Par Christine Alfarge
« La force d’un destin »
L’empreinte du
général de Gaulle est gravée dans la mémoire des Français, il est certain que
l’homme continue de fasciner au travers de l’œuvre accomplie. Si chaque période
de l’histoire révèle un grand personnage de l’Etat tels Louis XIV, Napoléon ou
Clemenceau, plus près de nous il y a un besoin de redécouvrir De Gaulle qui a
tant donné pour son pays, incarnant le courage et la fidélité, une haute idée
de la France marquée par un lien profond qui existe depuis toujours et l’unit
éternellement à elle et dont le XXème siècle en a porté le secret suscitant jusqu’à
maintenant en nous réflexion, mystère et espérance.
Comment
devient-on le général de Gaulle ?
Une anecdote rapporte
qu’après avoir lu les « Mémoires » du général de Gaulle,
Georges Pompidou lui demandera : « A partir de quand avez-vous eu
conscience d’incarner la France ?». Le général lui répondra sans hésiter, « Pour
vous dire la vérité, depuis toujours ». En effet, dès l’âge de quinze
ans, bien avant l’idée d’une carrière militaire, il écrira une saynète mettant
en scène « le général de Gaulle sauvant la France ». Même si le sens de
l’Etat est bien souvent inné, qu’est-ce qui pousse quelqu’un à se mettre en
danger pour respecter l’idée qu’il se fait de son pays ? Est-ce l’origine
du milieu auquel il appartient qui conditionne ses actes ? Pour Charles de
Gaulle, militaire, d’une éducation stricte, rien ne le prédestinait à
s’intéresser à la situation des plus défavorisés particulièrement les femmes et
la classe ouvrière. Pourtant, c’est lui qui accordera le droit de vote aux
femmes en 1944 qu’elles exerceront pour la première fois en 1945 ainsi que la
diffusion de la contraception de la loi Neuwirth en 1967. Il permettra la
formation des comités d’entreprise dès son retour sur le sol français en 1944
et avant son départ en 1969, il installera les principes de la participation
des salariés au capital des entreprises en homme juste et social qui voulait
restituer le fruit de leur travail aux salariés.
Tenter
de comprendre ce grand mystère qu’est toujours de Gaulle.
Pourquoi
faisons-nous toujours référence à l’héritage gaulliste ? Qu’il s’agisse
des hommes ou des femmes, quel que soit l’âge, la condition, les Français d’où
qu’ils viennent, expriment leur fierté et leur reconnaissance au général de
Gaulle pour avoir sorti le pays du déclin annoncé et lui redonner son rang de
puissance. « Je suis un homme qui n’appartient à personne et qui
appartient à tout le monde » écrira-t-il.
Par son esprit
de rassemblement et sa volonté de construire inlassablement la paix à travers
l’idée européenne des nations, il souhaitait au-delà de tout que son action se
poursuive bien longtemps après lui.
La
continuité de l’histoire.
« Tout
homme qui écrit et qui écrit bien, sert la France » écrivait le général de Gaulle. Dans son esprit, il pensait à
l’avenir et une ligne à tenir pour les nouveaux gouvernants. Il savait que son
action lui survivrait, une certaine idée de la France est scellée dans le
marbre et fait partie de notre patrimoine, telle l’histoire que l’on doit
honorer comme un enrichissement pour le bien et la connaissance de tous. « Puisque
tout recommence toujours, ce que j’ai fait sera tôt ou tard une source
d’ardeurs nouvelles après que j’aurais disparu » écrira le général de
Gaulle.
Un
esprit visionnaire.
Comment ce
visionnaire a pu résister à toutes les pressions, les incertitudes durant la
guerre dans un pays décimé qui avait perdu tous ses repères. Il n’abandonnera
jamais et mettra toute son énergie au service de la France pour préserver
l’intégrité nationale. Si son célèbre appel du 18 juin à la BBC de Londres
marque son acte de naissance politique, dès le début de cette année terrible,
la volonté du général de Gaulle était de gagner cette guerre mais aussi redonner
à la France son rang de puissance au plus haut niveau dans le concert des
nations. Le 2 juillet 1940, il s’exprimera ainsi, « L’âme de la
France ! Elle est avec ceux qui continuent le combat avec tous les moyens
possibles, avec ceux qui ne renoncent pas, avec ceux qui, un jour, seront
présents à la Victoire. »
Agir sur les
réalités, c’était chez le général de Gaulle un cheminement de pensée propre à
lui tant il approfondissait la capacité de ses moyens, ceux de l’adversaire
comme l’Allemagne dès le début de la première guerre mondiale, qu’il poursuivra
dans son livre « la discorde chez l’ennemi » en 1924.
Au regard de sa
politique étrangère, le général de Gaulle décidera toujours sur la seule
perception des intérêts de la France, sa place dans le monde. Ses nombreuses
visites aux chefs d’Etats étrangers contribueront avec prestige au rayonnement
de la France, la plaçant parmi les grandes nations, exerçant une grande
influence dans ses rapports diplomatiques.
Pragmatique, chacune
des décisions sera mûrie, il voulait un exécutif aux pouvoirs renforcés et un
président de la République qui ne doit pas être dépendant des partis
représentés au Parlement. Reprenant ses idées développées à Bayeux le 16 juin 46,
le général de Gaulle travaillait à l’élaboration d’une nouvelle Constitution,
son but étant de mettre fin aux régimes des partis qu’il a tant détesté sous
les IIIème et IVème Républiques. Le 4 octobre 58, la nouvelle Constitution sera
promulguée et la Vème République le lendemain.
L’idée
de sa mission.
Le général de
Gaulle devait se montrer au-dessus des manifestations ordinaires. Le prestige
de l’homme du 18 juin, ce qu’il avait fait, le plaçait à un autre niveau. Il
incarnait le destin d’une nation dans l’honneur et la volonté d’un avenir
meilleur pour tous les Français éprouvés par tant de malheurs. En s’adressant à
eux ce18 juin 40, il avait trouvé le ton juste, puissant et courageux pour les
entraîner à lutter contre le déclin de la France. Ô combien, il a eu raison !
Des âmes se sont élevées face au renoncement, « Je n’ai plus que les
mots » dira-t-il avec émotion. Ses mots ont touché parce qu’il a su relever
le glaive, réussir avec Jean Moulin à unifier la résistance à laquelle il
rendra hommage le 27 août 1944 pour l’avoir aidé jusqu’à la libération du pays
et au-delà l’organisation de la France inspirée du programme du Conseil
national de la Résistance. Enfin être reconnu par Churchill comme le chef de la
France libre sera la marque d’un respect réciproque et d’une amitié qui durera
jusqu’à la fin de leur vie.
Le gaullisme
est né du refus de la défaite et de la soumission, mais à quel prix ! Il
aura fallu tellement d’intelligence et d’abnégation au général de Gaulle pour
supporter un tel chaos et comprendre comment il fallait agir face à la
déchéance de notre pays qui sombrait. Où aura-t-il puisé cette force ?
Animé
dès l’enfance par une ambition française, il se révèlera un personnage hors du
commun dans les heures les plus sombres de notre histoire.
Entre
l’exigence pour un Etat fort et la bienveillance à l’égard des Français, le
général de Gaulle qui a suscité tant d’admiration, a su rester lui-même,
naturel, parfois plein d’humour mais toujours réservé.
Aujourd’hui
encore, en regardant la croix de lorraine érigée sur les collines de Colombey-les-Deux-Eglises
et inaugurée le18 juin 1972, le mystère De Gaulle demeure toujours sous nos
yeux, pointant vers le ciel, semblant vouloir atteindre l’univers !
*Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
© 03.10.2020