
qu’est l’argent ? Maîtriser la monnaie n’est-ce pas à la fois comprendre sa
raison d’être et vérifier qu’elle n’est pas détournée de sa mission ? Des
personnalités comme Valérie Bugault, Charles Gave, Jean-Marc Jancovici ou
Charles Sannat, et sûrement bien d’autres de toutes générations qui cumulent,
chacun dans son domaine, intelligence et bon sens, ce qui n’est malheureusement
pas si fréquent, ne deviendraient-ils pas carrément efficaces s’ils avaient
l’heur d’intégrer à leur réflexion le frein social terriblement puissant qu’est
la monnaie quand elle est vraie et quand la fausse monnaie des banques
n’accélère pas notre marche à l’abîme
?