La commune est le cadre premier de l’expression de notre identité, de
notre âme pour reprendre le mot de François Baroin.
Mais notre identité s’exprime aussi dans un cadre encore plus prégnant,
plus fort, la Nation où la République assume son essence et puise son
bien-fondé.
Notre pays traverse une crise profonde, certains estimant que la France
est même en danger de survie.
Il y a quelques années, en 2014, j’ai écrit un livre dont je ne changerais
pas une virgule si je devais le réécrire : « La Nation ou le
Chaos ». Je vous en recommande la lecture, les stocks ne sont pas épuisés.
Je viens de lire, comme vous sans doute, « l’Archipel
français » de Jérôme Fourquet et, vanité d’auteur, nombre de ses analyses
sont les mêmes que celles que j’exprimais en 2014.
Mais il a eu plus de succès que moi… sans commentaires.
De multiples
fractures apparaissent, en effet, en France depuis
plusieurs décennies et elles s’aggravent, se confortent les unes les autres.
. Sécessions géographiques entre la France des métropoles et la France
périphérique, d’où l’émergence des « gilets jaunes ».
. Sécessions urbaines avec des banlieues à la dérive
. Communautarisme croissant et revanchard encouragé par des repentances
inadmissibles prononcées à l’étranger en Afrique par le Président.
. Manifestations exubérantes et croissantes de drapeaux étrangers à
l’Arc de Triomphe pour célébrer des victoires sportives étrangères.
. Expression bruyante d’une laïcité dévoyée contre la culture
chrétienne multiséculaire
A comparer à des silences lourds face à des mouvements salafistes qui
se présentent en victimes innocentes
. Le mantra du « vivre ensemble » répété à l’envi est
illusoire et Gérard Collomb a raison de souligner « qu’on vit côte à côte,
bientôt face à face ».
. Ces multiples fractures et antagonismes empêcheraient, selon Jérôme
Fourquet, tout amalgame politique pour préserver l’unité nationale et l’intérêt
général.
Polype nous enseigne :
« Aucune civilisation ne cède à une agression extérieure, si elle
n’a pas d’abord développé un mal qui la ronge de l’intérieur ».
Il est vrai, les fractures décrites par Jérôme Fourquet sont de nature
à fragiliser la Nation et à ouvrir une période de vives tensions, voire de
décadence.
Mais est-ce inéluctable ?
Cela dépend de nous, de notre volonté à nous opposer à ces forces
centrifuges.
La France est une construction politique, un projet commun à bâtir au quotidien qui mérite une cohérence
politique bien au-delà des slogans de campagne et de la politique de la
« com ».
Les institutions de la Vème République sont bonnes et fortes ; au
demeurant, elles ont permis à François Hollande de tenir la tête hors de l’eau,
telle une minerve, et elles fonctionnent de même aujourd’hui.
La démocratie représentative serait en crise, mais il appartient aux
députés de se lever et de ne pas tomber sous le charme d’une
gourou de 16 ans.
En un mot, le pouvoir législatif doit faire son travail et savoir dire
Non : « seul l’esclave dit toujours oui » déclare Antigone.
Tant il est vrai que de l’expérience vient la clairvoyance.
Limiter le nombre des mandats relève d’une vision chimérique de
l’action publique.
Je me suis toujours demandé pourquoi les tenants de cette limite ne
proposaient pas de l’étendre au Conseil d’administration des banques d’affaires
par exemple. Un peu d’insolence fait toujours du bien !
La France est géographiquement coupée en deux.
Qu’à cela ne tienne ?
Rien ne s’oppose, sauf le dogme suranné de la concurrence de la Commission
européenne, à ce que l’on retrouve la politique de l’aménagement du territoire
et que l’on retrouve aussi un ministre de l’Industrie autonome, hors des
griffes des gnomes de Bercy pour pratiquer une politique industrielle loin du
scandale d’Alstom.
Comment ne pas être d’accord avec Jean-Marie Sauvé, ancien
Vice-Président du Conseil d’Etat qui fustige la doxa libérale, laquelle veut
réduire l’Etat et les services publics à la portion congrue, oubliant que
l’Etat est l’incarnation juridique de la Nation ? L’Etat doit porter la
cohésion et la vision à long terme de la France.
Ce qui est loin des foucades des marchés instables et volatiles qui
donnent une vérité à 14 h, une autre à 20 h.
Enfin et surtout, gardons-nous du « politiquement correct »,
véritable chape de plomb, nouvel ordre moral, négation même de l’esprit libre.
Le « politiquement correct » qui est aux mains de quelques
sachants, ces salonards qui veulent imposer leur vérité soviétique. Il est non
seulement un recul de la liberté d’expression mais aussi une attaque directe
contre la démocratie qui exige des débats « acides ».
Souvent, il varie : il absout à une époque des pédophiles mais
censure Eschyle à la Sorbonne !
En résumé, je suis convaincu que la France reste une grande aventure,
avec un grand destin si elle préserve sa souveraineté pour maîtriser ses
décisions, et en se gardant éloignée du « politiquement correct ». Sur
ce dernier point, je fais entièrement confiance aux Gaulois râleurs.
La France est en crise, la planète l’est
aussi.
On nous parlait de la mondialisation heureuse, elle est fortement
déstabilisatrice.
Comment pourrait-il en être autrement dans une planète aussi
hétérogène ?
Les flux migratoires deviennent massifs en raison de l’explosion
démographique, notamment en Afrique.
Le dérèglement climatique est réel même si les causes sont certainement
multiples et pour partie indépendantes de la nature humaine.
Seule la finance internationale prospère et fait danser la planète sur
un volcan de crises systémiques,
sans
mentionner la finance de l’ombre qui représente près de la moitié de la finance
régulée.
Ces éléments structurants et problématiques s’accompagnent de multiples
crises politiques d’Amérique du Sud au Proche-Orient jusqu’à Hong Kong.
La planète est-elle en voie de gilétisation ?
Restons calmes, ces crises ont toutes des causes différentes, nous ne
sommes plus en 1791 ou en 1848 où l’influence des crises françaises se
diffusait en Europe.
Mais on assiste à des révoltes multiples des peuples las de subir l’injustice
économique ou politique.
Crise européenne aussi,
On assiste au retour des Gouvernements et des Nations dans la
gouvernance de l’Europe.
Il est certain que ce n’est pas en envoyant partout en Europe des EPÎTRES
à la manière de Saint-Paul que l’on pourra relancer les projets de coopération
dont nous avons besoin.
Nous sommes les derniers à pouvoir donner des leçons idéologiques.
Il ne sert à rien de parler de mort cérébrale de l’OTAN alors que tous
nos partenaires en sont entichés…Ce n’est pas avec de tels propos que l’on crée
la confiance.
Nous avons besoin de coopération, non d’intégrisme idéologique.
Les relations entre la Chine et les Etats-Unis
La rivalité Chine/Etats-Unis est sans nul doute un phénomène
structurant mais non déterminant du système international, comme le relève
Thierry de Montbrial.
Le conflit commercial est un enjeu réel mais Trump est un commercial et
les Chinois sont des tailleurs de jade : le tailleur de jade poursuit la
taille quand c’est mou, il arrête quand c’est dur !
Mais l’enjeu des rapports sino-américains est ailleurs.
Thycidide aura-t-il à nouveau raison, 26 siècles après la guerre
préemptive entre Sparte et Athènes ? Certains le craignent mais l’atome rend
sage, souhaitons-le !
Nous sommes dans un monde multipolaire et le monde multipolaire demeure
un concept pertinent.
Il est mouvant, instable en permanence, c’est l’ère des puissances
relatives où Etats-Unis ou Chine rencontrent rapidement leurs limites dans la
crainte de l’atome.
C’est un monde qui s’auto-équilibre.
Mais c’est un monde qui laisse toute sa place aux conflits asymétriques,
au terrorisme fanatique et à son cortège de victimes innocentées.
Lutter contre l’islam radical est d’abord une action culturelle et
politique plus encore que celle des armes.
Ce monde multipolaire est le nôtre, on ne reviendra pas à la marine à
voile.
Ce monde renouera avec des règles multinationales que l’interdépendance
fera naître à un moment ou à un autre, n’en déplaise aux oukases unilatéraux de
Trump. Mais cela passera sans doute par des règles de déglobalisation comme
l’analyse le rapport Ramsès.
Il est certain que les Etats-nations vont reprendre la main dans cette
globalisation débridée.
Dans notre village planétaire, on ne peut construire, stabiliser et
assurer notre destin sur des mythes ou utopies.
La seule valeur sûre qui compte pour nous, c’est la souveraineté de la
France, l’indépendance qu’elle nous garantit, au fondement même de notre
liberté collective et individuelle.
Nous devons d’abord compter sur nos forces et notre volonté.
Voilà pourquoi je serai toujours un Gaulois réfractaire et libre pour
mener les nécessaires combats et pour l’idée que je me fais de la France,
indépendante et souveraine.
Jacques MYARD
Membre Honoraire du
Parlement
Maire de
Maisons-Laffitte
Président du Cercle
Nation et République
Président de l'Académie
© 08.02.2020