Par Christine Alfarge,
Si
l’histoire entre l’Angleterre et la France n’a pas toujours été un long fleuve tranquille,
un homme Winston Churchill, l’ami de la France, ne tarissait pas d’éloges à son
sujet, la voyant invincible, gagnant la bataille de la Grande guerre, celle de
Clemenceau. Winston Churchill avait une foi totale dans la puissance de l’armée
française, pourtant le destin en décidera autrement quelques années plus tard.
« L’énergie et
l’esprit de Churchill sera un atout décisif pour le gouvernement britannique jusqu’à
la fin de la Grande guerre » dira David Lloyd George. Churchill comme
le général de Gaulle avaient fait un diagnostic très précis sur les forces
militaires de leur pays respectif. Churchill s’était rendu compte, avant tous ses
compatriotes, des réels dangers que faisait courir la politique de désarmement souhaitée
par le 1er ministre Ramsay Mac Donald, au moment où les idéologies extrémistes
ne cessent de s’affirmer en Europe. Winston Churchill interviendra fermement
pour alerter sur la vulnérabilité de la Grande-Bretagne.
De son côté, l’état d’esprit du Général de
Gaulle vis-à-vis de l’Allemagne sera de comprendre ce qu’est l’adversaire. Il
approfondira cette connaissance en captivité à Ingolstadt pendant la première
guerre mondiale en écrivant « la discorde chez l’ennemi » qui paraîtra
en 1924 sur les forces mais aussi les faiblesses de ce pays.
Le Général de Gaulle était lucide et ne se
faisait pas beaucoup d’illusions sur ce qui pouvait se passer pour la France
après la victoire de 1918. Dès le 1er mars 1925, il publia dans
la Revue militaire française un article dans lequel, il
insistait sur la fragilité de la frontière nord-est de la France et sur
l’obligation de contenir une nouvelle agression allemande en renforçant un
certain nombre de places.
Il savait que la Reichswehr (force
de défense du Reich) était toujours vaillante et que de nombreux allemands
souhaitaient une guerre de revanche. En mars 1929, il prit note que l’Allemagne
avait des projets d’annexion de l’Autriche, d’invasion de la Pologne et de
récupération de l’Alsace-Lorraine. Dès 1933, le général de Gaulle n’avait pas
de doutes non plus sur les desseins du nouveau régime incarné par
Hitler.
L’ouvrage du général « Vers une armée
de métier » publié en 1934, traduisait les convictions qui s’étaient
forgées dans son esprit pendant ces dernières années : « Entre
Gaulois et Germains, les victoires alternatives n’ont rien tranché ni rien
assouvi. Parfois, épuisés par la guerre, les deux peuples semblent se
rapprocher, comme s’appuient l’un sur l’autre des lutteurs chancelants. Mais,
sitôt remis, chacun se prend à guetter l’adversaire. Une pareille instabilité
tient à la nature des choses L’opposition des tempéraments avive cette
amertume. Ce n’est point que chacun méconnaisse la valeur de l’autre et ne se
prenne à rêver, parfois aux grandes choses qu’on pourrait faire ensemble. Mais
les réactions sont si différentes, qu’elles tiennent les deux peuples en état
constant de méfiance. »
En 1917, Churchill devenu ministre de
l’Armement percevait l’importance des blindés, de la même façon le général de
Gaulle développait sa théorie de grandes unités blindées et motorisées
nécessaires afin d’empêcher que le destin de la France ne soit définitivement
scellé par l’agression venant de l’Est et du Nord. Il avait prévu malheureusement
la tragédie de 1940 pour laquelle il mettra toutes ses forces dans la bataille
de libération de la France.
Les jours qui ont
renversé le cours de l’histoire.
Churchill est conscient
de la valeur morale que représente l’entreprise du général de Gaulle, au moment
où la France va disparaître du camp allié, s’enfonçant dans un chaos inouï.
L’Appel du 18 juin 1940 sur les ondes de la BBC sera le prélude à des relations
de plus en plus étroites entre les deux hommes. Winston Churchill disait :
« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un
optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté. »
Lors de sa rencontre avec
le général à Downing Street, le 27 juin 1940, le premier ministre Churchill
dira à son hôte français : « Vous êtes tout seul, eh bien je vous
reconnais tout seul ! », cela constituant dorénavant la base
légale entre le général de Gaulle et le gouvernement britannique.
Le 7 août 1940 « Accords
De Gaulle – Churchill. »
Juste après la
reconnaissance du général de Gaulle par Churchill, comme chef de tous les
Français Libres, des négociations franco-britanniques s’ouvriront en vue de conclure
un accord portant sur le recrutement, l’organisation et les conditions de
service des volontaires français en Grande-Bretagne. Le général Spears écrira
plus tard : « Les négociations sur le texte des accords entre le
Gouvernement de Sa Majesté et le général de Gaulle furent menées avec une
âpreté exaspérante par le professeur Cassin, conseiller juridique du général de
Gaulle, si bien que les membres du « Foreign
Office » les mieux disposés finirent par se lasser des manifestations
d’humeur de nos invités. » Le général de Gaulle formera le début d’une
nouvelle armée et d’une nouvelle France. D’emblée, l’Afrique lui semblera le
meilleur théâtre d’opérations, assurant un excellent appui pour la France Libre.
Le 20 août 1940, discours
de Churchill à la Chambre des Communes.
« Nous éprouvons la
plus profonde sympathie à l’égard du peuple français, et l’ancienne fraternité
qui nous liait à la France n’a nullement cessé d’exister. Elle s’incarne, se
perpétue grâce au général de Gaulle et à ses héroïques compagnons. Ces Français
Libres ont été condamnés à mort par Vichy, mais le jour viendra, aussi sûrement
que le soleil se lèvera demain, où leurs noms seront glorifiés et gravés sur la
pierre dans les rues et dans les villages d’une France qui aura retrouvé sa
liberté et sa gloire d’antan au sein d’une Europe libérée. »
Quelques années plus
tard, le décret signé du 18 juin 1958 marquera la volonté du général de Gaulle
de rouvrir l’Ordre de Libération pour Winston Churchill, à travers un hommage extrêmement
fort : « Comme Premier Ministre de Grande-Bretagne, au moment du pire
danger couru par l’Europe, a inspiré et dirigé la résistance de son pays et
contribué par-là d’une manière décisive à sauver la liberté du monde… »
Des retrouvailles
émouvantes auront lieu entre deux géants de notre Histoire ! Le 6 novembre
1958, Sir Winston Churchill recevra la médaille de la libération des mains du
général de Gaulle s’exprimant ainsi : « Je tiens à ce que Sir Winston
Churchill sache ceci : la cérémonie d’aujourd’hui signifie que la France
sait ce qu’elle lui doit. »
Souvenons-nous que
même si Winston Churchill, à la veille du débarquement de Normandie, déclarait
au Général de Gaulle : « Sachez-le général, chaque fois qu’il nous
faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous serons toujours pour le
grand large. », la mémoire entre nos deux pays est grande par notre passé
commun, riche pour le présent et gravée éternellement dans le futur.
Winston
Churchill écrivait : « Ce n’est que quand il fait nuit que les
étoiles brillent », il continue à incarner le courage, la volonté, la
persévérance au-delà de l’échec, comme le général de Gaulle, il avait choisi la
liberté et la lumière !
Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
© 08.02.2020