Ukraine : avec la guerre, le dépeuplement
s’accélère
par Paul KLOBOUKOFF,
I - Comment arrêter cette guerre absurde ?
Bientôt une paix juste et durable en Ukraine, grâce à Donald Trump ?
Le 20 janvier, jour de son investiture, le président Trump a
redit son intention de rencontrer le président Poutine, qui « détruit la
Russie » en refusant un accord avec Kiev.
Le président de l’Ukraine a interprété
ces mots comme une menace adressée à la Russie. Volodymyr Zelensky a félicité
Donald Trump, espérant qu’il permette d’atteindre une « paix juste et
durable ». « Le président Trump est toujours décisif, et la politique
de paix par la force qu’il a annoncée offre l’opportunité de renforcer le leadership
américain et de parvenir à une paix juste et durable, ce qui est la priorité
absolue » a-t-il écrit sur X (1).
De son côté, Vladimir Poutine, en félicitant Donald Trump, a
assuré aussi vouloir chercher une paix durable avec Kiev.
De part et d’autre, on n’a pas oublié la promesse de campagne
de Trump de ramener la paix en Ukraine très rapidement, en un coup de cuiller à
pot, pourrait-on dire : « en vingt-quatre heures », d’abord,
puis en « quelques semaines ».
Investi, plus mesuré, il a indiqué que cela prendrait
plusieurs mois. Le 22 janvier, il a encore fait un grand pas en arrière… et a
personnellement « pris du recul ». S’est-il dégonflé en confiant le boulot à
quelqu’un d’autre comme l’a indiqué le Wall Street Journal :
« Donald Trump donne 100 jours à son émissaire pour mettre fin à la guerre
en Ukraine » (2) ? Pour réaliser cette
performance, il a nommé un discret et fidèle conseiller, un vétéran du Vietnam
âgé de 80 ans, le général à la retraite Joseph Keith Kellogg. Pour le journal,
sceptique, « Presque personne ne pense qu’il puisse y parvenir, surtout
les Russes ». En avril 2024, JKK avait exposé son plan : fixer la
ligne de contact comme une ligne de démarcation (c'est-à-dire reconnaître de
facto l’occupation par la Russie), repousser de vingt ans l’adhésion de
l’Ukraine à l’OTAN en échange de solides garanties de sécurité américaines. Poutine
pouvait-il en demander plus ? Zelensky peut-il accepter une telle
capitulation ? Il peut être d’autant plus inquiet que le jeune (40 ans) James
David Vance, actuel vice-président des Etats-Unis et fervent porte-parole de
l’idéologie « Make America Great Again (MAGA) » avait avancé une
solution au conflit analogue en septembre dernier.
Une guerre atypique,
traditionnelle et de haute technologie
En tout état de cause, la situation n’est pas simple. Les
troupes russes occupent près de 20% du territoire ukrainien, en comptant la
Crimée, et elles continuent à avancer… malgré
tout l’armement de plus en plus lourd et sophistiqué fourni à Kiev, comprenant
des missiles balistiques de longue portée ATACMS capables de frapper au cœur de
la Russie, ainsi que des drones qui sont devenus des armes fatales très prisées
dans les deux camps. Depuis l’année dernière, l’Ukraine en produit, d’ailleurs,
abondamment.
La guerre en Ukraine est de type « conventionnel »,
avec des troupes au sol, des combats rapprochés et des tranchées. En même
temps, les protagonistes font usage d’armements de haute technologie à
l’efficacité létale éprouvée.
« Orechnik » (Noisetier, en français) est le nom
donné par les Russes au missile balistique à portée intermédiaire (IRBM) qui a frappé
le constructeur aérospatial Pivdenmach à Dnipro, dans le sud-est de l’Ukraine,
le 21 novembre 2024. « C’est probablement le premier missile à moyenne
portée au monde à ogives multiples (6 ogives, chacune composée de 6
sous-munitions, dans le cas présent) utilisé en condition de combat ». Il
pourrait atteindre une vitesse de 13 500 Km/h, soit 3,74 km/s, ce qui le
rend difficile à intercepter (3). Il ne portait pas de charge nucléaire. C’était comme
un « avertissement » de la part de Poutine.
Internationalisation du conflit entre des puissances nucléaires
Le conflit s’est internationalisé. On
peut presque dire que, derrière les troupes ukrainiennes, c’est une guerre
entre l’OTAN et la Russie. Kiev a de nombreux alliés… qui prennent soin de ne
pas être considérés comme des cobelligérants. C’est le cas du Royaume-Uni, qui
vient de conclure avec l’Ukraine un partenariat sécuritaire
« historique » sur 100 ans (4).
L’accord prévoit un renforcement de la coopération en matière de défense et de
sécurité, ainsi que « des partenariats scientifiques et
technologiques » dans la santé, l’agro-technologie, l’espace et les
drones. Le premier ministre britannique ne s’est, cependant, pas engagé à
envoyer des troupes. Cela ne pourrait être envisagé que pour superviser un
accord de cessez-le-feu. La position de la France est la même. Mais,
« Nous n’envisageons pas de garanties de sécurité pour l’Ukraine sans les
Etats-Unis » a souligné le président ukrainien.
La Russie n’a pas voulu rester « seule contre tous
». A défaut d’une alliance avec la Chine, elle a essayé d’obtenir sa neutralité.
Elle a fait appel à la collaboration armée de la Corée du Nord. Cela a donné
l’opportunité à Kim Jun In de sortir son pays de l’isolement et de rappeler son
existence aux Occidentaux. Le 31 octobre 2024, Pyongyang a effectué un essai
remarqué d’armes pour renforcer sa dissuasion nucléaire. La Corée du Nord a
lancé un missile balistique intercontinental dont la durée de vol a été la plus
longue enregistrée. Ce missile est conçu pour porter des charges nucléaires (5).
La Corée du Nord à la rescousse de la Russie
La Corée du Nord est accusée d’avoir
envoyé plus de 10 000 soldats en Russie pour aider Poutine dans son
invasion de l’Ukraine. Selon le service de Renseignement
de Séoul (Corée du Sud), à mi janvier 2025, 300 soldats auraient été tués et 2
700 auraient été blessés. « Des notes retrouvées sur des soldats morts
indiquent que les Autorités nord-coréennes ont fait pression sur eux pour
qu’ils se suicident », y compris en « se faisant exploser avant la
capture » (6). Cela expliquerait peut-être
pourquoi seulement deux ou trois d’entre eux auraient été faits prisonniers. A
moins que les chiffres précédents de combattants, de morts et de blessés soient
éloignés de la réalité, pour une propagande plus convaincante ?
Les soldats russes et ukrainiens ne veulent pas non plus de cette guerre
La France fait partie des alliés de
Kiev et a formé des combattants ukrainiens. De septembre à décembre 2024, 2 000
soldats (l’état-major, trois bataillons d’infanterie et leurs appuis :
génie, artillerie, reconnaissance et défense sol-air) des 4 500 soldats de
la 155ème brigade motorisée baptisée « Anne de Kiev », ont été formés
au camp de Mourmelon-le-Grand, dans la Marne. 55 désertions ont été constatées
par l’armée française pendant cette formation.
La brigade fait actuellement l’objet
d’une enquête en Ukraine sur fond de soupçons de désertions sur le champ de
bataille.
Quant aux jeunes Russes, ils font
leur possible pour payer et échapper aux mailles des filets des campagnes
périodiques de conscription.
Comme dans nombre de guerres, on ne demande pas leur avis à
ceux qui vont s’entretuer et/ou à ceux qui seront mutilés pour le reste de leur
vie.
II - Indépendante, l’Ukraine a perdu le tiers de sa population
Statista a retracé en chiffres
l’évolution de la population du pays depuis qu’il a été libéré du joug
soviétique en 1992 (7). De 51,87 millions (Mi), elle est descendue progressivement à 45,25 Mi
en 2013. Avec les affrontements en 2014, elle s’est réduite à 42,76 Mi. Sept
ans plus tard, en 2021, elle s’était repliée à 41 Mi. Avec l’invasion russe en
février 2022, elle a chuté à 34,8 Mi cette année là, à 33,2 Mi l’année
suivante, et à 33,7 Mi en 2024. En 2025, elle serait de 34,7 Mi. Elle aurait alors perdu -
33,1% depuis 1992. Marquée par de forts déséquilibres démographiques, elle
comprendrait 53,5% de femmes pour 46,5% d’hommes, ainsi qu’une proportion
anormalement élevée de personnes âgées.
Florence Bauer, directrice régionale du Fonds des Nations
Unies pour la population (UNFPA), a expliqué que ce recul était lié à une
« combinaison de facteurs », « avant même la guerre, le pays
avait l’un des taux de natalité les plus bas d’Europe. Un grand nombre de
personnes avaient déjà quitté le pays pour saisir toutes les opportunités qui
s’offraient à elles. La population vieillissait et la population totale
diminuait ». D’autres pays ont connu des tendances similaires en Europe de
l’Est. Avec l’invasion des troupes russes à partir de février 2022, le taux de
fécondité s’est effondré et se situe maintenant autour d’un enfant par femme,
« ce qui est l’un des plus bas du monde » et « bien en
dessous » du seuil de renouvellement de la population qui est de 2,1
enfants par femme. En outre, 6,7 Mi de personnes ont fui l’Ukraine et beaucoup
d’autres sont mortes (8).
Selon le Haut Commissariat aux Réfugiées (HCR) de l’ONU, à
fin juillet 2024 : - 6,3 Mi d’habitants ont émigré vers les pays
voisins, en Allemagne et en Pologne, principalement. 18ème pays de
destination, la France en aurait accueilli 66 560.
Des infos très
incertaines sur les effectifs de victimes du conflit
En ce qui concerne les militaires, c’est la guerre de
l’information, ou de la désinformation… et les chiffres annoncés sont
invérifiables. Le 10 décembre 2024, sur armees.com, on a pu lire :
« Guerre en Ukraine : Zelensky dévoile les pertes dans chaque
camp » : - du côté ukrainien, 43 000 soldats seraient morts, et
370 000 auraient été blessés (en comptant les blessures minimes et les
soldats blessés plusieurs fois) ; - du côté russe, il y aurait
198 000 morts et 550 000 blessés.
« Depuis février 2022, le conflit a tué plus de
12 300 civils, dont plus de 650 enfants » et a blessé
« plus de 27 800 » civils, a écrit l’ONU le 8 janvier 2025,
citant le 41ème rapport du HCDH (Droits de l’Homme). « Plus de
700 établissements médicaux et 1500 écoles et collèges ont également été
endommagés ou détruits » (9).
Très sale guerre
Le Bureau des droits de l’homme de l’ONU s’est dit
« profondément préoccupé » par l’impact sur les civils de
« l’utilisation accrue des drones russes à longues portées et de nouvelles
armes ».
L’ONU s’est aussi inquiétée de
« l’augmentation significative des allégations crédibles d’exécutions de
militaires ukrainiens capturés par les forces armées russes ». Elle a
vérifié l’exécution de 68 militaires ukrainiens capturés par les forces armées
russes. Le HCDH a aussi vérifié « l’exécution sommaire de 170 civils… y
compris dans des lieux de détention »
Enfin, le rapport dénonce des mauvais
traitements de prisonniers de guerre russes, qui ont déclaré avoir été soumis
« à des tortures, de sévères passages à tabac et à des attaques de
chiens… » (9).
En termes moins « administratifs »
que ceux des agents de l’ONU et avec moins de « retenue », des
articles sur nos médias ont relaté les viols, les meurtres et d’autres
atrocités dont des soldats des troupes russes ont été accusés par des
survivants ou des témoins involontaires des actes immondes incriminés.
Des impacts ignorés des médias
Voici quelques infos en grande partie
ignorées des médias qu’on peut trouver principalement dans le World Economic
Outlook d’octobre 2024 du FMI (10), source d’habitude
relativement fiable par rapport aux autres qui se penchent sur les mêmes
questions. On peut, cependant, se demander comment les services statistiques procèdent
pour établir de l’info de qualité dans un pays en guerre et en partie occupé
par l’ennemi.
Selon le FMI, le PIB a brutalement
chuté en 2022, puis il s’est ressaisi et a progressé les trois années
suivantes… malgré la guerre. Les prix ont flambé, augmentant de + 56% en 4 ans.
Une personne sur quatre était au
chômage en 2022. Depuis 2024, la situation s’est améliorée.
Le déficit public a atteint 15% du
PIB en 2022. Le FMI ne donne pas d’infos plus récentes.
La dette publique a bondi de presque
+ 60% en 2022. Elle a continué de croître et, en 2025, elle est supérieure au montant
du PIB du pays. En effet, les aides qui sont apportées au Gouvernement, le sont
en partie sous forme de prêts.
Inévitablement, le solde commercial
s’est dégradé d’année en année. Selon le FMI, en 2025, il devrait dépasser 14%
du PIB
Les impacts économiques de la guerre sont donc considérables.

A ces infos, il faut ajouter les
sommes qui seront nécessaires pour le redressement et la reconstruction du
pays. Le 15 février 2024, francetvinfo.fr avait indiqué que la Banque Mondiale
les avait estimées à 486 Mds $, soit à
451,5 Mds €. L’ONU les avait évaluées à 411 Mds $, soit à 382 Mds € en mars
2023. Je n’ai pas trouvé d’estimations plus récentes.
On peut donc comprendre que les Ukrainiens ne désirent
absolument pas voir la guerre et l’occupation d’une partie de leur sol se
prolonger indéfiniment. La guerre coûte cher à la Russie également. D’autant
plus qu’elle fait l’objet de sanctions de la part de ses adversaires. Ce n’est
visiblement pas suffisant pour « assagir » Vladimir Vladimirovitch
Poutine.
*Paul KLOBOUKOFF Académie du Gaullisme le 26 janvier 2025
Sources et
références
(1) EN DIRECT - Ukraine : Kiev
annonce avoir frappé un dépôt de ca… tf1info.fr/international/en-direct-guerre-ukraine-russie… le 21/01/2025
(2) Donald Trump donne 100 jours à
son émissaire pour mettre fin à la guerre en Ukraine lefigaro.fr/international/donald-trump-donne-100-jours… le 22/01/2025
(3) Orechnik (missile) fr.wikipedia.org/wiki/Orechnik_(missile) le 21/01/2025
(4) L’ukraine et le Royaume-Uni
concluent un partenariat sécuritaire « historique » sur 100 ans leefigaro.fr/international/l-ukraine-et-le-royaume-uni… le 17/01/2025
(5) La Corée du Nord lance un missile
balistique dont la durée de vol est la plus longue enregistrée lemonde.fr/international/article/2024/10/31/la-coree-du-nord-lance…
(6) 300 soldats nord-coréens auraient
été tués, selon Séoul leprogres.fr/defense-guerre-conflit/2025/01/13/300-soldats-nord…
(7) Population totale de l’Ukraine de 1992 à
2028 statista.com/statistiques/688554/population-totale…
(8)Ukraine :Déjà
vieillissante, la population a diminué de 10 millions d’habitants depuis
l’invasion russe en février 2022 mosaiquefm.net/fr/actualites-internationales/1331167/…
(9) Guerre en Ukraine :12300 civils tués, dont plus de 650 enfants depuis le début du conflit,
selon un bilan établi par l’ONU francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine…
(10) FMI / World Economic
Outlook Octobre 2024
© 01.02.2025