Par Christine
ALFARGE,
« Colombey,
où le général, submergé par le torrent stérile des partis, s’était retiré
en 1946 ; où le pays alla le chercher en 1958 ; où sept années plus
tard, au soir du premier tour de l’élection présidentielle, où une vague de
tristesse a failli l’entraîner au loin, il pensa demeurer ; où, au soir du
27 avril 1969, il décida de se retirer, le référendum ayant été rejeté, jusqu’à
la fin de sa vie », écrira Jean
Mauriac le 10 décembre 1970.
Que
reste-t-il ?
Après le
général de Gaulle, difficile d’incarner l’image d’une France victorieuse et
puissante tant sa personnalité a dominé les esprits pendant des décennies auprès
de nombreux chefs d’Etat étrangers et qui aujourd’hui encore représente un
capital historique incomparable faisant la fierté de notre pays. Mais est-il
nécessaire de se demander, « qu’aurait fait ou que ferait le général de
Gaulle dans la France d’aujourd’hui ? », nous pouvons l’imaginer mais
au fond nous n’en savons rien. « Quinze régimes s’étaient succédé
depuis 1789, chacun s’imposant à son tour par la révolte ou le coup d’Etat,
aucun ne réussissant à assurer l’équilibre, tous emportés par des catastrophes
et laissant après eux d’ineffaçables divisions. » écrivait le général
de Gaulle dans ses Mémoires de guerre.
Il souhaitait marquer
l’histoire, sa propre histoire liée au destin de la France qu’il nous a léguée pour que nous n’oublions jamais, qu’un jour,
notre pays menacé par l’ennemi, allait sombrer dans un chaos inouï. A travers
ses Mémoires, la réflexion du général de Gaulle en appelle à la raison, la
certitude que la grandeur est fragile, qu’il nous faut la préserver. « Comment
faire, si nous nous en tenons à nos propres et pauvres moyens ? Comment
garder l’indépendance, si nous recourons aux autres ? »
Rien n’est jamais acquis, c’est
le message pour lequel nous avons le devoir de continuer à agir dans l’honneur
et la fidélité.
« Le gaullisme, en 1964, est une direction nationale,
indépendante, et le Chef de l’Etat le plus illustre de l’univers…Il se confond
avec la renaissance de la France » expliquait
Georges Pompidou qui succédera au général de Gaulle.
Il n’y a qu’un seul chemin, celui du courage.
Tant de tristesse, de peur et de désespérance sont dans l’esprit
des Français. Qu’est devenu ce temps où « les Français parlaient aux
Français » à la radio de Londres organisant les prémisses d’une résistance
sans faille ? Dorénavant, il nous faut réinventer chaque jour pour
défendre notre pays.
Aujourd’hui comme hier, l’engagement n’a de sens que par l’action,
il montre la valeur des hommes et des femmes de courage dont l’histoire
continue d’honorer la mémoire et l’héroïsme pour la liberté. Le combat n’est
jamais vain pour ceux qui servent leur pays dans la solidarité et la fraternité
!
Aujourd’hui comme hier, nous sommes unis pour protéger la
nation ! Même si nous sommes frappés par l’histoire qui ne se répète pas
obligatoirement sous la même forme, c’est un combat perpétuel dans lequel la
nation française est une et indivisible. « Le soldat qui ne se
reconnaît pas vaincu, a toujours raison », écrivaient les Français
libres de l’île de Sein symbole de courage et d’abnégation alors que la
majorité était déjà résignée.
Comment changer le cours des choses ?
Nous savons qu’il nous faudra de la détermination à travers le
temps pour une nation rassemblée et fraternelle. « Le destin d’une
nation se gagne chaque jour contre les causes internes et externes de
destruction » disait le général de Gaulle. Il avait foi en la France
avec une grande ambition pour l’avenir de son pays. Plus que jamais, devant
nous, l’enjeu de renouvellement est immense pour notre liberté et notre
indépendance. Où est la voix de la France pour revenir au premier rang ?
« La France n’est réellement elle-même qu’au premier rang,
seules les vastes entreprises sont susceptibles de compenser les ferments de
dispersion que son peuple porte en lui-même. » écrivait le
général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre.
Il y a un nouveau besoin d’histoire, la connaissance de toute
l’histoire de France, de la monarchie comme de la république, notre rapport à
l’histoire est essentiel. « La véritable école du commandement est
celle de la culture générale. Par elle, la pensée est mise à même de s’exercer
avec ordre, de discerner dans les choses, l’essentiel de l’accessoire » écrivait
le général de Gaulle dont la méditation de l’histoire tiendra un rôle
prépondérant durant toute sa vie.
L’adieu prémonitoire du général.
Le 5 mai 1969, dans une lettre, le général de Gaulle répond au
Comte de Paris : « Si donc, comme vous voulez bien le prédire,
monseigneur, ce qui a été fait, à mon appel et suivant mon action depuis
quelque trente ans, pour rendre à notre pays, d’après les leçons millénaires de
la maison de France, sa raison d’être, son rang et sa vocation universelle,
doit devenir le ferment d’un nouvel essor national, je n’aurai, depuis l’autre
monde, qu’à remercier Dieu du destin qu’il m’a fixé. »
Dix-huit
mois plus tard, le 12 novembre 1970, à Colombey.
Toutes les
églises de France se joignent aux cloches de Colombey, il est 15 heures, un
engin blindé portant un cercueil de chêne recouvert du drapeau tricolore sort
de la Boisserie jusqu’à l’église. « J’entendrai
toujours le grondement sourd de son moteur dans le silence. » se souvenait
le fils du général, Philippe de Gaulle. Colombey pleurait, ce jour-là, submergé
par le recueillement populaire, le respect des dernières volontés du général de
Gaulle passées à la postérité.
« Je veux
que mes obsèques aient lieu à Colombey les-Deux-Eglises. Si je meurs ailleurs,
il faudra transporter mon corps chez moi, sans la moindre cérémonie publique.
Ma tombe sera celle, où repose déjà ma fille Anne et, où un jour reposera ma
femme. Inscription : Charles de Gaulle 1890-… Rien d’autre. La cérémonie
sera réglée par mon fils, ma fille, mon gendre, ma belle-fille, aidés par mon
cabinet, de telle sorte qu’elle soit extrêmement simple. Je ne veux pas
d’obsèques nationales. Ni président, ni ministres, ni bureaux d’assemblées, ni
corps constitués. Seules les Armées françaises pourront participer
officiellement, en tant que telles ; mais leur participation devra être de
dimension modeste, sans musiques, ni fanfares, ni sonneries. Aucun discours ne
devra être prononcé, ni à l’Eglise, ni ailleurs. Pas d’oraison funèbre au
Parlement. Aucun emplacement réservé pendant la cérémonie, sinon à ma famille,
à mes Compagnons membres de l’Ordre de la Libération, au Conseil municipal de
Colombey. Les hommes et femmes de France et d’autres pays du monde pourront,
s’ils le désirent, faire à ma mémoire l’honneur d’accompagner mon corps jusqu’à
sa dernière demeure. Mais c’est dans le silence que je souhaite qu’il y soit
conduit. Je déclare refuser d’avance toute distinction, promotion, dignité,
citation, décoration, qu’elle soit française ou étrangère. Si l’une quelconque
m’était décernée, ce serait en violation de mes dernières volontés. »
La célébration
du cinquantième anniversaire de la disparition du fondateur de la Vème
République nous donne aujourd’hui l’opportunité, au moment où la France connaît
des épreuves tragiques, de réfléchir à la vision politique menée haut et fort
par celui qui ne cessera de combattre pour les intérêts de la France, écrivant
ainsi « Il faudrait savoir en effet si quelque grand rêve national
n’est pas nécessaire à un peuple pour soutenir son activité et conserver sa
cohésion. Le heurt d’idées et de passions, l’opposition des intérêts, en quoi
consiste l’existence d’un Etat, risquent de devenir à la longue intolérables
s’il manque aux citoyens une espérance commune qui atténue les divergences et
rassemble les dévouements. »
« L’idée
de la grandeur française allie ainsi l’amour porté à notre pays à une anxiété à
son sujet ses travers même, la dispersion, les querelles lui seront fatales,
s’il n’a quelques grandes ambitions. Seulement la grandeur, dessein et
ambition, ne se conçoit point sans un renouvellement profond. » Charles de
Gaulle.
*Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.