Par
Henri Fouquereau,
1939
une drôle de guerre, presque porteuse d'espoir : nous irons pendre
notre linge sur la ligne Siegfried, nous gagnerons parce que nous sommes les
plus forts, et puis le coup de massue ; l'effondrement, avec ses
longs cortèges de réfugiés lancés sur les routes, l'armée est bousculée par
l'arme mécanique dont s'est dotée l'Allemagne nazie.
Le 17 juin : l’irréparable : la voix d’un vieillard : « je me
suis adressé cette nuit à l'adversaire, » Les Français médusés
apprennent qu'ils vont être soumis à une politique de soumission, de
collaboration, une politique des abandons, du déshonneur
24 heures après, à Londres : UN APPEL, une lueur dans le
ciel noir, un Général Français, pratiquement inconnu se rebelle, prenant à
contre pied le Maréchal il déclare : Quoi qu'il arrive la
flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra
jamais : voilà « l'espoir «
4 années après, à quelques jours prés, des soldats Français,
suivis du Général de Gaulle, débarquent sur les plages de Normandie,
destination ; Berchtegaden et Berlin. Paris sera libéré, l'Allemagne nazie
vaincue.
Entre temps, le Royaume-Uni et la France, considérés comme
des empires malfaisants par les Etats-Unis, parce qu'ils nuisent à leurs
intérêts, vont être combattus, dans l'ombre, par Roosevelt. Churchill
l'acceptera, le Général de Gaulle s'y opposera. Il ira jusqu'à donner l'ordre
au délégué de la France, Pierre Mendés France, son représentant à Bretton Woods
en juillet 44, de ne rien négocier avec les américains
Bretton-Woods profitons de cette intervention pour nous
étonner du fait que peu relient ces accords avec les évènements qui se sont
déroulés sur le plan économique et financier après août 1944. Ils ont pourtant
modifié en profondeur la politique financière dans le monde et donc chez nous.
Nous passons en effet du Gold exchange standard avec lequel chaque monnaie
était susceptible d'être convertie en or, à un système ou seul le dollar est
convertible dans ce métal (Nixon suspendra la convertibilité du dollar le 15
août 1971, le nombre des dollars « inventés et vendus » dépassant les
capacités d'une convertibilité quelconque
Ces accords font d'une monnaie nationale, (le dollar) gérée
par des autorités nationales, à des fins nationales, l'étalon monétaire
international.
C'est la main mise d'une monnaie sur les autres
monnaies.
De plus des institutions internationales créées pour aider
les Etats du monde sont mises en place. Sises aux Etats-Unis elles resteront un
certain temps, dont celui de la guerre froide sous domination américaine
Une monnaie « internationale » américaine, des
institutions internationales, mais américaines, un endettement considérable des
alliés vis à vis des américains voilà de quoi changer le monde en faisant des
Etats-Unis les créanciers, des autres Etats. Du banquier prèteur à l'Etat
emprunteur, donc solliciteur, qui est le patron ? La réponse est dans la
question. Les accords de Bretton-Woods désignent les USA comme n°1 mondial.
La guerre bouleverse le monde qui mute, sous la pression des
Etats-Unis et sans que peu s'en aperçoivent. Le multilatèralisme de Roosevelt
s'articule autour d'un système de coopération et de règles internationales régi
par des institutions internationales, régies elles-mêmes par l'Amérique –
Les Etats se sont choisis un maître, une fois de plus le
Général de Gaulle soupçonne le piège tendu et ne voulant faire entrer la France
dans cette politique d’abandon, donne l'ordre au représentant de la France à
Bretton-Woods : Pierre Mendés France, de ne rien négocier. Chacun connait
la suite, dés que la France possèdera des réserves de change en dollars, le
Général les fera échanger aussitôt par le d'or comme promis.
Etrange ballet qui se déroule à Brettons-Woods ou Keynes pour
le Royaume-Uni et White pour les USA s'opposent alors qu'ils sont d'accord sur
l'essentiel :
-Les marchés ne peuvent tout réguler, d'où une nécessité des
interventions de l'Etat
-Il y a nécessité de contrôler les mouvements de capitaux
Malheureusement le politique soumis aux affairistes,
commencera à libéraliser, à déréguler, à ne plus faire intervenir l'Etat, il
fera la courte échelle à Madame Thatcher, qui dans les années 80 gangrènera le
monde dit libre dont un socialiste F. Mitterrand qui passera du socialisme le
plus dur au plus tendre néo libéralisme, pour le plus grand malheur de la
France
L 'Américain White fait en sorte que le dollar domine les
autres monnaies, Keynes s'oppose à l'or cette « relique barbare » et
milite pour le Bancor, théorie qui sera reprise par notre ami le banquier
Pierre Leconte.
L'Amérique remportera la mise, les autres Etats suivront.
La France après le départ du Général en 1946 se servira de
l'aide américaine (Plan Marschall), ce qui aurait du prouver que les
institutions issues de Bretton-Woods ne remplissaient pas le rôle qui leur
avait été assigné.
Comment cela aurait-il pu fonctionner lorsque le FMI ultra
libéral provient de deux partisans de l'intervention de l'Etat, Keynes et
White- 70 ans d'une politique bancale issue de la volonté d'un seul Etat de
protéger ses intérêts, cela ne pouvait fonctionner
Au-delà de cet évènement la France reprend son rang. Le plus
dur dira le Général sera d'être capable de le tenir. Et c'est là que se profile
le génie du Général qui malgré les embûches, le non sens, la défense de
l'intérêt des autres nous ramène néanmoins dans le concert des nations. Malheureusement le régime des partis qui
revient à la surface, fera partir le Général et une fois encore, de la France,
redeviendra le débiteur des USA
Pendant que nos armées continuent la guerre contre
l'Allemagne de hitler, le Général lui doit aussi combattre l'Amérique de
Roosevelt.
Arrivé sur les plages de Normandie, le Général découvre le
projet des Américains : Amgot : qui voulait installer un
gouvernement militaire d'occupation chargé d’administrer tous nos territoires
et de dissoudre la France dans une purée de marrons franco-belge ;
Heureusement la France a du génie et les Français sont
tenaces, nos armées et la résistance firent suffisamment pour que Eisenhower
accorde sa confiance au Général, Michel Debré fit assez pour renvoyer les
Préfets américains chez eux
-Il restait à nourrir la nation qui avait faim
-il restait à reconstruire le pays
-il restait à planifier
l'avenir de la France
L'intendance suivra. Tordons le cou à cette légende,
rien de plus faux. C'est au contraire l'économie qui pendant la période
allant de 44 à 46, l'emporte sur tout le reste et cela le Général en était tout
à fait conscient
Il suffit de relire l'intervention du Général au Palais de
Chaillot le 12 septembre 1944 pour en être convaincu :
Le niveau de vie des travailleurs doit monter à mesure
que montera le taux de la production Pour lui : sujets principaux : LA
FRANCE, l’industrieuse, la condition et la dignité des hommes
Aussi faut-il réquisitionner où placer sous séquestre, mettre
à la disposition de l'Etat l'activité de certains services publics et de
beaucoup d'entreprises. Fixer le prix
des choses, contrôler les échanges aussi longtemps que ce qui est produit
n'équivaut pas à la demande des Français Et puis : L'intérêt particulier
doit céder à l'intérêt général
Il appelle les croisés de Lorraine, ferment de la nation, à
se lancer dans l'effort et vers la grandeur
Arrivé au pouvoir, le Général applique sa politique- Il commence
par dévaluer le Franc (6 septembre 44) de 13%.
- Réquisitionne des entreprises
-Lance la bataille pour la production
-Nationalise d'abord les houillères, nécessité des
nécessités, puis le crédit, les banques, les assurances, l'énergie, les transports
etc. etc.
-Ce sera ensuite la naissance du Plan, avec une planification
indicative et prévisionnelle. Qui peut réaliser quelque chose sans le prévoir
par avance ?
Il décide que l'Etat doit orienter l'évolution économique
selon les besoins des Français et ce sera l'affaire du Plan confié à Jean
Monnet, « ce vendeur de bon cognac qui aurait dû le rester »
Le Général Installe vite son gouvernement : 21 ministres
sont autour de lui, il retrouve son bureau de sous-secrétaire d'Etat et y prend
ses quartiers
Ce bureau, rien ymanque, excepté l'Etat, il
m'appartient de l'y remettre, aussi m'y suis-je d'abord installé
Août 1944 : état de la France :
Sur le plan de la démographie, il manque 1,5 millions de
personnes par rapport à 1938
L’économie est dévastée : la production agricole a perdu
1/3 de ses capacités, l'industrie plus de la moitié, les infrastructures sont
touchées, pour certaines totalement anéanties, les transports coupés dans de
nombreux cas, les prix augmentent la valeur du Franc diminue
Heureusement que la confiance en le Général se manifeste lors
de l'emprunt qu'il lance le 6 nov. est couvert en 3 jours et rapporte 164,4
milliards il permet de régler les factures et de faire repartir la machine
L'économie commence à repartir, vivifier par l'union stratégique
des secteurs publics et privés
Grâce aux nationalisations du crédit, des mines, de
l'énergie, du transport, nous voyons naître des champions qui deviendront
mondiaux – EdF, GdF, EADS, Alsthom, la construction, nos banques nos cies
d'assurances etc.
Pour réussir, il faut agir, le Général a dû trancher entre des
positions en provenance de deux personnages importants : Pierre Mendés
France, René Pleven, il accordera sa préférence à Pleven, beaucoup le
regrèttèrent, mais Mendés avait eu raison trop tôt- il préconisait une
politique de rigueur de en matière monétaire, le changement de tous les billets
et pièces ejn quelques heures afin de reprendre aux gens du « marché
noir » l'argent qu'ils avaient gagné pendant que d'autres souffraient.
Seulement la France n'avait pas les moyens de mener une telle
politique et même pas les moyens de fabriquer billets et pièces. M. Mendés
France démissionnera, dommage pour la France, ce fût un épisode douloureux qui
se répèra en 1958.
La France souffrira pendant 12 années du départ du Général
qui ne voulait pas « être à la fois l'homme des grandes tempêtes et des
basses combinaisons » (Max Gallo)
Combien il a été dommage, pour la France, que le régime des
partis ait réapparu, avec ses combines, ses accords, ses désaccords et son
éternel besoin d'aller demander aux autres ce qu’on n’a pas le courage de faire
soi-même, il faudra attendre mai 1958 pour qu'enfin le bleu réapparaisse dans
le ciel.
*Henri Fouquereau Secrétaire général du Forum Pour la France et du CNR
présidé par Jacques MYARD