par Marc DUGOIS
La vie n’est qu’une
succession de moments où l’on réfléchit, où l’on échange et où l’on agit. Ces
moments se nourrissent mutuellement et s’enrichissent les uns les autres.
Si l’on ne
souhaite pas rentrer dans le détail,
observons tout de même que la réflexion apporte la décision à l’action et
l’expression à l’échange, que l’échange apporte la connaissance à la réflexion
et l’efficacité à l’action, et que l’action apporte l’expérience à la réflexion
et la tolérance à l’échange. En allant même un peu plus loin on s’aperçoit que
toutes ces qualités s’organisent différemment suivant les tempéraments. Le
professeur va partir de la connaissance pour décider en s’efforçant de rester
tolérant alors que l’entraîneur pour être efficace va exprimer son expérience.
Les deux se complètent, se contrôlent et s’harmonisent mutuellement.
Mais depuis un
demi-siècle, dans un emballement général que les dérèglements de
l’administration et de la monnaie ont permis, l’action a été concentrée chez
les Politiques, la réflexion à l’université et l’échange dans les médias.
Ils nous ont
construit à trois un monde imaginaire qui a perdu le contact avec le réel et
qui ne tient provisoirement que par la fausse monnaie légale créée par la
finance et par la lourdeur d’une administration pléthorique qui, telle la
seiche, lâche son encre pour que personne, y compris elle-même, n’y comprenne
plus rien (organigramme
de l’agence régionale de santé Grand Est). Cet attelage qui utilise la
finance comme accélérateur et l’administration comme frein (les deux coûtant
très cher), nous conduit au désastre en nous promettant la lune.
Avant de regarder
de plus près, observons que quiconque ne se pâme pas d’admiration devant cette
troïka est décrété populiste suivant le principe des animaux malades de la
peste. Pour l’instant parmi tous les populismes de plus en plus nombreux qui se
réveillent de notre léthargie, aucun ne semble malheureusement avoir le courage
ou la distance nécessaire pour donner un sens à la vie, pour accueillir la mort
avec naturel et pour analyser sereinement les trois chevaux de trait qui nous
dirigent.
Remercions le Covid 19 pour avoir aussi clairement montré la réalité de
cette troïka aussi coûteuse que nocive puisqu’elle ne fait que s’agiter, se
justifier ou désespérer.
L’université est
sûrement la plus coupable tellement sa mission était noble et tellement elle y
a renoncé en nous rejouant La
grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. La vraie
université permettait à une toute petite
minorité d’avoir accès au savoir de quelques rares personnages d’exception
appelés professeurs et qui décernaient un diplôme à ceux qui avaient compris ce
qu’ils disaient.
Un professeur
faisait son cours et seul l’examen final lui permettait de séparer ceux qui
étaient venus se construire en travaillant et qui avaient compris, de tous
les autres, ceux qui étaient simplement venus passer le temps comme ceux qui
n’avaient rien compris. Encore en 1910 il n’était pas rare qu’un
professeur d’université n’ait que dix élèves.
Mais, par la
décision politique ridicule de mettre à l’université 80% de chaque classe
d’âge, décision rendue malheureusement efficace par l’intoxication des médias
et la veulerie de l’administration, l’université est devenue un parking gratuit
où ne s’y échange plus que des rêves et des fantasmes. Le rêve de détenir la
vérité chez les nouveaux professeurs qui ne le sont plus que par leur capacité
à intriguer, et le fantasme des étudiants qui veulent croire qu’un diplôme les
fera s’enrichir. Cette double folie n’a été possible que par la montée en
puissance des arrivistes et des courtisans que les Politiques ont appelés
« professeurs » et que les médias ont appelé « experts ».
La manne financière et le brouillard administratif ont interdit toute réaction
saine. Pendant quelques lustres les grandes écoles ont sauvé l’université du
désastre immédiat avant de sombrer dans les mêmes erreurs. Remercions le Covid 19 d’avoir mis au grand jour la nullité prétentiarde
de la majorité des professeurs que les médias nous infligent.
Le monde politique
est détenteur de la violence légale. Il était auparavant équilibré par deux
autres mondes qui s’interdisaient de faire de la politique : le monde de la
haute administration (les grands commis de l’État) et le monde de l’économie avec
ses capitaines d’industrie (Peugeot, Wendel, Michelin, Renault …). Mais depuis
un demi-siècle les énarques ont phagocité ces trois
mondes qui n’en forment plus qu’un, auto-satisfait et simplement garni de
courtisans inutiles. Ce nouveau monde utilise la violence légale d’une façon de
moins en moins légitime pour ses deux seules activités : se maintenir
lui-même en place et faire payer aux autres son incompréhension des problèmes.
Comme tout troupeau il se croit plus fort quand il s’assemble tout en n’en faisant
qu’à sa tête. L’Union européenne en est un exemple parfait où l’on s’assemble
pour se prétendre fort, façon Les habits neufs
de l’empereur, mais où chaque pays ne cherche qu’à faire payer les autres à
sa propre manière. L’Allemagne sous-traite sa production à ses machines fort
coûteuses en laissant vieillir et se paupériser sa population. Elle prête de
l’argent pour que les autres pays lui achètent sa production et elle espère contre
tout bon sens en être un jour remboursée, personne ne sait comment ni avec
quoi, si ce n’est avec une nouvelle forme d’esclavage.
L’Irlande, le
Luxembourg ou les Pays-Bas sous-traitent plus intelligemment aux
multinationales leur récupération de l‘argent des autres pays. Ils les attirent
en étant des paradis fiscaux. L’Italie et la France rêvent de faire payer le
futur en empruntant à tout va la fausse monnaie légale que leurs banques
fabriquent, tout en appauvrissant leurs peuples par une montée sans fin de
l’impôt. L’Espagne et les pays de l’est, beaucoup plus pragmatiques, se
contentent de recevoir plus qu’ils ne donnent à cette prétendue union dont ils
n’attendent rien d’autre et dont ils partiront dès que leur solde ne sera plus
positif. Toutes ces stupidités sont possibles parce que les professeurs
d’université affirment qu’il est intelligent de croire que nous créons des
richesses, parce que les médias produisent à la pelle des experts qui le
confirment, et parce que les banques créent l’argent nécessaire pour reporter
tous les problèmes en faisant monter la dette que l’université justifie et que
les médias estompent et édulcorent. Remercions le Covid
19 d’avoir mis au grand jour la nullité des Politiques quand le problème qu’ils
ont à résoudre est concret, immédiat et visible.
Les médias ont une
façon bien à eux de manipuler l’opinion. Ils galvanisent ou ils atterrent les
foules en limitant l’espace et le temps au détail qu’ils éclairent
outrageusement. L’essentiel n’étant pas éclairé n’existe plus. Actuellement en France l’AFP choisit les
sujets dont il faut parler et les médias s’y engouffrent en
répétant à l’envi le nom de leurs « journalistes » d’une façon
suffisamment lancinante pour qu’ils puissent à la longue arrondir leurs fins de
mois par des « ménages » en politique ou à l’université. Seul le
Canard enchaîné, grâce à la délation systématique des envieux, a dans ses
cartons de quoi faire tomber quiconque ne rentre pas dans la doxa du moment. Il
représente à lui tout seul le quatrième pouvoir plus efficace que le ministère
de l’intérieur. Il le peut car il est le seul à ne pas vivre des subventions
des Politiques mais des ragots de toute la troïka. Les médias créent en
permanence des épidémies de haine, de peur, de honte ou de simple excitation en
survalorisant tel détail bien choisi. Remercions le Covid
19 d’avoir mis au grand jour la capacité des médias à générer une épidémie
artificielle de peur panique en taisant soigneusement la réalité du paysage
général que le graphique
de l’INSEE des décès mensuels en métropole montre clairement à ceux
qui acceptent de le regarder. Les 60.400 décès de mars 2020 sont dans la
moyenne des décès d’un mois d’hiver et sont moins nombreux que les 66.990 décès
de janvier 2017, beaucoup moins que les 87.861 décès de janvier 1949, les
74.725 décès de décembre 1969 ou les 73.023 décès de février 1953 qui n’ont
chaque fois traumatisé que les familles concernées. Ces morts n’ont pas entraîné
les réactions infantiles actuelles universitaires et politiques dont il faudra
bien un jour comprendre les vraies raisons.
Ces trois mondes, à force de s’isoler dans leurs tours d’ivoire, sont
devenus, autistes pour les Politiques, maniaques à l’université et délirants
dans les médias. Ils sont deux à deux les béquilles du troisième. Leurs seules
portes d’entrée sont le formatage et l’intrigue et ils ne sont plus composés
tous les trois, que d’intrigants ou de personnages qui n’ont jamais connu autre
chose et ne sont donc pas vraiment responsables de leur déconnexion du réel.
Ayant abandonné la réflexion saine, l’action saine et l’échange sain, ils
appellent santé, ce qui n’est que déresponsabilisation, intelligence, ce qui
n’est que leur vision biaisée, et solution, ce qui n’est que déplacement d’un
problème qu’ils sont incapables de résoudre et même d’affronter.
Devant un tel constat on peut observer la proposition stupide de cette
troïka de vaincre le temps et l’espace par l’énergie monétaire de la fausse
monnaie légale. Les
6 minutes que nous a offert Emmanuel Macron le 24 avril lors d’une
prétendue « initiative mondiale sur les diagnostics, les traitements et
les vaccins contre le Covid-19 » l’illustrent malheureusement parfaitement
sans avoir même besoin d’être commentées. Mais on peut aussi être tenté par des
culs-de-sac intellectuels car la tentation est grande devant tant d’impéritie
et d’incurie, de proposer avec son propre bon sens une vision personnelle de ce
que devrait être l’organisation de nos lendemains. Cela soulage sûrement mais
ne sert rigoureusement à rien tant que les trois essentiels que sont l’action,
la réflexion et l’échange sont aux mains de gens qui n’ont aucun intérêt à les
rendre cohérents.
Pour changer cela, la seule solution est d’enlever à la monnaie son
côté accélérateur gratuit qui permet toutes les utopies et d’enlever à
l’administration son côté cul-de-plomb qui empêche toutes les réalisations. Si cela est fait, université, médias et Politiques s’effondreront
alors comme neige au soleil et les idées pour reconstruire seront alors les
bienvenues. Malheureusement le parti politique qui aura le courage d’affronter
ces deux puissants outils du mensonge, ne semble pas encore né mais il est très
attendu.
Le cardinal africain Robert Sarah a tout résumé dans son livre
d’entretiens avec Nicolas Diat paru en mars
2019 Le
soir approche et déjà le jour baisse. Il nous y a gratifiés de cette très
heureuse formule qui ne peut laisser indifférent : « Les Barbares ne
sont plus aux portes des cités et sous les remparts, ils sont aux postes de
gouvernement et d’influence ».