COMMENT SORTIR DU CERCLE VICIEUX DE LA FINANCE


Par Gérard Lafay

Docteur Es Sciences Economiques

Ancien membre du cercle de recherche du Général PM Gallois

Membre du Haut Conseil du Forum Pour la France

Membre de Pomone G 21 présidé par JP Gérard

 

Discours prononcé à Colombey les deux églises le 28 septembre 2019

Autorisation de publier, accordée par le Professeur Lafay lors d'une réunion du CNR et de l'Académie du Gaullisme qui s'est tenue à l'Assemblée nationale le 7 Octobre 2019

 

Alors que l'économie réelle stagne dans beaucoup de pays, on observe une hypertrophie de la finance avec la multiplication des produits dérivés et des effets de leviers ainsi que le trading à haute fréquence sur les marchés internationaux. La super classe mondiale abrite des fortunes gigantesques dans les paradis fiscaux afin d'échapper à toute solidarité nationale. Dans l'ensemble du monde, les dettes publiques et privées ont désormais atteint un niveau historique. C'est pourquoi beaucoup craignent une déflation financière pire que celle de 2008. Si la financiarisation a été facilitée par une vague de dérègulation, son origine tient à la nature même de la création

monétaire, dont la masse est devenue extravagante. Cette création fut d'abord le fait des banques privées qui, depuis de nombreuses années, créent de la monnaie ex-nihilo par le moyen du crédit bancaire, selon l'adage bien connu « les crédits créent les dépôts ». A partir de 2008, pour tenter de relancer l'économie, les Banques Centrales ont mis en œuvre des mécanismes d'' « assouplissement quantitatif » (quantitative easing) consistant à racheter régulièrement des titres de dette, et en particulier de la dette souveraine détenue par les banques privées ; Cette solution a créé de la liquidité pour celles-ci, encourageant la spéculation sur les actifs existants, et donc la montée de leurs prix. En revanche, elle n'eut aucun effet favorable sur l'économie réelle. La BCE persiste dans cette politique par une sorte de chant du cygne.

La création monétaire a un impact direct sur les banques et les bénéficiaires de leurs crédits .

Par le privilège dont elles disposent, les banques profitent d'intérêts sur des sommes qu'elles créent d'un trait de plume (où d'une frappe sur un clavier), intérêts qui vont se capitaliser avec le temps. Par le pouvoir d'achat qu'elles créent, les banques peuvent donner à ceux qui en bénéficient, et d'abord à elles-mêmes sur les marchés financiers, une capacité d'appropriation prioritaire leur permettant de jouer des mouvements de prix qu'ils peuvent créer et. ou de spéculer sur les prix des biens ou des actifs, en s'appuyant souvent sur les conséquences démultipliées d'effets levier périlleux. D’où les revenus grandioses (salaires+bonus+ stock-options) des dirigeants des banques et des opérateurs vedettes, ainsi que la constitution de fortunes gigantesques pour des spéculateurs opportunistes pouvant bénéficier de largesses bancaires.

Partout la question centrale est de savoir comment sortir de l'impasse dans laquelle tous les pays sont engagés. Dans l'ensemble du monde, la seule solution serait d'appliquer une véritable réforme monétaire, telle qu'elle a été préconisée par Maurice Allais et proposée sous des formes diverses par des ténors de la science économique (Gomez et Lafay, 2017). Cette réforme est, dans son principe une « vieille idée », mais elle n'a jamais été autant d'actualité.

Dans sa formulation présente, la création monétaire serait le fait de la seule Banque Centrale, tandis que les « banques universelles » seraient scindées en trois catégories d'établissements strictement indépendants ;

-        des compagnies de services monétaires, n'ayant à leur passif que des dépôts à vue, et à leur actif que des créances sur la Banque Centrale (billets en circulation et monnaie électronique émise par celle-ci) ;

-        de banques de crédit, qui récolteraient les dépôts d'épargne à différents termes pour les replacer sur des échéances légèrement inférieures, sans effectuer de « transformation' ;

-        des banques de marché.

-         

La Banque Centrale aurait à son passif les billets en circulation, la monnaie électronique, et le compte du Trésor public, à son actif les avoirs et titres, ainsi que les créances sur les compagnies de services monétaires ; Les dépôts de nature monétaire seraient complètement couverts par de la monnaie de base et circuleraient comme par le passé, la monnaie électronique circulant comme la monnaie fiduciaire, et les agents économiques effectueraient toutes leurs opérations comme par le passé.

Une telle réforme, qualifiée de « monnaie pleine » a été proposée en juin 2018 à la Suisse, où elle n'a malheureusement pas été ratifiée le référendum ayant systématiquement suscité l'hostilité de la finance toute puissante. Il convient néanmoins de la proposer de nouveau pour la France, ou cette réforme permettrait de retrouver la souveraineté monétaire, confisquée par la Banque Centrale

Européenne et les banques privées. Le Franc français serait recréé, cependant que la monnaie unique serait remplacée par une monnaie commune, unité de compte équivalente à l'ancien écu. La dette souveraine de l'Etat français, émise pour 97% en droit français, serait convertie en nouvelle monnaie nationale selon le principe de la lex monetae, puisqu'en vertu du droit international, chaque pays a droit à sa souveraineté monétaire.

Au lieu de recourir à la finance internationale, tout nouveau déficit budgétaire serait financé monétairement sans aucune inflation, par la mise à disposition des ressources résultant de l'augmentation souhaitée de la masse monétaire en circulation. Ce serait la seule

voie d'injection monétaire, la source bancaire étant tarie du fait de la réforme. Pour être crédible et afin d'éviter toute dérive idéologique, le principe d'indépendance de la Banque Centrale nationale serait affiché clairement, dans le cadre d'un mandat assurant une croissance raisonnable de l'offre de monnaie (taux annuel de l'ordre de 4% à 5% correspondant à l'augmentation de volume de production et d'une hausse modérée des prix).

La France donnerait ainsi au reste du monde en exemple novateur, qui serait rapidement imité ensuite par de nombreux autres pays. Au slogan creux : » Mon ennemi c'est la finance », on proposerait un slogan plus novateur : « nationalisons la monnaie ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être ; un bien commun »

 

 

© 09.11.2019